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jeudi, 26 juin 2014

Pong-ping, 4

    Deux fois le même quai, ou plutôt l’absence de quai, le train poussif et cahotant qui s’arrêtait, s’arrêta (cela n’était pas habituel, j’y viens) un kilomètre peut-être avant la gare de Beauvais, des ouvriers du rail y montèrent, on se regarda toi et moi (j’avais beaucoup l’esprit ailleurs) en s’imaginant que ce tortillard était ainsi, des arrêts non prévus, non annoncés, étaient la norme, alors qu’en fait non, une seule autre fois (j’écoutais sur mon baladeur un disque de J.J. Johnson) je vis le train s’arrêter sans même qu’il y eût de quai, entre Villers-sur-Thère et Beauvais, ce devait être au retour d’un de ces cours sur les nouvelles de Mansfield que je donnais à l’Institut, d’où des détours par chez Gibert, je claquais ma paye en disques et livres d’occasion.

13:04 Publié dans Knobs & thorns, Pong-ping | Lien permanent | Commentaires (0)

mercredi, 25 juin 2014

Pong-ping, 3

    Donc tu as 39 ans aujourd’hui, c’est bien ça ? On ne s’est plus parlé, plus écrit depuis 1998. Je nous vois encore comme un seul corps palpable. Vingt-et-un jours peuvent changer la face du monde, ont englouti mon visage, une part de mon visage en tout cas, que tu as emporté avec toi, avec tes larmes – et surtout avec ton rire, le rire de Bérénice assassinée. Mes rides, mes cheveux blancs, je les dois à la mémoire de ton rire.

18:05 Publié dans Pong-ping | Lien permanent | Commentaires (0)

lundi, 09 juin 2014

Pong-ping, 2

    J’ai passé à Toulouse un très bref séjour, mais exquis.

À mon retour, j’ai appris, par hasard, qu’Élie, Elisée et Onésime avaient deux frères, moins connus je pense, mais surtout que Pauline Kergomard était leur cousine — quelle génération !

Relisons une phrase, prise presque au hasard, dans un des articles encore si vibrants de l’aîné, Élie :

Avec la fumée de tabac qui s’échappait de leurs lèvres, les matelots passèrent, dans l’archipel Tokelau, pour des mangeurs de feu.  (Élie Reclus. “Comment la civilisation civilise”, 1893)

À Muret, non plus, pas d’enfermement, le grand ciel ouvert – des rencontres – des retrouvailles – des mots.

21:35 Publié dans Droit de cité, Pong-ping | Lien permanent | Commentaires (0)

vendredi, 06 juin 2014

Pong▓Ping, 1

    Irene Aebi est née à Zürich, et c’est à Zürich qu’elle enregistra l’album Blinks, avec son Steve Lacy. Irene Aebi fait partie de ces rares voix féminines que j’aime, dans le jazz – mais alors, follement. Initié à la musique de Steve Lacy par mon beau-père, le premier CD que je m’achetai de lui fut Vespers, et je fus étonné de cette sorte d’oratorio, avec Irene Aebi en grande prêtresse. Irene Aebi, je n’ai pas entendu votre voix depuis longtemps ; demain, je réparerai cet outrage.

22:21 Publié dans J'Aurai Zig-Zagué, MUS, Pong-ping | Lien permanent | Commentaires (0)

mardi, 03 juin 2014

Elephant Trees (5’52”)

 

Trzaska/Brice/Sanders, 2012

    Les murmures guettent la parole.

Avec des intonations censément inoffensives, ils figent la vérité dans leur ciment.

C'est difficile, chaque mot pèse, on voudrait ne pas ajouter au tohu-bohu tous ces cris aussi féroces qu'insignifiants. L'eau brune du Thérain offre ici la meilleure image : dans sa façon de refléter le ciel, il y avait étouffement, glu, clap de fin longuement étiré. Il a donc fallu vagabonder, se garder des murmures, qu'ils fussent bienveillants ou sournois. Les regards en coin étaient autant de flèches.

C'est difficile, on finit par s'épancher, laisser aller le flot de ses propres paroles, et, certes, chaque mot devrait peser, ça finit salades, piteuses lessives, couronnes d'or posées sur des têtes informes d'ectoplasmes.

Mais on a tout de même vaincu les murmures, par le chuchotement.

10:39 Publié dans 721, Aujourd'hier, J'Aurai Zig-Zagué | Lien permanent | Commentaires (0)

lundi, 02 juin 2014

Three Times Around The Bird Bush (11’21”)

Toxvӕrd/Jacquemyn/Jørgensen, 2013

    Raffût, persiennes ouvertes.

De secrètes luxures, passe une bétaillère.

Au loin les cloches bringuebalantes d'une église fourgonnette.

Depuis tant de départs, une balle rose vous invita au bal, une balle rose posée sur un tissu à motifs africains, grège rêche le plus doux qui fût. On entend la mélopée dans la canopée, nous voici au bord de renaître, différemment, sous un soleil de plomb.

On arrête le pas, presque on en oublierait de respirer.

Devant nous, dans le lointain, la mangrove – mais ici, des millions de plumages multicolores, qui nous rendent muets. Les pneus de l'église crissent, plus près, désormais. Elle écrase un zèbre, se rapproche toujours davantage.

Suggestions de quoi — de phrases ?

L'archet invincible, invaincu, a stoppé net la course folle de la fourgonnette. Il nous présente des vierges barbues, fait apparaître dans le ciel, entre les ramures, d'étranges colifichets étincelants. Maldoror se réveille dans un éclat de rire qui suffit à glacer le sang des blaireaux occupés à fouailler, non loin. Rassemblant le peu de forces qu'il leur reste, les blaireaux s'enfuient ; leur douceur ne peut rien contre les maléfices de Maldoror. Bien heureux encore si l'église endiablée de Maldoror ne les écrase pas.

Traces, lignes, zigzags, dérapages de mine de plomb sur la feuille, mine crissante dans la mine, traces et lignes comme des soldats prêts à crever.

L'archange blond, diabolique, esseulé et heureux, travaille et fouaille le sol de son groin.

Sortent des lombrics, qui se collent à l'archet, éclaboussent la caisse en bois. Pour qui est ce cercueil ? Maldoror a souri, n'a pas répondu. Voyez comme il sourit. Oh ce sourire. Il en a fait pâlir. L'église est embourbée dans le bitume chaud, bouillant, lave de millions de lombrics.

Les lombrics desséchés tombent sur la feuille de papier, découpe au plomb fondu.

Maldoror s'interroge à haute voix, se demande quel crâne ouvrir en deux pour en faire sortir les fertiles arguments qui pourriront le monde comme un fumier. Quel terreau corrompre de son sourire infect. La contagion gagne, mais l'archet a repris le dessus.

 

Abandonnés sous la canopée, nous dormons.

10:31 Publié dans J'Aurai Zig-Zagué, MOTS | Lien permanent | Commentaires (0)

dimanche, 01 juin 2014

“Trouver le discours adéquat” (Albert Memmi)

À chaque crépuscule, alignées sur le fil du téléphone, les hirondelles de mon jardin papotent bruyamment. Je ne connais pas leur langue mais je suppose que, outre le plaisir d’être ensemble, elles se rassurent l’une l’autre devant le silence de la nuit qui vient.

L’un de ces merveilleux contes hassidiques rapporte cette histoire : pour conjurer une sécheresse persistante, toute la communauté priait inlassablement, en vain. Un pauvre berger, muet de surcroît, ne savait comment se joindre à l’effort commun ; lorsque, mobilisant tous les muscles de sa gorge, il lança un énorme cri : aussitôt s’ouvrirent les cataractes du ciel.

Je ne connais pas le sens de ce conte ; qu’on me permette de l’interpréter ainsi : ce n’est ni parler ni se taire qui importe, c’est de trouver le discours adéquat.

 

(Albert Memmi. Bonheurs. Arléa, 1992, pp. 146-7)

15:56 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0)

2156 — En quarantaine (anticipée)

    Voici pourquoi j'ai longtemps confondu Paul Guth et Jean Guéhenno :

Le Naïf aux quarante enfants

Journal d'un homme de quarante ans

 

→ J'ai lu, adolescent, ces deux bouquins, ça traînait en édition de poche, papier jauni, chez moi, adoncques chez mes parents. ←  ╝ ╗ Moi, qui aurai bientôt quarante ans, serai bientôt quadragénaire, après des décennies à scribouiller sur papier quadrillé (ou pas), il me reste à lire un conte de Voltaire. Et je n'ai pas vu, de ma vie, le présidial de Guerlesquin.

11:33 Publié dans Les Murmures de Morminal, Self-Be/Portrayal | Lien permanent | Commentaires (0)

1er juin 1947 — 1er juin 2014

    Les phrases de ces milliers de livres forment une toile, et les lieux inconnus – plus encore que ceux que j’ai vus ou arpentés – tracent un itinéraire complexe, fourmillement, multitude de points et de balayages hasardeux. Les souvenirs sont impérissables.

07:52 Publié dans Minimalistes | Lien permanent | Commentaires (0)