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mardi, 17 octobre 2023

Spring Can Really Hang You Up The Most (7’55’’)

    Ça a rafraîchi, subitement, et donc sans réelle saison intermédiaire nous voici passé·es de l’été indien à des fins de nuit presque hivernales. Oscillation entre le modèle lointain – le décompte des signes équivalent aux secondes – et une forme plus libre. Depuis le temps que, d’attentat en attentat, de fascisation en fascisation, il me semble de plus en plus attirant d’aller lorgner du côté de Dover Beach, réécrivant le Suave mari magno. (T’en voulais, de l’obscur et de l’intello… ben, t’en as… en veux-tu en v’là.) Rien n’empêche pourtant que la douceur posée de la contrebasse, le toucher mélancolique du piano, le tournoiement feutré des balais sur les cymbales, tout cela n’est pas consolant (consolateur ?). Et donc qu’une aubaine s’offre, tu la saisis. Dans le modèle lointain, le point médian n’existait pas (je me comprends). Ce qui remonterait le moral, c’est la bouffée douloureuse de la passion, de la passion acharnée, folle, désespérée, mais sans laquelle on ne se sent qu’à demi-vivant. Dans ce passé lointain, je n’oublie pas que les garçons étaient très jeunes – beaucoup de textes même se sont écrits quand Oméga n’était pas encore né – et donc ma jeunesse même, entre les murs blancs et les lattes du plancher vitrifié, donnait du relief même à ma tristesse. On n’a pas aisément de point d’harmonie, ni de point d’orgue. (Quintane exhibe toujours le point de capiton.) On n’est pas trop avancés, dans le fracas modéré de la chaudière qui redémarre.

 

08:00 Publié dans J'Aurai Zig-Zagué | Lien permanent | Commentaires (0)

dimanche, 13 août 2023

Quinconce flifaxtaille 1 (13.08.2023)

La table de métal 
est-ce elle qui a
laissé ces traces d'ocre ?

 

qui était effondrée au sol
je l'ai remise sur pieds.
 
 
a dessiné sur le béton
de la terrasse d'ocres
arabesques de rouille
 
 
La table de métal
affiche l'ombre
des feuilles de merisier
 
 
La table de métal,
ce coin mangé par la rouille 
est un artiste
inattendu. 
 

16:27 Publié dans Quinconces flifaxtailles | Lien permanent | Commentaires (0)

mercredi, 22 février 2023

Baal design, 0.11.

 

    « En baguenaudant » viens-je d’écrire.

C’est terrible. Ce texte que je suis en train d’écrire – Baal design – me ramène encore au livre primordial de Ross Chambers, Loiterature.

D’une autre manière, bien sûr.

Baguenauder, vagabonder, errer, c’est toujours d’une autre manière.

 

18:44 Publié dans Baal design | Lien permanent | Commentaires (0)

mardi, 21 février 2023

Baal design, 7.2.

Wentworth observing she was leaving would not enter, but walked on a few paces in expectation of her overtaking him. (p. 48)

 

    Cette phrase ferait un bel exercice de syntaxe, notamment en raison de l’absence des virgules (facultatives) avant observing et après leaving. La prolifération des participes présents, employés de trois façons différentes (gérondif, formation de la forme en be+-ing, V-ing nominalisé), pose aussi de sérieux problèmes de traduction, en tout cas si on souhaite respecter l’alternance de figement et de mobilité qu’elle met en relief.

Une des solutions les plus courantes consisterait à antéposer la gérondivale afin de replacer le sujet (W.) avant le verbe de la première indépendante (would not enter) : En s’apercevant qu’elle s’en allait, W. évita d’entrer…

(Remarque : le will au passé a un sens purement temporel. Il ne faut jamais le traduire par un conditionnel, erreur fréquente de toutes les personnes qui ont pris l’habitude, fâcheuse car très restrictive et fausse, d’associer would à l’idée d’hypothèse. Souvent, on traduit <will not> par refuser de, mais ici ce serait également une erreur : W. ne refuse pas d’entrer, mais sa présence en ces lieux devient inutile si Agnes les quitte.)

Le verbe conjugué de la seconde indépendante, walked on, implique de recourir au chassé-croisé (poursuivre son chemin), mais là encore, le plus délicat n’est pas cela, mais plutôt le long SP <in expectation of…> qui risque d’alourdir considérablement la fin de la phrase. Là encore, je songe à une antéposition : mais, comme il s’attendait à ce qu’elle le dépasse, il poursuivit un peu son chemin. – Après avoir hésité, je ne conserverais pas la concordance des temps, avec le subjonctif imparfait (qu’elle le dépassât), même si ce serait tout à fait possible, étant donnée l’époque à laquelle a été écrit le roman, certes, mais surtout le registre. Ce qui ne me plaît pas, c’est cette traduction du nom expectation au moyen d’un verbe avec causation : pour lui permettre de le dépasser ?

Ah, l’infinitif associé à la valeur de but règlerait la question de la concordance des temps, et rend moins nécessaire l’antéposition : En s’apercevant qu’elle s’en allait, W. évita d’entrer, mais il poursuivit quelque peu son chemin afin de lui permettre de le dépasser.

 

[Rappel : je ne traduis pas Agnes Tremorne. Je lis le roman, en m’interrompant sans cesse pour écrire dans ces carnets, en tirant sur des fils, en faisant n’importe quoi, en baguenaudant – c’est sûr.]

 

18:41 Publié dans Baal design | Lien permanent | Commentaires (0)

lundi, 20 février 2023

Baal design, 1.14.

[Hypothèses de travail.]

orientalisme.JPG

 

    À la page suivante, p. 48, exemple frappant encore de la manière dont la voix narrative construit un regard presque colonial. On le comprend, le regard (de Wentworth, et par extension du narrateur présupposé ?) est celui d’une Angleterre qui se conçoit comme le centre : regard « nordiste », protestant, sur une italianité fantasmée, « animale » ici, méridionale, catholique et, disons-le, orientalisée. Ces deux § soulignent deux traits qui sont propres aux « Orientaux » dans la vision schématique et discriminatoire fréquemment formulée dans l’imaginaire politique aussi bien que populaire jusqu’au 20e siècle : l’animalité et la fourberie (ici, plutôt l’absence de parole ou de fiabilité).

Evidemment, en raison des origines supposées (et même avérées) de Blagden, on est tenté de tout voir par ce prisme. Mais, que le regard colonial/orientalisant provienne ou non da la volonté de Blagden de se désorientaliser, de se situer explicitement du côté d’un ethnocentrisme colonial anglais, le texte est là pour ce qu’il est : un roman romain qui orientalise une Italie primitive, incivile – et en cela, caractéristique de l’époque victorienne dans son milieu.

 

16:32 Publié dans Baal design | Lien permanent | Commentaires (0)

dimanche, 19 février 2023

Baal design, 1.13.

tableau.JPG

    W. se rend chez Giacinto. En arrivant dans cette très modeste demeure (une seule pièce), il trouve Agnes au chevet du jeune garçon ; toute la scène est écrite de façon picturale (selon ce que Liliane Louvel a nommé « l’effet tableau »). Outre la grande douceur et la prévenance de « la signora Agnese » pour le garçon blessé, le regard masculin – et/ou bourgeois – se donne libre cours dans la formule générale expliquant la beauté défraîchie de la mère de Giacinto : No women lose their beauty so soon as the Romans: the relentless climate parches as rapidly as it matures (p. 47). Je suis prêt à parier qu’on trouve ce genre de justification climatique dans d’autres textes du 19e siècle au sujet des paysannes ou des ouvrières… Ce qui est sans pitié, ce n’est pas le climat : c’est le capitalisme.

De même, le § se poursuit avec ce qui semble être une justification de la violence des hommes contre les femmes, même si l’exclamation de la mère de Giacinto (elle n’a pas de nom…) laisse planer une – très éventuelle, très discutable – ambivalence.

 

16:05 Publié dans Baal design | Lien permanent | Commentaires (0)

samedi, 18 février 2023

Baal design, 0.10.

 

    Et en même temps… en même temps – cette expression qu’on ne peut plus employer, ou pas sans signaler (comme je le fais ici) sa collusion possible, sa possible confusion avec la devise macroniste qui dit la « vérité alternative » (et donc le mensonge), l’ambivalence idéologique (et donc la manipulation politique), le gloubi-boulga dans lequel le discours ultra-libéral noie le poisson, tous les poissons – ce n’est pas un problème de mettre des années à lire, de cette façon (le détour par le blog), un roman que j’aurais lu, sans cela, en deux soirées.

 

15:40 Publié dans Baal design | Lien permanent | Commentaires (0)

vendredi, 17 février 2023

Baal design, 8.11.

« On sait toutes écrire. »
(Stéphanie Garzanti interviewée par A. Fayolle, circa 26’)

 

    Le chapitre 3 commence par une anacoluthe (topographique ?).

Impossible de vérifier avec les outils modernes : aucune des deux rues (ou venelles (vicolo ?)) ne figure à ce jour sur la carte de Rome. Pour mieux dire, il n’y a plus de rue de ce nom à Rome.

Je n’ai pas du tout avancé, je n’avance pas du tout dans Agnes Tremorne, et hors de question que je perde des heures à fouiner dans des cartes anciennes de la ville de Rome, que je connais si mal, où je ne suis allé qu’une fois, il y a onze ans. [J’écris ceci en écoutant les entretiens entre Azélie Fayolle et la plasticienne/écrivaine Stéphanie Garzanti, ce qui est une preuve que je triche dans la datation des publications, car cette vidéo a été publiée aujourd’hui, le 24 février 2023.]

 

15:22 Publié dans Baal design, MAS | Lien permanent | Commentaires (0)

jeudi, 16 février 2023

Baal design, 8.10.

 

    Le chapitre 3 commence par une anacoluthe.

Et si l’anacoluthe était là pour signaler une autre distorsion, topographique ?

Figurez-vous que j’ai mis 10 § à me poser la question de la topographie. En une phrase : est-ce que la distorsion qui déplace le sujet grammatical de la phrase (it) sur Wentworth correspond à un déplacement particulier de W. dans l’espace romain (turned the corner) ?

 

07:54 Publié dans Baal design | Lien permanent | Commentaires (0)

mercredi, 15 février 2023

Baal design, 8.9.

 

    It was striking the Ave Maria as Wentworth, true to his word, turned the corner of Via Felice into Vicolo Zucchelli.

 

Toutefois, l’antéposition marquait le lien avec le chapitre 2, avec la promesse faite à Agnes. Déplacer le syntagme adjectival consiste en un déplacement général du point de vue. Ce qui compte, dans la phrase de Blagden, c’est Wentworth. On doit peut-être se résoudre à l’anacoluthe, dont la distorsion/dissonance insiste sur (ce) qui compte.

 

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mardi, 14 février 2023

Baal design, 8.8. & 1.12.

 

    W. est fidèle à sa parole (true to his word), ce qui fait le lien avec la fin du chapitre 2. L’anacoluthe crée une dissonance. L’Ave Maria sonne / retentit / résonne ; la syntaxe dissone (débloque ?). Le/la lecteurice doit raisonner (restituer le sens à partir de l’anacoluthe).

 

07:51 Publié dans Baal design | Lien permanent | Commentaires (0)

lundi, 13 février 2023

Baal design, 8.7.

 

    Comme c’est souvent le cas, il suffit, pour corriger l’erreur, de déplacer l’élément antéposé (un syntagme adjectival) en apposition après le nom qu’il décrit :

 

True to his word, it was striking the Ave Maria as Wentworth turned the corner of Via Felice into Vicolo Zucchelli.

 

It was striking the Ave Maria as Wentworth, true to his word, turned the corner of Via Felice into Vicolo Zucchelli.

 

07:49 Publié dans Baal design, MOTS | Lien permanent | Commentaires (0)

dimanche, 12 février 2023

Baal design, 8.6.

 

    Le chapitre 3 commence par une anacoluthe.

Coup classique. Non, cela signifierait que, dans les romans (du 19e siècle ?), l’anacoluthe se trouve de préférence dans la première phrase du chapitre 3.

Anacoluthe classique. Non, il faudrait lire tout une tapée d’articles sur l’anacoluthe, ou créer moi-même un corpus.

C’est un coup à n’en pas finir.

 

07:47 Publié dans Baal design | Lien permanent | Commentaires (0)

samedi, 11 février 2023

Baal design, 8.5.

 

    Classique, le chapitre 3 commence par une anacoluthe.

Le chapitre 3 débute (?) par une anacoluthe.

 

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vendredi, 10 février 2023

Baal design, 8.4.

 

    Le chapitre 3 commence par une anacoluthe classique. Le chapitre 3 commence par une anacoluthe. Cette manie des adjectifs ! Cette manie des épithètes.

Une anacoluthe classique, ça ne veut rien dire : y a-t-il une façon usuelle de rompre la syntaxe en se trompant dans l’antéposition ?

Peut-être, après tout.

Quoique.

 

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jeudi, 09 février 2023

Baal design, 8.3.

 

     Le chapitre 3 commence par une sacrée anacoluthe.

Donc le chapitre 3 commence par une anacoluthe, anacoluthe tout à fait classique au demeurant.

Le chapitre 3 commence par une anacoluthe classique.

 

07:44 Publié dans Baal design | Lien permanent | Commentaires (0)

mercredi, 08 février 2023

Baal design, 8.2.

 

    Le chapitre 3 commence par une sacrée anacoluthe.  Le chapitre 3 commence par une anacoluthe sacrée, vu qu’il s’agit de la minute précise où sonne l’Ave Maria.

 

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mardi, 07 février 2023

Baal design, 1.11. & 8.1.

 

    Le chapitre 3 commence par une sacrée anacoluthe.

 

07:42 Publié dans Baal design | Lien permanent | Commentaires (0)

lundi, 06 février 2023

Baal design, 1.10.

feminine art.JPG

 

   Dans la scène des pp. 33 à 41, W., invité dans le salon des Carmichael, échange avec les demoiselles et leur tante paternelle. W. marque son net désaccord avec Laura, la cadette, sur le sujet des femmes peintres : la conversation roulant sur la fameuse « Signora Agnese », auprès de laquelle Laura pense prendre des leçons mais dont elle désapprouve la réputation d’indépendance, W. défend cette dernière ardemment, au point de donner à penser qu’il en est amoureux. Le désaccord porte sur ce qui est permis ou non aux femmes : W. semble défendre la Signora Agnese car il désapprouve le sexisme et le conservatisme de Laura.

Toute cette scène, assez amusante, est cousue de fil blanc : oui, W. est déjà amoureux d’Agnes, et l’antithèse entre deux visions de l’art n’est pas subtile. Ce qui m’intrigue davantage, c’est l’estime mêlée d’affection entre W. et la tante paternelle.

 

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dimanche, 05 février 2023

Baal design, 0.9.

 

C’est amusant : si je lisais Agnes Tremorne normalement, comme un roman « normal », j’en aurais déjà achevé la lecture. Or, là, le prenant page à page, ou presque, à quelques moments perdus au milieu du travail sur laptop, je n’en ai lu que 30 pages en deux semaines. Rien lu depuis une semaine. Ce dimanche, et demain, j’ai du taf par-dessus la tronche. Si je veux nourrir ces carnets, je pourrais décortiquer telle ou telle phrase.

 

(Il y a cinq jours j’ai commencé la lecture de Phone de Will Self, et même là je manque de temps. L’écriture de Will Self demande une certaine énergie, également.)

 

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samedi, 04 février 2023

Baal design, 1.9 & 7.1.

 

The elder Miss Carmichael was a fac-simile of hundreds of her sex and condition. (p. 31)

    Dans cette phrase extraite du portrait des deux demoiselles Carmichael évoqué en 1.8., on note une des nombreuses métaphores picturales/littéraires du début (et sans doute de la suite) du roman. La jeune femme n’a pas d’intérêt aux yeux de W. (ou de la narratrice ?) car elle est une parmi tant d’autres, un fac-similé, autant dire la pâle copie d’un original éventuel. Une héroïne, à l’ère romantique et post-romantique (comment définir cette période du mid-Victorian ?), doit être sans pareille.

Cette phrase pose plusieurs difficultés de traduction assez classiques : comment ne pas étoffer le groupe nominal sujet (l’aînée des demoiselles Carmichael ? le contexte suffit à faire comprendre qu’il n’y a que deux sœurs, ce que la tournure comparative exprime explicitement en anglais) ? comment se tirer d’embarras avec l’article a associé à la préposition of (elle n’était qu’un fac-similé parmi des centaines de jeunes femmes de son sexe et de sa classe ?) ? faut-il calquer « condition » ou le traduire par classe ou rang ?

 

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vendredi, 03 février 2023

Baal design, 1.8.

    Dans la suite du second chapitre, deux références explicites m’ont poussé à faire des recherches.

una schiava.JPG

 

Tout d’abord, l’analogie qu’établit W. entre sa première impression d’Agnes et un tableau du Titien qui se trouve au palais Barberini : « There was something in that picture of Titian’s which is called La Schiava, that was recalled to him by the paler, thinner features of the Signora Agnese. » (p. 28) Or, aucun tableau du Titien ne porte ce titre. Après avoir buté sur une Schiavona, œuvre de jeunesse, et sur la Schiava turca du Parmesan, j’ai tout de même fini par découvrir qu’un tableau attribué au Titien se trouve bien au Palais Barberini sous le titre Une schiava o favorita veneziana. Malheureusement, pas moyen d’en dénicher une reproduction. Voici donc une esclave /non-esclave bien fuyante ; on doit se contenter de l’effet-peinture de la phrase, de ce qu’elle connote du personnage de W. (peintre lui-même, qui voit tout à travers la peinture italienne (de la Renaissance))

peine forte et dure.JPG

 

L’autre point est une expression donnée en français en italiques, après la rencontre entre W. et une calèche transportant les Carmichael, qui sont ses voisins en Angleterre. La situation (tandis que, de toute évidence, W. les évite, les C. cherchent à le coincer) est expliquée par la narratrice : en résumé, W. est à la tête d’un patrimoine assez coquet, et Mme C. a deux filles à marier. On le voit dans le passage ci-contre, toute la situation est exprimée en termes économiques : outre la métaphore de l’offre et de la demande – filée : les jeunes filles en âge de se marier sont un stock qui s’entasse dans l’entrepôt des salons (overstocked) –, on remarque que la mère est censée pourvoir, c’est-à-dire fournir un époux à ses filles. D’ailleurs, l’épithète antéposée poor lady, il est difficile de ne pas entendre le double sens de poor.

Cela est assez courant, mais ce qui l’est moins, c’est la description des hommes à marier qui fuient à l’autre bout de la terre en quête d’épouses hors marché (on ne sait même pas s’il s’agit d’étrangères ou d’Anglaises expatriées). Ce qu’ils fuient n’est donc pas le mariage : ce qui les révulse, apparemment, c’est la « saison » (season), autrement dit la saison des bals et des dîners arrangés, quand ils se retrouvent sur le marché. Cette saison est qualifiée en français italicisé de peine forte et dure. J’aurai appris, à cette occasion, ce châtiment particulièrement atroce, moyen de torture par asphyxie utilisé pour soutirer des aveux. Dans l’un des cas cités par la WP, une Anglaise accusée de collusion avec des prêtres catholiques serait morte – et son fœtus en elle – écrasée sous les poids accumulés. (Elle a été canonisée par le pape Paul VI en 1970 mais enfin, la belle affaire.)

C’est dans ce contexte passablement hyperbolique que s’inscrit la description des deux sœurs, portrait qui insiste sur leur manque d’attrait. Le point de vue sexiste et sans empathie (p. 32) est-il celui de W. ou de la narratrice ? La sœur cadette a toutefois le double avantage d’être plus jolie, et tâter du pinceau comme de la plume, même si – en contradiction avec la fixation de W. sur les femmes artistes et indépendantes (p. 28) – la narratrice semble trouver cela assez peu recommandable. On a le cas caractéristique du roman du 19e siècle dans lequel un personnage, même pas nommé (pour le moment, veut-on croire), est dévalué pour la seule raison que la narration veut en faire le contrepoint négatif (ou ordinaire / fade) du héros ou de l’héroïne. Par esprit de contradiction (ou de déliaison au sens où l’entendait André Green), je vais évidemment essayer de lire le texte du roman contre la narratrice et de comprendre ce qu'on veut nous dissimuler de ces sœurs Carmichael.

 

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jeudi, 02 février 2023

Baal design, 1.7.

chevelure.JPG

 

 

Avec le second chapitre la narratrice omnisciente (j’ai expliqué il y a quelques jours pourquoi je féminise cette instance abstraite et théoriquement neutre) suit le retour d’Agnes chez elle, où elle est accueillie par une domestique et semble attendre le réveil d’une énigmatique dame. En attendant, elle se met à l’ouvrage, et, à son chevalet, nous est donnée la première véritable description détaillée et classique du personnage (éponyme, sans doute). Chose intéressante, près de la moitié de cette description est consacrée à la chevelure, et Blagden étend les principes physiognomoniques à cette partie du corps pour en conclure qu’il s’agit là d’un fort tempérament et d’une personnalité déterminée. La description se déroule en circonlocutions aussi ondoyantes que la chevelure d’Agnes afin d’insister sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une blondeur ordinaire. Le texte recourt par deux fois à la double négation, adverbiale d’abord (not insipidly so), puis adjectivale (not unbecoming : qui ne messied point, qui n’est pas malséant, qui est loin d’être inharmonieux). Agnes n’est pas belle, ni jolie, ni jeune, mais elle est mieux que tout cela : elle n’est pas insipide, ni discordante.

Un inconnu vient ensuite prévenir Agnes que son petit modèle, le garçon du chapitre 1, s’est fait mal à la jambe et qu’il est inutile de l’attendre. Cet inconnu, c’est Wentworth, du point de vue d’Agnes qui ne le reconnaît pas et ne l’a, en quelque sorte, toujours pas calculé. – Encore une double détente : alors qu’Agnes doit se rendre à la sollicitation d’une cloche qui l’appelle (la fameuse dame inconnue (mère ? grabataire ?)), W. réapparaît pour proposer d’envoyer les esquisses qu’il a faites du garçon (Giacinto) à la Signora. Comme Agnes s’est rendue à l’étage, la domestique se débrouille pour engager la conversation en aparté avec W. : heureuse de pouvoir converser en anglais, inquiète de savoir que sa maîtresse pourrait courir des risques en se rendant dans les quartiers mal famés où réside Giacinto, elle craint aussi de donner l’image d’une commère (p. 27). W. promet qu’il enverra ses dessins et s’assurera qu’Agnes ne se rend pas seule dans le quartier même.

*     *

*

Un portrait a donc été brossé, en deux temps ici (après l’esquisse à la volée, au chapitre 1) : par une description classique, puis par le dialogue et les informations données par la domestique quant à l’innocence d’Agnes. Brosser un portrait, image picturale ; mais dans ce roman, on le pressent, les éléments méta- (intersémiotiques) ne vont pas manquer. Si le mot brush, en anglais comme en français (brosse), désigne un outil qui sert à coiffer autant qu’un ustensile de peinture, le verbe brush ne fonctionne pas avec de telles collocations métaphoriques : « brosser le portrait » se dit paint a portrait/picture.

 

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mercredi, 01 février 2023

Baal design, 1.6.

    Le garçon et la dame – moins jeune que de prime abord (not pretty, and not very young, p. 15) – échangent le rameau et un bouquet de fleurs, à l’exception d’un lys qu’Agnes garde par devers elle avant de s’éloigner. Rentré chez lui, W. interprète ainsi l’effet produit par cette apparition : « Purity and fortitude ! »

Fortitude, qu’on peut traduire par grandeur d’âme ou force morale.

C’est le dernier §, bref, de ce premier chapitre. Au cas où son/sa lecteurice serait un peu bête, Blagden insiste sur le fait que tout ceci se déroule aux pieds de l’église consacrée à sainte Agnès, vierge et martyre.

 

Montaigne II 11.JPGRetour à « fortitude ». ––– Dans le dogme catholique il s’agit de la troisième vertu cardinale, aussi glosée comme « détermination à être heureuxse ». Et dans ce sens, on le trouve tel quel, calqué du latin, dans plusieurs textes de langue française (ainsi dans les Essais de Montaigne, édition de Bordeaux – p. ex. tome II, page 209, et encore est-ce en marge dans un long ajout manuscrit).

La seule occurrence sur le site Poetry Foundation est, semble-t-il, le poème de Kipling, ‘If’. Sur Wikisource, les références abondent mais j’ai pu dénicher rapidement un roman publié sous ce titre par Hugh Walpole (jamais rien de lui, mais plus personne ne lit Hugh Walpole je pense). La notion se trouve à la rime du dernier poème écrit par Anne Brontë (puisque je l’ai déjà mise sur mon chemin ici, autant y aller franco). Plus significatif peut-être, le nom se trouve à deux reprises dans un poème de jeunesse de Robert Browning, Prometheus Bound (1833), notamment avec ce distique :

And Græcia shall receive them, vanquishëd

By woman war, night-guarded fortitude

 

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mardi, 31 janvier 2023

Baal design, 6.2.

    Tout en écoutant un album de reprises/décalques/bidouillages des Residents, Dot.Com, j’ai appris la mort – et l’existence – de Tom Verlaine. Il n’est jamais trop tard pour s’instruire, et j’enchaînerai donc en écoutant des albums du susnommé. Toutefois, la chanson que j’écoute, Wanda, me fait dériver plus loin encore des rivages de ce projet, et pas tout à fait si loin non plus : Wanda est le titre d’un des innombrables romans de Maria Louise Ramé, qui publiait sous le pseudonyme de Ouida, et qui est un peu synonyme des romans populaires de l’ère victorienne. Il y a très longtemps j’avais essayé de lire Folle-Farine, et j’avais abandonné. Toutefois, Ouida n’est pas du tout oubliée ni invisibilisée au même titre qu’Isa Blagden.

 

En parcourant rapidement l’article que lui consacre l’Encyclopaedia Britannica, je vois qu’elle s’est installée définitivement en Italie (à Florence !), en 1874, un an après la mort d’Isabella Blagden donc, et au même âge (35 ans) auquel cette dernière y apparaît aussi. Le même article explique le succès des premiers romans de Ouida, dans les années 1860, par « l’absence rafraîchissante de tout prêchi-prêcha » [the refreshing lack of sermonizing]. À noter pour ma lecture en cours d’Agnes Tremorne. Par contre pas un mot sur le sens du pseudonyme, et pas plus sur la Wikipédia. D’autres sources prétendent que Ouida signifie « famous warrior » en français (!!) ou dans une langue proto-germanique (…) ; outre que c’est bien farineux, je trouve plus intéressante l’explication, plusieurs fois reprise aussi, selon laquelle il s’agit du second prénom de l’autrice, Louise, tel qu’elle le déformait quand elle était très jeune.

St Agnes Wauchier de Denain.JPG

 

 

Vous pensez que je vais parler du nom d’autrice avec diminutif, « Isa Blagden » – plutôt qu’Isabella (et pourquoi ce diminutif ?) ? Eh non. Je voulais en profiter pour parler, avant même d’avoir vraiment découvert le personnage d’Agnes Tremorne, de ce que suggère son nom. Agnes, j’en ai déjà dit deux mots, outre que W. la voit pour la première fois sur l’escalier de l’église Sant’Agnese in Agone. La légende romaine / catholique veut que, suppliciée sur le lieu où l’on érigea plus tard l’église en son honneur, la sainte, exposée nue, fut miraculeusement recouverte de ses propres cheveux. Dans les hagiographies du Moyen-Âge, c’est souvent – par souci de vraisemblance ? – un ange qui apporte une robe ou une tunique afin que la sainte en soit également recouverte. Blagden connaissait bien la légende, vu qu’au premier abord W. voit Agnes dissimulée par ses cheveux et sa cape.

 

Tremorne. En français, les connotations sont explicites et audibles : très morne. Mais dans quel sens ? Dissimulation ou invisibilité, là encore ? Quelqu’un de morne n’est toutefois pas quelqu’un de fade, mais peut-être qu’on ne distingue pas quelqu’un de très morne. À creuser.

 

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lundi, 30 janvier 2023

Baal design, 0.8.

    Toujours la fabrique : le billet 1.4. & 6.1. instaure un système de double numérotation : les billets commençant par le chiffre 1 se concentrent sur Agnes Tremorne, et ceux qui commencent par 6. s’intéressent aux questions d’onomastique.

 

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dimanche, 29 janvier 2023

Baal design, 0.7.

    Un élément qui me frappe, et qui ne s’est pas calmé avec les années, est qu’en me lançant dans un projet je ravive la flamme pour dix autres idées possibles, comme dans les années les plus créatives de ce blog, quand 59 avait appelé 1295, puis 410/500, et puis et puis… comme on écrivait dans nos rédacs de CM2.

Un autre élément, c’est qu’en 0.6. comme ici je ne parle que du projet, et pas d’Isa Blagden même ou de ses écrits.

On ne voit plus que la fabrique.

 

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De la garde à vue au corps de garde

Untung-untung

 

    29 janvier 2020

Philippe Vendrix 29 janvier 2020.jpg

 

29 janvier 2018

Romain Rolland, citant favorablement Maurras (je fais de la provoc', mais le texte est très beau, par ailleurs).

« Voici le fait qui domine : l’Europe n’est pas libre. La voix des peuples est étouffée. Dans l’histoire du monde, ces années resteront celles de la grande Servitude. Une moitié de l’Europe combat l’autre, au nom de la liberté. Et pour ce combat, les deux moitiés de l’Europe ont renoncé à la liberté. C’est en vain qu’on invoque la volonté des nations. Les nations n’existent plus, comme personnalités. Un quarteron de politiciens, quelques boisseaux de journalistes parlent insolemment, au nom de l’une ou de l’autre. Ils n’en ont aucun droit. Ils ne représentent rien qu’eux-mêmes. Ils ne représentent même pas eux-mêmes. « Ancilla ploutocratiæ… » disait dès 1905 Maurras, dénonçant l’Intelligence domestiquée et qui prétend à son tour diriger l’opinion, représenter la nation… La nation ! Mais qui donc peut se dire le représentant d’une nation ? Qui connait, qui a seulement osé jamais regarder en face l’âme d’une nation en guerre ? Ce monstre fait de myriades de vies amalgamées, diverses, contradictoires, grouillant dans tous les sens, et pourtant soudées ensemble, comme une pieuvre… Mélange de tous les instincts, et de toutes les raisons, et de toutes les déraisons… Coups de vent venus de l’abîme ; forces aveugles et furieuses sorties du fond fumant de l’animalité ; vertige de détruire et de se détruire soi-même ; voracité de l’espèce ; religion déformée ; érections mystiques de l’âme ivre de l’infini et cherchant l’assouvissement maladif de la joie par la souffrance, par la souffrance de soi, par la souffrance des autres ; despotisme vaniteux de la raison, qui prétend imposer aux autres l’unité qu’elle n’a pas, mais qu’elle voudrait avoir ; romantiques flambées de l’imagination qu’allume le souvenir des siècles ; savantes fantasmagories de l’histoire brevetée, de l’histoire patriotique, toujours prête à brandir, selon les besoins de la cause, le Væ victis du brenn, ou le Gloria victis… Et pêle-mêle, avec la marée des passions, tous les démons secrets que la société refoule, dans l’ordre et dans la paix… Chacun se trouve enlacé dans les bras de la pieuvre. Et chacun trouve en soi la même confusion de forces bonnes et mauvaises, liées, embrouillées ensemble. Inextricable écheveau. Qui le dévidera ?… D’où vient le sentiment de la fatalité qui accable les hommes, en présence de telles crises. Et cependant elle n’est que leur découragement devant l’effort multiple, prolongé, non impossible, qu’il faut pour se délivrer. Si chacun faisait ce qu’il peut (rien de plus !) la fatalité ne serait point. Elle est faite de l’abdication de chacun. En s’y abandonnant, chacun accepte donc son lot de responsabilité. »

Les Précurseurs, 1920, ch. III

 

29 janvier 2023

Je voulais rédiger un petit billet transannuel simple (comme il y a six ans ?) et voici ce qui m'arrive.

Puis-je me contenter d'ajouter une note d'élucidation lexicale : le brenn, c'est sans doute le nom donné au chef de guerre gaulois.

(J'ai dû chercher.)

 

08:53 Publié dans Droit de cité, Ma langue au chat, Untung-untung | Lien permanent | Commentaires (0)

samedi, 28 janvier 2023

Baal design, 0.6.

    Quatre jours sans écrire dans le projet Baal design [working title], c’était à parier. Et si je m’organisais en partant du principe que je ne pourrai y consacrer que le week-end, et en m’organisant pour écrire 7 billets en 2 jours ?

Il faut donc imaginer que les billets publiés les 25, 26 et 27 janvier vont être écrits à la suite de celui-ci, par un effet de rattrapage. Il faudrait alors, ce week-end, que je ponde 12 billets. Ça va être fissa et bâclé, c’est moi qui vous le dis.

 

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