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lundi, 20 mars 2006

Abdourahman : Waberi :: Aux : Etats-Unis : d’Afrique

    Le dernier roman paru d’Abdourahman Waberi est tout à fait recommandable. À partir d’une idée complètement casse-gueule (l’inversion, point par point, de la situation géopolitique), il réussit à tisser un récit fragmentaire, qui s’adresse principalement au tu de l’héroïne, Marianne / Maya.

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Le titre est assez connu ou compréhensible : l’expression est souvent utilisée par les panafricanistes les moins désenchantés ou les palabreurs les plus ironiques. Ici, Waberi part de l’idée que la situation de notre planète est exactement l’inverse de ce qu’elle est en fait, du point de vue du rapport des forces entre continents, entre religions, peuples, etc. Autrement dit, l’Afrique est l’eldorado où affluent des réfugiés de tous les coins du monde, Amériques et Europe déchirées par les guerres civiles sanglantes, les dictatures sanguinaires et sans espoir d’avenir. Les dirigeants africains commencent d'ailleurs à vouloir se débarrasser de toute cette racaille...

Il est à noter que Waberi, pour la commodité du sujet, fait l’impasse sur l’Asie, qu’il s’agisse des poches de pauvreté (Laos ou Sri Lanka) ou des nations les mieux émergentes (Inde) ou surtout d’une superpuissance comme la Chine, qui, ne l’oublions pas, est en train d’imposer ses codes et ses décisions à tout le monde. (Quand la Chine s’éveillera, qu’ils disaient… Ce n’est pas que la Chine ne se soit pas éveillée, c’est qu’elle est devenue de plus en plus active et subtile, en endormant et muselant, dans le jeu diplomatique et économique, tous ses éventuels rivaux. Enfin, ce n’est pas le sujet de ce billet.)

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J’avais été légèrement (oh, très légèrement, tout est relatif) déçu par les deux ouvrages précédents de Waberi, et en particulier par Transit, que j’avais trouvé légèrement redondant, emphatique, parfois à la limite du creux de la vague, comme si son auteur (que j’admire beaucoup et dont le sommet reste, à mon sens, la Trilogie de Djibouti (disponible en collection ‘Motifs’), en particulier Le Pays sans ombre) devenait tributaire d’un certain discours obligé.

Ainsi, Aux Etats-Unis d’Afrique me fait presque l’effet d’une renaissance. Waberi fait cavalier seul, sur la corde raide – et finalement, avec cette forme d’utopie très particulière, qui narre le retour au pays natal d’une Normande adoptée par des Africains de l’Est opulents et intellectuels, Waberi se trouve, non une autre voix (car le style est inimitablement le sien), mais un autre chemin, d’autres possibilités, des combinaisons multiples qu’il n’avait pas encore entrevues, ou que, à tout le moins, il n’avait pas encore suscitées sous sa plume. Ce qui le sauve, en fait, c’est son goût du fragment, qui le dissuade de vouloir donner une allure cohérente ou homogène à son roman : ici, le bris, la bribe, la fracture conviennent merveilleusement bien. L’inversion poussée au système eût été catastrophique.

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Peut-être n’ai-je rien dit du roman, et d’autres, moins au fait de l’œuvre de Waberi, ou plus tentés par une étude «objective» de ce livre, tireront-ils de tout autres conclusions. Peut-être n’ai-je souligné, dans ce billet, qu’une seule toute petite chose : ma bien subjective admiration grandissante pour les funambules, les danseurs de corde, les écrivains qui, d’une idée de départ bancale, d’un sujet audacieux, piégé, infaisable, font un livre inattendu, indéniablement réussi, et touchant.

 

A. WABERI. Aux Etats-Unis d’Afrique. Paris : Lattès, 2006.

11:45 Publié dans MAS | Lien permanent | Commentaires (0)

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