jeudi, 06 avril 2006
Daniel : Boulanger :: Œillades
Par un cortège de sons, la poésie de Daniel Boulanger donne à voir.
C'est sorti comme ça ; je voulais écrire quelques lignes sur ma relecture de poèmes de Daniel Boulanger, à l'occasion de l'achat récent d'un recueil ancien (Œillades, 1979), et, feuilletant plusieurs de ces recueils de "retouches" (c'est le nom qu'il donne à tous ses poèmes), s'est imposée à moi, assez curieusement, la phrase qui ouvre ce billet.
Daniel Boulanger n'est sans doute pas le plus grand poète de langue française des dernières décennies, et certainement cède-t-il parfois à la facilité, ou à l'esprit de système... mais enfin, son art poétique est bougrement intéressant. Le concept même de "retouche", qui donne son titre au premier recueil paru (Retouches, 1970), semble impliquer que le langage poétique a pour fonction de reprendre le réel, de le repriser, de le dire en y apportant la touche personnelle du poète - qui sait, en l'améliorant... Cette poésie fait la part belle aux métaphores surprenantes, au regard du peintre, à l'ellipse, aux multiples suggestions d'un sens qui miroite.
Il y a longtemps que je le lis avec plaisir. Le seul roman que j'aie lu de Daniel Boulanger (vers la fin des années 1980, je crois) s'intitulait La nacelle, et, si l'idée en était très séduisante, le récit s'épuisait. Plus tard, à Paris, j'ai découvert les poèmes du sieur D.B., après avoir acheté, pour dix francs, Sous-main, le dernier recueil paru mais déjà soldé, et même bradé, chez le bouquiniste du haut de la rue d'Ulm (son nom doit être Aichenbaum).
Tous les recueils de Daniel Boulanger sont constitués de poèmes très courts, parfois monostiches, qui occupent chacun une page, et sont organisés par ordre alphabétique, en fonction du titre. Dans Œillades, il se trouve que la retouche à la séparation se trouve au verso de la retouche à la rupture. Voici la première de ces "retouches", comme pour vous faire goûter au fruit amer et suave de ces mots retenus :
RETOUCHE A LA SEPARATION
ne comprends pas ma peine
je l'accepte
mais non le chant
de ton ombre sur la route
le vent disperse les morceaux du ciel
les mots ont fui de colombe à corneille
couleurs tombées en duel
De recueil en recueil, certains titres reviennent, comme l'enfance, le soir ou l'été - de tels thèmes qui demandent à être sans cesse retouchés.
15:51 Publié dans MOTS | Lien permanent | Commentaires (0)
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