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mardi, 06 juin 2006

Un : scorpion :: en : février

                                                                   [Les 11 premiers accourcis]

 

    1. Vladimiro essaie de convaincre son supérieur et son épouse de la légitimité des attentats islamistes.

2. Un père est rassuré, car sa fille n’a rien cassé au collège.

3. Le narrateur va aux putes à la mairie.

4. Un syndicaliste meurt dans un hold-up.

5. Le martinet flanque une volée sur l’estrade.

6. Dans le car, Valeria assiste, impuissante, au viol de Carmela, que déflore un soldat.

7. Un Madrilène serre les mâchoires pour se retenir de jouir et pose un lapin à l’Indienne.

8. Un paterfamilias réinvente l’in-nocence de bien curieuse façon.

9. C’est le récit le plus bref du recueil (qui en compte dix-neuf).

10. M. Fadanelli ne veut pas que son fils tricote un bonnet pour la fête des mères sans perdre les pédales.

11. Le goût du sucré convole avec le sens du sacré.

14:20 Publié dans MAS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Fiction

mercredi, 31 mai 2006

Mummification

    Fuligineuse m'a envoyé, il y a maintenant trois semaines (shame on me) un texte qu'elle a écrit fin avril à partir de phrases publiées dans ce carnet, sous la catégorie Onagre 87 (qui s'est enrichie, depuis, d'autres textes, évidemment). Réticent à vous livrer la contrainte qui préside à l'organisation, et certain aussi que les plus fins d'entre vous s'y retrouveront, je vous livre donc, brut de décoffrage, en quelque sorte, ce texte dont l'auteur est vraiment Fuligineuse (quoique, par ma faute ou ma paresse, il y manque italiques et liens hypertextuels), et qui s'intitule

 

MUMMIFICATION

(Quel faux jeton que moi !)

« Pourquoi apparaissons-nous ? »

À peine une conversation sur telle contrée, tel village, tel voyage possible – à peine la lecture de quelques pages où éclate un lieu, une région, les bords d’une rivière – à peine si je feuillette un atlas, une carte routière – et je suis pris d’une frénésie de bourlingue, de voyage – découvrir une petite abbaye méconnue, un panorama qui semble superbe, une église de village avec son café délabré en face, ce château qui justement n’ouvre pas le jour où vous passez aux alentours, ces routes et ces déroutes.

Après un séjour de dix-huit mois à Rome, Jacques Blanchard se rendit à Venise, où il resta deux ans.

Au lieu de vous entretenir oiseusement et sempiternellement de la fièvre des nombres, je pourrais bien insister sur mes folies alphabétiques, qui m’ont permis de découvrir, jeudi dernier, l’œuvre poétique de Pierre-Albert Jourdan, dont même le nom m’était inconnu, mais qui m’a happé tandis que je cherchais, sur le catalogue du Service Commun de Documentation, s’il y avait des ouvrages de Dieudonné Jourda (pas trace) ou de Pierre Jourde (si fait).

Aujourd’hui, comme hier, sa maîtresse était absente, car elle ne se remet pas d’avoir couru le Marathon de Paris dimanche dernier.

Aujourd’hui, comme hier, sa maîtresse était remplacée par une dame qui ne dit (aux petits ni à leurs parents) ni bonjour ni au revoir, ne surveille pas les enfants dans la cour, et se laisse totalement déborder dans la classe.

Aujourd'hui, mon fils a cinquante-sept mois.

Aujourd’hui, on va « faire aller ».

Aujourd’hui, pour la première fois depuis longtemps, il n’avait vraiment pas envie d’aller à l’école.

Bien plus chtonienne que celle de Messiaen, cette musique se développe dans la rugosité de piliers d’église marqués par le sang des sacrifices.

Ce n'est pas là une vision très piétiste de Madeleine, ni une "vanité" sombre ou lugubre...

Ce sera mieux ainsi.

Ce tableau représente une Madeleine pénitente au crâne, très caractéristique de l'époque maniériste, tant dans les formes de la jeune femme que dans sa quasi nonchalance et sa main surprise ; on remarque par ailleurs ce qui semble être un visage d'angelot caché dans le drapé de la robe, tout près du sexe

Cherchant des informations sur le mois de mars 1123, afin de composer l'une des Hystéries historiées, je découvre une page Web consacrée à l'Histoire de Lucelle, commune et abbaye dont j'ignorais totalement l'existence ; or, je lisais hier soir, avant de m'endormir, le quatrième chapitre de Suburban blues, dans lequel Yémy forge le néologisme lucelle, qui échappe à une jeune femme, en un moment d'extase sexuelle porteuse de métamorphoses lexicales.

Comment disparaissons-nous !

D’une trouble majesté, Affettuoso (première pièce du disque d’Œuvres d’orgue de Joris Verdin (dont il est lui-même l’interprète)) se situe dans le sillage d’un Messiaen, sans paraître en partager le goût des sphères éthérées.

Dans le square noir de monde, les feuillages applaudissent à tout rompre.

De leurs maigres gestes en forme de signatures émane une grande joie.

Dédier une semaine à saint Ouen, prendre les eaux à Eugénie et les orgues à Rouen.

Depuis, je lis, par à-coups, les proses brèves de L’Espace de la perte, qui sont éblouissantes.

Des guillemets à l’italique, il y a le fossé séparant le poème du roman, et qui n’existe pas. Ces épîtres seront cause de notre mort prochaine.

Elle joue de la "guitare" (théorbe, luth) à bord d'un "drakkar" richement peint.

Heureusement, d'autres chapitres me laissent tranquille, mais je m'aperçois, écrivant ceci, que j'ai oublié de poursuivre la série des faux dictons de ce mois.

Idéalement, la catégorie 1295 devrait compter 107 ou 83 textes.

Il y a de curieux hasards.

J’ai appris récemment que lycaon se prononçait vraiment [likaon] et non [likã], comme, par analogie avec Laon, paon, faon, taon, je me l’étais figuré.

Je crois me rappeler que le narrateur précise que "ça n'existe pas".

L’automne est une saison bien plus équivoque, à cet égard, sous nos latitudes.

L’hiver n’est jamais si soudain que le printemps.

L’œil capte ce que ne saisit aucun mort.

La feuille de format A4 annonce le Premier Printemps des Intellectuels, Poètes, Ecrivains et Artistes Noirs, à la Sorbonne, le 8 avril 2006 à 13 h 30 (amphithéâtre Richelieu), à l’initiative de Djibril Gningue, président de l’Association Internationale Cheikh Anta Diop.

La mer lie de vin, on s'enfonce dans l'eau avec vous, puis pleure en entendant le jeune homme chevelu appeler, éploré, Branca Flor.

La mésange charbonnière n'est pas revenue rôder près du nichoir, ni le chat noir et blanc dans la haie de thuyas.

La pente rude à l'ânière, avec ses bêtes au joug. La faîne est bien le fruit du hêtre.

Le bar du Musée, près de la place Anatole France, est l’un des établissements les plus hideux et les moins conviviaux de Tours, mais on s’y retrouve quand, à l’heure du déjeuner, on a raté le bus 8 et qu’on doit poireauter vingt-cinq minutes avant le suivant.

Le berger honni accompagne ses pas sans honte.

Le cerveau échauffé, on se gorge d'eau, comme la prairie nourrie de pluie, aux premiers vents du printemps. (Peut-on écrire que cet anglais n'est pas catholique ? Mais la langue entendue est gouleyante comme une pierre frottée qui grasseye.)

Le chapitre IV de l’essai classique de Piera Aulagnier, La violence de l’interprétation, s’intitule « L’espace où le je peut advenir ».

Le cheval au labour cerne un chant qui s'éteint dans les volutes roux des sillons.

Le délivre.

Le premier billet publié de la catégorie Onagre 87 était « Ode naïve », mais deux textes avaient été écrits plus tôt ce même jour, qui avaient signé l’acte de naissance de cette série. « Ode naïve » fut écrit en bus, entre les quais et l’arrêt Chopin, au dos d’un bulletin de bibliothèque (les Sonnets de Shakespeare, dans la traduction des époux Bournet, parue chez Nizet en 1995, ouvrage à rendre avant le 10/11/05, et qui fut rendu en temps et heure), avec un bic noir, m’appuyant sur ma serviette.

Le Robert des noms propres, que je consulte pour retrouver les dates du prince (Andrinople, 1459 – Naples, 1495), indique bien qu’il (Djem) fut vaincu par Bâyazîd II (Bajazet) puis retenu prisonnier en France, mais il ne parle pas du tout de Bourganeuf.

Le titre est-il ironique, ou suis-je sourd aux intentions du compositeur ?

Les marchands du temple sont bien en place.

Loi des carrés : les Soixante-dix-sept miniatures doivent être, in fine, 77 ; de même, il faudra cinquante-neuf textes dans la catégorie 59, et quatre vingt sept pour Onagre 87.

Mélopées qui défigurent les visages du Christ, mais on n’est pas à l’abri d’un sursaut de cabri, d’une ruade d’âne, d’une valse chevaline débridée qui viendra, par la faune, remettre nos préjugés à leur place.

On a beaucoup glosé, en ma présence, de ma fausseté, de ma surdité, de mon obtusion, de mes assonances.

On dit on.

On imagine la magie.................. aucun âne n'est saisi de faim-calle.

On tirera au sort l'ordre des chapitres, dans le Livre.

Or, une dame nous tendit un prospectus pauvrement ronéoté, après s’être assurée, nous scrutant un interminable instant, que nous écoutions Alain Mabanckou avec la déférence qui s’impose.

Pas par commodité, mais pour ne plus s’y retrouver, comme dans le labyrinthe de fer forgé.

Plus subtil : dois-je m'en tenir à trente-et-un tankas ?

Pourtant, tous les Bourganiauds, eux qui s’inquiétaient de ne jamais me voir sortir, et de me penser dépérir, ont gardé le souvenir du prince ottoman.

Premier midi ensoleillé a déjà goût d’été.

Rassurons les matérialistes qui craindraient que la majuscule ici imposée au nom commun livre ne signifie une quelconque sacralisation : fort heureusement, le Salon célèbre surtout les bouquins de stars du show business, les éditeurs soucieux de vendre de la soupe, le Lion’s Club ou France Télévisions, qui sont, comme chacun sait, les officines de la bibliophilie contemporaine.

Roubaud est déjà passé par là. (Au cube et plus bellement, soit.)

Samedi, il faisait un temps mouquirous (en gascon dans le texte), hier un printemps superbe, aujourd'hui entre les deux. Hegel météorologue (un titre pour Derrida).

Si l'espace advient, plus de je dit...?

Soyez donc rassurés : vous ne croiserez pas beaucoup d’éditeurs et de lecteurs aux paupières brûlées par les braises de l’Idéal.

Telle est la simple question posée, à l’un des coins du labyrinthe de mots qui constitue la dixième double page de l’édition française du curieux poème de Ryoko Sekiguchi, Cassiopée Peca.

Telle semble être l’exclamation que le narrateur du dernier roman d’Enrique Vila-Matas, Docteur Pasavento, inscrit, marque d’infamie et de facétie, au front de son lecteur.

Toutefois, je le feuillette avant d’en commencer la lecture, et je tombe d’abord sur les en-tête des pages 141, 157 ou 165, où le titre du chapitre est repris, mais où, par une légère incurie typographique, la petite majuscule est U au lieu de Ù : la formule devient une belle et sombre phrase déclarative « l’espace ou le je peut advenir ».

Un sandwich et un demi ; la première terrasse, en bras de chemise.

Un Sisyphe de somme s'épuise, sans jamais (pense-t-on) connaître l'insomnie.

Une haute pile de livres que lit régulièrement mon fils, et jusqu'alors épars, a été, par mes soins, assemblée et forme un tumulus au milieu du salon.

Vous ai-je déjà raconté comment je vécus enfermé, pendant trois pleines semaines, dans la tour de Zizim, à Bourganeuf ?

Vus d'en haut, les deux corps nus qui tâtonnent près du rivage comblent le vide à l'horizon.

11:38 Publié dans MAS | Lien permanent | Commentaires (5)

jeudi, 11 mai 2006

Arcanes des neurones

    (La note évaporée, il se remit au clavier.)

    Me croira-t-on si je jure ici que je n'avais pas encore eu vent, quand j'écrivais lundi dernier certaine anecdotique note relative à des bols malouins, de la publication, en mars dernier, dans la collection "Continents noirs" des éditions Gallimard, de l'autobiographie d'une écrivaine rwandaise, Scholastique Mukasonga, dont je découvre même, au fil du Net, qu'elle tient un blog ? Il m'est impossible de lui offrir un bol en hommage, puisque le H manquait.

Je dois avouer (car la honte m'étreint (mais il serait plus honteux encore, car plus malhonnête, de m'autocensurer en corrigeant la note vieille de seulement trois jours)) que, me moquant gentiment de ce prénom, je faisais preuve d'une ignorance crasse, en ne me rappelant pas que, dans de nombreux pays d'Afrique, comme le Rwanda, on trouve ce genre de prénoms français inusités et tombés en désuétude, comme Victurnien, Jean Damascène, Triphine ou Placide. Vieux relent d'ethnocentrisme, sans doute, de ma part...

Il se peut aussi que, me trouvant en Bretagne, j'aie surtout (par une simplification tout aussi stupide, d'ailleurs) lié, dans mon esprit, ce prénom de Scolastique (toujours sans son h, sur le bol) au catholicisme très conservateur dont les Bretons sont, selon certains clichés, les parangons. Je n'avais pas dû, dans mes lectures d'ouvrages (romanesques ou non) relatifs au Rwanda, rencontrer ce prénom. Ceci expliquerait cela... Peut-être aussi n'ai-je noté, on the spot, que les sonorités plutôt rêches de ce prénom... Je ne sais. Ah, les arcanes des neurones sont difficiles à pénétrer...

En tout cas, Scholastique Mukasonga, cela fait un sacré nom d'écrivain !

 

11:50 Publié dans MAS | Lien permanent | Commentaires (2)

mercredi, 10 mai 2006

Stances de l'époux

    J'ai fait une découverte, qui est, à ma modeste échelle, rien moins que sensationnelle : la peau de poulet froide est un mets succulent. Froide, meilleure que chaude, et seule sans chair, meilleure qu'accrochée à son blanc. J'aimais la peau de poulet, mais croustillante, chaude et accrochée à sa chair. C'est un vrai renversement copernicien.

(Vous en déduirez que, préparant le repas de mon fils, j'ai perruqué (synonyme gascon ou patoisant de grignoter ou grappiller).)

18:15 Publié dans MAS | Lien permanent | Commentaires (0)

mardi, 09 mai 2006

Pont de Lussac

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    D'un pont médiéval du quinzième siècle qui permettait d'accéder au château ne restent que cinq piles, dont trois sont encore immergées. Cette vue est un assez joli symbole de l'expérience du voyageur curieux dans cette petite ville de Vienne, car qui cherche le Musée de la Préhistoire, censément situé dans un hôtel particulier du XVIème siècle, ne pourra nullement le trouver. Le "Musée" est fléché mais introuvable (même en s'aidant du plan de la commune proche de l'église), et ce sans qu'aucun habitant ne soit capable de vous dire s'il s'agit du musée que vous cherchez ni même où se trouve "le musée" (n'importe lequel).
Nous avons croisé un couple de quinquagénaires qui, nous prenant pour des Lussacois (?), nous ont demandé, pour leur part, où avait lieu la "Fête des Bisons". Est-ce que j'ai une gueule à aller à la fête des Bisons ? Je suppose que oui.

09:40 Publié dans MAS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Ligérienne

mardi, 25 avril 2006

Hoquet toqué

Lundi, huit heures du soir.

 

    Il y a plus de trois heures que je suis saisi d’un hoquet de plus en plus pénible, et qu’aucun procédé n’éloigne. Il y avait déjà eu deux accès, vers midi puis deux heures. Citron ou vin blanc avaient suffi ; ici, pas miette.

Cet après-midi, à Dax, je suis entré à la librairie Campus. Le garçon qui y travaille depuis trois ans est un ancien camarade de tennis, du temps où je jouais à Pouillon (circa 1986-87). Sans me reconnaître, il m’a annoncé qu’il y avait un dégât des eaux. Au même moment est entrée Luce, la bibliothécaire, venue l’aider et reprendre les cartons « pour le Salon » (il y a un Salon du Livre à Dax en fin de semaine !!!). J’avais avec elle, quand j’étais lycéen, de longues conversations. Elle est entrée puis ressortie, sans me reconnaître.

Pourquoi me serais-je fait connaître d’eux ? Nous connaissons-nous encore ?

 

Au moins ai-je acheté le dernier roman de José Eduardo Agualusa et le gros Quarto de Jouhandeau, Chaminadour. De quoi meubler mes heures hoquetantes ? Pas même. J’ai trop mal, maintenant, pour lire.

16:25 Publié dans MAS | Lien permanent | Commentaires (2)

vendredi, 21 avril 2006

Hudson : River : Bracketed

    Ce roman d’Edith Wharton, publié en 1928, est, par maints côtés, très beau. (À mes yeux, rien ne surpasse Ethan Frome, mais c’est sans doute que, comme je l’ai lu il y a très longtemps, la mémoire colore et embellit, aussi de ses lacunes, tandis que la proche présence des textes découverts récemment me rend plus perspicace et plus sourcilleux.) Comme lors de ma lecture, il y a quatre ans, de The Custom of the Country, à l’emballement des cent ou deux cents premières pages, a succédé une légère lassitude vers le milieu. Mais je me suis exalté de nouveau en lisant les trois dernières parties, et ce roman-ci est bien supérieur, car tenu de bout en bout, écrit magistralement, dans une langue riche et foisonnante, sans crainte de s’abandonner dans les méandres des âmes.

 

Pour ne pas résumer le roman, je dirai qu’il s’agit d’une version de David Copperfield racontée à la troisième personne, adaptée à la côte Est des Etats-Unis, et sans la géniale cocasserie du grand roman de Dickens. En effet, il s’agit là d’un remarquable Künstlerroman, si ce n’est que l’importance de l’identité esthétique du personnage principal, Vance, est au centre du récit de Wharton… et que l’auteur suit son protagoniste sur une demi-douzaine d’années, et non de l’enfance à la trentaine, comme pour son prestigieux modèle.

Ce qui « marche » le moins bien, c’est la description du contraste entre l’élévation spirituelle de l’écrivain et les contraintes suffocantes du matérialisme qui l’encercle de toutes parts. Là – et en dépit de personnages qui servent de charnière entre les deux univers, les deux “épouses” en particulier – Wharton frôle le manichéisme. C’est pourtant ce contraste un peu lourdaud qui donne aussi ses plus belles pages au roman. (Rien n’est simple, il faut croire.) Le plus prévisible, en l’espèce, c’est la mort de Laura Lou, tout comme Dora dans David Copperfield : Wharton se montre ici nettement moins fleur bleue et plus cynique que Dickens, puisqu’elle montre comment Vance se trouve ainsi allégé du fardeau d’une femme qui ne pouvait partager ses goûts. Il y a là une grande amertume, et sans doute une lucidité désespérée qui sourd à chaque page.

La communion d’esprit entre Vance et Halo (“Advance and Heloise” en version non abrégée) laisse pressentir la fin du roman, mais elle offre aussi des développements sublimes sur l’écriture, la poésie, la perception romanesque du monde, les embarras d’un amour principalement fondé sur une commune passion pour l’art et l’idéal.

 

Composé en sept parties, le roman offre à son lecteur « une structure belle », comme dirait Markowicz, et déjà ce n’est pas rien. Il tient en haleine, en dépit de la quasi absence d’événements. Je me suis surpris à imaginer les lieux, les décors, les tableaux qui occupent une grande partie de l’espace narratif du roman. The Willows, la demeure, qui, par son charme mystérieux, sert de déclencheur à la vocation d’écrivain du jeune Vance, est fort bien dépeinte, et incite diablement à la rêverie. De manière générale, Wharton se montre ici romancière des lieux, des maisons, des rues, des salles, mais ce qu’elle donne le moins à voir, c’est le fleuve, qui, s’il donne son titre au roman, n’est pas vraiment présent. D’ailleurs, ce titre, à première vue énigmatique, est une expression correspondant au style architectural dont The Willows est un digne représentant.

Ainsi, si le roman s’inscrit encore dans la tradition du « grand roman universel » et dans une conception post-romantique de la figure de l’artiste, des lectures politiques et féministes très subtiles sont également possibles, comme si Wharton jetait, de loin en loin, de petits grains de sable susceptibles d’enrayer le beau mécanisme victorien de sa fresque admirable, de sorte que c’est un texte très troublant.

 

Bien sûr, il faudrait – à ce stade de mes petites élucubrations – citer un ou deux passages du roman, mais j’en ai marre et je le ferai plus tard, point barre (comme dirait Birahima, le narrateur d’Allah n’est pas obligé). Ou plutôt, non ; restons ensemble encore le temps de quelques phrases. Je pourrais partager avec vous l’une de ces coïncidences amusantes qui se produisent sans arrêt. Mardi soir, je vérifiai, dans le dictionnaire de Maurice Lachâtre, la différence entre marguerite et pâquerette, cette dernière étant aussi appelée « petite marguerite ». Le matin, j’avais lu le dossier que consacre le Magazine littéraire à Duras. Le soir, avant de m’endormir, je lus cette phrase du roman de Wharton : « The late Colonel had been vice-consul in a French colonial port, and Mrs. Hubbard prided herself on her French. » (New York : Appleton & Company, 1929, ch. XXXIII, p. 400). Ça ne s’invente pas.

 

Nous ne faisons que nous entregloser, écrivait Montaigne, et je pourrais ajouter aussi, en préparant le terrain pour l’extrait de Hudson River Bracketed sur lequel s’achèvera ce billet, que l’on s’exalte souvent pour des mots en miroir, des formules où se dissimule l’aspect chatoyant d’expériences qui nous sont familières, sans compter que les meilleurs livres sont ceux qui nous donnent l’envie de les lâcher pour prendre nous-même la plume (et déguiser un je envahissant sous les dehors fades et rebattus d’un on d’opérette, à moins que l’on ne soit devenu soi-même (c’est-à-dire : moi) un autre, un on bien avancé, ce Vance de Wharton, en lisant son roman) :

“Vance travelled home heavy-hearted, trying on the way to distract his thoughts by thinking up subjects for his next story.
Not subjects: they abounded – swarmed like bees, hummed in his ears like mosquitoes. There were times when he could hardly see the real world for his crowding visions of it. What he sought was rather the development of these visions: to discover what they led to. His imagination worked slowly, except in the moments of bruning union with the power that fed it. In the intervals he needed time to brood on his themes, to let them round themselves within him.” (Hudson River Bracketed, ch. XXIII, p. 270)

 

Bon, j’ai trop dégoisé, il fait un temps splendide, soleil d’avril parfois à peine frais et souvent brûlant, on va sortir, hein, et je ne sais même pas quand je me connecterai pour publier cette note, ni surtout la précédente écrite, étroitement liée (pourtant) à ce jour du 21 avril. De plus, je devais marquer hier d’une pierre blanche : j’ai enfin repris le collier de ma traduction, que je dois rendre début septembre, et dont la remise en route ne peut plus subir de retard maintenant. Mais, l’état avancé d’affolement mental ou d’emballement idéaliste mis à part, je ne sais trop s’il y a encore un rapport avec le sujet de ce billet (dont j’avais d’ailleurs écrit qu’il s’achèverait avec l’extrait ci-dessus, mais on le sait, je ne saurais tenir mes promesses, d’autant que l’adverbe encore s’est transformé, par la précipitation des doigts effleurant le clavier, en encre, et je songe que cela ferait un très beau titre Encore l’encre, à moins que, pompeusement, prétentieusement, je ne préfère Ma vie est un Künstlerroman (mais vous verrez bien (tu vois, le problème de MuMM, c’est qu’il sait pas finir))).

22:25 Publié dans MAS | Lien permanent | Commentaires (3)

samedi, 01 avril 2006

Carrément casse-cannes (C.C.C.)

    Mes parents sont partis pour l'après-midi, avec mon fils, qui avait été très déçu, fin novembre, de ne pouvoir visiter que les jardins du château de Villandry. Les intérieurs ont dû rouvrir depuis la mi-février, et, même s'ils ne constituent pas le clou de cette visite, il y tenait très fort. Ils devaient essayer aussi de visiter les grottes pétrifiantes de Savonnières, qui ont l'air d'être une belle ringardise, ou un joli attrape-andouilles, une sorte de Musée du Lacet pour touristes désespérés, dont, en un mot, nous nous dispensons fort bien, c'était et moi.

Cela fait plusieurs jours que je n'ai pas composé de note un tantinet élaborée ; je ne sais ce que va donner celle-ci, si ce n'est que j'ai déposé quelques poissons ce matin sur deux ou trois blogs, sans compter les innombrables semblables animaux d'écailles et d'arêtes qui, de leur silhouette en papier, ont orné vêtements et murs, pour des jeux enfantins se rapprochant du cache-cache. Je me suis esquivé dans la matinée, pour le marché de la place Coty.

Cet après-midi, c'était et moi avons vu les navrantes installations du C.C.C. (navrantes, à l'exception du petit film tourné je ne sais où en Croatie par un vidéaste au nom légèrement serbo-croate lui aussi). On ne peut en sortir : l'essentiel de la production contemporaine, en matière d'installations, de vidéos, de travaux plastiques autour de modules, de jeux d'échos, d'environnements sonores, est d'une platitude et d'une ineptie à faire pleurer. Evidemment, le responsable du C.C.C. accueille le visiteur en lui proposant la brochure : à moins d'avoir les yeux rivés sur le blabla le plus souvent creux et jargonnant de ces artistes frustrés de ne pas être philosophes, il n'y a aucun espoir,  ce que praticiens et galeristes admettent eux-mêmes, de rien comprendre aux oeuvres exposées. Eh bien ! je refuse cela ! Je ne lis plus les notices et autres livrets d'accompagnement, ou alors après, pour vérifier*. Mais, si l'intérêt est de lire le petit texte farci de termes pentasyllabiques, alors il ne faut pas faire d'oeuvres : écrivez des livres et fichez-nous la paix avec vos machins dont vous admettez vous-mêmes qu'ils n'ont de valeur que par le discours qui les enrobe !

(Je vois vers où va cette note : le vieux débat de l'art contemporain, dont je suis, pour de très nombreux cas, un grand et presque incoditionnel adepte, mais dont j'aime bien pourfendre aussi les ridicules. (Il n'en manque pas, il faut dire.))

Nous avons parcouru la rue de la Scellerie, en nous arrêtant dans plusieurs des boutiques d'antiquaires, librairies anciennes, et même renouveler notre stock de thé dans le salon de cette même rue. Une flânerie de deux heures, de ci de là, dans le centre de Tours.

 

* D'ailleurs, en général, en lisant la notice a posteriori, je me rends compte que j'ai à peu près tout deviné du "sens de l'oeuvre", ce qui est mauvais signe, voire même que je suis allé imaginer telle ou telle "explication" qui est bien plus élaborée que la sauce conceptuelle à deux centimes du "plasticien"... J'ajoute, profitant de cette astérisque en guise de post-scriptum, que c'était vient de me lire un extrait du n°19 de la revue MAP (mouvement action plastique), au sujet d'Isabelle Lévénez, qui expose au C.C.C. une sorte de projection vidéo parfaitement insipide comme il s'en pond des quinzaines par jour dans toutes les écoles d'art plastique du monde. Je vous laisse apprécier cette citation qui vaut son pesant de cacahouètes :

Elle affronte l'indicible, réduit la grosse machine duelle (être homme être femme) en tralala lalère du devenir enfant, devenir homme ou devenir femme, devenir l'autre. [...] Si sa peinture devient sonore c'est pour mieux désigner le vertige, le trou ("les petites filles ont un trou par où s'échappe la mémoire") comme zones picturales paradoxales.

 

Outre que ce genre de balivernes peut se reproduire à l'infini (je suggère à l'auteur de ces lignes d'aller jusqu'à "la création du troulala à air de l'anusité crypto-vénale"), tout ici est entièrement démontable, tout argument réversible : en quoi le vertige est-il une "zone picturale paradoxale" ? Et je ne dis rien des trois premiers mots, qui, sous des dehors géniaux, sont un truisme de la plus belle eau, car on pourrait dire cela de toute forme d'expression artistique non verbale, et même, dans une certaine mesure, de tout ce qui relève de l'écriture. Dostoïevski, Berg, Delacroix, Bach, Mallarmé, le Caravage, Britten, Shakespeare, Soutine, Soulages, Dante, et tant d'autres... tous affrontent l'indicible...

18:40 Publié dans MAS | Lien permanent | Commentaires (12)

jeudi, 30 mars 2006

John Mc Gahern

    À quelques jours des deux centenaires de Beckett, John Mc Gahern, le grand écrivain irlandais s'est éteint, ce midi. Je l'apprends à l'instant, en vérifiant ma boîte à lettres électronique. Bernique ! 

His words have soothed us and they have kept our minds and souls vivid.

Ayons une pensée pour lui. Lisons ou relisons ses livres.

23:27 Publié dans MAS | Lien permanent | Commentaires (0)

dimanche, 26 mars 2006

Visions de printemps

    Bizarres aquarelles, voix rauque ou perdue, titres très colorés : le générique de Veredas.

Nous avons neuf tisanes différentes, toutes en feuilles, et aucune en sachat (de vrais puristes). Un champ désolé d'oliviers, ou est-ce une colline, une butte ?

Lumière superbe, herbe verte.

Homme plaid à carreaux autour des épaules, jeune fille cape bleu ciel. Tous arbres tordus, herbe toujours lumineusement verte. Âniers qui passent.

Une quenouille : boa tarde. Autres quenouilles, qui dialoguent avec une hache. Filer, fendre. Rouge superbe du même geste que les gaveuses de mon pays. Les pierres jointent mal, au crachat dans les mains.  Le chemin de Damas ne mène pas aux caravanes, mais au torchon de l'arrière-plan. Ce qui fascinera, c'est le pantalon rapiécé, patchwork aux tuyaux asymétriques.

Un dragon sortira la tête de l'embrasure de cette demi-porte, pour faire taire le bûcheron de fortune, qui maintenant chante, sans se soucier du dragon. Pas du tout. Il est question de Maures (dans le sous-titrage anglais : moors, d'où ôer l'eau et le double rond de la lune).

Grande étendue jaune maintenant. Ajoncs, colza ? Air de guitare rès artisanale, de ferraille rapiécée, et passage de lourds laineux bêlants de gauche à droite. Ce n'est évidemment pas du tout une guitare. Est-ce bien la vérité, ou la verdure, la verdeur du cinéaste si vivant, dont l'image décharnée désenchante même les surfaces autrement imprimées ? Danses et chants (au coin du feu la vieille feule) semblent l'aune de tout discours. Le tissu fane.

Du chaudron maintenant la tête du dragon va jaillir et emporter la "guitare".

Le ver est dans le fruit, c'est dire que le printemps est dans le regard. Symétrie rouge de la fillette muette et de la ferraille posée sur les genoux du conteur bûcheron de fortune. Lampe à huile rire mouvement nerveux des sandales (ce qui se tient en travers des yeux). Attendons le dragon.

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Le Saché de Balzac, ou la malédiction ?

    J'ai parcouru, plus que lu, le livre de Marie-Françoise Sassier, Le château de Saché, refuge de Balzac. Nous avions visité Saché il y a plus de dix ans, et nous avons récidivé il y a bientôt deux mois, à l'occasion d'une très décevante exposition de Kantorowicz qui ne recèle quasiment que des croûtes (et qui doit s'achever bientôt, je pense).

Eh bien ! Il semble que la postérité de Balzac à Saché soit victime d'une forme de malédiction, car ce livre-là n'est guère meilleur que l'exposition en question : maquette hideuse, qualité très piètre des reproductions photographiques, sans parler de l'inévitable chapitre hagiographique à la gloire du président du Conseil Général. Bien entendu, on y apprend "des choses" sur les différents propriétaires du manoir depuis le dix-neuvième siècle, en particulier sur Paul Métadier, qui fut à l'origine de la création du Musée Balzac... mais on sent bien que ni l'auteur ni l'éditeur ne sont touchés par la grâce du bon goût, ni surtout, nourris d'une véritable admiration pour l'écrivain.

Le plus navrant, ce sont, sans doute, les cinq ou six pages consacrées à la célébration du bicentenaire de la naissance de Balzac, en 1999, dont il semble que rien ne l'ait distinguée de n'importe quel ringardise pseudo-populaire. Costumes paysans "d'époque", enfants des écoles rameutés pour faire nombre, grande randonnée pédestre où il ne semble pas que l'oeuvre de Balzac ait joué le moindre rôle...

En fin de compte, rien ne vaut d'arpenter les chambres de la demeure et les pelouses ou parterres, mais c'est regrettable, car il ne s'en faudrait pas de beaucoup pour que ce livre soit, non seulement instructif, mais aussi très plaisant

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mardi, 21 mars 2006

Au Musée d’Ayala

    En rentrant d’accompagner mon fils à l’école maternelle, je songeais à deux choses très précises : la lettre Y ; les mots qui contiennent trois fois la voyelle A, et seulement elle. Quand je me trouvai face à notre maison, je constatai que la porte-fenêtre de la chambre à coucher, qui se trouve à l’étage, au-dessus du garage, était grande ouverte. Je l’avais ouverte pour aérer, avant de descendre préparer le petit déjeuner. Puis ma compagne est partie au lycée, j’ai habillé mon fils, fait la vaisselle – nous avons quitté la maison en devisant du Carnaval (qui a lieu cet après-midi dans son école) et j’ai oublié cette maudite porte-fenêtre, qui est restée ouverte à tous les vents et aux cambrioleurs pendant une bonne demi-heure. Je ne sais si c’est le signe que l’heure n’était pas propice aux larcins, que le quartier est sûr ou bien (hypothèse plus retorse) qu’une maison trop évidemment livrée désarçonne les éventuels cambrioleurs, mais toujours est-il que rien ne semble avoir disparu. Déjà, par le passé, j’ai dû remonter précipitamment à l’étage une fois dehors, afin de refermer cette même porte-fenêtre.

Cet incident m’interrompit dans mes songeries, rêveries autour des mots et des lettres, réflexions aussi autour des noms propres. Faut-il ajouter ici, quoique je n’y songeasse nullement il y a dix minutes en rentrant de l’école maternelle, que j’ai regardé avant-hier le film de Wim Wenders, Die scharlachrote Buchstabe, adaptation du roman de Nathaniel Hawthorne (The Scarlet Letter, bien sûr), dont l’héroïne se nomme, assez curieusement, Prynne avec un Y ? (Elle se prénomme, non moins curieusement, Hester, avec un déplacement du H. (Mais on ne voit pas tout cela à l’écran. On peut connaître les noms pour avoir lu le livre, mais on ne voit dans le film, en fait de lettre, que le A. Pouvoir du cinémA.))

L’incident est clos, je pense. Mais il n’en demeure pas moins qu’il a interrompu le cours de mes pensées, de même que, comme l’écrit si bien Andrés Pasavento, le narrateur du dernier roman paru d’Enryque Vyla-Matas, « il faut se dire qu’une aspirine change une pensée, bien que personne ne sache pourquoi ». Je songeais donc aux mots qui contiennent trois fois la lettre A, et n’ont pas d’autre voyelle. J’y insiste, une fois encore : je ne pensais pas du tout au film de Wenders, ni au roman de Hawthorne. Il s’agissait plutôt d’une rêverie autour du mot Carnaval, puis autour du e muet de mascarade, du jeu de baccarat, des hasards d’un tel jeu, la baraka, etc. Mais cette rêverie était née d’une simple constatation, idiote sans doute : des quatre livres que je suis en train de lire (et dont l’un est interrompu sine die), un seul ne contient pas du tout la lettre Y dans son titre et le nom de l’auteur, d’où ma décision de n’orthographier – le temps de lire Docteur Pasavento ou d’en parler dans ces carnets – le nom de l’écrivain barcelonais que j’admire par-dessus tout Enryque Vyla-Matas, afin de résorber cette fâcheuse dissymétrie. J’ai interrompu il y a deux semaines ma lecture de Mason & Dixon de Thomas Pynchon (dont il est question dans Docteur Pasavento) ; j’ai commencé hier soir la lecture de Suburban Blues, le roman du jeune écrivain franco-camerounais* Yémy ; enfin, j’avais commencé hier matin la lecture de Dynamo de Tariq Goddard. J’ajoute que, pour écrire ce billet, j’écoute les actes IV et V d’Atys, opéra de Lully. Il manquait donc un Y, au bas mot, au glorieux Barcelonais.

[* Ce genre d’adjectif est sujet à caution : on peut se retrouver accusé d’à peu près n’importe quoi, de “cosmopolitisme” par les ultra-nationalistes et de racisme par les anti-racistes. Je précise, comme s’il en était besoin, que j’emploie cet adjectif pour dire, tout bonnement, que Yémy réside en France, a peut-être même la nationalité française (on ne fiche pas encore la carte d’identité des écrivains sur la quatrième de couverture), mais qu’il est, nous dit l’éditeur, né en 1975 à Douala, et que son narrateur se dit “K-mérien”. Il se situe donc dans le champ de ce que la théorie postcoloniale anglo-saxonne qualifie de hyphenated identity, une identité nationale et culturelle double. Voilà. (Comme quoi, pour simplifier avec un adjectif à tiret, on se retrouve à écrire une note d’une demi-page !)]

 

Prenez un cachet d’aspirine. Ça change les idées.

Blanc comme une épreinte de loutre, je poursuis cette curieuse chronique, ne désespérant pas de lasser même les plus fidèles de mes lecteurs. Je poursuis en prenant la tangente. Vous parler de mon long rêve de cette nuit. Le texte ne sera pas ultra-court, c’est déjà trop tard pour cela, alors autant embrayer sur un rêve extra-long. Car j’ai rêvé d’œuvres peu connues, toiles d’artistes philippins déjà anciens, morts depuis belle lurette. Je revoyais l’autoportrait de Fernando Amorsolo (dont le nom même invite aux lectures alternativement les plus noires et les plus printanièrement idéalistes), ce curieux tableau qui représente l’artiste, à gauche, s’accrochant, de la main droite, au chevalet, qui occupe le tiers droit de la toile ; le peintre semble avoir une phalange manquante à l’index. Je revoyais Tampuhan, le célèbre tableau de Juan Luna, peint en 1895, quatre ans avant la mort de cet artiste à la vie mouvementée : il représente, vue de l’intérieur d’une maison, une terrasse qui donne sur une rue haute en couleurs et riche en lampions ; une jeune femme en robe, très agitée, fait face au spectateur ; un homme en costume beige clair lui tourne le dos, et semble regarder, la joue droite maussadement appuyée contre le poing, la rue. Je revoyais enfin une photographie prise par le grand Fernando Zobel lui-même dans les années 1950 : ce cliché en noir et blanc représente un ouvrier qui tire sur sa cigarette en s’abritant à l’intérieur d’une locomotive absurdement minuscule ; l’homme nous fixe, mais n’est-il pas lui-même surveillé par les deux globes laiteux du lampadaire à l’arrière-plan ? Le tirage a mal vieilli et s’intitule Man seated in a caboose ; il est conservé au Musée Ayala.

 

Mon rêve était comme une rue haute en couleurs et riche en lampions, un matin de carnaval, un cauchemar sans importance, un manque soudain de baraka, et je tournoyais dans les couloirs du Musée Ayala, où je ne suis jamais allé mais d’où j’ai ramené, en rêve, la conviction que j’étais épié par les lampadaires éteints de la rue où je vis. Peut-être le thé ou l’aspirine me délivreront-ils de ces tableautins.

 

[Bonus : la note évanouie.]

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lundi, 20 mars 2006

Abdourahman : Waberi :: Aux : Etats-Unis : d’Afrique

    Le dernier roman paru d’Abdourahman Waberi est tout à fait recommandable. À partir d’une idée complètement casse-gueule (l’inversion, point par point, de la situation géopolitique), il réussit à tisser un récit fragmentaire, qui s’adresse principalement au tu de l’héroïne, Marianne / Maya.

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Le titre est assez connu ou compréhensible : l’expression est souvent utilisée par les panafricanistes les moins désenchantés ou les palabreurs les plus ironiques. Ici, Waberi part de l’idée que la situation de notre planète est exactement l’inverse de ce qu’elle est en fait, du point de vue du rapport des forces entre continents, entre religions, peuples, etc. Autrement dit, l’Afrique est l’eldorado où affluent des réfugiés de tous les coins du monde, Amériques et Europe déchirées par les guerres civiles sanglantes, les dictatures sanguinaires et sans espoir d’avenir. Les dirigeants africains commencent d'ailleurs à vouloir se débarrasser de toute cette racaille...

Il est à noter que Waberi, pour la commodité du sujet, fait l’impasse sur l’Asie, qu’il s’agisse des poches de pauvreté (Laos ou Sri Lanka) ou des nations les mieux émergentes (Inde) ou surtout d’une superpuissance comme la Chine, qui, ne l’oublions pas, est en train d’imposer ses codes et ses décisions à tout le monde. (Quand la Chine s’éveillera, qu’ils disaient… Ce n’est pas que la Chine ne se soit pas éveillée, c’est qu’elle est devenue de plus en plus active et subtile, en endormant et muselant, dans le jeu diplomatique et économique, tous ses éventuels rivaux. Enfin, ce n’est pas le sujet de ce billet.)

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J’avais été légèrement (oh, très légèrement, tout est relatif) déçu par les deux ouvrages précédents de Waberi, et en particulier par Transit, que j’avais trouvé légèrement redondant, emphatique, parfois à la limite du creux de la vague, comme si son auteur (que j’admire beaucoup et dont le sommet reste, à mon sens, la Trilogie de Djibouti (disponible en collection ‘Motifs’), en particulier Le Pays sans ombre) devenait tributaire d’un certain discours obligé.

Ainsi, Aux Etats-Unis d’Afrique me fait presque l’effet d’une renaissance. Waberi fait cavalier seul, sur la corde raide – et finalement, avec cette forme d’utopie très particulière, qui narre le retour au pays natal d’une Normande adoptée par des Africains de l’Est opulents et intellectuels, Waberi se trouve, non une autre voix (car le style est inimitablement le sien), mais un autre chemin, d’autres possibilités, des combinaisons multiples qu’il n’avait pas encore entrevues, ou que, à tout le moins, il n’avait pas encore suscitées sous sa plume. Ce qui le sauve, en fait, c’est son goût du fragment, qui le dissuade de vouloir donner une allure cohérente ou homogène à son roman : ici, le bris, la bribe, la fracture conviennent merveilleusement bien. L’inversion poussée au système eût été catastrophique.

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Peut-être n’ai-je rien dit du roman, et d’autres, moins au fait de l’œuvre de Waberi, ou plus tentés par une étude «objective» de ce livre, tireront-ils de tout autres conclusions. Peut-être n’ai-je souligné, dans ce billet, qu’une seule toute petite chose : ma bien subjective admiration grandissante pour les funambules, les danseurs de corde, les écrivains qui, d’une idée de départ bancale, d’un sujet audacieux, piégé, infaisable, font un livre inattendu, indéniablement réussi, et touchant.

 

A. WABERI. Aux Etats-Unis d’Afrique. Paris : Lattès, 2006.

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dimanche, 26 février 2006

Autoportrait

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Payolle, 24 février 2006.

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mercredi, 15 février 2006

La Rouille et le vert

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lundi, 13 février 2006

Pour cela, préfère l'impair

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Moulage de la main de Balzac.

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jeudi, 09 février 2006

Endécasyllabe statuaire

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Balzac par Rodin, au château de Saché

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