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mercredi, 25 avril 2007

Objet des désirs du sage

    Vers deux heures de l’après-midi il rentra chez lui sans avoir dénoué ni la question de l’aquarelle ni l’énigme du boudin. Il chercha quelque temps dans sa mémoire, après un déjeuner d’une mauvaise omelette mal battue où avaient cuit des fragments entiers de blancs tout à fait fades et difficiles à avaler, qui avait pu – et quand – lui offrir un gilet en laine de vigogne. Il se raccrochait à cette expression-là comme si d’elle avait pu naître une ébauche de système.

Fatigué, migraineux, il se plongea dans un vieux Voltaire pour y lire l’épaisse biographie de Samuel Beckett par James Knowlson. La fascination de Samuel B. pour Samuel Johnson date du début des années 1930 mais se cristallise en 1936 autour d’un projet de pièce de théâtre inspirée par les dernières années de la vie du grand écrivain, et notamment par sa passion pour Hester Thrale, qui était de trente et un ans plus jeune que lui. (Beckett a déjà écrit Murphy qu’il ne parvient pas à faire publier.) Le 13 décembre 1936, à l’âge de trente ans et sept (ou huit) mois, Beckett écrit à Mary Manning que « ce qui [l]’intéresse plus que tout, c’est la situation de ce gigolo platonique, l’ami de la famille, qui n’a pas le moindre testicule, auricule ni ventricule sur quoi s’appuyer au moment où on le démasque. Son impuissance sommeillait près de Mrs Thrale tant qu’il y avait Mr. Thrale, mais elle reprit du poil de la bête dès que la mendula attitrée redevint éminemment épousable, ce grâce aux effets bien connus de la rigor mortis. »

Notre ami – permettez qu’ainsi je le nomme – prend ça pour lui, et sent, dans son Voltaire au tissu usé, la migraine prendre des forces. Ne vous moquez pas des vieux garçons. (Aussi je parle à Beckett, qui a fâché notre ami.)

23:33 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Fiction, écriture

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