lundi, 16 avril 2007
Objets de peu
(Ici il faut ouvrir une parenthèse. Ce soir, en fermant les volets métalliques de la bibliothèque, il a entendu un crissement, comme si on écrasait de vieilles toiles d'araignée avec un fer à repasser froid. Durant le jour, il ne s'est pas interrogé sur le rêve du bas teckel muet, et ne s'est pas cherché un nom. Le bouquet de phlox va se fanant, la fille du roi s'en va chassant, chaque chose est à sa place et pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Ce qu'il avait fait hier soir, juste avant de monter se coucher (et en oubliant consciencieusement (d'ailleurs) de fermer les volets métalliques de la bibliothèque (ce dont il s'est aperçu ce matin)), il en sera question demain. Pourtant, durant le jour, le rêve du bas teckel muet ne l'a pas hanté mais il s'est rappelé, en déplaçant certains livres d'art d'une étagère à l'autre, ou en faisant au sol des piles de livres de poche afin de faire de la place pour les disques sur les rayonnages les plus proches de la chaîne, ou en montant avec vis, vigilance et huile de coude une séparation de salon en pin (mais pour la nouvelle chambre d'amis), il s'est rappelé (donc) cette nouvelle de Zoe Wicomb dans laquelle l'os gris mat (matt grey) qu'avait parfaitement nettoyé une passagère du bus figurait le corps féminin métis mais aussi le corps près d'avorter mais aussi le désir des hommes semblable à celui des chiens mais aussi tant d'autres choses, et il ne savait plus si le mot familier désignant un clébard, un bâtard, ce mot paronyme de matt (mutt) se trouvait aussi dans le texte ou s'il l'y avait imaginé, convoqué, fait surgir.
(Ici il faut ouvrir une parenthèse à l'intérieur de la parenthèse : désormais, Samuel Beckett oscillerait entre 1211 et 1212 mois ; de Barclay il n'est plus question ; Cixous aussi s'est fendue de son hommage sauce béarnaise ; les hérissons succèdent aux taupes ; etc.)
Entre-temps, le crissement entendu lors de la fermeture des volets métalliques de la bibliothèque ne résonnait plus à son oreille. Il alla se coucher. (Mais fait-il autre chose ?))
23:23 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Littérature, écriture, Fiction
Commentaires
..."comme si on écrasait de vieilles toiles d'araignée avec un fer à repasser froid"... Vraiment, il n'y a que toi pour trouver de telles manières de dire. Ça me tue. C'est surtout les adjectifs qui introduisent dans cette évocation un élément d'incongruité déconcertante. Quel style, ce MuMM !
Écrit par : fuligineuse | mardi, 17 avril 2007
Tiens, MuMM, je viens de voir ceci, j'ai pensé à toi (tu en as peut-être déjà parlé, j'ignore)...
http://lauravanel-coytte.hautetfort.com/archive/2007/04/17/beckett-les-mots-mis-a-nu.html
Écrit par : joye | mardi, 17 avril 2007
Les commentaires sont fermés.