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mercredi, 13 septembre 2006
Rêve toujours
Je m’étais allongé dans un pré vert. Sa verdure m’entourait de mille soins. Il fut question des terribles renards espèces de loups. Vitaliano Trevisan m’interdit d’employer l’article défini devant les noms d’arbustes. Confusion, autant dire.
Alors j’inventai les Xénides, après avoir hésité.
D’un pas pressé, il quitta son pré pour aller poster trois lettres : une à ses parents, une à un libraire, une autre enfin au Petit Faucheux. Il hésitait entre “xénies” et “xénides”. Toujours et encore.
13:55 Publié dans Soixante dix-sept miniatures | Lien permanent | Commentaires (8)
Cahier à spirale
La princesse aux yeux de lune ? Très peu pour moi, je préfère les vieilles prunes ou les petits pois.
Et alors, ce n’est pas incompatible, si ?
Admettons. En tout cas, vous savez qu’il fait de nouveau très chaud sur le gravier, et que les ardeurs du traducteur reprennent.
Oui, il a les veines gonflées à bloc, les yeux rougis de fatigue, des cernes que c’est pas permis et le ventre noué.
C’est affreux. Que peut-on faire ?
Je ne sais pas… La princesse aux yeux de lune, peut-être…
11:53 Publié dans Onagre 87 | Lien permanent | Commentaires (1)
Vitaliano Trevisan dans son vison italien
Vitaliano Trevisan dans son vison italien ne peut pas vraiment être italien, me dis-je, ni habiter Trévise, pensai-je en refermant le long livre à la couverture jaune, non sans avoir mûrement réfléchi à ce que je lui écrirais, à lui, à Vitaliano Trevisan, à cet homme photographié en quatrième de couverture dans son vison italien, pensais-je en envisageant de lui écrire. Il faut que je vous reproche, lui écrirai-je, d’être trop ouvertement influencé par les récits brefs de Thomas Bernhard, et j’en sais quelque chose, moi qui me suis plusieurs fois retenu de prendre la plume pour écrire un récit bref à la manière de Thomas Bernhard après avoir lu un récit bref de Thomas Bernhard, lui écrirai-je, pensai-je en refermant le livre. Il faut que je vous reproche, lui écrirai-je, de m’avoir infiniment séduit, et comme j’ai lu votre « compte rendu » dans la traduction de M. Jean-Luc Defromont, comme je ne suis pas apte à lire l’italien dans le texte, de m’avoir poussé à m’interroger sans cesse quant au responsable de cette parenté si évidente entre votre prose et celle de Thomas Bernhard, que j’ai lue tantôt en allemand tantôt en traduction française, pensais-je que je lui écrirais. Le responsable est-il l’auteur ou le traducteur, pensais-je. Le responsable est-il le traducteur ou l’auteur, lui écrirai-je. Sans doute, pensais-je, me répondra-t-il que les deux sont responsables, que l’auteur est coupable d’avoir subi l’influence de Thomas Bernhard et que le traducteur est coupable de s’être trop référé aux traductions françaises des récits de Thomas Bernhard, m’écrira-t-il, pensais-je. Et il faut que je vous reproche, m’imaginai-je lui écrire, d’avoir écrit une histoire si obsédante et si bouleversante qu’on ne peut pas s’empêcher de vouloir en faire un film et que, dans le même temps, tout film trahirait inévitablement le point de vue du narrateur et l’esthétique même de votre récit, de sorte que c’est une histoire de fous, lui écrirai-je, qu’on se sent obligé d’adapter votre récit à l’écran, comme on dit sottement, lui écrirai-je, mais que cela est, dans le même temps, rigoureusement impossible, comme on dit sottement, lui écrirai-je, comme il était impensable d’adapter les récits de Thomas Bernhard à l’écran, l’ombre moqueuse et bientôt injurieuse de l’écrivain planant sur tout projet de ce genre, car il n’eût pas manqué de vomir toute tentative d’adapter ses récits brefs ou moins brefs à l’écran, pensais-je, et d’ailleurs il en est du film comme de la langue, on ne sait si c’est une question de langue – l’allemand, l’italien ou le français – ou de projet esthétique, et finalement, lui écrirai-je, la seule chose de sûre c’est que j’ai lu votre texte en français, pensais-je, et que j’écris moi-même cette lettre en français, de sorte qu’on est sûr que je suis, pour ma part, influencé tant par les traducteurs de Thomas Bernhard que par le vôtre, et que vous ne pourrez peut-être même pas me répondre en français, lui écrirai-je, pensais-je. En tout cas, pensai-je en refermant le long livre à la couverture jaune, je ne lui écrirai pas que Loupinot court plus vite que le zébu du coin, parce que, pensai-je, cela n’a aucun rapport avec son « compte rendu » ni avec mon envie d’en tirer un film, comme on dit sottement, pensais-je, ni non plus avec l’influence des récits brefs de Thomas Bernhard sur son écriture ou sur le travail de son traducteur, et il faudrait, pensai-je, que je songe à lui demander si c’est bien du vison italien que lui, Vitaliano Trevisan, porte sur la photographie en quatrième de couverture, à moins que je ne m’abstienne de le lui demander, pensai-je, et que je préfère écrire un compte rendu de son « compte rendu », c’est-à-dire que j’écrive, pensais-je, un vrai compte rendu (ou une recension, ou un article de critique) du récit de Vitaliano Trevisan, dont le sous-titre est, une fois encore sous l’influence de Thomas Bernhard, pensais-je, « Un compte rendu », alors que c’est un récit et que le compte rendu est l’œuvre du narrateur fictif, ce qui fait que seul mon compte rendu sera vraiment un compte rendu, car je ne voulais pas à ce moment, pensai-je, entrer dans les subtilités sémantiques du mot compte, qui était aussi relatif au décompte des pas, et même des quinze mille pas éponymes, comme, pour ma part, je peux, selon une coutume qui m’est chère, vous affirmer, sans entrer dans le détail des allers ni des retours, que ce texte compte exactement quatre mille cinq cents signes en comptant les espaces, pensai-je.
10:54 Publié dans Âcres fins | Lien permanent | Commentaires (6)
Larmes de l'onde
Amarré passe un remords de pommier
grille mordu dans la gaze du sort :
L'île mouillée, douleur du seul œil, dort.
L'Adour reluit
imberbes sables déchirants
tourbes des signes impeccablement blancs ...
... et l'on étend glauque et ardent
leurs joncs savants.
09:55 Publié dans Xénides | Lien permanent | Commentaires (5)
Tout ciel m’est un
Le lit à baldaquin, sous la tornade, a l’air cocasse. Nous voyons, le long du fleuve, avancer les bagnards, leurs boulets accrochés aux chevilles, comme des poètes punis d’avoir trop joué sur les mots. Regardez s’envoler le lourd duvet où la comtesse avait l’habitude de s’allonger délicatement. Il a l’air d’un canard géant. Vite, un grog pour mon rhume !
05:55 Publié dans 59 | Lien permanent | Commentaires (0)