lundi, 11 décembre 2006
Chartres (Edith Wharton)
Sans savoir s'il existe déjà, de ce double sonnet, des traductions, j'ai fini, ce soir, par m'atteler à la traduction de Chartres. J'avais envoyé ce poème, il y a déjà une petite quinzaine, à Philippe[s], qui m'en avait demandé la version française. J'ai traduit le premier panneau du diptyque, et, assez curieusement, j'en ai trouvé la traduction plutôt aisée. Sur l'heure environ que j'ai consacrée à ce premier jet, plus de la moitié a été consumée sur ce maudit vers 11, évidemment celui dont je suis le moins satisfait : comment rendre le jeu de mots sur les deux sens (architectural et économique) de bosses ? comment m'en tenir à mon choix de respecter, peu ou prou, le schéma des rimes ? Au cours de mes menues recherches sur la Toile, je suis tombé sur un beau poème de Péguy, que, dans mon ignorance profonde, je ne connaissais pas, et sur l'entrée ARTS LIBERAUX du Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle.
Entre autres sujets de mécontentement : les synérèses trop précieuses à majestueux (v.1) et à nuée (v.14) ; la traduction alambiquée du vers 9 ; la liaison disgracieuse et même cacophonique attestent-en (v.14) ; trop de "césures muettes" (comme au vers 11 (encore lui) : je ne connais plus le terme exact et je ne vais pas aller farfouiller dans Mazaleyrat maintenant)...
Once again it's work in progress... (Je songe maintenant que j'eusse pu nommer ce billet "Larve de diptyque", histoire de vaincre Dame Fuligineuse sur le terrain des calembours...)
Chartres (Edith Wharton) | Chartres (traduction MuMM, DR) |
I. IMMENSE, august, like some Titanic bloom, | I. Immense, majestueux, titanesque bourgeon, Le chœur puissant dévoile à tous son cœur pierreux, De vitraux corollé – d’azur, d’or et de gueule – Au cœur du noir gothique un splendide rayon Étaminé de vives flammèches qui vont Éclairant l’autel pâle. Et, au sol priéreux Usé par la cohue des fidèles d’antan, Sont, amies du tombeau, quelques bistres croûtons, Le flottis qu’a laissé là, au ressac, la Foi : Pour elles seules les fleurons fendent les cieux, Les flambeaux libèrent les bulbes de leur loi ; Tandis que des triples portails, les graves yeux – Paisibles et rivés, sur l’éternité, droit – De la nuée de témoins attestent en ces lieux.
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Bon, je ne sais pas pourquoi l'interligne est supérieur dans la traduction ; on dira que c'est mieux que de ne pas avoir du tout la V.O. et la V.F. en regard, hein ? (Là, quand même, je vais me coucher.)
00:33 Publié dans Darts on a slate | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : Poésie, Traduction, Anglais, Littérature
Commentaires
"ignorance profonde" : voilà ! c'est le terme que je cherchais.
Écrit par : Simon | lundi, 11 décembre 2006
Superbe boulot, je suis admirative. Vraiment pas facile.
Avoir la VO et la VF en parallèle, c'est l'idéal effectivement.
J'adore le "sol priéreux"...
Histoire de chipoter : il me semble qu'en matière de blason, "gueules" est toujours au pluriel ?
Pour éviter la (légère) cacophonie de "attestent en", pourrait-on déplacer le verbe au début du vers ?
Écrit par : fuligineuse | lundi, 11 décembre 2006
Nice try, Fuli - yet, this is not possible here. Une grande partie des difficultés vient du fait que "de la nuée de témoins" est complément du groupe nominal "les graves yeux". (Je crains d'avoir quelque peu "mallarmisé" ce sonnet, vu la syntaxe intriquée.)
Que dirais-tu (diriez-vous), alors de cette autre option :
Tandis que des triples portails, leurs graves yeux
Paisibles et rivés, sur l’éternité, droit,
Les spectateurs, nuée, témoignent en ces lieux.
Écrit par : MuMM | lundi, 11 décembre 2006
... oui mais ne faudrait-il pas alors "Des spectateurs" ? (puisque c'est le complément)
... et quid de mes "gueules" plurielles ?
Écrit par : fuligineuse | lundi, 11 décembre 2006
1) Mais non : dans cette nouvelle version, le GN "leurs graves yeux... droit" est antéposé...
2) Oui, "gueules" au pluriel.
Écrit par : MuMM | lundi, 11 décembre 2006
Ce serait bien prétentieux de ma part de donner mon avis…
En revanche, (et là, vous me voyez venir…hi hi !), j’ai quelques problèmes en ce moment, sur un passage de *Voss* de Patrick WHITE et *The Sweetheart of M.Briseux* de Henry JAMES : des amateurs ?! Par ailleurs champion, je viens de terminer un passage de *The Custom of the Country* d’Edith WHARTON!
Écrit par : Aurélie | lundi, 11 décembre 2006
Go ahead... let's talk about those...
Écrit par : MuMM | lundi, 11 décembre 2006
Voici LA partie du texte de P.White, *Voss*, qui m’a posé problème (une bonne moitié je sais…). Je dois rendre ce texte (cned). On me dit que j’ai une nette tendance à réécrire le texte, ici, j’avoue ne pas tout comprendre…J’ai indiqué quelques commentaires entre parenthèses, dans ma traduction, ce serait gentil de me dire pourquoi ça ne va pas. Merci beaucoup !
Voices, if only in whispers, must break in. Already she herself was threatening to disintegrate into the voices of the past. The rather thin, grey voice of the mother, to which she had never succeeded in attaching a body. She’s going, they said, the kind voices that close the lid and arrange the future. Going, but where? It was cold upon the stairs, going down, down, and glittering with beeswax, until the door opened on the morning, and steps that Kate had scoured with holystone. Poor, poor little girl. She warmed at pity, and on other voices, other kisses, some of the latter of the moist kind. Often the Captain would lock her in his greatcoat, so that she was almost part of him – was it his heart or his supper? – as he gave orders and told tales by turns; all smelled of salt and men. The little girl was falling in love with an immensity of stars, or the warmth of his rough coat, or sleep. How the rigging rocked, and furry stars. Sleeping and waking, opening and closing, suns and moons, so it goes. […] It did appear momentarily that permanence can be achieved.
Les voix doivent s’abîmer (ça va pas mais ai pas mieux), même si elles sont réduites à des murmures. Sa propre voix menaçait déjà de se dissoudre dans celles qui appartenaient au passé. Comme la petite voix plutôt triste de sa mère (comparaison ou pas ?), qu’elle n’avait jamais réussi à associer à un corps. Elle s’en va, dirent elles, ces voix délicates qui reposaient le couvercle en préparant l’avenir. S’en aller, mais où ? Il faisait froid dans les escaliers, à descendre les marches, à descendre et scintiller de cire d’abeille ( ?? presque du « ns », non ?), jusqu’à voir la porte s’ouvrir, le matin, sur les marches que kate avait décapées avec de la brique à pont. La pauvre, la pauvre petite fille. La pitié qu’on lui témoignait lui réchauffait le cœur, comme les différentes voix qu’elle entendait, et les divers baisers qu’elle recevait, dont certains étaient humides. Il arrivait souvent au capitaine de l’envelopper dans son manteau, si bien qu’elle appartenait presque à son corps - était-ce son cœur ou son dîner ? (bof, hein ?) - Comme il donnait des ordres et qu’il racontait des histoires, tour à tour, avec les autres, ils sentaient tous l’odeur du sel et le parfum des hommes (« md », je sais, mais…). La petite fille tombait sous le charme d’une quantité d’étoiles, de la chaleur de son gros manteau, ou encore du sommeil. Les tissus du pardessus la berçaient tellement, tout comme le duvet étoilé. Dormir et se réveiller, ouvrir et fermer les yeux, les soleils et les lunes, les choses suivaient leur cours (« tmd », oui mais que faire ?). […] Manifestement, de temps à autre, il semblait possible d’atteindre un état de stabilité.
Écrit par : Aurélie | mercredi, 13 décembre 2006
SORRY FOR BEING AWAY FROM THIS BLOG FOR SO LONG.
1st instalment...
* Voices, if only in whispers, must break in.*
Les voix, même réduites à des murmures, doivent [muer/trouver leur place?].
* the voices of the past*
celles du passé.
*The rather thin, grey voice of the mother, to which she had never succeeded in attaching a body.*
Pas de comparaison. Restez plus près du texte original : "la voix..." (phrase elliptique de verbe principal).
* She’s going, they said, the kind voices that close the lid and arrange the future.*
Attention aux temps : "close" et "arrange" sont des présents !!! Votre passage à l'imparfait ne se justifie pas : ici, vérité générale.
* Going, but where?
[Elle s'en va.] Elle s'en allait, mais où ?
Écrit par : MuMM | mercredi, 20 décembre 2006
2nd instalment.
* It was cold upon the stairs, going down, down, and glittering with beeswax*
.......... À mon avis, "going down" et "glittering" ont pour sujet "the stairs" (glosez par le recours à un relative). Suggestion fissa : "Il faisait froid dans l'escalier, qui n'en finissait pas descendre et brillait d'avoir été abondament ciré..."
* until the door opened on the morning, and steps that Kate had scoured with holystone.*
.......... Votre "jusqu'à voir" modifie le sujet et pose un problème de syntaxe. Pourquoi pas une tournure assez soutenue du style "jusque ce que la porte s'ouvrît sur l'aube, et sur les marches que Kate avait nettoyées/décapées/frottées avec de la [whatever]".
*Poor, poor little girl. She warmed at pity, and on other voices, other kisses, some of the latter of the moist kind.*
.......... Là, rien à redire à votre traduction, à vue de nez.
Écrit par : MuMM | mercredi, 20 décembre 2006
Les commentaires sont fermés.