mardi, 02 mai 2006
Hédonisme dissonant ?
Il y avait tout à l’heure, sur France Info, un entretien avec une dame dont je n’ai retenu, occupé que j’étais à une manœuvre délicate, ni le nom ni la fonction, et qui parlait, au sujet de la mode des objets miniatures, du zapping généralisé et du « tout petit », d’une forme d’hédonisme dissonant. Comme je crois savoir assez bien ce que sont l’hédonisme et la dissonance, je ne m’explique guère cette formule. Toutefois, ce qu’elle disait était très intéressant, car elle estimait que cette tendance très contemporaine révélait un profond mal-être, dans la mesure où l’on préférait les morceaux choisis aux œuvres complètes (à en croire son vocabulaire, elle devait songer à l’opéra ou à la musique classique), le snacking aux vrais bons repas, et, généralement, le saupoudrage à l’approfondissement.
Je ne peux qu’opiner. Cette tendance est très nettement perceptible en art et en littérature, dans la mesure où de nombreux lecteurs préfèrent les « vies minuscules » et autres « gorgées de bière » (suivez mon regard) à des ouvrages plus exigeants. Qu’on ne se méprenne pas sur le sens de mon propos : il y a des textes brefs ou aphoristiques qui sont de pures merveilles, et des pavés (assez nombreux) qui sont de fades soupes populaires. Toutefois, on ne sort pas indemne des Démons de Dostoïevski, d’un roman de Dickens ou de la fréquentation assidue de Proust, de Tristram Shandy, ou encore de l’Exhortation aux crocodiles. J’ai plus souvent la mémoire courte pour les récits brefs, les proses distillées par les experts de l’écriture blanche et de l’ellipse à répétition (si j’ose dire). Un bon exemple de cela est une toute petite chose sans corps et sans vie, minimaliste et fade, qu’un ami libraire avait voulu me faire passer pour un chef d’œuvre de toute beauté : Elisa d’un certain Jacques Chauviré. Mon admiration pour des écrivains contemporains tels que Renaud Camus ou Breyten Breytenbach vient du fait qu’ils n’hésitent pas à en faire trop, et c’est toujours dans l’excès qu’ils se révèlent sublimes.
Mon père est d’avis qu’un écrivain doit se donner la peine d’être concis, ce qui est une opinion que je ne partage pas du tout. La littérature n’est pas le journalisme, et la vie ne sera jamais si courte qu’il ne faille pas se délecter des vers monumentaux de la Divine Comédie. D’ailleurs, cela fait trente ans que mon père n’a pas ouvert un livre qui soit de la littérature : CQFD ou QED, en quelque sorte. (Je précise ici que ce désaccord avec mon père porte sur la littérature, point barre, et qu’on peut fort bien aimer en ne partageant pas les goûts).
Ah ! affreusement infusée, ma tisane d’oranger est excellente !
15:45 Publié dans YYY | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Faire tenir Tristram Shandy en une heure et trente-quatre minutes au cinéma, c'est possible... Enfin, selon Winterbottom. A vérifier en juin, mais je suis sceptique.
Écrit par : Antoine | mardi, 02 mai 2006
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