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mardi, 24 janvier 2023

Baal design, 0.5.

    Pas eu une minute pour me préoccuper d’Isa Blagden aujourd’hui.

Citons alors Henry James, qui la rencontra une fois et l’évoqua ainsi : « an eager little lady whose type gives, visibly enough, the hint of East-Indian blood ». Il n’avait donc rien d’autre à en dire, ou presque, que son apparence.

Ici, on creuse. On ne s’arrête pas à la peau.

 

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lundi, 23 janvier 2023

Baal design, 0.4.

    Je dois expliquer le système de titrage / numérotation de cette rubrique. Les billets dont le titre commence par le chiffre 0 correspondent à la préface du projet, en quelque sorte, l’inventaire avant de se lancer. Les autres numéros correspondront à d’autres sous-catégories ; par exemple, je vais commencer* la lecture, page à page, sur écran, du premier roman d’Isa Blagden, Agnes Tremorne, et chaque jalon de lecture donnera lieu à un billet numéroté 1.x. J’imagine que pour les 4 autres romans je suivrai ce système, de 2.x. à 5.x.

 

* Ce billet a été écrit le 21 janvier en vue d’une publication programmée. Entre-temps la publication des commentaires au fil de ma lecture d’Agnes Tremorne a aussi débuté. Dites qu’on s’amuse.

 

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dimanche, 22 janvier 2023

Baal design, 1.2.

     Je n’ai pas commenté en 1.1. l’épigraphe du roman, un vers de Robert Browning (tiré de ‘A Serenade at the Villa’, dans le recueil Men and Women, 1855). Isa Blagden, dont plusieurs sites affirment qu’elle s’est lancée dans l’écriture sous les encouragements de Robert et Elizabeth Browning, ne manque pas de rendre ainsi hommage… à Robert. Difficile de ne pas voir dans ce choix – mais il faudra bien sûr considérer le sens de l’épigraphe par rapport au sujet du roman, ou par rapport à ses thèmes, & se garder d’une lecture uniquement centrée sur la question de l’effacement des créatrices – une forme de sexisme intégré ; il me semble qu’Elizabeth Barrett Browning s’est plusieurs fois auto-dénigrée (alors que, long long story I shan’t embark into now, je trouve sa poésie plus excitante que celle de son époux). Bref, c’est aussi dire que dès l’épigraphe, la lecture d’Agnes Tremorne tire à dia, vers les Browning, comme, à chaque fois qu’on s’intéresse à I.B., on les trouve sur son chemin.

 

Au bas de la page 3, voici donc notre personnage, Godfrey Wentworth (désormais G.W.). Le récit nous dépeint son arrivée à Rome, ville alors paisible, quasi déserte (silent streets, the beautiful desolation of the Campo Vaccino, bare to the stars…), dans la villa où l’accueillent quelques domestiques italiennes – « staring at him with the childish curiosity of Italian females ». On marque une pause : repérage orientaliste classique qui voit dans les femmes non occidentales (ce qu’étaient les Italiennes du point de vue des Anglais) des mineures, des inférieures : si les non-Européens sont « de grands enfants », selon le trope colonialiste bien connu, que dire de leurs femmes ? [Rappel : en Angleterre, les femmes n’ont eu le droit d’avoir des biens propres, distincts de ceux de leur époux, qu’en 1870, neuf ans après la publication du roman.] On suppose donc un narrateur ou une narratrice omniscient-e qui observe ces femmes italiennes en les connaissant (ce n’est donc pas le point de vue de G.W., qui débarque) et en s’en distinguant. La connivence avec le lecteur ou la lectrice est évidente : les Anglais parlent aux Anglais.

Dans le § suivant, Blagden se débarrasse de ce passage obligé de tout roman du 19e siècle : le pognon. G.W. est orphelin ; il a aussi perdu son frère aîné ; éploré (le § commence ainsi : « Wentworth had suffered much »), certes, il se trouve dans une situation financière particulièrement confortable. Ce qui est plus retors, dans sa situation, c’est que la cousine dont il était amoureux alors qu’il n’avait pas un rond a épousé un homme plus riche, s’est retrouvée veuve très jeune, et elle-même à son tour fauchée – G.W., toujours le cœur brisé par cette rupture mais devenu riche, la tire d’embarras mais sans l’épouser. Le texte nous dit de cette jeune femme, Millicent, qu’elle s’est vendue (the worldly advantages for which she had sold herself), et de G.W. qu’il sait lui en vouloir à tout jamais. Afin de continuer d’expliquer pourquoi, sans doute, Godfrey se réfugie à Rome, on apprend qu’il aimait beaucoup l’oncle chez qui Millicent s’en va vivre (et qui se prénomme Marmaduke (ces prénoms victoriens ! ici, comment ne pas penser au film Ruggles of Red Gap avec Charles Laughton ?)) mais qu’il ne pourra donc plus lui rendre visite.

Bizarrement, de la première soirée de G.W. à Rome, voici qu’on bascule vers sa vie pendant les premiers mois (voire davantage ?), une vie bien rangée mais dans le milieu bohême comme on ne disait peut-être pas encore. En effet, G.W. est peintre (ou le devient à Rome ?). Toute la page 7 insiste sur son portrait psychologique : il méprise les femmes mais se méfie surtout beaucoup de lui-même : If she had been frail, he must have been besotted. Le § s’achève ici sur une métaphore habituelle, celle du cœur [en fait, il s’agit du character] glacé que seul le soleil de l’amour peut faire fondre : « Many of its softer qualities were for the moment frozen, and the moral sunshine of some true and deep affection was needed to thaw them. » - Notons que le rayon de soleil est qualifié de moral.

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G.W. est peintre et passe donc ses journées à écumer les galeries et les rues. La description du marché de la piazza Navona, du point de vue de quelqu’un qui est très attentif au pittoresque, abonde en formes passives, par ex. : « Beauty, in its great artistic sense, is found here. » Les Italiens sont beaux, mais ils sont somptueux à la façon méridionale ; parlent avec les mains (p. 9), sont bruyants (the vehement bickering and clashing for a 'bajocco'), à peine distincts des bêtes (brutes)…

Le texte bascule d’ailleurs sur le point de vue de G.W., qui trouve au peuple italien le mérite de la transparence. Par une mise en abyme assez singulière, cette absence de dissimulation inculquée ou sociale (dans laquelle G.W. voit l’archétype des English girls) s’exprime comme une forme de lisibilité : « He who runs may read. There is individuality, there is genuineness here. » G.W. file la métaphore en comparant les jeunes Anglaises (white muslin) et leurs mères (black velvet) à des livres imprimés aux couvertures interchangeables.

 

15:53 Publié dans Baal design | Lien permanent | Commentaires (0)

Baal design, 0.3.

    Intéressante moisson, suite à mon appel sur la liste de messagerie de la SAES.

Un collègue m’a envoyé un scan de la préface au volume de correspondance entre Robert Browning et Isabella Blagden, Dearest Isa. (Entre, ce n’est pas exact : ce volume ne rassemble que les lettres de R.B. à I.B., d’où son titre. On sait qu’on n’a jamais retrouvé les lettres d’I.B. aux Browning – autre jalon dans l’histoire de son effacement. Voici quelqu’un qui se croyait suffisamment peu autrice pour ne pas conserver de double de ses lettres, ou pour que ses ami-es, pourtant célèbres, n’en gardent pas les originaux.)

Une autre m’a signalé la notice biographique de l’Oxford Dictionary of National Bibliography, qui est une ressource restreinte par abonnement, à laquelle ma B.U. n’est hélas pas abonnée. Elle me l’a ensuite envoyée sous format PDF.

 

11:26 Publié dans Baal design | Lien permanent | Commentaires (0)

samedi, 21 janvier 2023

Baal design, 1.1.

    Je commence à lire Agnes Tremorne.

Faudrait-il que je le lise « normalement », comme un roman normal, en le téléchargeant sur tablette par exemple et en lisant ce PDF à coup de dizaines de pages, sans annotation, en rendant simplement compte de ma lecture après l’avoir achevée ?

Bon, ce n’est pas comme ça que ça se goupille.

Je commence à lire, ou plutôt j’ai commencé à lire – les pages 1 à 3 de l’édition Smith Elder & Co de 1861 en version numérisée. Dès l’incipit, le ton est donné : ce récit s’inscrit dans la bascule entre l’Italie prétouristique et la naissance de la nation italienne moderne.

 

Thirty years ago Rome was not the crowded resort it now is.

On suppose que l’histoire se passe 30 ans avant la date de publication, vers 1830 donc.

Pas de virgules.

Crowded : adjectif plutôt péjoratif, qui sous-entend que le tourisme de masse n’a rien de bon. Cf l’ambivalence baudelairienne sur la ville populeuse. Le nom crowd, depuis Wordsworth au moins, suggère le tumulte, la dispersion, l’affront fait à l’harmonie paisible à laquelle aspire l’artiste (individualisme, élitisme ?).

Resort : ce nom (plutôt que place ou city) montre que le point de vue est celui des touristes, ou, en tout cas de personnes qui ne sont pas des autochtones. C'est un lieu où on se rend, un lieu de déplacement, d'ex-patriation pourrait-on dire.

 

Le premier § développe cette antithèse : Rome aujourd’hui (en 1860 – la jet set [anachronisme délibéré de ma part] s’y presse) et Rome jadis/naguère. Le point de vue est celui du you impersonnel si commode. Le § s’achève en précisant qu’à part les Romains eux-mêmes, on ne croisait, comme étrangers, que des artistes et des cœurs brisés.

Le deuxième § enchaîne sur cela, avec présentation du personnage (principal ? je n’en sais rien, je n’ai lu que 3 pages) : Godfrey Wentworth belonged to both these classes. La villa où vit ce fameux Godfrey est célèbre pour les fresques qu’y ont laissé Overbeck et Führich. La voix narrative insiste sur le fait que les peintures se sont déjà défraîchies mais sans perdre de leur pouvoir poétique : Yet still we gaze on their tarnished frescoes.

[Oui, je suis donc allé vérifier sur le Web Overbeck et Führich. Il s'agit du mouvement des Nazaréens et la villa dont ils ont peint une chambre est la casa Zuccari. (D'après la WP, les fresques ont été vendues en 1867 à la Alte Nationalgalerie de Berlin. Le protagoniste du roman de D'Annunzio L'Enfant de volupté y réside. Pas un mot ici d'Isa Blagden, évidemment.)]

Le jeu entre you et we est très marquant, à ce stade. La phrase que je viens de citer est précédée d’une belle période avec double parallèle Clorinde / Tancrède – la chevelure de l’une et l’armure de l’autre. Clorinde est blonde (cheveux dorés). C’est comme si les fresques étaient ternies (tarnished) mais pas ce qu’elles représentent.

De fait, cela fait l’objet du troisième §, plus court et que je donne en entier :

 

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Je considère que la dernière phrase fait partie du même § alors qu'il y a un alinéa. Ce passage relève sans doute de l’intrusion d’auteur, du discours d’artiste. Tout y passe : le médiévalisme, le thème de l’immortalité de l’art sous son versant romantique, l’adjectif wondrous (dont je pense qu’il était déjà archaïsant, ou à tout le moins littéraire, en 1861 – mais il faut vérifier).

Sans comprendre parfaitement le rapport entre l’argument du § et la citation, je suis allé vérifier celle-ci, imputable a priori à Henry St-John, vicomte de Bolingbroke (1678-1751), que certaines encyclopédies (fors la Britannica) décrivent, de fait, comme un homme politique mais aussi comme un philosophe dans le domaine de la théorie politique. Ce qui m’amuse, c’est qu’on trouve cette citation dans The Disowned, roman publié en 1829 (donc 30 ans avant Agnes Tremorne) et dont l’auteur est Edward Bulwer-Lytton… le père de Robert Bulwer-Lytton, le grand amour, à ce qu’il semblerait, d’Isa Blagden (et qui l’avait déjà vilainement larguée à ce moment-là).

 

Je m’arrête là : si je ponds 2 pages à chaque fois que j’en lis 3, on n’a pas le cul sorti des ronces. (Voilà qui rompt, non la chaîne du froid, mais le niveau de langue.)

 

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Baal design, 0.2.

    Une des questions qui se pose, pour moi, ce sont les origines anglo-indiennes d’Isa Blagden. Je me permets, pour une fois, de citer longuement la Wikipédia :

Blagden's father's first name is given as Thomas in the records of the Florentine Protestant cemetery and her nationality as Swiss, but she was widely thought to be the illegitimate offspring of an English father and an Indian mother. This seemed to be confirmed by an Oriental appearance. There is circumstantial evidence that she was born in Calcutta, the natural daughter of one Thomas Bracken and of a Eurasian, possibly named Blagden. Little is known firmly about her before she arrived in 1850 in Florence, where she soon became a feature of the English community. She was probably educated at Louisa Agassiz's Ladies School near Regent's Park, London, which was favoured by English parents in India.

 

Comme je n’ai pas trouvé de biographie détaillée d’Isa Blagden – et comme, selon toute vraisemblance, il n’y en a pas – je vais peut-être lancer un appel auprès de la liste de diffusion de la Société des Anglicistes de l’Enseignement Supérieur.

 

Il se trouve que je n’ai pas encore décidé ce que serait réellement ce projet. L’idée est d’écrire chaque jour au sujet d’Isa Blagden, et plutôt de ses textes que d’elle. Mais le fait qu’on ne sache rien de précis sur elle jusqu’à l’âge de 33 ans à peu près, et qu’elle ait été aussi proche de grandes figures telles que Elizabeth Barrett Browning et son mari, ou les Trollope, ou encore avec Robert Bulwer-Lytton, fils d’Edward, connu comme poète sous le pseudonyme d’Owen Meredith puis, longtemps après, comme vice-roi des Indes, ne manque pas d’intriguer et de faire aisément déraper tout projet de ce type vers ces figures mieux connues qu’elle. C’est, sans rien m’interdire, ce que je voudrais éviter.

La solution, bien sûr, est d’aller lire et fouiller les textes d’Isa Blagden.

 

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vendredi, 20 janvier 2023

Baal design, 0.1.

    Le 20 janvier 1873 mourait à Florence la romancière anglaise – et même anglo-indienne, ce qui m’a tout particulièrement intrigué – Isabella Jane Blagden, plus souvent nommée Isa Blagden, et ainsi désignée notamment dans le cercle de ses ami-es les Browning ou les Trollope.

 

Je ne sais presque encore rien d’elle, ai appris son existence par hasard il y a quelques jours, et me suis dit que ce hasard de calendrier, outre mon amour du mot sesquicentennial lui-même, pouvait me lancer sur la piste d’un nouveau projet : chaque jour une bribe, un état de l’avancement de ma découverte d’Isa Blagden. J’ai un peu lu le début de deux de ses (cinq ?) romans, Agnes Tremorne et The Cost of a Secret, mais ce projet va me permettre de me contraindre à aller plus loin, je l’espère. [Le secret ici n’en est pas un : nulla dies sine linea.]

 

Le jour de sa naissance, on sait que c’est le 30 juin, mais sans certitude apparemment quant à l’année : 1816 ou 1817 ? Cela aussi m’a amusé, me rappelant tout le foin qu’on a pu faire de la petite tricherie de Beckett à ce sujet, lui qui s’est rajeuni d’un an en cherchant à faire croire qu’il était né en 1907.

 

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