dimanche, 12 novembre 2006
Hubert : Antoine :: Introduction : à tout autre : chose
Le poème de Bigongiari qui m'émerveilla jeudi soir s'intitule Con becco di sale ("Avec son bec de sel") et se trouve à la page 38 du choix de poèmes (traduits par Antoine Fongaro) publié dans la collection "Orphée" (Paris : La Différence, 1994). De façon générale, ces poèmes sont très beaux.
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Je n'ai pas pour coutume de parler d'un livre avant de l'avoir terminé, mais, en dix-huit mois, j'ai si souvent remis à la fin de la lecture pour finir par ne rien écrire du tout, que je me dis qu'un tiens vaut mieux que deux oiseaux dans le bosquet. Par ailleurs, dans le cas du livre de Hubert Antoine, il s'agit d'une suite de soixante introductions, et je postulerai donc, avec quelque légitimité, que c'est un ouvrage qui n'a pas de terme. (Pourtant, j'avouerai penaud que mon marque-pages est calé à la page 29.)
Ces remarques ne portent donc, pour être honnête, que sur les neuf premières "introductions". Ces remarques d'ailleurs risquent de faire long feu. Ces remarques ne sont que des marques (de mon désarroi).
Mon désarroi allait grandissant, tandis que je lisais, jeudi soir, les neuf premières "introductions" du livre de Hubert Antoine. Je n'ai pas, depuis, repris l'ouvrage, sauf pour feuilletter les trente premières pages. Mon désarroi est dû, je pense, à la tonalité foncièrement illogique des fragments. On devine des règles de composition, peut-être du même ordre que celles qui président à mes Xénides, ou, qui sait, à mes chers 721. (Que je vienne de regarder les Bleus prendre la pilée face aux Blacks ne doit pas être tenu pour avoir une quelconque influence sur ce billet.)
Mon désarroi ouvre-t-il la voie aux réticences ? J'écrirai pourtant.
J'écrivais donc que les textes brefs d'Introduction à tout autre chose (Verticales, 2006) donnent l'impression d'avoir été écrits soit selon une technique d'écriture proche de l'automatisme surréaliste (et l'épigraphe d'Achille Chavée n'entre pas modérément dans cette hypothèse), soit selon des principes de composition syntaxiques et lexicaux plus retors (c'est-à-dire plus ouvragés). Peut-être, évidemment, y a-t-il une combinaison des deux. Toujours est-il que je me surprends à admirer les ressorts de l'écriture dans ses formes les plus réduites (à l'échelle d'une phrase, voire d'un simple groupe nominal) et à ne rien saisir d'une "introduction" dans son ensemble (à part, tout de même, pour l'"Introduction des Etats-Unis", plutôt transparente dans sa signifiance).
Hubert Antoine sait fort bien écrire. J'en trouverais, à chaque page, dix exemples. Mais à quoi cela mène-t-il, rime-t-il ? Je n'en ai pas la moindre idée. Alors, dois-je m'en tenir à l'admiration muette de certaines phrases par moi isolées, comme
Couve un de ces moments où le cerveau gratte. (p. 21)
ou de certains paragraphes savamment construits, et très efficaces, comme
Je sens la nuit comme un coulis pour ceux qui n'ont rien à croquer. J'y crève d'angoisse, ce froid sans degré. j'ai beau essayer de forniquer quelques aveugles séduites par mon désintéressement, d'obscures pensées me font haïr la sauce béchamel. (p. 25)
?
(Oui, le signe de la fin est bien ? .)
08:50 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : Littérature
Commentaires
Bigongiari : excellent poète, dans une excellente collection. Il s'y trouve d'ailleurs en bonne compagnie : Leonardo Sinisgalli, Sandro Penna, Albino Pierro, Lalla Romano...
Vieni, dolce neve
Già troppo a lungo noi abbiamo amato
l'impura estate
Écrit par : C.C. | dimanche, 12 novembre 2006
Vous ne vous trompez pas. Je pense que si les intentions sont claires, elles sont ennuyeuses ou magnifiques (Grèce, toute la méditerranée). Je suis du Nord, donc lourd. Pour qu'il y ait du mouvement, je me devais de mettre du rythme, à coups de ciseaux, d'images fortes et d'inévidences. Le résultat est là, il n'a jamais cherché la compréhension, sinon le souffle, l'éclat et la musique (peut-être un peu trop contemporaine, j'écoutais beaucoup Pärt, Cage, Britten, Dutilleux). Ma philosophie ne va pas au-delà de l'étonnement.
Je vous remercie vraiment pour vos commentaires, ainsi que pour vos visites sur le site. Si vous passez par le Mexique, vous êtes le bienvenu.
Hubert Antoine
Écrit par : Hubert Antoine | dimanche, 12 novembre 2006
J'ai continué ma lecture hier soir. L'inévidence frappe. Par ailleurs, je vous remercie de ne pas avoir mal interprété mes commentaires, frustes et lacunaires.
Écrit par : MuMM | lundi, 13 novembre 2006
Je mets dans l'étonnement aussi bien l'éclat de rire que la beauté d'un regard sombre, quelques lignes ou la gifle. C'est là s'aventurer à l'oeil nu. Je serai bien incapable d'expliquer ou de qualifier les "Introductions..." autrement qu'en m'arrachant les poils. Mais ce n'est pas du surréalisme ni de l'écriture automatique. C'est plus proche de l'assemblage des flocons pour former la boule de neige. Quelques mesures sous un métronome arythmique.
Écrit par : Hubert Antoine | lundi, 13 novembre 2006
Votre blog, c'est moi qui l'ai découvert, de lien en lien, et qui ai fait passer l'information. Je me demandais si le charme qui s'en dégageait pourrait tenir, à la longue. Je crois pouvoir vous dire qu'on vous lit au Québec, aussi, en ce moment. Mais votre commentaire, que je viens de lire, ressemble à vos notations du Coq à poil. Attention à ne pas faire du Hubert Antoine. Remarquez, je vous dis ça cordialement, c'est à vous de voir. Si vous ne pouvez vous exprimer que par fragments, comme ça, nous verrons, mais je ne pense aps que je pourrai aller plus loin. Cela dit, vous ne me devez rien, c'est vrai.
Écrit par : Jacques Layani | lundi, 13 novembre 2006
Bonjnour,
je viens de découvrir votre passionnant article sur l'Introduction à tout autre chose d'Hubert Antoine. Bravo. Voudriez-vous l'envoyer à son auteur qui est un de mes proches amis:
hubertantoine@yahoo.fr
En vous remerciant
www.jean-pierre-otte.com
Écrit par : Jean-Pierre Otte | vendredi, 18 décembre 2009
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