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jeudi, 02 mars 2006

Jérémiades de spleenétique

    Deux petits riens atrocement déprimants, ce matin, puis une journée de labeur (et non de travail) : cela suffit pour m'enfoncer de nouveau la tête plus bas que les épaules. Que m'arrive-t-il en ce moment ?

Ce sont justement les petits riens, les plus matérielles vétilles, qui me contrarient le plus, ou alors, si ce n'est matériel, du moins ce sont des choses qui passeraient pour insignifiantes aux yeux de tout observateur extérieur un tant soit peu raisonnable.

Ainsi, j'ai été saisi d'une effroyable mélancolie, qui dure et se tient chevillée à mon esprit, en voyant que mon fils, que je laisse d'ordinaire à la porte de sa classe, à l'école maternelle, restait, pendant les deux premières minutes, totalement seul, et à moitié affalé sur l'un des bancs, sans lire ni jouer avec d'autres enfants. À part une petite fâcherie entre nous deux au moment de son petit déjeuner, il avait été gai, enjoué, rigolo sur le chemin de l'école, comme souvent. Au moment de me quitter, il n'y avait rien eu de particulier. D'habitude, je m'en vais aussitôt, évidemment, mais là, je voulais prendre les références de photographies dont les parents peuvent commander des retirages, ce qui a pris, le temps d'attendre que la mère qui faisait de même libère le stylo, quelques instants. C'est comme ça que j'ai pu voir mon fils dans son coin. Quand j'ai rendu le stylo à sa maîtresse et remis la feuille avec le choix d'images, il m'a vu, et, comme il était surpris, je lui ai expliqué ce que je faisais. Il m'a relancé son traditionnel "Bonne fac", et je suis parti, la mort dans l'âme.

Il se trouve que, sur la série entière de ces images (une bonne centaine en tout, photos de groupe et photos isolées), mon fils fait partie des deux ou trois enfants qui ne sont pas photographiés seuls. À peine apparaît-il sur deux ou trois photos, au milieu des autres, posant pour le photographe. Ma compagne me l'avait fait remarquer hier, et avait l'air assez acerbe à l'encontre des maîtresses. Cela n'est rien, une fois encore, mais, même si les deux maîtresses sont très contentes de son comportement, de son "travail", etc., il n'en demeure pas moins que la machine à questions se réveille aussi : pourquoi n'est-il pas photographié seul ? pourquoi restait-il seul sur le banc ce matin pendant le quart d'heure d'accueil ? Nous savons qu'il est discret et solitaire à l'école, qu'il préfère généralement prendre un livre et se caler dans un coin au début de la journée... mais là, seul, à moitié affalé, ne disant rien...?

Il y a plusieurs problèmes professionnels, ces temps-ci, qui me déroutent, me désorientent, m'enfoncent (je ne sais trop quelle métaphore choisir), et je voudrais que mon fils ne le ressente pas. Je voudrais continuer à tout mener de front, et à donner le change en ne montrant pas combien je me sens faible, ces temps-ci... Mais ce désir est bien vain.

L'image de mon fils, ainsi isolé, me déchire le coeur, aussi pour de narcissiques reflets, je le crains.

Pour finir sur ce point, j'écris ce billet (que je voulais infiniment bref, au départ (et c'est peu dire que j'ai lâché la bonde à mes petits sentiments)) en écoutant le motet In furore de Vivaldi, dont le largo, si beau et si épanouissant en d'autres circonstances, me fend les pores. Il est des splendeurs qu'une âme malade, aurait dit Lautréamont ou peut-être Baudelaire avant lui, ne peut supporter.

17:05 Publié dans MOTS | Lien permanent | Commentaires (3)

Commentaires

"J'ai toujours aimé le désert. On s'assoit sur une dune de sable. On ne voit rien. On entend rien. Et cependant quelque chose rayonne en silence..." (Le Petit Prince)
Peut-être ce petit bonhomme aime-t-il aussi la solitude ?

Écrit par : Denis | jeudi, 02 mars 2006

La mort dans l'âme ? Est-ce que tu n'exagères pas un tantinet ? Je n'ai pas l'impression qu'il soit arrivé quelque chose de si grave. Laisse-le vivre sa vie ; tout ira bien...

Écrit par : fuligineuse | vendredi, 03 mars 2006

Je comprends que ça te remue tout ça mais, ne t'inquiètes pas trop, certaines choses ne sont pas irremediables.

"Laisse-le vivre sa vie ; tout ira bien..."
D'accord avec Fulie sur ce point et j'ajouterai juste que peut-être qu'il a besoin de quelques tools pour qu'il puisse la vivre sa vie (en dehors de toi/vous).

Je viens de t'envoyer un (très/trop long) email à ce propos et j'espère que tu ne m'en voudras pas trop...Ce ne sont que des suggestions d'une vieille folle!

Écrit par : Livy | vendredi, 03 mars 2006

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