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lundi, 11 septembre 2006

Éric Chevillard, riche vieillard ?

    Il met la dernière main, mine de rien, à son soixante-dixième roman. Il a quatre vingt dix-neuf ans, est entouré d’honneurs et couvert de jeunes filles (à moins que ce ne soit l’inverse) et de femmes moins jeunes mais plus expertes encore dans le déduit. Tu es parvenu à tes fins, hein ?

Mine de rien, il va publier son soixante-dixième roman, plus beau et plus drôle que tous les précédents, Maintenant roule. Il avait songé à Maintenant rouge, ou Maintenant rousse, mais c’est plus amusant comme cela. Les titres l’obsèdent de plus en plus, mais il refuse de l’avouer, de crainte que l’on ne pense qu’il joue les divas. Il est resté plus simple d’abord que jamais, et mystérieux aussi, à sa façon.

Depuis Vieille barbe, publié en 2039, il n’a plus un poil sur le caillou.

Depuis La Lune pour ne rien dire, publié en 2045, il n’a plus vraiment décroché de sa console de jeux intersidérale.

Depuis Gamin, au panier !, publié en 2021, et dans lequel il se risquait, par le biais d’une métaphore sportive, à critiquer la politique d’émigration choisie du gouvernement de centre-droit dirigé par Marine Le Pen, on ne lui parle plus trop de politique, et lui non plus n’en est pas très friand. D’ailleurs, qui s’y risque encore ?

Depuis Les Stratagèmes de la pierre précieuse, publié en 2033, il n’a cessé de parler d’or, ce qui le changeait de ses braquages de jeune homme.

Depuis Zoziau aveugle, publié en 2057, sa vue s’est encore améliorée, et il peut écrire de plus belle sur l’œuvre des peintres aimés.

On ne sait plus très bien combien il touche chaque année en droits de traduction, d’adaptation à l’écran. Ça n’intéresse pas grand monde, car le bougre sait se faire oublier. Mais les premiers mots de Maintenant roule, des dizaines de milliers de groupies sont prêts à les boire à même ses lèvres, et au fond de son œil malicieux on devine encore l’amusement que procurent, dans son esprit, ce grand malentendu qui se prolonge.

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