samedi, 30 mars 2013
A Pole & a plot
À l’arrivée, nous fûmes défaits de ne voir arriver qu’une bande d’arrivistes.
Ça va barder, lançai-je alors, en voyant le barda que transportaient ces bardes hautains.
Un commentateur avisé me tira alors par la manche, et me suggéra de ne pas livrer le moindre commentaire – suggestion que je me contenterai de ne pas commenter.
Décidément, il fut décisif, ce moment dans cette gare surpeuplée.
D’un air entreprenant, l’un des arrivistes entreprit, folle entreprise, de me faire l’éloge des entrepreneurs. Folle entreprise, totale folie, digne d’un fou. Dans cette gare, je vis se garer le train à grande vitesse d’où étaient descendus les arrivistes, et pas sur une voie de garage. L’arriviste au dithyrambe s’enhardit alors et me fit un clin d’œil genre Journal du hard.
Dans son idiome, ce genre de clin d’œil – tout à fait idiomatique – valait idéalisme.
Pas un sou de jugeote, lui crachai-je à la gueule, sûr de mon jugement : il fut interloqué de voir un tel juge ainsi le juger. La livraison d’arrivistes, je n’ai pas de quoi en faire un livre. Dans mon malheur, pourtant, je ne fus pas malheureux de ce qu’il advint. Le sourcil nuageux et entouré d’une nuée de ses semblables, l’arriviste au dithyrambe leva les yeux aux nues et me dit : dissipons ce nuage entre nous.
Optimiste par profession, il opta pour un ton professoral, ce qui n’était qu’une option parmi d’autres : vous êtes professeur, et je professe, moi, la liberté d’entreprendre. Je trouvai son jargon plus inqualifiable encore, et pour le disqualifier de ce quai de gare, fort de mes qualifications, entrepris de lui démontrer la piètre qualité de ses propos. Il rua dans les brancards, tandis qu’autour de lui la nuée se faisait ruée, les arrivistes multipliant les ruades.
Je vois qu’il me faut stratifier mon récit, le nuage entre l’ultralibéral et moi ayant viré au stratocumulus, et en voici donc les dernières strates.
Terrifié par mes terrifiantes imprécations, l’arriviste, terrorisé, s’enfuit de la gare pour aller se terrer dans quelque terre accueillante. Une terre unie, baignant dans un universalisme niais. Voyons, le voyage de ce voyeur avait bien failli tourner saumâtre, pas à la revoyure, tous les voyageurs descendent du wagon. Du wagonnet, d’ailleurs, où tous vaquent en wagonnant. Toujours est-il que, ce xénophobe disparu, je pus, le sourire revenu, accueillir mes amis xénomorphes et reprendre l’écriture de mes Xénides.
L’écriture, yo man ! — ce doit être comme un yoyo qu’on yoyote.
À l’écrit, vous ne le sentez pas, mais le zézayeur ne cesse ses zézaiements qu’au zénith, à l’abri d’une verrière de gare… ou pas.
(Ill. : une des planches de G. Roux pour La Chasse au météore)
17:36 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (0)
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