samedi, 02 septembre 2006
Corps enseignant et milieu de l'édition
Comme chaque année, la rentrée littéraire s'accompagne de son lot de navets sur l'école (le système scolaire, les élèves, etc.). Essais alarmistes ou, à l'inverse, écrits par les plus émérites des Amis du Désastre. (La démonstration de ces derniers consiste en général à expliquer que si, justement, plus un élève de sixième n'est capable d'écrire une phrase sans faute ni de faire une multiplication complexe, c'est bien le signe que le niveau monte.)
Essais nombreux, d'accord, mais il ne faut pas oublier les livres de témoignage publiés par des "profs", chroniques souvent teintées d'humour ou d'un ton légèrement sarcastique. Cette année, le gotha des médias acclame un certain Christian Muzyk, dont le livre, intitulé Bienvenue en salle des profs ! (que d'inventivité), est apparemment tendre et talentueux. J'ai glané, dans un article du Monde, la citation suivante :
Derrière la rutilante vitrine se dissimule l'hideuse réalité. Celle dont on ne doit pas prononcer le nom, sous peine d'être accusé de blasphème et brûlé sur l'autel de la Sainte Trinité pédagogique : Collège unique, note administrative et inspection surprise."
Il paraît que M. Muzyk est vraiment professeur, et depuis trente ans, à Thumeries, dans le Nord. C'est curieux, car, si sa saillie prétendûment drolatique tombe à plat, de mon point de vue, c'est que cela fait, au bas mot, vingt-cinq ans que les inspections surprise n'existent plus. Les derniers à avoir connu cette époque bénie seront bientôt à la retraite.
D'ailleurs, il ne faut pas être depuis longtemps dans le sérail Ed' Nat' pour savoir que, si les inspecteurs ont de très nombreuses fonctions, l'une des seules qui n'est plus de leur ressort, selon les apparences, est justement d'inspecter. La plupart des professeurs ne sont plus, une fois leur stage effectué et leur titularisation obtenue, inspectés qu'une fois tous les dix ou douze ans. Les inspecteurs oublient même, le plus souvent, de transmettre les informations concernant les modifications pour les épreuves du baccalauréat. Ainsi, c'est par un autre biais que la plupart des professeurs d'anglais de lycée auront découvert que, à partir de cette année, l'épreuve d'anglais des STG (Terminale Technique & Gestion) sera évaluée en CCF (Contrôle Continu Formatif). Autrement dit, plus d'épreuve sur table en juin : le contrôle continu, serpent de mer qui a entraîné tant de levers* de bouclier depuis une dizaine d'années au nom de l'"égalité des chances", a été introduit par le gouvernement sans que nul ne proteste... car nul ne s'en est aperçu !
Pour en revenir à M. Muzyk, peut-être a-t-il voulu faire un bon mot au prix de la vérité, en se disant que ses lecteurs n'étaient pas du sérail. Peut-être aussi a-t-il voulu faire plaindre les "profs" en faisant croire à la population française qu'il s'agissait d'une profession sans cesse livrée à l'épée de Damoclès d'une inspection, alors que 1) les très rares enseignants inspectés sont prévenus des semaines à l'avance 2) les inspecteurs n'ont de toute manière à peu près aucun pouvoir. Alors, bon mot, ou vilain mensonge ?
* Pour les levées de bouclier, attendre le coucher du soleil. Pour les leviers de boucles, demandez à votre coiffeuse.
10:25 Publié dans Narines enfarinées | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
En ce qui concerne le titre du livre, ne jette pas trop la pierre à l'auteur... Il y a bien des chances que ce soit l'éditeur qui l'a choisi.
Écrit par : fuligineuse | samedi, 02 septembre 2006
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