mardi, 02 mai 2006
XX
Mardi 25 avril.
Peut-être, mieux que la lecture des dix chapitres de More Pricks than Kicks, le vrai hommage de ce mois consacré à penser à Beckett, ou à écrire comment je pense au centenaire de sa naissance bifide, sera la lecture de Wittgenstein’s Mistress, de David Markson, choisi un peu par hasard sur les rayonnages de la bibliothèque d’anglais, à force de lire des articles de critique consacrés à cet écrivain (j’avais même entendu, en 2003, une collègue prononcer une communication passionnante sur Reader’s Block), et qui s’avère être dans le sillage de Samuel, comme n’a pas manqué de le remarquer un critique anonyme de la San Francisco Review of Books, dont une phrase est reproduite en rouge et en quatrième de couverture *, mais aussi comme, par un hasard insensé, le signale un bref entretien avec l’auteur, qui est donné en guise de postface, et où il est question des 54 refus dont le manuscrit de Wittgenstein’s Mistress fut l’objet, Markson prétendant qu’il s’agit d’un record**, puisque The Ginger Man de Donleavy (une demi-heure avant de lire ces lignes, j’avais extirpé, de ma bibliothèque cagnottaise, The Beastly Beatitudes of Balthazar B, acheté à Oxford en 1996 et jamais lu) avait été refusé par 36 éditeurs, et Murphy, à en croire la biographie de Deirdre Bair (mais si ! il cite cette biographie que je lis moi-même en ce moment), par 42 éditeurs. Outre les quelques coïncidences, la fièvre des nombres s’empare alors de votre serviteur, qui saute de 36 à 42, puis de 42 à 54, pour constituer une suite arithmétique : un livre qui voudrait rendre hommage simultanément à Donleavy, Beckett et Markson, devrait, sans préjuger de son contenu, essuyer 78 refus. Enverrai-je cette œuvrette en trente et un brefs chapitres à 79 éditeurs, afin de voir si l’un d’entre eux (seulement) l’accepte ?
* Tiens, un zeugme… Les derniers mots de cette phrase feraient un titre fort beckettien : No Less than with Beckett. Je songeais à cela tout à l’heure, dans le verger, lisant la page 40 du livre de Markson, et m’apercevant aussi que, pour ce qui est de More Pricks than Kicks, l’un des réseaux sémiotiques du titre réside dans les potentialités verbales de kick : comme le livre s’achève par la mort de Belacqua, l’expression familière et idiomatique “kick the bucket” s’impose (kick the Beckett ?).
** Sur la question des refus, il faudrait retrouver les sources exactes, mais je me rappelle que la Petite chronique des gens de la nuit dans un port de l’Atlantique Nord, de Philippe Hadengue, a essuyé des refus pendant une trentaine d’années avant d’être publié par Maren Sell. Il y aurait sans doute, dans le domaine francophone, d’autres exemples, et peut-être même qui enfonceraient largement le « record » de La maîtresse de Wittgenstein (la détresse de Wittgenstein ? (ce roman est-il traduit en français ?))
13:05 Publié dans Comment je n'ai pas célébré le centenaire de S.B. | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.