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vendredi, 30 mai 2014

Elsa :: Boyer :: Mister

    Les éditions P.O.L. viennent de publier le troisième livre d’une certaine Elsa Boyer, Mister.

Livre absolument époustouflant, c’est écrit d’emblée, et comme il paraît que même les lecteurs les plus perspicaces voraces attentifs amoureux-du-complexe ont tendance à décrocher des billets de blog après quatre phrases courtes, voilà, vous le savez, texte capital, précipitez-vous ô perspicaces, achetez.

Sur le site de l’éditeur, on vend un peu la mèche, le résumé voudrait qu’il s’agît du portrait d’un entraîneur de football, inspiré d’ailleurs par trois entraîneurs « réels » sont les noms sont donnés. Bien entendu, c’est un peu ça, et ce n’est pas ça du tout. Mieux qu’un “portrait de”, Mister est une plongée dans l’esprit (dérangé ? dérangeant à coup sûr) d’un entraîneur de football, façade ravalée, anxieux de voir ses pulsions animales prendre le dessus, planqué derrière des lunettes noires, écœuré par les monomanies pognonnières du “staff” et jamais autant inquiet et déçu que quand les autres voient (croient voir) exceller les joueurs.

Il n’est donc pas du tout question de football. Certes, on devine, en filigrane et passim [il m’a semblé que ce latinisme était très opportun ici, oh what a smart ass I am], que le club en question est le PSG ; certes, on reconnaît, dans le portrait de l’attaquant-vedette (pp. 103-4), le désormais tristement célèbre Zlatan. Mais ce n’est pas un roman. Et encore moins un livre sur le football. Elsa Boyer écrit à contre-pied.

Mister est plutôt un livre sur l’argent et l’animalité, sur la répression, le refoulement, par une écriture trempée à des sources volcaniques (Lautréamont, Duras, Savitzkaya), avec une perspective qui en fait, à ma connaissance, un des rares livres français que l’on puisse lire à l’aune du réalisme magique. Le réalisme magique est une notion galvaudée, généralement conçue comme un synonyme chic et choc du bon vieux fantastique (qui, lui-même, n’est pas toujours distingué du merveilleux). Ainsi, même un très bon roman comme Ladivine de Marie Ndiaye est très bon, mais ne relève pas du réalisme magique.

Mister est un texte où le style noue en permanence des éléments réels (hyper-réels même) et une vision anti-cartésienne du corps humain, des pouvoirs de l’esprit, de la subjectivité, et, donc, en marge, du sport. On n'est pas très loin d'un récit de Kafka, plus viscéral, plus exubérant, en noires songeries :

Le staff glapit, troue le corps du Mister de petites morsures. Mister sauve sa peau. Chez lui, entre les murs, il hurle dans le noir. Il creuse des cachettes où se terrer et dormir. Des proches rapportent à la presse que l'eau de sa piscine est croupie, envahie d'algues. D'ailleurs, on n'est plus tout à fait sûr que Mister habite encore ici. (p. 126)

 

Que le sport (divertissement, amusement – selon l’étymologie) soit ici l’objet d’une exploration du monstrueux, de la plus absolue noirceur, c’est le signe que Mister se situe pleinement en littérature : dans le revers, l’inversion, l’inscription en creux.

Commentaires

Ce n'est pas la longueur des phrases qui compte dans un blog, c'est l'aération, les paragraphes et les retours à la ligne.
J'essaierai donc.

Écrit par : VS | lundi, 02 juin 2014

Donc, tu n'as pas dépassé le premier § ?
Pourtant, les § sont courts.

Écrit par : MuMM | lundi, 09 juin 2014

Les commentaires sont fermés.