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samedi, 18 août 2007

Des lettres blanches

    Le 12. Chaussé d’espadrilles, en ce premier jour puissamment ensoleillé d’un juillet enfin vrai, lassé tout de même – à la longue – du rocking-chair, il a fallu que je m’attable. Ce petit récit envoûtant que tu lisais dans ta chambre blanche, avec le berceau transparent à tes côtés, je le découvre à mon tour, sous la couverture brune et soignée des éditions Finitude. Il me fait songer, bien sûr, à quelques textes surréalistes qui en furent contemporains, mais aussi à ces proses des symbolistes tardifs que j’aimais tant – disons, Le Livre de Monelle de Schwob et le théâtre de Saint-Pol Roux (La Dame à la Faulx, quel livre étonnant).

D’Odilon-Jean Périer, je n’ai connu, longtemps (mais depuis l’enfance), que quelques poèmes, et notamment “Je t’offre un verre d’eau glacée”, dont le Sans ornement souvent résonne à mes oreilles. Dans Le Passage des anges, l’expression « sans ornements » revient au moins trois fois sous la plume de ce narrateur qui dit, des aventures de ses personnages, qu’elles sont « celles que j’ai le plus envie de vivre, excusez-moi ».

Dans le rythme des phrases même, dans le recours soudain à toutes sortes de coupures linguistiques, s’entend évidemment l’influence des maîtres que je citais plus haut, et peut-être aussi, d’une certaine façon, de Maeterlinck et Mallarmé. Pourtant, ce texte utopique n’a pas son pareil, et il est heureux qu’il ait été réédité. Chaussé d’espadrilles, la peau enfin au toucher de l’air chaud, je l’écris : le nom même d’Odilon-Jean Périer, avec la symétrie que lui offre la seconde partie du prénom composé (6-4-6), souffle en voyelles doubles (deux o et deux e qui encadrent chacun le i central sans lequel la pierre ne saurait respirer). Comme nom d’auteur, on ne peut faire mieux.

Gêne : un ange passe. Sous les gestes des anges s’entendent les voix des gens. Tout se meut en sonorités inversées. Un jeune garçon, tout juste né, s’approprie la force vive de son aïeul, qui rêva à la lune et aux rires fusant sans fin. La vie est une jaquette de roman, où s’inscrivent des lettres blanches.

 

(Le 14. Le surlendemain, ayant fini de lire le récit dans le bercement douteux des tracteurs qui, à grands bringuebalements de barrières métalliques, préparaient le champ en contre-haut pour la traversée du bourbier, j’ai goûté cette fable qui n’est pas une parabole et qui, entre autres saveurs mystérieuses, rappelle, dans sa douceur même, les chapitres les plus noirs du roman contre-utopique de Kubin, L’Autre côté. Par contraste, fades, ternes, convenues, attendues, quatre ou cinq nouvelles de Richard Ford ne pèsent pas bien lourd. On a pu improviser six nouveaux couplets de Je ne puis vivre que de toi, histoire de montrer plus la richesse quasi infinie des rimes –èche et –ois en français que l’indigence de Jean Ferrat (ou de son parolier), qui n’est pas démontrée. L’usage de la langue : la mauvaise monnaie chasse la bonne.)

14:25 Publié dans MOTS | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Littérature

Commentaires

Fouette jouissance au vent clavecin soufflant l’arpège, menuet malin au fier soleil de vos domaines - favorisé de «L’autre côté », grimoire qu’enluminât ce sibyllin des perversions charmantes, Kubin, peintre des splendeurs décalées, scribe d’un unique mirage. Aviné d’ambiguïté, succubant parmi l’art noir, j’invoque pour compléter l’Apprenti sorcier d’H. Heinz Ewers et l’ombre-chimère de Meyrink. Parmi ces parchemins éruptifs, voici Pawlowski du "Voyage dans la 4ème dimension. » qui brame son désir d’issir hors de l’oubli . Chez les croques-logos qu'affriolèrent les blandices de la Sérénissime,: " Le désir et la poursuite du tout" du Baron Corvo, s’impose. (Petite chronique précieuse, vol.1)

Qu’on ne me défie* sur cette étrange appareillage, point d’illogisme : ne furent cités que les hapax les plus stylés.
* (Ou gare l’analyse des énoncés selon l’empirisme logique anglais. Voire Wittgenstein…. force sera de reconnaître que nous nous exprimons tous hors de la trismégiste logique.)


Things thought too long can no longer thought,
For beauty dies of beauty, worth of worth
W.B.Y
,
Ps J’ose – timidement- Une question à MMdM (il est évident qu’un silence serait compris). J’aimerai savoir à quelle traduction je peux me fier pour le John Donne d’Anatomy of the world. ( New philosophy calls all in doubt, /The elements of fire is quite put out ;/ The sun is lost and earth and no man’s wit/Can well direct him where to look for it ... ); Ces vers afin de préciser (quoique ça m'étonnerait que ce soit nécessaire) et puis surtout pour le bonheur.

Si j’insiste d’abord sur ce poème, sur l’édition qui pourrait l’accueillir, c’est qu’il m’intéresse dans le cadre de certaines recherches. Je voudrai aussi lire l’intégrale de l’oeuvre, par pur plaisir. Les éditions bilingues sont, sans contredit mes préférées, tête de liste de ma quête. Je peux bien lire un roman anglais (pas Finnegan’s wake! ou le théâtre des élisabéthains ; ainsi pour Marlow, je souffre) mais la poésie…
La question de la traduction me passionne (il paraît que la dernière traduction d'Ulysse est une réussite; je n'ose par lire Finnegan...en Français), je me demande quel peut bien être votre point de vue. Mon épouse est Russe et m’assure que Blok ou Pouchkine sont intraduisibles. Par contre, la traduction de « Vivre dans le feu » de Tsvetaieva par Todorov est une grande réussite –mais ce ne sont pas des vers.
Pour en revenir à l’Anglais, j’avoue avoir été déçue par l’édition Poésie Gallimard des « Poèmes » de Donne ; quelle mouche les a piqués de traduire en alexandrins rimés ! Résultat, des substantifs sautent qui sont indispensables à la subtilité de l’entrelacement des motifs, aux tonalités et échos du thème dominant… à la simple compréhension! Jean Yves Masson, germaniste de première force mais également traducteur d’Anglais et d’Italien, bien que partageant mon point de vue, m’assure de l’amour des traducteurs pour Donne. Faut croire que c’est l’amour vache… ce type de traduction ne réussit qu’exceptionnellement (je pense aux sonnets de Shakespeare par Jean Fuzier dans la Pléiade). Pour mon professeur de traduction (Jean Michel Desprats), le sens primait résolument. Albert Laffay lorsqu’il nous donne Keats en Français chez Aubier choisit de sacrifier la musicalité à un total rendu du signifié. C’est logique. Un poème traduit est amputé d’un pourcentage énorme de sa splendeur. Comme il est a peu près impossible de rendre la musicalité (sauf cas de génie, Nerval avec Goethe, mais ça frise l’adaptation, autre domaine), qu’on donne au moins le sens. Lorsque Bonnefoy traduit Yeats, il n’essaye pas de rendre les rimes.
Bon et bien, j’ai laissé filer la parlotte, j’espère que vous ne m’en voudrez pas trop…
Et si jamais vous pouviez m’indiquer cette édition de Donne (s’il vous vient un renseignement sur une édition anglaise annotée, merci, mais j’ai grand’ peur d’abuser…)

Ah, ce n’est pas pour vous « acheter » - notion stupide quand on vous lit d’un peu près – mais le texte qui a déclenché l’enthousiasme d’Amélie ("Y voir goutte") , sans aller jusqu’à brûler d’une pareille ardeur, je l’ai trouvé très agréable à lire. Sans afféteries, avec un réel plaisir du langage, une jouissance maîtrisé du verbe. Bon ben, voilà, tout ajout serait... importun

Écrit par : Restif | lundi, 20 août 2007

Revenant d'une semaine d'absence, je découvre votre passionnant/foisonnant message et prépare une réponse. Pour Donne, je crois que la traduction de [nom oublié] à l'Imprimerie nationale fait autorité.

Pour les sonnets de Shakespeare, Fuzier reste discutable, très même. La meilleure, et de loin, est celle des époux Bournet (Daniel et Geneviève). En fait, c'est la seule qui soit vraiment bonne.

Écrit par : MuMM | dimanche, 26 août 2007

Soyez remercié - et vivement ! - d’avoir plongé chez Mnémosyne afin d’en remonter les plus pures traductions. J’achèterai sans faute celle des époux Bournet, dès que ma tirelire aura repris décente rondeur. Aujourd’hui en effet, pris d’une soif de savoir gravillonnée de vanité, je flambais qqlq 80 € en philosophie diverses comprenant, suprême démence ! La phénoménologie de l’esprit (traduction Jean Pierre Lefèvre, Aubier) que je me suis donné parole de lire, pour que ne se répète point l’aventure de Spinoza, L’Éthique bloqué-brisé net dans l’être-là d’un corollaire.
Si je conte en détail cette phénoménologie consumériste, ce n’est pas, je veux le croire, par cuistrerie. J’illustre mon complexe d’infériorité de littéraire qui, à qql exceptions prêts (Heidegger! Sans doute un mirage de compréhension) se présente devant la Sagesse chapeau bas et bredouillant. Mais , that is MY question : si je ne tente pas l’apprentissage, ne deviens point jargonaute, ne raterais-je pas l’essentiel ? Ajoutons : comment oublier Flaubert et Spinoza, Maupassant et Schopenhauer, combien d’autres cathédrales où s’élèvent de philosophiques piliers ? Bannissant le principe de plaisir, en rejetant l’achat de Mr Nicolas du sieur de la Bretonne, tout peccamineux et ployant sous le fardeau de ma frivolité, je vins donc frapper à la porte de la PENSÉ. Logos et aléthique, concept à tous les repas. Il est rare que Minerve s’esclaffe (sauf chez certains Danois toujours suspect aux yeux du pur).
Qu’on me pardonne cette trop longuette historiette bougrement autolâtre mais je m’interroge : est-ce là perversion personnelle, ou partagée?

Bien, revenons à nos panses de brebis farcies/ à nos référents panurgiens («Pour une resémantisation du lieux communs » cahiers de jargologie, 3ème livraison.)
Donc, cochon qui s'en dédit ( je me demande qu'elle est la formule anglaise?)dès que sera régulée ma comptabilité je m’offrirai la traduction Bournet. Frappé de ce que vous écriviez de Jean Fuzier (l’un des 2 traducteurs de Donne) j’ai repris mon Pléiade, texte anglais sur la table.Ah, certes, ce n’est pas totalement une réussite, et j’ai l’euphémisme diantrement généreux. Mais ce fut l’édition de ma première rencontre avec le barde et ses poèmes…j’avais douze ans, l’année où Rimbaud, découvert par « hasard » dans un vieux Lagarde et Michard, venait de me fendre l’âme en deux, de m’ouvrir à l’absolu, c’était la preuve qu’il existait d’autres foudres, CELA provenait d’un ailleurs inconçu.
Mais mes mots sont des bouts de plomb là où il faudrait une pentecôte de la langue ; comment rendre cet instant où j’eus très réellement, très charnellement la sensation d’une révélation…une transfiguration. Charnelle oui, au sens (mais je ne veux blasphémer) où l’esprit s’est fait chair. Jean Michel Maulpoix, que j’ai le bonheur de connaître un peu, m’a très simplement dit que c’était là, hors les mots, la naissance à la poésie telle qu’elle n’existe que dans cette enfance.
Et tout cela pour expliquer que les sonnets par Fuzier bénéficièrent de se souvenir, quand bien même je les ai fort peu lus, pas même intégralement, cette année là. Depuis, j’ai essayé Pierre Jean Jouve qui m’a tristement déçu. Enfin l’édition Bouquins qui, outre l’intérêt du texte anglais donne un appareil de notes qui m’ont apporté maints renseignements indispensables à la compréhension du texte. Et c’est peut être là que gît le crime réel atroce dans l’édition Fuzier : pas UNE note, pour ces sonnets d’une rare complexité où se résume toute l’intelligence de l’amour que pouvait avoir une époque férue de Platon voire de Plotin. Bien mieux que moi vous le savez, les thèmes « philosophiques » qui orchestrent les motifs des sonnets – mort, mimésis, amour pur/amour « bestial », sens de la beauté et de l’Art etc. – ne peuvent s’entendre sans un panorama du siècle qui les vit naître. Le ciel a voulu qu’on les mette à l’agrégation de lettres, ce qui a permis de lire des commentaires passionnants. Pour un tel texte, multiplier les traductions ne peut être un mal. Je compte m’enquérir de Donne à l’Imprimerie National. Je suppose que cela doit être dans la merveilleuse collection La Salamandre qui nous a donné les poèmes de Michel Ange et une nouvelle traduction d’Hoffmann qui complète harmonieusement celle dirigé par Albert Béguin . Pour ceux qui (comme moi hélas) n’ont pas accès à l’Allemand, rien de plus enrichissant que de lire un même texte sous deux «interprétations ».
Est-ce vrai que la nouvelle traduction de Tristram Shandy est INCOMPARABLEMENT supérieures à celle de Mauron ?
Enfin, domaine français : je lis Le mythe autobiographique de Claude Louis Combet. Je le tiens, pour un grand écrivain, un authentique. De plus, l’homme est charmant. J’eus le bonheur de le rencontrer gros– oh, un gros ¼ d’heure… - lors d’une de ses lectures. L’infiniment dérisoire tératographe Moix a cru drôle de dauber sur le compte de Pierre Jourde sur l’air de « vous citez Combet et Chevillard parce qu’ils ont aussi peu de lecteurs que vous » ; une telle finesse dans l’argument me cloue raide roide au rude mur des idées ridées. Décidément, l’authentique artiste se reconnaît jusqu’en ses camouflets...
Mille Pardon : je pollue votre charmant jardin en y semant l’herbe revêche et disgracieuse de la polémique. Voilà ce que c’est que de ne fréquenter que de très rares blogs, et de n’avoir plaisir à « poster » que dans deux de ces lieux. On se dévergonde du clavier. Un jour, des doctorats porteront sur les blogs… Mais quel matériel génétique pourront donc bien se mettre sous le binocle analytique nos pauvres futurs chercheurs ? plus de carnets flaubertiens, seuls des disques durs friables se dissolvant au vitriol du temps.

Bon, ce texte babillard ne doit point voiler la question antérieure du premier, question de la traduction en général et en particulier ( le new Ulysse,Finnegan's wake est-ce attaquable, peut être avec l'original à porté d'oeil?), qui reste mon plus fanatique désir, pourvu qu’icelui point ne dérange pas.Ce n'est pas une formule,ceci, je le dis sérieusement.Tout le temps du monde est à vous, et tous les "non" souriants. Blog n'est pas boulet, cela s'entend.


Ps « L’œil retapé prend la tangente », j’emprunte ce bel oiseau à l’un de vos textes. Il représente admirablement tout ce qui me charme dans votre écriture : sens du jeu, invention, une oreille très attentive à la langue, écoutant ses recoins, auscultant ses échos, ne cédant pas aux caprices et fougues de cette trompeuse autant qu’exquise monture, toujours susceptible de faire vider les étriers. De la prestance mais sans apprêts. Et, passé la surface, discrète et précieuse, l’humilité.

Écrit par : Restif lev' | mardi, 28 août 2007

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