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jeudi, 06 avril 2006

Le mot est miré

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    Laurent décide de faire un peu de rangement. En buvant de lourdes gorgées de selimbong, il se brûle le palais, et fait de l'ordre dans son gourbi, ce qui signifie bien sûr qu'il jette, dans un immense carton qu'il aura, tout à l'heure, le plus grand mal à soulever puis à transporter jusqu'à la benne destinée au papier recyclé, l'essentiel des paperasses qu'il considère désormais comme inutiles.

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Bien des passants furent surpris, ce soir-là, en voyant M. Laignaux, le brocanteur des cocos, embrasser farouchement un gigantesque carton et le traîner jusquà la benne. Il portait un pantalon de tergal déformé, avec des salissures au niveau des chevilles, et des traces d'usure aux fesses. Ses chaussures de mauvais cuir noir n'étaient pas lacées. Malgré la chaleur, il avait gardé sa chemise, mal repassée, et son veston noir. Il avait une barbe de deux jours (au bas mot). Bientôt, sans doute, pensait-on, on le verrait charger sa vieille guimbarde de paquets qu'il expédiait à ses divers acheteurs. On disait parfois qu'il faisait vivre à lui seul la moitié des employés des postes de Bagnères.

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Qu'il surprenne, au retour de sa promenade et dans la glace du vestibule, son air désemparé, il se dit aussitôt que Lili va le prendre au mot.

16:45 Publié dans Pauvres Pyrénées | Lien permanent | Commentaires (1)

mercredi, 22 mars 2006

Le mot est tiré

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[[[Bonus évanescent.]]]

 

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    Ma belle, ma merveille,

 

Quel cirque ! Je ne vais pas te raconter des bobards. Tu as vu juste, et tu étais même en dessous de la vérité. La lettre, elle, était en dessous du lit. Et moi, en dessous de tout. Pour faire bref : je n’ai effectivement pas ouvert ta lettre illico, je me suis laissé torturer par ce qu’elle pouvait contenir, puis je l’ai perdue, j’ai cru l’avoir égarée. Aujourd’hui seulement, faisant le ménage, je la découvre sous le lit, au milieu des flocons de poussière. Faut bien lutter contre la neige… !

Non, je fais de l’humour, mais c’est impardonnable, je suis inexcusable et ne te demande d’ailleurs même pas de m’excuser. Tu peux me crier dessus, tu avais dû finir par penser que je te boudais, tout comme moi je pensais avoir perdu ta lettre. Tu n’es pas tendre pour moi, mais c’est encore gentil, au vu des circonstances.

J’ai crié de stupéfaction et pleuré de t’avoir ainsi ratée. Je ne vais pas mettre de fausses larmes sur ta lettre et te la renvoyer, ça ne prendrait pas, mais crois-moi seulement : j’ai pleuré. Tu es donc venue, et je n’ai pas bougé d’un iota. En attendant, on a eu la merzlota. (Je sais que c’est la raspoutitsa quand la neige fond, mais c’est moche et ça ne rimait pas.) Fonte des neiges, élections, Dominique s’est ramassée dans les grandes largeurs, je ne sais pas où on va (entre toi et moi, ça, hein).

Je passe le temps à rien, donc à tout : je lis beaucoup, je me rappelle, je milite quand même, et je nettoie après ces sagouins. (Entre nous soit dit, aussi, les pires sont les camarades (au féminin, ah ah, la vieille blague continue).) Je vivote avec ce que me verse la section, et avec mes ventes. Maintenant, j’ai investi eBay que c’en est un bonheur. Je passe encore plus de temps sur l’ordinateur, qui ahane, et dans les vieilles granges. Mais les gens, pour leur faire lâcher leurs vieilleries à moi plutôt qu’à Emmaüs, pas facile. En plus, je me regarde mal dans la glace si je concurrence le Secours Populaire pour ma seule subsistance. Enfin, je ne change pas. Même, j’empire.

Assez parlé de moi – mais c’est pour bien te montrer que tout cela ne fut qu’un gigantesque malentendu. Je veux te voir, bien sûr, je suis si heureux d’avoir ta nouvelle adresse. Et je voudrais te demander si je peux venir te voir dans le Lot.

 

Je t’embrasse (il faudrait révolutionner les salutations de fin de lettre (vieille blague bis)).

Ton

Laurent

15:30 Publié dans Pauvres Pyrénées | Lien permanent | Commentaires (4)

mardi, 21 mars 2006

Le Lot est tiré

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medium_hpim1516.jpg    Non, ce n'est pas possible ! On est en juillet. Je n'y crois pas, pense Laurent Laignaux. C'est une farce. Elle est venue, et je n'ai pas donné signe de vie.

Une foule d'hypothèses saugrenues se sont bousculées dans son esprit en lisant la lettre : mentir. Mentir : la lettre n'est jamais arrivée. Mentir : j'allais très mal, et je ne t'ai pas répondu - maintenant, je vais mieux, etc. Mentir...

À quoi bon mentir ?

Au contraire, il va écrire aussitôt la lettre la plus sincère possible. Dire toute la vérité. Repasser les mois écoulés. Raconter les moutons. S'endormir en pleurant, comme naguère.

M. Laignaux, brocanteur par correspondance, hôte de la section locale du P.C.F., sanglote. Pris de court, il ne comprend pas d'où viennent ces verres d'eau salée, de quelle mer ni à quelle sauce les accommoder. Il laisse aller les flots ; à quoi bon retenir ?

Elle vit dans le Lot. Je vais lui écrire.

 

 

[Bonus : la note évanouie.]

15:25 Publié dans Pauvres Pyrénées | Lien permanent | Commentaires (0)

lundi, 20 mars 2006

Le lot est tiré

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    Mon cher Laurent,

Que d’eau coulée sous les ponts, hein ? J’ai le sentiment que tu t’ennuies plus encore dans ta vie de tous les jours qu’à l’époque de nos amours malheureuses. Tu t’encroûtes (j’ai mes espions). Pourtant, je subodore que l’enveloppe qui couvrira ce billet va rester des semaines intacte, à prendre la poussière peut-être. Je n’ose imaginer même le foutoir chez toi. Je te taquine, tu vois. Quel espoir ai-je même que tu continues à lire, le jour où tu auras enfin décacheté l’enveloppe – si je me gausse ? Bon, ce n’est pas méchant.

Je voulais seulement t’écrire que je viendrai dans ton coin le mois prochain. Un taudis pour touristes m’abritera à Cauterêts du 21 au 27 février, et j’aimerais qu’on se revoie. Ecris-moi. Don’t be shy.

De l’anglais maintenant ; il est temps que j’arrête. C’est le whisky, penses-tu, et tu ne te trompes même pas.

Je t’embrasse,

Queen Lili

15:20 Publié dans Pauvres Pyrénées | Lien permanent | Commentaires (5)

mercredi, 08 mars 2006

Le lit est tiré

medium_hpim1226.jpg    Sous le lit de M. Laignaux dorment des moutons oubliés, des démons amoncelés, des rognures d'ongles aussi (mais c'est plus anecdotique). En tirant violemment son lit, un matin de bonne conscience ou de dynamisme ménager, il découvre une vieille lettre qu'il avait complètement oubliée, préoccupé qu'il avait été par les élections législatives, et qui avait glissé sous le lit.

C'est une missive de celle que, dans ses moments les plus sarcastiques ou les plus désespérés, M. Laignaux nomme la femme de sa vie. Quand ils s'étaient connus, elle était écrivain. Il fut fou d'elle pendant huit ans, tant qu'elle se refusa à partager sa vie. De l'eau a coulé, et ils ont connu le lot de tous les couples bigarrés, dans lesquels la passion est fort éloignée de l'équilibre ; il ne sait pourquoi, mais elle n'écrit plus.

Cette lettre date d'il y a bien quatre mois, et M. Laignaux l'avait oubliée, sans honte. La rouille, se dit-il, est au centre de mon existence. Puis, l'ayant dépoussiérée, il se hâte de relire la missive.

 

 

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14:20 Publié dans Pauvres Pyrénées | Lien permanent | Commentaires (1)

lundi, 06 mars 2006

Le lin est tiré

medium_hpim1526.jpg    M. Laignaux, anciennement bouquiniste de son état, s'était reconverti dans la vente par correspondance, et avait chez lui tout un stock de produits divers, non seulement culturels (disques, livres et toute la lyre) mais aussi oenologiques, et autres. Il se trouvait, du coup, posséder tout un fatras qui occupait une grande partie de la pièce la plus vaste de son logement, et qui sera décrite bientôt. Il se trouvait surtout être l'un des habitants les plus sédentaires et les moins désireux de mettre le nez dehors de la cité bagnéraise, tempérament qui, allié avec une sympathie nullement forcée pour les idées politiques du Parti en question, avait fait de ses lares l'endroit idéal pour installer, moyennant un arrangement financier transparent, la permanence locale des rouges, comme on disait parfois encore en ces contrées.

 

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dimanche, 05 mars 2006

Le vin est tiré

medium_hpim1588.jpg    À Bagnères-de-Bigorre, au 15 de la rue de l'Horloge (qui s'appelle en occitan carréra deths Cauterers, afin de signaler au promeneur désorienté la direction de Cauterêts, station thermale chaude de nom mais froide de renom, aussi concurrente de Bagnères mais qui donna deux maires à la ville), se trouve une maison ancienne, coincée entre deux magnifiques demeures à balustres, colombages et repeints, et qui, ne payant guère de mine, ses volets d'un blanc sale, abrite pourtant l'essentiel du drame que l'on lira en ces pages. La porte, dont la peinture brune s'écaille et dont le verre cathédrale n'a pas connu, depuis belle lurette, le moindre coup d'éponge, semble plus inviter les ivrognes à y soulager leur vessie que les passants à y sonner. Pourtant, cette maison est l'une des plus fréquentées de cette ville riche en conspirations. Il s'y trouve, outre un salon et une chambre occupés par M. Laignaux, le bureau de la cellule locale du Parti Communiste Français.

 

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14:05 Publié dans Pauvres Pyrénées | Lien permanent | Commentaires (1)

samedi, 04 mars 2006

La Muse bagnéraise, dans la durée

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    Il grêle à Tours, après de gros flocons lourds qui fondaient aussitôt, et la pierre, lentement, s'efface de mes souvenirs.
Le glaive et la nuée diaphane t'abritent de tout soupçon, de tout relent de mémoire, et l'enfilade herbeuse, plongeant vers les montagnes, dénude nos désirs.

14:00 Publié dans Pauvres Pyrénées | Lien permanent | Commentaires (6)

vendredi, 03 mars 2006

La Muse bagnéraise, de face

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    Sur le socle, un quatrain de Laurent Tailhade t'incite à fendre l'air, veines ouvertes, pissant le sang.

13:55 Publié dans Pauvres Pyrénées | Lien permanent | Commentaires (0)

jeudi, 02 mars 2006

La Muse bagnéraise, de dos

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    Le gui te menace, mais tu restes insouciante, face au ciel nacré et fuligineux, dans l'évidence verticale des arbres qui t'escortent.

13:50 Publié dans Pauvres Pyrénées | Lien permanent | Commentaires (4)