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vendredi, 23 janvier 2015

Marge dans la voix

    Sur l'œuvre d'Ananda Devi, il faudrait écrire transversalement — je veux dire, reprendre les romans que je connais, lire ceux que je ne connais pas, tracer un itinéraire. En l'espèce, son dernier, Les Jours vivants, que j'ai lu à sa sortie, il y a plus d'un an, est sur l'énorme pile des livres que je n'ose pas encore ranger des fois que au cas où. J'en avais laissé passer facilement quatre ou cinq, et j'ai retrouvé son écriture mûrie, moins baroque, moins âpre, moins cruelle, plus classique peut-être.

L'histoire est très forte, par l'empathie du narrateur pour ce personnage de vieille dame murée dans sa mémoire, aveugle et sourde au monde extérieur, et qui se prend progressivement d'une amitié subreptice, qu'elle ne comprend pas elle-même, pour un jeune paumé des quartiers sensibles. Le basculement dans une sorte de fantastique très charnel, pas du tout “mystique” au sens où cet adjectif peut ressortir d'un kitsch rebattu, est savamment, lentement préparé par les premiers chapitres ; c'est aussi un très beau livre sur Londres. Au fil de son œuvre, Ananda Devi nous propose, mieux encore que Marie Ndiaye, un modèle paradoxal, car par force sans émules possibles, de récit marginal : récits sur des personnages rejetés, ou déjetés, écartés ou à l'écart, dont la voix narrative s'empare et se dépossède, dont le caractère insaisissable reste comme lancé.

Le sens de la marge est dans la voix même.

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