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dimanche, 13 mai 2007

Texte objet

    Déjà l'an dernier il avait cru bon de s'immiscer, de s'inviter, d'être lui aussi de la fête. Il y a quelques semaines, j'avais cherché quelques dizaines d'anagrammes pour son nom complet, mais sans y penser, sans imaginer qu'ils seraient d'une quelconque utilité.

Il sera dit que le 13 mai est la date de tous les trucages, des plus minutieuses foirades.

Sans savoir pourquoi je le feuilletais ni d'où tombait ce vieux numéro du Magazine littéraire, j'ai relu une chronique d'Enrique Vila-Matas. Il y cite Calvino citant Monterroso et son "conte très court [le] plus parfait". Vila-Matas, traduit par André Gabastou : "Il arrive que l'auteur de textes brefs désire plus que tout écrire interminablement de longs textes." J'enrage. Vila-Matas toujours : "Toutefois, Monterroso n'est peut-être pas exactement un auteur de textes brefs, mais plutôt un auteur de textes brefs infinis." La messe est dite.

Encore j'ai encore des jours et des jours pour écrire les textes brefs de Bel arciel. Pierre Le Muet fait creuser les fondations. La galerie Le Nez au vent est enfin ouverte. Un 13 mai comme un autre.

(Dimanche 13. 43 souvenirs.)

15:05 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Fiction, écriture

= La trappe =

    Comme il a pas moins de quarante-trois livres en attente sur sa table de chevet et aux autres points d'entassement, relire Beckett passe à la trappe.

14:24 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : Fiction

Objet irradié (L')

    Si ça se trouve, il n'y a aucune raison pour que la quatrième des Variations de la Sonate pour violon et piano KV 481 soit interprétée en soixante-et-onze secondes (1'11").

(En même temps, on le sait très bien, répétait à qui mieux mieux Romuald-Blaise.)

Samuel s'y entend, à nous engluer dans ses filets. (Mixed metaphors are my forte.)

Après plusieurs travaux ardus, il s'était dit qu'il allait poursuivre sur la lancée, ce qui ferait de sa matinée l'une des plus productives. Seulement, voilà, il s'était retrouvé à récurer une vieille friteuse. Pas de lancée qui tienne.

Pierre Le Muet en supervise la reconstruction, pour le compte de Claude Bouthillier, surintendant des finances de Louis XIII.

Pas de lancée qui tienne. Aucune liane que je n'ai tancée. (Vous n'avez rien vu.)

 

11:11 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Fiction, écriture

samedi, 12 mai 2007

Objet flou derrière

    Sur ce portrait photographique de 1959, Samuel B. a l'air espiègle, les lèvres pincées et son beau regard chavirant. Il semble pétri de cette terrible drôlerie de la vie que l'on sous-estimera toujours, le lisant. Les hautes instances de Trinity College (où il devient, presque cinquante ans plus tard, si difficile d'envoyer des lecteurs, même parmi les étudiants les moins doués) viennent de lui décerner un doctorat honoris causa, et le photographe du quotidien Irish Times le saisit là, posé, lunettes parfaitement rondes, la mèche volontaire mais sans défi. Cet homme est l'homme le plus amusant du monde, et pas l'épuisé de Deleuze, ou que sais-je encore.

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Quand il s'éveilla, il n'était pas question des pamplemousses corses, ni des oranges d'Islande, ni des goyaves de Jersey, ni des melons de l'île de Mull, ni des citrons de Sakhaline, ni des abricots de Madère, mais toujours et encore de la banane sarde (débat), de la banane sarde (débat), de la banane sarde (débat), de la banane sarde (débat), de la banane sarde (débat), de la banane sarde (débat).

C'est à devenir dingue. Quand reviendra-t-il nous hanter, le bas teckel muet ?

23:33 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Fiction, écriture

vendredi, 11 mai 2007

Objets pour le culte Slabbinck

    Le titre du texte : ... débat sur la banane sarde ...

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HEURTOIR DE FIN : le traducteur.

22:23 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : Fiction, écriture

Objets de Kuiper (Des)

    Après avoir passé deux journées entières à travailler dans la galerie de son vieil ami, il tombe comme une souche la nuit, et soudain ce matin-là il se réveille en sueur. Il n'a toujours pas rêvé du bas teckel muet ni de la visiteuse inconnue, mais des grappes de mots continuent de le poursuivre, dans ses songes comme à de brefs et furtifs instants de son existence éveillée.

Il s'est réveillé en sueur, et ce dont il avait rêvé, c'était d'une banane sarde. Mieux (ou pire), il regardait, sans pouvoir détacher les yeux de l'écran de télévision, un débat sur l'inflation galopante du prix de la banane sarde. Le mot débat ne cessait de revenir, et bien sûr cette stupide expression "banane sarde".

Le débat était stupide. Il y avait un archevêque vieux jeu, un patron de bowling et une ancienne strip-teaseuse. Quand l'homme se réveilla, il n'eut pas même besoin de se dire qu'il ne poussait certainement pas de bananes en Sardaigne. Il le savait, l'avait su tout le long du rêve interminable. Et d'ailleurs, la question n'était pas là : ni le vieux schnock en soutane, ni le maquereau ni la sous-actrice X de bas de gamme ne se souciaient de la Sardaigne. La banane sarde, dans le débat, n'avait à peu près aucun rapport avec la Sardaigne.

Le débat était stupide, mais, quand l'homme se réveilla, il sut tout de suite qu'il lui fallait rechercher, sur ses étagères encombrées de livres, son exemplaire du Jour du jugement de Salvatore Satta.

Pendant ce temps, le bas teckel muet faisait la sieste dans une balancelle de jardin à motifs floraux verts et orangés brûlés par le soleil. Pendant ce temps, Baclaque rentrait chez lui, essoufflé, balançait son vélo dans un recoin du garage, cherchait frénétiquement un clap de cinéma. Pendant ce temps (l'homme désormais buvait son café à petites gorgées), la viduité devenait un sujet de thèse de philosophie.

En mâchant un croissant, l'homme repensa au débat sur la banane sarde, puis eut une nouvelle illumination épuisante : HEURTOIR DE FIN. Le jour du jugement n'était pas pour aujourd'hui.

21:22 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Fiction, écriture

Objets de l'énigme

   Bel arciel : tout a toujours déjà été expliqué ici.

(Mais tout aussi bien.)

19:20 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Fiction, écriture

Objets du pédalier

    Baclaque pédale comme un dératé, à en perdre haleine. En passant le pont il a extirpé la capote usagée de la poche de son veston et l'a jetée dans l'eau furtivement. Il se répète sans cesse tu bois du kir tu fais du ski c'est un sketch de roman oui oui. Il a balancé la capote usagée par-dessus la balustrade, oui, oui. Baclaque adore le canard à l'orange. Baclaque adore les ferry-boat déglingués. Baclaque adore les bordels où il dépense tout son pognon quand il ne trouve pas des drôlesses à lutiner gratis. D'un geste preste et furtif, oui, oui, oui, il a balancé la capote usagée dans l'eau, tout en continuant de pédaler comme un dératé.

Baclaque adore les chapeaux, qu'il collectionne mais ne porte jamais quand il fait du vélo. Baclaque adore aller voir la mine dépitée des candidats malheureux, le soir des résultats de l'examen national. Baclaque adore se gominer les cheveux, surtout quand il s'apprête à pédaler comme un dératé, qu'il ait ou non un objet à extirper de la poche de son veston (ou de son manteau) et à balancer dans la flotte. Et surtout, Baclaque se contrefout des bas teckels muets. Il se répète sans cesse, maintenant qu'il s'est débarrassé de sa capote usagée, des phrases sans queue ni tête qu'il déverse sans le savoir dans la tête malade de notre héros : j'adore le kirsch persan et je m'appelle Motkick - j'adore jouer au poker dans mon tank, et passer tout mon smic à boire du kirsch.

Il pédale, se contrefout des bas teckels muets.

18:19 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Fiction

jeudi, 10 mai 2007

Objet sablonneux venteux

    Je ne suis pas d'avis d'en ajouter encore et encore à la viduité, plutôt d'évacuer le plein, et délier les langues pour qu'enfin elles se taisent, si vous voyez ce que je veux dire. Si vous voulez ce que je vois, alors je vois des nuages en palimpsestes, des essences rares qui fuient, j'entends le sifflement du cristal sous le ronronnement du lave-vaisselle, je hume le froid de mes avant-bras sous la caresse du bouquet fané, et je goûte mille morts à me pelotonner contre le paillasson. Rien de terrible, finalement, et pas même de quoi épater la galerie.

L'enfant fut conçu un 13 avril, près du fleuve. Sur une plage déserte et chaude. Moment terrible et décisif. Au même instant, Samuel et Jasper discutaient de foirades.

23:30 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Fiction, écriture

mercredi, 09 mai 2007

Objet de la trousse (L')

    Triste après-midi de chien, pensa-t-il. Triste folie de fendre l'air sans raison. Le froid comme le chaud sont à couper au couteau. Dans mon aquarelle je me marre.

15:15 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Fiction, écriture

mardi, 01 mai 2007

Objets au ras

    Quand il eut achevé son collage majeur, il dîna sur le pouce, puis se ravisa et alla voir, sur la table du salon, le collage encore frais, qui représentait bel et bien un bas teckel muet, c'est-à-dire qu'il avait réussi à représenter un chien court sur pattes, tout en longueur, avec une sale gueule, tortillant de la queue, mais il l'avait dépeint (ou plutôt : collé) dans un cadre de rues et de fenêtres qui en montrait la bassesse, à trottiner au ras du sol ; la prouesse la plus nette était d'avoir su en représenter la mutité, le mutisme forcé, l'impossibilité même du laconisme, ce par tout un jeu de phylactères, de bulles et de macaronis sans nul texte pourtant.

15:15 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : Fiction, écriture

lundi, 30 avril 2007

D'objets du tout *

    Le papier se brisait en flammèches ; le Llano n'y peut mais. (Mais toujours, mais toutefois il s'interrogeait sans cesse sur le sens réel de l'expression rien moins que.) Notre ami (cf plus haut**, SVP) n'avait pas fini son collage, mais il en avait commencé vingt-cinq autres. (Pas un de moins.)

 (Mais encore, mais aussi il voyait la nuit tomber, les becs-de-gaz luire.)

 

 

* J. d. T., p. 955

** C'est-à-dire plus bas, vu que les billets les plus récents viennent se placer au-dessus des plus anciens.

20:20 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : Fiction, écriture

dimanche, 29 avril 2007

Objets de censure imbécile

    C’était une autre paire de manches, pourtant. Il était assez difficile, déjà, de se contraindre à plier chaque jour un collage ; porter le rythme à deux par jour était de la folie, d’autant qu’on ne trouve jamais assez de magazines ni de prospectus, sans parler qu’il n’y a pas de lettres datées du 29 avril, ou que, dans aucune, il n’est question de Quad ni de Ghost Trio, ni de Twin Peaks ni de One for the Guv’nor. Qui, de surcroît, voudrait d’une telle exposition ?

(Cela lui revint, tout d’un coup : il avait écrit Sempiternel, quand je fus mort, à dix-sept ans, dans un état de grâce, et pourtant c’était un texte médiocre.)

La tête du teckel était une boîte de raviolis.

23:25 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Fiction, écriture

Objets de clémence suisse

    Naturellement, il lui fallait se ressaisir. (Il lui fallait se ressaisir artificiellement.) Il ne servait de rien d’ainsi s’enfoncer. Le marasme avait assez duré ; pour se prouver à lui-même qu’il était capable de dynamisme et n’avait rien de pusillanime, il fouilla dans la grande nacelle aux quinze mille cartes postales (souvenir lointain d’adolescence) et commença une de ces conversations avec son ami imaginaire. N’avoir rien d’autre à faire était une autre paire de manches, pourtant. Le soleil se couchait en dessinant un huit aplati à l’horizon.

La conversation se poursuivit autour de sujets divers. Pour se prouver à lui-même qu’il n’était pas pusillanime il voulut avoir deux conversations le même jour. Quoiqu’il ne se rappelât pas si c’était la veille ou l’avant-veille qu’il était sorti de chez lui pour se coltiner petites toiles et cimaises, il voulait aller de l’avant.

Le soleil se couchait en dessinant un huit aplati à l’horizon. Il lui fallait prendre une paire de ciseaux, de vieux magazines, et faire, comme autrefois, un collage, afin d’exorciser l’image du bas teckel muet. C’était ce jour, ce soir même qu’il fallait le faire.

Il voulait aller de l’avant. Sans se soucier ni des boudins ni des cabots, ni des rondins ni des nabots, il prit son courage à deux mains, ses ciseaux aussi, et se lança dans ce collage miniature, qui requérait toute son attention, une patience d’ange, des doigts de fée, des yeux de lynx, la passion des collectionneurs. Dans son bouge, le papier se brisait en flammèches.

C’était ce jour, ce soir même qu’il fallait le faire.

11:01 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : Fiction, écriture

samedi, 28 avril 2007

Objets d'évasion

    Puis il décrocha le téléphone et passa commande d'un peignoir en laine de vigogne à son chemisier, d'un frac en cuir de teckel à son bottier, d'une tenue d'apparat en poil de chèvre à sa camériste, d'un complet veston en suif de truie à sa modiste, de chaussures en perruque de caïman à son savetier, d'un chapeau melon en feutrine d'éléphant à sa chapelière, d'une bague en rubis d'artichaut à son bijoutier, et encore de trois pantalons en laine de vigogne à son fidèle cordonnier. Puis il s'éveilla. Puis il s'endormit. Puis il se réveilla. Enfin il s'endormit. Puis il raccrocha.

23:24 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Fiction, écriture

vendredi, 27 avril 2007

Objets de musiciens célèbres

    Dans le sous-main où il cachait la feuille avec les deux phrases, il avait puisé l'énergie de ne pas lire plus de deux pages du livre à la fois. Toujours se sentir épuisé, à traquer les rêves, et le bas teckel muet ne revenait pas. Il voulut envoyer un faire-part de décès à tous les fantômes de sa connaissance, mais ça ne marchait pas ; quelque chose dans la machine s'enrayait, et toujours le soleil brillait toujours sur toujours rien de neuf. Slava observait tendrement.

18:18 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Fiction

jeudi, 26 avril 2007

Objet lingual phénoménal

Are

    Les faire-part de décès sont-ils encore viables ? Eh bien, il reste la viduité.

obituaries

Les faire-part de décès restent-ils viables ? Ah... il reste la viduité.

still

 Peut-on toujours faire vivre un faire-part de décès ? Il y a toujours la viduité.

viable

Se peut-il que survive un faire-part de décès ? La viduité, y a toujours ça, pour sûr.

?

Sont-ils viables, les faire-part ? La viduité, c'est déjà ça.

Well,

Peut-on encore faire des faire-part ? La viduité reste, une autre affaire.

viduity

Les avis nécrologiques, est-ce encore d'actualité ? La viduité demeure.

still

Les faire-part ont-ils une vie tranquille ? Oh, ils ont la viduité.

exists.

23:13 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Fiction, Poésie, écriture

mercredi, 25 avril 2007

Objet des désirs du sage

    Vers deux heures de l’après-midi il rentra chez lui sans avoir dénoué ni la question de l’aquarelle ni l’énigme du boudin. Il chercha quelque temps dans sa mémoire, après un déjeuner d’une mauvaise omelette mal battue où avaient cuit des fragments entiers de blancs tout à fait fades et difficiles à avaler, qui avait pu – et quand – lui offrir un gilet en laine de vigogne. Il se raccrochait à cette expression-là comme si d’elle avait pu naître une ébauche de système.

Fatigué, migraineux, il se plongea dans un vieux Voltaire pour y lire l’épaisse biographie de Samuel Beckett par James Knowlson. La fascination de Samuel B. pour Samuel Johnson date du début des années 1930 mais se cristallise en 1936 autour d’un projet de pièce de théâtre inspirée par les dernières années de la vie du grand écrivain, et notamment par sa passion pour Hester Thrale, qui était de trente et un ans plus jeune que lui. (Beckett a déjà écrit Murphy qu’il ne parvient pas à faire publier.) Le 13 décembre 1936, à l’âge de trente ans et sept (ou huit) mois, Beckett écrit à Mary Manning que « ce qui [l]’intéresse plus que tout, c’est la situation de ce gigolo platonique, l’ami de la famille, qui n’a pas le moindre testicule, auricule ni ventricule sur quoi s’appuyer au moment où on le démasque. Son impuissance sommeillait près de Mrs Thrale tant qu’il y avait Mr. Thrale, mais elle reprit du poil de la bête dès que la mendula attitrée redevint éminemment épousable, ce grâce aux effets bien connus de la rigor mortis. »

Notre ami – permettez qu’ainsi je le nomme – prend ça pour lui, et sent, dans son Voltaire au tissu usé, la migraine prendre des forces. Ne vous moquez pas des vieux garçons. (Aussi je parle à Beckett, qui a fâché notre ami.)

23:33 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Fiction, écriture

mardi, 24 avril 2007

Objet du désir (cet)

    Tout de même il y avait cette aquarelle. Il voyait bien que son ami le galeriste l’avait oubliée dans un coin, ou même dans un carton. Oui, il était venu en bicyclette, mais ce n’était pas une raison. Certes, il n’avait rien compris à l’altercation entre son ami le galeriste et la dame au boudin, mais ce n’était pas une raison. Son ami le galeriste lui avait dit que les sacs qui pendaient comme des coloquintes, les aquarelles couleur de tulipe pourpre, les émois adolescents plaqués sur la toile, les aplats de noir sur fond ocre, ce n’était pas de saison.

Il ne se sentait lui-même pas de saison, mais tout de même il y avait cette aquarelle. Il voyait bien que son ami le galeriste l’avait oubliée dans un moment d’inadvertance. On lui objectait par en dessous qu’on ne disait pas ça, moment d’inadvertance. On disait « je l’ai fait par inadvertance » ou « moment d’inattention », mais ça n’était en rien une bonne raison. Il y avait cette aquarelle, et il se dit que soit il lui fallait l’accrocher lui-même – et alors décider où (mais où ?) – soit il devait en parler à son ami le galeriste. D’ailleurs où étaient les artistes ? où était le couple d’artiste ? où étaient les artistes qui avaient confié ces sacs et ces toiles et cette aquarelle à son ami le galeriste ? pourquoi ne prenaient-ils pas eux-mêmes en main l’installation de leurs croûtes ? où ? où ? pourquoi… ?

Il y avait, tout de même, cette aquarelle ; il était au pied du mur, et tout ce qu’il entendait, encore en proie à la vision de cette dame et de son bas teckel muet (bas teckel muet bas teckel muet, ça faisait comme un refrain de wagon sur des rails rouillés), c’était ces grappes poil à gratter, des expressions toutes faites comme pied du mur, tire-toi, murmure à l’oreille, et quoi d’autre encore… Joconde en papier mâché !

Ça, oui, c’était trop beau pour être vrai : Joconde en papier mâché, ce clair-obscur sous le soleil, cette dague dans la chair morte. Il n’était pas venu en bicyclette, mais ce n’était pas une raison : c’est ce qu’il dirait aux policiers flâneurs chargés de l’enquête. Le policier qui disparaît, c’est du tout cuit. Il restait tout, l’aquarelle de même. Il restait là les bras ballants. Il restait sans savoir. Il vit, sans demander son reste, sans se dire que il lui fallait soit l’accrocher lui-même soit en parler à son ami le galeriste, que l’aquarelle sur ocre froissé se nommait Gioconda di cartapesta. La peste soit de l’aquarelle (et des bicyclettes). Il se rendort.

23:23 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Fiction, écriture, Poésie, Art

lundi, 23 avril 2007

Objets de leur monde

    Quand plus tard on lui demanda ce qu'il s'était passé de si important ce matin-là, il ne put que raconter : une dame était entrée dans la galerie, dont la porte était restée entr'ouverte, et tenait un teckel en laisse. Il ajouta que ce teckel était bas (au sens où il trottinait au ras du bitume et du linoléum).

On lui objecta que les teckels ont rarement des conversations au sommet avec les girafes ; il n'en disconvint pas.

Il ajouta que, le peu de temps qu'avait duré leur rencontre, le teckel était resté muet. On lui demanda pourquoi la rencontre avait été si brève. Il précisa que son ami, le galeriste, furieux de voir une intruse dans la place alors qu'il s'en donnait bien du mal déjà avec ce nom d'un chien de bordel de dieu d'accrochage (c'est une citation), lui avait lancé : "Ah non, pas de visiteurs ce matin. Nous sommes fermés."

Comme l'intruse persistait dans son effraction, le galeriste avait aussitôt enchaîné : "Pas de chien non plus, de toute façon."

Presque d'un même souffle, Cinéma Sumac avait hurlé : "Pas de boudin, j'ai dit !"

La dame était sortie fissa de la galerie, et lui, témoin de cette scène fulgurante, n'avait jamais compris si boudin désignait le chien (un teckel tout de même) ou la dame.

L'audience fut différée sine die.

20:20 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Fiction, écriture

dimanche, 22 avril 2007

Objets de la même façon

    Le parfum du muguet dans la chambre que l'on aère, c'est autre chose que l'odeur du kérosène. Il en est à se poser toutes sortes de questions sur le cœur du chou-fleur ou le giron de l’oignon, quand il s'aperçoit, revenu dans la salle à manger, que les phlox sèchent sans faner. (Lui revient alors ce tautogramme qu'il avait composé adolescent : Phlox oblong dont l'ognon forclot nos mots, romps ton sopor, ô sot robot.)

Est-ce une version française de l'adolescence de Samuel B.?

(Cela manque de bicyclettes.)

Est-ce un moment de pause ?

(Des pauses, il n'y a que ça. Des pauses il n'y a que ça. Des pauses il n'y a que ça. (Tu vas devenir schizo. (Mais non.)) Des pauses il n'y a que ça.)

Est-ce autre chose encore ?

 

09:19 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Fiction, écriture

samedi, 21 avril 2007

Objets du doute

    Après m'être dit et répété que je ne pouvais pas écrire la suite en ayant dans la tête la chanson du Prince charmant d'Emilie Jolie je me suis dit puis dit et répété que je devais écrire ce texte-ci, qui constitue la suite d'un texte en devenir mais dont je ne sais vers où va son cours, dont je sais seulement à quelles dates il doit se poursuivre, s'arrêter, reprendre, etc., que je devais justement l'écrire en commençant par le menu, c'est-à-dire ce menu détail, ce détail agaçant, cette ritournelle idiote et fade qui me tourne dans la tête, et écrire d'abord et tout de go que j'écris ce texte en ayant dans la tête la chanson du Prince charmant d'Emilie Jolie. Ce n'est pas tout de s'intéresser aux expressions les plus farfelues (ou les plus menaçantes (c'est pareil (ça revient au même))) qui peuvent d'aventure hanter les nuits, les jours, voire les deux (c'est différent). Il faut tenir compte de l'heure, du blouson revêtu à la hâte par dessus le polo bleu pâle trop léger pour la fraîcheur des soirées. Il faut considérer l'immensité des autres tâches qu'il reste à accomplir, et se dire que ces expressions, ces grappes de mots, comme le dit celui qui s'en trouve hanté (et comme fidèlement je l'ai rapporté), sont une mince partie, un infime fragment  du grand récit où s'inscrivent, telles des ombres de flammèches lancées tout à trac contre les parois d'une grotte, ces petites histoires de termes qui se cherchent, d'inventions qui paraissent jaillir de nulle part, ces riens qui envahissent l'espace, ces brimborions enfin puisqu'il faut trancher le mot (et ce mot brimborions, je l'aime trop pour le trancher (ça revient à ça)).

Il a suffi de s'arrêter dans l'écriture pour que tous les airs les plus fades, les plus sots de cette comédie musicale de l'enfance (retrouvée parce que l'enfance dans la maison aussi prend ses droits, chasse un peu le jazz ou Frank Zappa) resurgissent comme par enchantement, alors que l'écriture, rythmée par le martèlement (plus que tapotement ou clapotis) des doigts vigoureux sur le clavier, les avait fait fuir. Ce n'est pas le ronronnement de l'ordinateur, mais bien la chasse aux phrases, le parcours furtif des périodes, qui avait fait fuir ce Prince charmant à la mords-moi-le-pieu et aussi cet oiseau rugissant ; aussi faut-il poursuivre, et écrire.

Il (et pas un il impersonnel comme celui de ces derniers paragraphes : le il du récit, ce personnage curieux, fugace, hanté par les greffes, les hybridations subites de termes que rien ne semblait inviter à se rejoindre ni à s'accoupler) s'est rendu ce matin à la galerie de son ami Cinéma Sumac (un pseudonyme de crétin, a-t-il toujours pensé) pour l'aider à accrocher les objets de tissu garnis de jouets d'enfant. Il y avait aussi des toiles minuscules, qui représentaient des arbres comme les dessinerait un enfant (et donc pas du tout comme les dessine un enfant), et qu'il eut bien du mal à agencer et harmoniser, droit aux cimaises. Il se souvint pourtant, entre l'accrochage des arbres 17.31 et 43.61, avoir possédé, jadis, un gilet en laine de vigogne, qu'un ami (mais qui ?) lui avait ramené du Pérou.

23:23 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Poésie, écriture

vendredi, 20 avril 2007

Objets de tissu

    Toutefois, les grappes de mots seules ne hantent pas ses jours (ou ses nuits). Tout commence souvent dans de beaux draps. Ainsi, ce matin, il doit se rendre à la galerie d'un ami, pour y aider à l'installation d'une nouvelle et prometteuse exposition. La seule phrase qu'il se rappelle, de l'avant-programme reçu l'avant-veille, lui a donné le sentiment qu'il s'agirait d'une formidable ringardise : "Les deux artistes présenteront une installation faite d’objets de tissu suspendus à l’intérieur desquels sont enfermés les jouets de leur fils."

Y aura-t-il, se demande-t-il, des objets en laine de vigogne ?

22:02 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Fiction, écriture

jeudi, 19 avril 2007

Objet obtus obsessionnel

    Décidément, se dit-il en s'éveillant (avez-vous remarqué comme nous le cueillons toujours au saut du lit ?), ce sont des mots, ou des grappes de mots, des groupes de mots, qui me hantent. Ces grippes de mots me hantent, se dit-il, et après bas teckel muet et coprin noir d'encre, ce dernier désignant je crois un champignon que je n'ai jamais mangé, ni même peut-être vu dans les sous-bois ni les forêts, dans les fougères ni les fourrés, dans les baradeaux ni les bas-côtés, dans les sapinières ni les chênaies, bref après ces trois greffes de trois mots, c'est laine de vigogne maintenant qui me poursuit, et il se mit à imaginer des raisons à ces obsessions, à chercher des causes, oh peut-être pas tout à fait car c'était le genre d'ambition scientifique qu'il avait définitivement jetée aux orties (où, sous les feuilles coruscantes peut-être se trouvaient les coprins noirs d'encre (allez savoir)), se mit à envisager les liens possibles entre ces trois grappes, ces trois greffes, ces trois groupuscules, ces clusters de mots sans suite ou peut-être sans queue ni tête. Alors, d'un air décidé, il se leva, se prépara une grande théière de thé vert, et ressassa dans sa tête puis à haute voix toutes les combinaisons possibles, tout d'abord de ces trois grappes de mots, puis en les malaxant et les mêlant les unes aux autres, ce qui pouvait donner des résultats banals (bas noir de laine), pitoyables (bas teckel vigogne), cacophoniques (laine noire d'encre) ou encore spectaculaires (coprin de muet). Du moins paraissaient-ils tels à cet homme désabusé, envahi de grappes de mots dont il ne savait que faire, et qui d'un air décidé, décidément, se coltinait dans le langage de drôles d'incisions.

22:44 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Littérature, écriture

mercredi, 18 avril 2007

Objet d'étonnement

    Il y avait eu un net rafraîchissement des images. Il avait vu la licorne, gros poney doué de parole.

22:22 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Film, écriture

mardi, 17 avril 2007

Objet du délit (L')

    [Ce sont des crochets qu'il faut ouvrir à présent. (Remarquez qu'on ne dit pas ouvrir un crochet, alors qu'on dit couramment ouvrir une parenthèse.) Ce n'était pas du tout prévu, mais à présent je n'ai pas d'autre choix que d'ouvrir des crochets dans ce texte. En effet, le lien que me signale si gentiment Joye, s'il m'a intéressé, m'a aussi, assez prodigieusement, agacé. L'exposition Objet Beckett n'est pas du tout ratée, comme le prétend Philippe Lançon ; seulement, il faut prendre le temps de s'y attarder. Pour ma part, j'y ai passé trois heures, et encore en ne regardant pas les documents vidéo et films que je connaissais déjà. Les passants qui la parcourent au pas de course, sans prendre le temps d'entrer dans l'univers beckettien (et qui sont souvent venus là par curiosité (saine, certes, mais si superficielle), sans réelle connaissance de l'oeuvre de Beckett), s'interposent entre l'écran et les spectateurs, tout en paraissant se demander pourquoi trois ou quatre clampins sont postés là : regarder un film de quinze minutes du début à la fin ? pour quoi faire ? J'ajoute que, venant de l'insupportable Laura Vanel-Coytte, ce copié-collé sans saveur et sans aucun éclairage personnel ne m'étonne pas. Bref... me faire des amis, encore.

Si j'ai ouvert ces crochets (après la longue parenthèse d'hier), ce n'est pas pour éventer quelque secret de polichinelle pour le texte en cours d'écriture. C'est pour noter combien m'a amusé la précision que le brave petit soldat Laura a cru bon d'ajouter après son petit copié-collé fade : "Et jusqu'à juin 2007, pour célébrer le centième anniversaire de la naissance de Beckett, le Festival Paris Beckett..."

Beckett, né le 13 mai 1906, a prétendu être né le 13 avril, afin de faire coïncider sa venue au monde avec le Vendredi saint. C'est de cet écart, de cette schize, qu'était née, l'an dernier, mon oeuvrette en 32 chapitres, Comment je n'ai pas célébré la naissance de Samuel B. C'est d'un semblable refus de célébrer Beckett à date fixe qu'est né, crois-je comprendre, le projet d'une grande exposition consacrée à Beckett un an après son centenaire. Mais ce sont des subtilités que Laura Vanel-Coytte, toute absorbée dans l'exégèse de Cyril Collard (!) ou dans la contemplation des croûtes de Frida Kahlo, ne peut comprendre.

Fin du mini-pamphlet. Refermer crochet(s).]

Sur quoi, la nuit venant, il remit au lendemain la suite du récit. Le crissement entendu la veille lors de la fermeture des volets métalliques de la bibliothèque ne résonnait plus à son oreille. Il alla se coucher. (Mais fait-il autre chose ?)

23:43 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Littérature

lundi, 16 avril 2007

Objets de peu

    (Ici il faut ouvrir une parenthèse. Ce soir, en fermant les volets métalliques de la bibliothèque, il a entendu un crissement, comme si on écrasait de vieilles toiles d'araignée avec un fer à repasser froid. Durant le jour, il ne s'est pas interrogé sur le rêve du bas teckel muet, et ne s'est pas cherché un nom. Le bouquet de phlox va se fanant, la fille du roi s'en va chassant, chaque chose est à sa place et pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Ce qu'il avait fait hier soir, juste avant de monter se coucher (et en oubliant consciencieusement (d'ailleurs) de fermer les volets métalliques de la bibliothèque (ce dont il s'est aperçu ce matin)), il en sera question demain. Pourtant, durant le jour, le rêve du bas teckel muet ne l'a pas hanté mais il s'est rappelé, en déplaçant certains livres d'art d'une étagère à l'autre, ou en faisant au sol des piles de livres de poche afin de faire de la place pour les disques sur les rayonnages les plus proches de la chaîne, ou en montant avec vis, vigilance et huile de coude une séparation de salon en pin (mais pour la nouvelle chambre d'amis), il s'est rappelé (donc) cette nouvelle de Zoe Wicomb dans laquelle l'os gris mat (matt grey) qu'avait parfaitement nettoyé une passagère du bus figurait le corps féminin métis mais aussi le corps près d'avorter mais aussi le désir des hommes semblable à celui des chiens mais aussi tant d'autres choses, et il ne savait plus si le mot familier désignant un clébard, un bâtard, ce mot paronyme de matt (mutt) se trouvait aussi dans le texte ou s'il l'y avait imaginé, convoqué, fait surgir.

(Ici il faut ouvrir une parenthèse à l'intérieur de la parenthèse : désormais, Samuel Beckett oscillerait entre 1211 et 1212 mois ; de Barclay il n'est plus question ; Cixous aussi s'est fendue de son hommage sauce béarnaise ; les hérissons succèdent aux taupes ; etc.)

Entre-temps, le crissement entendu lors de la fermeture des volets métalliques de la bibliothèque ne résonnait plus à son oreille. Il alla se coucher. (Mais fait-il autre chose ?))

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dimanche, 15 avril 2007

Objets d'encre

    Dans la nuit, bien sûr, il rêva. Bien entendu, il rêva du bas teckel muet. Vous avez bien entendu bien lu et bien deviné et bien sûr bien que j'insiste vous lisez bien : il rêva du bas teckel muet. En se couchant, il s'était demandé : vais-je rêver du bas teckel muet ? Puis, en lisant son journal, les bougies blanches éclairant mal les pages, il s'était dit qu'il pouvait soit rêver du bas teckel muet et s'en souvenir soit rêver du bas teckel muet et ne pas s'en souvenir soit ne pas rêver du bas teckel muet et s'en souvenir soit encore ou enfin ne pas rêver du bas teckel muet et ne pas s'en souvenir. Alors, il s'était rendu compte qu'il était idiot de penser qu'il pouvait (selon la troisième hypothèse) ne pas rêver du bas teckel muet et s'en souvenir, puisqu'on ne peut guère se rappeler ce qui n'a pas eu lieu, surtout dans l'univers des rêves. Mais il s'était rasséréné, confiant en son système et s'était dit : bah ! demain je saurai si j'ai rêvé du bas teckel muet.

Cette histoire de bas teckel muet le turlupinait à peine, mais ce qui le taraudait, c'était le fait que ce bas teckel muet ne soit qu'une expression et nullement une image. Il ne pouvait en rien se représenter un bas teckel muet, mais seulement ânonner sotto voce les trois mots, les quatre syllabes bas teckel muet. Trois mots en quatre syllabes, se dit-il, et je verrai si j'en rêve.

Il en rêva, bien entendu. Toutefois, la question de l'image ne fut en rien résolue, puisqu'il ne vit pas vraiment le bas teckel muet, seulement un voisin, M. Fiston, qui promenait en laisse un bas teckel muet, et que par conséquent ce chien ne brillait pas par son pouvoir d'impressionner rétine ou mémoire. (Rétine du rêveur bien sûr : c'est façon de dire.) Au matin, il lui fut difficile de savoir s'il avait ou non discuté avec M. Fiston de ce chien qu'il ne lui avait jamais vu promener auparavant, ou s'ils parlèrent seulement du Cap, des rues du Cap, et même plus précisément des faiseuses d'anges du Cap. Ah ça, il était sûr que la discussion avec M. Fiston avait porté sur les faiseuses d'anges du Cap.

Juste avant le réveil (et déjà il prenait conscience qu'il avait rêvé du bas teckel muet et surtout qu'il s'en souviendrait), il se trouvait dans sa bibliothèque, à griffonner fébrilement sur une feuille les mots bas teckel muet dans toutes sortes d'encre différentes, avec stylos plume et stylos bille de tous styles et de toutes marques, jusqu'à rassembler la feuille en une sorte de bouquet froissé. Il pensa : coprin noir d'encre. Puis il se réveilla.

22:33 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Littérature, écriture

samedi, 14 avril 2007

Objets de culte

    Chercher son nom, se chercher un nom. Il a aligné, sur la paillasse, les deux mugs, les deux pintes, les deux verres à bordeaux et les deux tasses à café, et se demande comment chercher un nom, au fond de quel verre ou de quelle tasse il se trouvera un nom. Encore un bas teckel muet, se dit-il en observant un bourdon entré par la fenêtre et qui tournoie autour de la pinte décorée de trèfles. Il se répète alors, ânonne bas teckel muet, se surprend à égréner ces trois mots bas teckel muet, se demande comment traduire bas teckel muet, et pourquoi avoir traduit le spectacle du bourdon autour de la pinte par les mots bas teckel muet. Il se recouche. Demain chercher un nom, se chercher un nom.

22:22 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : Littérature, écriture

vendredi, 13 avril 2007

Objets de pierre

    Le mois qui commençait un vendredi s'était achevé un dimanche. Il n'y avait là rien d'insolite, à se creuser la tête dans les fourrés, mais toujours ce même mouvement d'un futur de pacotille vers un passé à recomposer. Si le soleil avait disparu, ce matin-là, pour laisser la place à de légers nuages gris foncé et à la pluie mêlée de chants d'oiseaux printaniers. Le soleil donc avait disparu, et les voitures continuaient de longer prudemment les trottoirs à vive allure. Un bouquet de phlox au milieu de la table du salon signalait aux hôtes de ces lieux l'abandon comme une fioriture. Comment comprendre alors que le mois qui commençait ce vendredi se fût achevé aussi un dimanche ? Une autre fois, en d'autres temps, dans les lieux du passé peut-être ? À peine embouquetés, leur vase au milieu de la table, les phlox commençaient à donner des signes de fatigue, fanant.

Des objets de pierre, désolidarisés du tronc d'arbre, projetaient d'étranges lueurs, même si loin du soleil.

08:00 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Littérature, écriture