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mardi, 13 mai 2014

(in petto)

    Soudain, le contrebassiste, un grand gaillard costaud, physique de déménageur ou de krav-maga, s’est retourné vers l’enceinte placée derrière lui

(l’enceinte du retour)

et, tout en continuant un petit fretting de circonstance, accompagnement de quelques secondes, a saisi une cannette de coca un peu cabossée, vide on le suppose

(ce dont il buvait de temps à autre, c’était plutôt une boisson énergisante ou une bière, va savoir)

, et l’ayant placée entre les deux cordes centrales de sa contrebasse

(hein ?)

s’est mis à jouer avec un archet court, de toute son énergie, tapotant aussi la cannette

(de coca)

à jouer tantôt entre la cannette et le chevalet

(il avait placé la cannette entre les deux cordes centrales et à quelques centimètres au-dessus du chevalet)

tantôt au-dessus de la cannette, ce qui créait bien entendu un effet métallique, dissonant, un peu furieux

(je me demande quand l’un aura l’idée de jouer de sa basse ou de son violon avec une pertuisane),

le baryton rugissant beuglant, le percussionniste sciant les cymbales, et puis le contrebassiste

(un grand gaillard costaud, physique de déménageur ou de krav-maga)

s’est de nouveau retourné, a saisi un autre archet, l’archet habituel des contrebassistes, et s’est mis à jouer avec deux archets, l’un au-dessus l’autre en-dessous de la cannette de coca, quelques spectateurs riaient, ont ri

(ont ri, ce fut momentané)

de bon cœur, curieusement le rire n’est venu qu’avec ce deuxième acte dans le jeu al ponticello con coca, tout le monde ne riait pas

(non, d’aucuns restaient impassibles)

mais enfin moi ça m’a fait bien sourire et regardant le public

(tu étais assis sur le côté)

j’ai vu que quelques spectateurs

(notamment l’une des rares femmes)

riaient franchement, cela n’avait rien d’irrespectueux ou de sarcastique, ce jeu aux deux archets avec cannette avait quelque chose de théâtral tout en apportant des éléments décisifs à ce moment de la construction sonore du trio

(le batteur avec ses micro-cymbales en demi-lune renversée, le baryton souffle avancé avec alternance de beuglements et de rugissements),

et donc pourquoi se retenir de rire, on voyait bien ces quelques visages rieurs, mais on n’entendait pas les rires, car ça envoyait du décibel

(comment parles-tu, tu ne peux pas au moins mettre ça en italiques)

le concert avait atteint un volume sonore qui aurait recouvert même des rires sonores

(guffaws)

même des rires aux éclats, de tout l’auditoire même

(ça envoyait du décibel)

donc pourquoi ne pas rire aussi de ce moment de tension métallique avec la cannette

(le contrebassiste costaud)

d’autant qu’après dans la rue, discutant avec Jérémie qui fumait sa cigarette

(il avait dû régler une histoire d’hébergement, n’avait entendu que des bribes du premier trio),

il n’y avait aucune raison de ne pas parler du caractère théâtral de ce genre de choix, de ce genre de modes de jeu

(ça avait l’air velu),

et Jérémie a dit ça

(ça avait l’air velu)

de sorte que j’aurais pu me marrer autrement qu’en mon for intérieur

(mais tu t’es marré in petto quand même),

rire pour la deuxième fois de la soirée, rire franchement, car cette expression, je ne l’avais entendue, à ma connaissance

(« ça avait l’air velu »),

que dans un des épisodes les plus drôles de la série Kaamelott, un des épisodes préférés d’Alpha

(les règles originales, elles sont velues)

cette coïncidence

(qui n’en était pas une)

cette coïncidence, arrête de m’interrompre, m’a fait sourire in petto

(comme de la cannette al ponticello)

et bien rire, franchement, après, deux heures plus tard, je dirais, rentrant chez moi et repensant à toutes les belles choses de ce double concert

(ça avait l’air velu)

tout se catapultant dans ma mémoire

(ce qui va de soi, ce n’est pas une coïncidence)

les mains sur le volant, vitres ouvertes, les mains sciant le volant de la Clio.

10:38 Publié dans I | Lien permanent | Commentaires (0)

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