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jeudi, 30 novembre 2006

7ème manche

medium_Pablo_Picasso_1901.jpg
    Vers la collerette volage – vers les volutes – vers les jambages squelettiques de la signature vont les regards. Il faudrait des mots de neuf lettres commençant par a et finissant par i mais ils sont rares. Le carmin des lèvres prend de court les griffures bleues. Abasourdi, un horloger regarde ce mécanisme inhabituel en interrogeant la courbe bleue du fond. Ni alangui, ni attiédi, ni affadi ne conviennent ; ni asservi, ni aluni, ni attendri ne font l’affaire. Un bois de lit ? Pablo Picasso avait une idée derrière la tête, avec son nom d’alexandrin dans Grenade détruite, avec sa patte d’escogriffe dans Syracuse en ruines. Cherche du côté de Zanzibar. De petites mouches vertes, graciles comme des fêlures, naissent sur les franges, puis volent se poser ailleurs dans la pièce, hors champ, à l’envers du décor, où convergent aussi les pas de plusieurs touristes allemands venus, de toute leur solide vertu, admirer les merveilles du Met. La perruque de limaille s’échappe enfin aimantée. A(l)guer(t)ri.

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mercredi, 29 novembre 2006

6ème manche

medium_Roger_Bobley_Masculine_lady_in_green.jpg

    On change de registre, avec cette forme caricaturale, où ce qui ressort, ce sont ces dents éparses, effrayantes, et ces regards lancés torves comme des cocards, sans brandir d’oriflammes – il n’en est nul besoin, à la vue aussi de ce nez difforme, un rien testiculaire, et de ces cheveux filasses – dans la galerie des portraits. Ce qui me frappe, moi, c’est qu’elle est en chemise de nuit, cette « femme masculine » dont la boutonnière, à peine devinée, a tout de la chenille. Ça y est, je bricole des textes de 1009 signes presque comme qui rigole. Roger Bobley, le croqueur de la dame adamantine, est un petit éditeur américain reconverti depuis peu dans le cinéma d’auteur (Marvelous Margaretville). Appelons cette « dame masculine », si disproportionnée et presque défigurée, Margaret. C’est à peine si j’ai besoin de vérifier le nombre de signes, à la fin (et de rectifier, dans la marge). Elle nous scrute, nous adresse des reproches même pas muets, avec, pour motifs d’aigreur, les traces sur sa peau.

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mardi, 28 novembre 2006

5ème manche

medium_Matisse_Dame_en_vert_avec_oeillet_rouge_1909.jpg

    Manches de telle ampleur, une étole à tout le moins ! Toujours sur le motif remettre votre ouvrage. Le pinceau en pince pour le décolleté, ce qui ne va pas sans maraudage ni braconnage. Il fut décidé d’intercaler à triple intervalle. On se braque toujours sur les compotiers, mais les vertes voltes d’une danseuse au repos, ce n’est pas rien tout de même. Que regarde-t-elle, d’ailleurs, de ces curieux orbites creux ? Cherche-t-elle à se rappeler quelque vers égaré de son passé d’actrice ? Si j’écoute Even the Sounds Shine, cette composition stupéfiante de Myra Melford, jouée avec son Extended Ensemble, je ne peux pas me mettre à la place d’un modèle de Matisse, si ? Le mur n’est pas plus vert que le pli de mon bras. Le nom de Matisse semble avoir été inventé pour se prêter aux plus subtils jeux de mots, aux détours par les formes et les matières. La danseuse regarde une toile du peintre, tiens. Vous êtes dans le puits ; passez deux tours. Orbites émotifs : la vérité en a mis, du temps à remonter.

06:30 Publié dans Vertes voltes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Art, Littérature, écriture

lundi, 27 novembre 2006

4ème manche

medium_Boris_Anisfeld_Lady_in_Green_1910.jpg

    Échappée d’un tourbillon orageux, la vigoureuse jeune femme – une violoniste – a tout du fantôme. Je m’étends ce dimanche dans la prairie. Dans le silence du concert, son long collier de perles rouges lui fait comme un foulard qui laisse entendre, aux quelques romantiques attentifs et alcooliques hallucinés que ne manque pas de compter la salle, le tumulte de la mer. Cinq jours ont passé, peut-être, depuis ma dernière excursion. Vous voyez comme sa chevelure immense se mêle aux fumerolles noires des bougies pour former de lourds nuages, de sorte que, patiemment, les buveurs de vin se munissent de chasse-mouches. Retrouvons-nous sur le pré, avec moi-même pour un duel. Cette ombre portée est l’épouse de l’artiste, échappée à quels cauchemars, quelles insomnies d’artiste maudit. L’autre tire un coup sec, dont la déflagration m’arrache les oreilles. Entre deux séances de pose, elle joue de la guitare. Je tire une bouffée de ma gitane, et je laisse le spectre crever de trouille. Déjà l’orage gronde.

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vendredi, 24 novembre 2006

3ème manche

medium_Bartolomeo_Montagna_Ste_Justine_de_Padoue.jpg

    Ah, vous comprenez ce que cela signifie, hein, maintenant, le blond vénitien ? Comme le soleil disparaissait, je sirotais ma mug de Rembeng en pensant à Rembrandt. Le Vénitien Bartolomeo Montagna n’est pas aussi célèbre qu’Andrea Mantegna, mais ce n’est pas une raison pour les confondre. Champagne ! Sainte Justine de Padoue est ravissante, avec ses mèches, son nez volontaire et sa gracile main de vieille. Comme le soleil disparaissait derrière le toit de la maison d’en face, j’écoutais la “Symphonie” qui se situe juste au milieu de The Fairy Queen, séparant les 29 airs qui constituent les préludes et les actes I à III des 29 qui forment les actes IV et V. Son habit est riche, sa coiffure soignée, comme à la parade. Mes mains forment le nom de Purcell. Pourquoi est-elle toujours représentée avec une plume ? Une auréole de soleil se pose toujours sur ma joue. Broches, bijoux précieux, brocarts, tous ces brimborions n’arrivent pas à la cheville – si j’ose dire – de vos boucles et de vos blessures.

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jeudi, 23 novembre 2006

2ème manche

medium_August_Macke_lady_in_green_jacket.jpg

 

    Tant que le soleil cogne contre les vitres, il fera bien bon ici. Que d’élégance dans cette scène de promenade ! Cela me fait cligner, mais l’avarice n’a pas de bornes. August Macke n’est pas mon préféré, parmi les peintres expressionnistes allemands, mais je dois lui reconnaître, ici, un génie certain de la composition. Aujourd’hui encore mardi. Ce qui retient mon œil, once all is said and done, ce n’est pas la dame filiforme, le squelette délicat recouvert d’une élégante veste d’un vert plus soutenu que celui des frondaisons. Revenue la saison du fenouil. Ce qui retient mon œil, c’est l’habit clair de la dame de droite, et plus encore, les cabanons (maisons ?) au fond. L’ od eur du chou vert ne s’est pas incrustée dans la demeure. Ces cubes. Pas contre les vitres –par les vitres le soleil vient déplier les phrases que mes doigts retenaient prisonnières. Ces cubes répondent à l’impression de solitude ou d’enfermement, d’autisme peut-être, qui se dégage de la dame en vert (de quoi prisonnière ?).

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mercredi, 22 novembre 2006

1ère manche

medium_Agnolo_Bronzino_attrib._1530-2.jpg
    Je ne plaisantais pas : 9081 est l’un de ces nombres vertigineux dont une existence, même contemplative, ne saurait faire le tour. Voyez par exemple ce visage austère, pourvu d’un nez colossal. Demain, le compteur kilométrique de ma voiture franchira la borne des 91019 kilomètres. Il n’est dénué ni de dignité ni de robustesse. Dans ce qui est un de mes livres de chevet, David Wells répertorie le nombre 9801, qui est (d’après lui) un nombre de Kaprekar. La ferveur et la frivolité trop longtemps dissimulée se disputent le champ de bataille dans ce visage, partagé entre une encolure sobre et un foulard précieux. Il n’empêche que 9081 m’intéresse plus que 9801. La dame en vert de ce tableau attribué à Bronzino n’est pas sans une certaine noblesse ; sur le fond rouge, son regard énigmatique se détache, à l’égal de la triste sorcière de Léonard. Il va peut-être falloir inventer un nouveau genre de nombre bipartite, pour rétorquer à Kaprekar et alii. Manches bouffantes, la dame en vert s’en bat l’œil.

06:10 Publié dans Fièvre de nombres, Kyrielles de Kaprekar, Vertes voltes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Art, Littérature, Poésie

mercredi, 25 octobre 2006

Vertes voltes

    Entre le premier et le deuxième but de l'A.S. Saint-Etienne, dans le huitième de finale qui oppose cette équipe à l'Olympique de Marseille, j'ai trouvé pas moins de douze très beaux portraits de dames en vert, dont aucun ne correspond à ce que V.W. écrivait, il y a 88 ans, à Vanessa :

I feel more and more convinced that advanced views are purely a matter of physiognomy. For instance the lady in green, with check trimmings in her hat and a face like a ruddy but diseased apple - one cleft asunder by a brown growth - had nother [sic] excuse for existence.

The Question of Things Happening. The Letters of Virginia Woolf 1912-1922. Londres : Hogarth Press, 1976, p. 286

17:54 Publié dans Vertes voltes | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : Littérature, Art