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samedi, 21 janvier 2023

Baal design, 1.1.

    Je commence à lire Agnes Tremorne.

Faudrait-il que je le lise « normalement », comme un roman normal, en le téléchargeant sur tablette par exemple et en lisant ce PDF à coup de dizaines de pages, sans annotation, en rendant simplement compte de ma lecture après l’avoir achevée ?

Bon, ce n’est pas comme ça que ça se goupille.

Je commence à lire, ou plutôt j’ai commencé à lire – les pages 1 à 3 de l’édition Smith Elder & Co de 1861 en version numérisée. Dès l’incipit, le ton est donné : ce récit s’inscrit dans la bascule entre l’Italie prétouristique et la naissance de la nation italienne moderne.

 

Thirty years ago Rome was not the crowded resort it now is.

On suppose que l’histoire se passe 30 ans avant la date de publication, vers 1830 donc.

Pas de virgules.

Crowded : adjectif plutôt péjoratif, qui sous-entend que le tourisme de masse n’a rien de bon. Cf l’ambivalence baudelairienne sur la ville populeuse. Le nom crowd, depuis Wordsworth au moins, suggère le tumulte, la dispersion, l’affront fait à l’harmonie paisible à laquelle aspire l’artiste (individualisme, élitisme ?).

Resort : ce nom (plutôt que place ou city) montre que le point de vue est celui des touristes, ou, en tout cas de personnes qui ne sont pas des autochtones. C'est un lieu où on se rend, un lieu de déplacement, d'ex-patriation pourrait-on dire.

 

Le premier § développe cette antithèse : Rome aujourd’hui (en 1860 – la jet set [anachronisme délibéré de ma part] s’y presse) et Rome jadis/naguère. Le point de vue est celui du you impersonnel si commode. Le § s’achève en précisant qu’à part les Romains eux-mêmes, on ne croisait, comme étrangers, que des artistes et des cœurs brisés.

Le deuxième § enchaîne sur cela, avec présentation du personnage (principal ? je n’en sais rien, je n’ai lu que 3 pages) : Godfrey Wentworth belonged to both these classes. La villa où vit ce fameux Godfrey est célèbre pour les fresques qu’y ont laissé Overbeck et Führich. La voix narrative insiste sur le fait que les peintures se sont déjà défraîchies mais sans perdre de leur pouvoir poétique : Yet still we gaze on their tarnished frescoes.

[Oui, je suis donc allé vérifier sur le Web Overbeck et Führich. Il s'agit du mouvement des Nazaréens et la villa dont ils ont peint une chambre est la casa Zuccari. (D'après la WP, les fresques ont été vendues en 1867 à la Alte Nationalgalerie de Berlin. Le protagoniste du roman de D'Annunzio L'Enfant de volupté y réside. Pas un mot ici d'Isa Blagden, évidemment.)]

Le jeu entre you et we est très marquant, à ce stade. La phrase que je viens de citer est précédée d’une belle période avec double parallèle Clorinde / Tancrède – la chevelure de l’une et l’armure de l’autre. Clorinde est blonde (cheveux dorés). C’est comme si les fresques étaient ternies (tarnished) mais pas ce qu’elles représentent.

De fait, cela fait l’objet du troisième §, plus court et que je donne en entier :

 

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Je considère que la dernière phrase fait partie du même § alors qu'il y a un alinéa. Ce passage relève sans doute de l’intrusion d’auteur, du discours d’artiste. Tout y passe : le médiévalisme, le thème de l’immortalité de l’art sous son versant romantique, l’adjectif wondrous (dont je pense qu’il était déjà archaïsant, ou à tout le moins littéraire, en 1861 – mais il faut vérifier).

Sans comprendre parfaitement le rapport entre l’argument du § et la citation, je suis allé vérifier celle-ci, imputable a priori à Henry St-John, vicomte de Bolingbroke (1678-1751), que certaines encyclopédies (fors la Britannica) décrivent, de fait, comme un homme politique mais aussi comme un philosophe dans le domaine de la théorie politique. Ce qui m’amuse, c’est qu’on trouve cette citation dans The Disowned, roman publié en 1829 (donc 30 ans avant Agnes Tremorne) et dont l’auteur est Edward Bulwer-Lytton… le père de Robert Bulwer-Lytton, le grand amour, à ce qu’il semblerait, d’Isa Blagden (et qui l’avait déjà vilainement larguée à ce moment-là).

 

Je m’arrête là : si je ponds 2 pages à chaque fois que j’en lis 3, on n’a pas le cul sorti des ronces. (Voilà qui rompt, non la chaîne du froid, mais le niveau de langue.)

 

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