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lundi, 03 juillet 2006
Meuglements et patibourres
J'ai appris aujourd'hui que le meuglement se disait low en anglais (verbe et nom).
Il y a, par ailleurs, au début du chapitre 28 de Links , un verbe que je n'avais jamais rencontré (enfin, jamais, façon de parler : je l'avais rencontré, sans tiquer, lors de mes précédentes lectures du roman) et qui, à en croire Google (six résultats trouvés seulement), est presque un hapax :
Jeebleh watched Makka romb about with Faahiye.
Pour l'instant, j'ai traduit par une expression trop banale : "faire la folle avec". Mais je me demandais s'il ne fallait pas risquer un terme aussi rare... Enfant, c'était disait "faire la patibourre", mais là, Google ne donne aucun résultat (c'est un peu comme "à toute banane", si vous voulez...).
21:55 Publié dans MOTS | Lien permanent | Commentaires (7)
Nathalie : Quintane : Cavale
2 juillet, onze heures du soir
Je n’aurais pas dû boire ce café, chez les W.
Longtemps avant de commencer à écrire ce texte, j’avais décidé que la première phrase serait : « Je n’aurais pas dû boire ce café, chez les W. » (Longtemps, c’est-à-dire une heure avant, tandis que ce texte mûrissait en moi. (La meilleure métaphore est-elle mûrir, germer ou un autre verbe ? La meilleure métaphore ne serait-elle pas tout autre verbe qui éviterait de tels clichés ?))
Tandis que je lisais la deuxième partie du dernier roman paru de Nathalie Quintane, Cavale, j’étais attentif au texte et je pensais aussi à des centaines d’autres choses. (Je ne pense pas que cela ait été vraiment fait, en littérature : noter avec autant de minutie que possible, selon le souvenir d’un passé proche, tout ce à quoi pense un lecteur pendant sa lecture. C’est une autre affaire, mais n’excluons pas d’y revenir.)
Je pensais notamment à la sueur de ma peau contre le drap de dessous, ou contre la chaise en plastique rouge – puisque je me suis déplacé dans la bibliothèque pour lire –, à la douche froide que je ne manquerai pas de prendre avant de me coucher pour de bon, au discours qu’Arbor nous avait tenus, il y a un an environ, à propos de son choix de ne plus manger de poissons, aux autres livres de Nathalie Quintane, à celui (son premier, Chaussure, lu à l’époque où j’étais littérairement obsédé par les chaussures) qui m’a fait découvrir cet écrivain inégal (inégal est l’anagramme de génial (je lis aussi l’essai de Pierre Bayard sur les œuvres ratées, please bear with me)), je pensais à bien d’autres choses que Nathalie Quintane ou ses livres, comme Thomas Bernhard, qu’elle pastiche brièvement, Glenn Gould, les notices encyclopédiques des Animaux du Bois de 4 Sous (en particulier celles du gloméris ou du crotale céraste), le mot pêche ou le mot fenêtre, les mots mensonge, démenti, dimenticar, mais aussi la polysémie de ce beau mot de cavale, que je n’ai pas essayé de rappeler mes parents, que l’île près du poney-club de Hagetmau est bien jolie, etc.
Je sais que je ne vais pas parler de Cavale. D’ailleurs, je ne l’ai lu qu’à moitié. Mon drame, ici : quand je n’ai pas fini de lire un livre, je meurs d’envie d’écrire de longs paragraphes dans ce blog, puis je suis pris, une fois le livre achevé, d’une plus grande inspiration à la lecture du suivant. Une sorte de donjuanisme de l’érotique littéraire, qui se mue, paradoxalement, en impuissance critique. Un peu de Viagra, et ça repart ? Je ne sais pas… Filons la métaphore (celle-ci, oui) et craignons que cette note ne soit un signe d’éjaculation précoce. (En tout cas, c’est peine à jouir. Nouveau paradoxe.)
Je sais que je ne vais pas parler de Cavale. (Tiens, je ne savais pas, avant d’écrire cette texte, que je céderais au charme facile de l’anaphore paragraphique, ni qu’une autre phrase que l’initiale, et aussi commençant par je, y serait répétée) mais je sais d’ores et déjà que ce roman est bien meilleur que les précédents de Nathalie Quintane, avec ses 21 débuts, son jeu trouble sur l’identité du narrateur et de son crime, la réflexion (jamais théorique) sur les codes culturels, ses personnages fuyants, plusieurs de ses audaces stylistiques, parfois pataudes ou malvenues mais toujours signifiantes.
Il y a une demi-heure, peut-être, parmi les nombreuses choses auxquelles je pensais en lisant Cavale, il y avait cette anecdote, dont je ne sais où je l’ai lue ou entendue mais qui m’a marquée car j’y repense souvent : P.O.L. ne demande jamais à « ses » auteurs de réécrire et il accepte qu’ils changent de registre ou de style ; selon cette anecdote, il déciderait, d’emblée, de faire signer un auteur chez lui, indépendamment du type d’ouvrages qui seront écrits. L’exemple de Renaud Camus doit inciter à réviser ce récit, sans doute partiel ou exagéré, puisque Renaud Camus a souvent dû retirer des paragraphes ou des passages à la demande de son éditeur (voir édition de P.A. (Petite Annonce) en livre, par exemple), mais il n’en demeure pas moins que, quel que soit son degré de véracité, cette anecdote revient me hanter régulièrement, pour ce qu’elle implique pour la notion de ratage. Que Pierre Bayard soit un des rares à essayer de la théoriser, cette notion, voilà qui est choquant, car je ne connais pas un seul écrivain dont telle ou telle œuvre n’est pas considérée comme mineure ou ratée ; cela est d’ailleurs formulé tel quel dans les conversations informelles qui ont lieu entre « spécialistes » dans les colloques. Curieux, non ? Je songe à Un rêve utile de Tierno Monénembo, dénigré par l’auteur lui-même a posteriori, c’est-à-dire sous l’influence de ses amis, des critiques, de la presse, etc. ; or, c’est un livre que j’aime beaucoup.
Dans cette perspective, l’anecdote (apocryphe, alors ?) relative à P.O.L. donne l’image d’un éditeur soucieux de donner aux auteurs qu’il publie la certitude que l’ensemble de leur œuvre sera un tout impur constitué de parties inégales, de moments creux, de ratages. À creuser, décidément. (Comme Cavale, dont je n’ai pas dit trois mots.)
Ajout : Vrai Procuste, je me dois d’ajouter pas moins de trente-trois mots à cette note écrite hier soir, yeux brûlés et cerveau en charpie, afin de publier ce billet dans la rubrique YYY.
21:12 Publié dans YYY | Lien permanent | Commentaires (3)
Nelly Kaplan, plan-plan
Dans la rubrique Cinéma du Magazine littéraire de juillet-août (n° 455), à la page 20, Nelly Kaplan, dont je crois me rappeler vaguement qu'elle est censée avoir écrit des livres (à défaut, peut-être, d'en avoir lu), écrit quelques paragraphes au sujet d'une adaptation, par Michael Winterbottom, de Tristram Shandy. Elle nous enjoint vigoureusement de lire la magnifique traduction de Guy Jouvet (certes, et je m'associe à elle), mais elle appelle l'auteur de La Vie et les opinions de Tristram Shandy... Laurence Stern ! Ce n'est pas une simple coquille, puisqu'elle réédite cet étrange exploit à quatre reprises, et n'écrit jamais Sterne avec son e. Pas grave, me direz-vous, ce n'est jamais que l'un des sept ou huit écrivains majeurs de la littérature européenne... (Et je suppose qu'il n'y a pas de relecteur compétent non plus dans l'équipe du Magazine littéraire...)
Mais le plus amusant est sans doute cette phrase : "Quant à vous, aimable lecteur, l'avez-vous lu ?" Moi, oui, justement, et je crains, chère Nelly Kaplan, que vous ne me trouviez pas très "aimable" lecteur. Mais la littérature ne rend pas nécessairement aimable : c'est une activité dont vous avez raison de vous dispenser.
Ah la la... pour un peu vous donneriez raison aux rares pourfendeurs d'adaptations cinématographiques, dont je ne suis pas, et qui prétendent que les films permettent aux spectacteurs de se croire dispensés de la lecture du livre. (D'ailleurs, peut-être saurez-vous me renseigner sur l'auteur du roman dont Les Bronzés 3 a été tiré ? Je meurs d'envie de découvrir ce chef-d'oeuvre.)
Autre perle : "Le livre enchanta Kant, Diderot, Balzac, Nerval, Baudelaire, Goethe". Erratum, voyons ! Il fallait lire : "Le livre enchanta Quant, Didereau, Balsac, Nerwal, Beaudelère, Gueute". Bien entendu !
18:35 Publié dans Narines enfarinées | Lien permanent | Commentaires (6)
Snip goes the weasel !
Je note ici une nouvelle impasse de cette journée de traduction, pour que ce billet serve d'aide-mémoire (et, comme toujours (soyez-en tous remerciés) d'appel à contribution).
Au début de la scène dans le salon de coiffure, déjà évoquée, Nuruddin Farah écrit : "The three barbers stopped snipping". (Fragment de phrase que j'avais traduit comme suit : "Les trois coiffeurs arrêtèrent de jouer du ciseau.")
Deux pages plus loin, au moment où Jeebleh se fait couper les cheveux, il a une vision, qui disparaît furtivement. L'évanouissement de la vision est signalé par une onomatopée : "then snip ! "
Comment traduire cette onomatopée qui est, de toute évidence, un écho quintessentiel du verbe snip, dans l'une des premières phrases de la scène ? J'ai pensé aux deux traductions suivantes :
Le cliquetis des ciseaux s'arrêta. (Mais comment garder les trois coiffeurs ???)
Et puis clic !
Affaire à suivre...
13:13 Publié dans MOTS | Lien permanent | Commentaires (4)
Le Tout-Paris, à vélo
Elle est revenue du lycée à bicyclette en prétendant qu'avec le vent léger, la chaleur n'était guère perceptible, ou qu'en tout cas ce n'était pas la franche canicule. Puis une demi-heure après, s'apercevant qu'elle s'était beaucoup échauffée, elle a concédé qu'il faisait déjà très chaud.
Vais-je vous proposer encore une réflexion sur mes apories de traducteur ? Oui, puisque je fais ce que je veux et puisque Madame de Véhesse a commis l'imprudence de me réclamer d'autres notations dans ce genre. Eh bien, dans Links (tandis que j'écoute les douze variations KV 264 à partir de l'arietta "Lison dormait"), il y a, au milieu du chapitre 27 (j'en suis encore là car je n'ai rien traduit ce week-end), la phrase suivante :
The barber-shop had been the rendezvous for the city's cosmopolitans in the days before the civil war.
Ce n'est pas seulement la traduction de rendezvous qui me chiffonne, car il eût été préférable, avec une autre syntaxe, de le traduire différemment (mais finalement, je le garde tel quel, ou plutôt avec le seul ajout du tiret obligatoire), mais aussi (surtout) le substantif cosmopolitans, qui n'a, comme équivalent strict, en français, que le très ambigu "cosmopolites".
En l'occurrence, dans le contexte somalien, cela signifie que les Somaliens qui avaient passé quelques années à l'étranger et qui avaient des goûts moins traditionnels (plus modernes, plus dégrossis, plus occidentaux, que sais-je) se pressaient dans ce salon de coiffure. Cette idée n'est en rien traduisible par cosmopolites. Pour l'instant, j'ai choisi, temporairement, d'écrire, en français, "le rendez-vous de la clientèle huppée de Mogadiscio". Mais je suis frustré. J'aurais aimé qu'il existât, pour les autres cités du monde, une expression équivalente au Tout-Paris (même si la connotation de goûts occidentaux en serait également absente), d'autant que j'aurais évité la traduction littérale de rendezvous : "le salon où se pressait le Tout-Mogadiscio", "le salon où se pressait tout ce que Mogadiscio comptait de gens à la pointe / modernes / ..."
Peut-on aller jusqu'à user de l'adjectif occidentalisé, ici ? Comme ni l'adjectif Westernized ni la racine West ne sont présents dans le texte original, je m'y refuse.
Bart van Oort, au pianoforte, semble se gausser délicatement de mes atermoiements.
11:25 Publié dans Unissons | Lien permanent | Commentaires (1)
Saepe terrent numina
Ébloui par la première aria de l'opéra Apollo et Hyacinthus, composé par Mozart à onze ans et dont, dans mon ignorance, je ne connaissais pas même l'existence, je cherche le texte du livret (en latin) sur la Toile, le trouve aisément grâce à la base de données de l'université de Stanford (il est ici) et me surprends à lire ce latin-là, du 18ème siècle, à livre ouvert. On peut bien se vanter un peu de temps à autre... Sérieusement, cette aria, chantée par Arno Raunig dans la version enregistrée en 1990 par le Rundfunk-Sinfonieorchester Leipzig, est à la hauteur de bien des airs de l'époque.
10:10 Publié dans 410/500 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : TRES GRANDE MUSIQUE
Ne traduisons plus, hein...?
Mon fils regarde Robbie le renne, dessin animé (mal) doublé. Le film d'animation en question est aussi mal traduit, ou plutôt, selon la mode galopante, pas traduit du tout. Ainsi, l'un des personnages s'appelle Vixen. Il se trouve que c'est le nom du personnage féminin principal, fortement idéalisé (à ce que je comprends sur le mode audio (je ne regarde pas le film mais suis les dialogues d'une oreille)), et qu'il est annoncé à grands renforts d'hyperbole parodique : "elle est merveilleuse, elle a un nom si doux, et elle s'appelle... Vixen!"
Or, vixen, en anglais, est un terme qui peut se traduire par "renarde", ou, au sens figuré, par "mégère". Tant les sonorités que le sens du mot sont très péjoratifs, ce qui est évident pour un auditeur anglophone... En revanche, Vixen n'a aucune espèce de signification pour un public francophone. Pourquoi ne pas avoir traduit par Mégère, Harpie Mocheté ou Saleté ? L'aspect antiphrastique du nom est complètement perdu, alors que, même inconsciemment, il doit faire partie du charme du film, pour les enfants et les adultes.
(Par ailleurs, dans un autre passage du film, trois rennes bêlants ou hurleurs sont annoncés comme "les Trois Grosses Cloches", ce que je pense être une parodie des Trois Ténors. Cela me réconcilie plus avec les auteurs du film, mais pas tellement avec les traducteurs : je suis prêt à parier que, dans la version originale, tenor est transformé en terror ; il y avait sans doute mieux, comme paronyme de "ténor", que "grosse cloche"...)
09:00 Publié dans 410/500 | Lien permanent | Commentaires (1)
Diamants d'ici
Faut beaucoup lire par ici.
Oh, quand même, cinq notes par jour en moyenne, ce n'est pas la mer à boire.
Hmmm... Changeons de sujet.
Oui ?
Tu mets toujours trois points de suspension ?
Oui. Pourquoi ? C'est une question de convention, non...?
Oui, mais...
?
Ma question n'est pas conventionnelle, tu peux au moins me reconnaître ça.
Pour le coup...
Ce que j'essaie de te dire, c'est que tu passes ton temps à peaufiner, à finasser, à creuser de toutes petites choses, et ça, ça ne t'a pas traversé l'esprit. Pourtant, les écrivains qui se sont interrogés sur les points de suspension ne manquent pas.
Justement.
Oui, je sais que tu n'étais pas très convaincu par l'étudiante qui avait toute une théorie sur les quatre points de suspension. Mais quand même...
Non, ce que je disais, c'est : justement.
?
Justement, il y en a assez qui se sont penchés là-dessus. Je peux vaquer à autre chose. En plus...
Quoi ?
Au début, je comptais me contenter de nos deux premières répliques. Pourquoi as-tu tout fait déraper ?
Par désir de suspension, peut-être.
Je vois le genre.
07:30 Publié dans MAS | Lien permanent | Commentaires (2)