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mardi, 31 janvier 2017

2803, dans la guildiverie

« L'histoire du chauffeur de notre guildiverie, Joseph, un noir d'Anjouan, et des couches de sa femme, n'est pas racontable. »

(Paul-Jean Toulet. Journal & Voyages, 15 septembre 1886. In Œuvres complètes, Bouquins, p. 1025)

 

Bon, je m'attaque à Toulet, oui, et alors ? Je m'attaque, je m'attaque, c'est bien militaire tout ça. Vous le savez, je suis pacifique. D'ailleurs, une preuve : mon œuvre est un océan. Je joue, je m'attaque, je mets en joue, ha ha.

Reste que ça ne dit pas ce qu'est une guildiverie.

Donc on se trouve contraint d'aller chercher la guildive dans le TLFI : ”Eau-de-vie préparée à partir de mélasses ou de jus de canne à sucre” (Clém. Alim. 1978). Synon. tafia. Ils mirent leurs trophées dans un baquet de guildive (Borel, Champavert,1833, p. 103). Et la guildiverie dans le Littré : « Nom, à l'île de la Réunion, de l'industrie qui fabrique les araks et les rhums. »

Ça alors ! Moi qui ai fait rimer, il n'y a pas trois jours, Michalak et arak !

3549881222509_1.jpgBah, peu importe la coïncidence. Ce que je voulais dire, où je voulais en venir, c'est à l'inénarrable. On dit inénarrable pour quelque chose qu'on va justement vous narrer, quelque chose de pittoresque, qui appelle le récit comme on dit (et déjà cet usage d'appeler laisse à désirer). Or, là, dans son Journal, Toulet lance quelques mots, et surtout « couches de sa femme » (expression qu'il faudrait sans doute traduire en français contemporain par accouchement (je frémis d'imaginer ce que donnerait cette phrase sous la plume d'un candidat à l'agrégation*)). Tout ça pour dire, un peu comme Wilde l'aurait fait (le ferait ?), quelque chose de profondément indécent tout en se donnant les gants d'un victorianisme fin de siècle. Ce n'est pas du tout comme dans les journaux de Samuel Pepys, où n'importe quel lecteur baragouinant le français et le latin comprend ses coucheries avec des prostituées — codage vraiment peu dissimulateur.

D'ailleurs, la phrase commence par L'histoire... et en fait, il y a deux histoires, non ? l'histoire du chauffeur et celle de l'accouchement ? ou alors, c'est le chauffeur qui a raconté une histoire salée au sujet de l'accouchement de sa femme. Et l'arak dans tout ça, hein ? Le compte n'est pas juste, l'addition tombe en faux, et si ça n'est pas racontable alors le conte n'est pas juste non plus.

On aurait dû s'en tenir aux Contrerimes.

 

* Mais enfin, il ne faut pas tout confondre. La phrase suivante est tout aussi difficile à traduire : « Championne de car wash, la candidate de "Secret Story 10" est habituée à s'afficher en petite tenue et à trémousser son corps. »

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