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mardi, 02 mai 2006

16

    amertume tellement

soufflée de guingois

dans le palais chaud,

 

je me repais de vos rires

sous le coton ligérien

15:51 Publié dans Tankas de Touraine | Lien permanent | Commentaires (3)

Hédonisme dissonant ?

    Il y avait tout à l’heure, sur France Info, un entretien avec une dame dont je n’ai retenu, occupé que j’étais à une manœuvre délicate, ni le nom ni la fonction, et qui parlait, au sujet de la mode des objets miniatures, du zapping généralisé et du « tout petit », d’une forme d’hédonisme dissonant. Comme je crois savoir assez bien ce que sont l’hédonisme et la dissonance, je ne m’explique guère cette formule. Toutefois, ce qu’elle disait était très intéressant, car elle estimait que cette tendance très contemporaine révélait un profond mal-être, dans la mesure où l’on préférait les morceaux choisis aux œuvres complètes (à en croire son vocabulaire, elle devait songer à l’opéra ou à la musique classique), le snacking aux vrais bons repas, et, généralement, le saupoudrage à l’approfondissement.

Je ne peux qu’opiner. Cette tendance est très nettement perceptible en art et en littérature, dans la mesure où de nombreux lecteurs préfèrent les « vies minuscules » et autres « gorgées de bière » (suivez mon regard) à des ouvrages plus exigeants. Qu’on ne se méprenne pas sur le sens de mon propos : il y a des textes brefs ou aphoristiques qui sont de pures merveilles, et des pavés (assez nombreux) qui sont de fades soupes populaires. Toutefois, on ne sort pas indemne des Démons de Dostoïevski, d’un roman de Dickens ou de la fréquentation assidue de Proust, de Tristram Shandy, ou encore de l’Exhortation aux crocodiles. J’ai plus souvent la mémoire courte pour les récits brefs, les proses distillées par les experts de l’écriture blanche et de l’ellipse à répétition (si j’ose dire). Un bon exemple de cela est une toute petite chose sans corps et sans vie, minimaliste et fade, qu’un ami libraire avait voulu me faire passer pour un chef d’œuvre de toute beauté : Elisa d’un certain Jacques Chauviré. Mon admiration pour des écrivains contemporains tels que Renaud Camus ou Breyten Breytenbach vient du fait qu’ils n’hésitent pas à en faire trop, et c’est toujours dans l’excès qu’ils se révèlent sublimes.

Mon père est d’avis qu’un écrivain doit se donner la peine d’être concis, ce qui est une opinion que je ne partage pas du tout. La littérature n’est pas le journalisme, et la vie ne sera jamais si courte qu’il ne faille pas se délecter des vers monumentaux de la Divine Comédie. D’ailleurs, cela fait trente ans que mon père n’a pas ouvert un livre qui soit de la littérature : CQFD ou QED, en quelque sorte. (Je précise ici que ce désaccord avec mon père porte sur la littérature, point barre, et qu’on peut fort bien aimer en ne partageant pas les goûts).

Ah ! affreusement infusée, ma tisane d’oranger est excellente !

15:45 Publié dans YYY | Lien permanent | Commentaires (1)

Commencé à 15 h 11

    Je me prépare une théière de tisane d’oranger (faudrait-il parler de tisanière, ou l’objet prime-t-il sur sa fonction ?), en songeant à cette belle et radieuse journée, au mois de mai qui à peine commence, aux dictons que j’ai laissés en plan, aux rues de Tours qui s’animaient d’une joie nerveuse ou d’un entrain affecté, aux textes que je veux écrire.

Des différentes tâches que j’énumérais ce matin, trois seulement restent à accomplir (sans compter celles qui, s’étant ajoutées, comme les vaisselles, un passage chez l’opticien pour faire régler une vis sur ma deuxième paire de lunettes ou l’achat d’un cadeau, se sont accomplies illico et sans mention préalable dans ce carnet).

Tisane d’oranger, car je consomme trop de produits « excitants ».

15:17 Publié dans 410/500 | Lien permanent | Commentaires (1)

XX

Mardi 25 avril.

 

    Peut-être, mieux que la lecture des dix chapitres de More Pricks than Kicks, le vrai hommage de ce mois consacré à penser à Beckett, ou à écrire comment je pense au centenaire de sa naissance bifide, sera la lecture de Wittgenstein’s Mistress, de David Markson, choisi un peu par hasard sur les rayonnages de la bibliothèque d’anglais, à force de lire des articles de critique consacrés à cet écrivain (j’avais même entendu, en 2003, une collègue prononcer une communication passionnante sur Reader’s Block), et qui s’avère être dans le sillage de Samuel, comme n’a pas manqué de le remarquer un critique anonyme de la San Francisco Review of Books, dont une phrase est reproduite en rouge et en quatrième de couverture *, mais aussi comme, par un hasard insensé, le signale un bref entretien avec l’auteur, qui est donné en guise de postface, et où il est question des 54 refus dont le manuscrit de Wittgenstein’s Mistress fut l’objet, Markson prétendant qu’il s’agit d’un record**, puisque The Ginger Man de Donleavy (une demi-heure avant de lire ces lignes, j’avais extirpé, de ma bibliothèque cagnottaise, The Beastly Beatitudes of Balthazar B, acheté à Oxford en 1996 et jamais lu) avait été refusé par 36 éditeurs, et Murphy, à en croire la biographie de Deirdre Bair (mais si ! il cite cette biographie que je lis moi-même en ce moment), par 42 éditeurs. Outre les quelques coïncidences, la fièvre des nombres s’empare alors de votre serviteur, qui saute de 36 à 42, puis de 42 à 54, pour constituer une suite arithmétique : un livre qui voudrait rendre hommage simultanément à Donleavy, Beckett et Markson, devrait, sans préjuger de son contenu, essuyer 78 refus. Enverrai-je cette œuvrette en trente et un brefs chapitres à 79 éditeurs, afin de voir si l’un d’entre eux (seulement) l’accepte ?

 

* Tiens, un zeugme… Les derniers mots de cette phrase feraient un titre fort beckettien : No Less than with Beckett. Je songeais à cela tout à l’heure, dans le verger, lisant la page 40 du livre de Markson, et m’apercevant aussi que, pour ce qui est de More Pricks than Kicks, l’un des réseaux sémiotiques du titre réside dans les potentialités verbales de kick : comme le livre s’achève par la mort de Belacqua, l’expression familière et idiomatique “kick the bucket” s’impose (kick the Beckett ?).

** Sur la question des refus, il faudrait retrouver les sources exactes, mais je me rappelle que la Petite chronique des gens de la nuit dans un port de l’Atlantique Nord, de Philippe Hadengue, a essuyé des refus pendant une trentaine d’années avant d’être publié par Maren Sell. Il y aurait sans doute, dans le domaine francophone, d’autres exemples, et peut-être même qui enfonceraient largement le « record » de La maîtresse de Wittgenstein (la détresse de Wittgenstein ? (ce roman est-il traduit en français ?))

13:05 Publié dans Comment je n'ai pas célébré le centenaire de S.B. | Lien permanent | Commentaires (0)

S

    Une boîte de salsifis vide gît, rouillée, près du mur ; ce genre de maisonnette avait été baptisé Castor ; après mon passage devant le cinéma, la file n'était plus si bien rangée.

(Où je me rêve en ouvreuse, ce qui est douteux.)

10:10 Publié dans Arbre à came | Lien permanent | Commentaires (0)

Aide-mémoire

    8 h 35.

    Tout juste rentré de l'école maternelle, au lieu de m'affairer aux diverses bricoles qui m'attendent aujourd'hui, je fonce sur ce carnet pour y parler de ces bricoles. Grand fou, va. Je dois passer à la Poste, à la banque, au pressing, à la gare (pour réserver des billets pour Paris en vue de la journée d'études du 19 mai à l'E.H.E.S.S.), chez le boucher, au supermarché, essayer encore d'appeler Alexis, vider le carton de verre à recycler, faire tirer les photographies de vacances, prendre rendez-vous pour le contrôle technique de nos deux véhicules, rendre les livres à la bibliothèque universitaire, mais aussi documents sonores et imprimés à la médiathèque de la Riche, acheter des enveloppes matelassées, sans parler, évidemment, d'un passage obligé par l'université, afin de voir si la situation se débloque. Hier soir, couché tard, je me disais que j'ai beaucoup progressé, en cinq et même en trois ans, dans mon travail de traducteur, à moins que le roman ne soit plus facile (mais je ne le pense pas). Jardin des délices / Tourne comme une hélice. Je dois réserver une chambre d'hôtel en Vendée, à Noirmoutier, et, parmi les billets qu'il me faut écrire, rendre hommage à Wittgenstein's Mistress, à Marcel Jouhandeau, à Yémy (depuis le temps...), transposer ma recension de Dynamo en anglais. Où l'a-t-on rangé ?

08:45 Publié dans YYY | Lien permanent | Commentaires (1)

Pinturrichio pour prétexte

Lundi, trois heures dix.

 

    Le texte qui vient d'être écrit puis immédiatement publié devait signaler qu'on ne trouvait, sur le Web, presque aucune reproduction de toiles de Pinturrichio. C'est étonnant, et pique d'autant la curiosité.

Voilà qui est dit, puisque c'est cela qui devait s'écrire.

Ce texte, aussi, signe le commencement d'une nouvelle rubrique, dont le titre me trottait dans la tête depuis belle lurette. Je ne sais pas précisément (pour le moment) quels seront les points communs entre les billets qui y figureront, mais la musique et le bricolage doivent y prendre leur part (du lion ?). Si j'ai créé, avec Confins du monde, cette catégorie, c'est que le texte "n'entrait" dans aucune autre, et que je ne voulais pas me livrer, sur lui, à de procustéennes manoeuvres.

(On s'en fout !)

07:31 Publié dans 721 | Lien permanent | Commentaires (2)

Lalibela

    On s'instruit tous les jours : Lalibela, en Ethiopie, site inscrit au Patrimoine mondial de l'UNESCO, est composé de onze églises, fondées au treizième siècle. Le nom du site, si beau, est dérivé du nom d'un saint apparenté à la dynastie des Zagwe. Il signifie "même les abeilles reconnaissent sa souveraineté".

01:14 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (1)

lundi, 01 mai 2006

Joie minuscule

    Quel bonheur de retrouver le haut débit.

 

(déchiré, à l'encre violette, vers mai 1987)

18:55 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (0)

La Voilure à Verteuil

    Passe la Charente,     à la douceur du flot. Ce sont des étreintes, si l'on se laisse dériver près de l'île. Au ponton, quelques piquets laissent deviner des barques absentes. Plus loin, c'est une autre nouvelle de Maupassant, plus champêtre encore, si possible. Les hôtes du moulin lèvent un regard sourcilleux, car il n'y a jamais plus de soixante voitures par jour, même en plein centre de ce village. Le bonheur est là, dans la soie intouchée des cieux qui se reflètent et des eaux qui se mêlent.

18:45 Publié dans 410/500, Onagre 87 | Lien permanent | Commentaires (0)

Marins maarins ?

    Il faut se méfier du Web.

Mais pour la Bourgogne ce n'était que le début de la fin. Versant 199 ducats à l'Autriche pour obtenir la paix, abandonnant son alliance avec l'Angleterre lors de l'indépendance de l'Eire, voyant éclater partout des révoltes, et enfin la France et ses vassaux lui déclarer la guerre, les difficultés continuèrent pour elle, allant en s'aggravant au fur et à mesure de la conquète de ses provinces par le Luxembourg. Le tout se terminant le 1er mai 1440 par le renversement de son gouvernement, avec pour principal bénéficiaire le surprenant Luxembourgeois.

(Source : Les MAARins d'Amsterdam)

 

Ce qui a la semblance, une seconde, de l'histoire est une fiction interactive, ou jeu de rôles. (In petto : l'histoire est un jeu de rôles.)

16:55 Publié dans Hystéries historiées | Lien permanent | Commentaires (0)

Confins du monde

    Joris Verdin reprend du galon. Je m'en ressers une rasade, avec ta permission. Hein ?

Dans la nuit de samedi à dimanche, dormant fort peu, saisi d'insomnie dans cet hôtel, très confortable pourtant, de Saint-Savin, j'ai écrit au moins trois ou quatre pages (dans ma tête, dans le lit) du texte que j'imagine, en hommage à Wittgenstein's Mistress.

Pour une fois, la lettrine est un J, mais j'ai attendu quelques mots (six, à peine) avant d'écrire je.

Il serait temps de l'écrire, ce texte. Le style inimitable de Wittgenstein's Mistress n'est pas inimitable. Il est toujours question de fin du monde (Verdin, Malevil, Markson, Obok).

15:05 Publié dans Unissons | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : TRES GRANDE MUSIQUE

Gérard :: Obok :: Manset

    L'album, le dix-septième ou dix-huitième de Manset, est sorti le 6 avril. Je n'en ai appris l'existence que le 26 et me suis précipité à Dax, afin d'en dénicher un exemplaire. Vingt jours, et je suis passé à côté d'une édition limitée qui comprenait un livret apparemment inhabituel. Peu importe : l'essentiel, tout de même, ce sont les chansons. (On apprend, sur la Toile, que Manset a des dizaines d'ouvrages non publiés dans ses cartons, tiroirs ou placards. D'ailleurs, je m'étonne qu'aucun critique n'ait, semble-t-il, remarqué qu'OBOK, dérivé du toponyme djiboutien Obock, est l'anagramme de BOOK).

Obok, donc. Depuis quelques albums, je trouve qu'il y a toujours une chanson, au moins, qui dépare l'ensemble, ou qui est sensiblement moins bonne que les autres. Ce disque ne déroge pas à la règle, malheureusement, car le troisième titre, Fauvette, est d'une écriture relâchée, d'une musique peu inspirée, sans épure, une sorte de jet un rien vériste, comme si la fréquentation de son gendre, l'agaçantissime Raphaël, finissait par déteindre sur Manset, que l'on croyait au-dessus de ça, au moins depuis l'inepte Marin bar... Je dois être un quasi inconditionnel, tout de même, car, après cinq écoutes, je trouve cette Fauvette-là presque supportable.

Sinon, rien à raconter. Rien à redire. Tout à dire, sans doute. cet album est très beau, avec un retour discret des saxophones, deux morceaux au piano solo qui font revivre les Vies monotones. Les guitares électriques n'ont pas le côté fin du monde de Banlieue nord ou de Tristes tropiques, comme le montre le très vivant sixième titre (Chaînes).

Marqué par la mort (Veux-tu?), Obok trace la longue voie des errances et des cheminements de son auteur, loin de tout exotisme de façade. Il frappe aussi par la grande diversité de ses rythmes, du faux reggae Pacte avec mon sang à l'éponyme Obok déjanté et superbe, en passant par de douces ballades (Ne les réveillez pas), mélancoliques mélopées (Jardin des délices), célébrations nostalgiques (La Voie royale).

L'album s'ouvre avec L'enfant soldat, chaloupement tortueux qui dit la dureté des guerres sans clinquant ni clichés. Une métaphore hardie ("Nouveau Tchernobyl / De bave et de bile") semble suggérer que la sortie de l'album en ce mois d'avril 2006 n'est pas fortuite.

Sinon, il paraît que Manset envisage de monter sur scène. Donner un concert, pour la première fois de sa carrière. C'est ce qu'on lit ici et là, et que l'intéressé confirme dans plusieurs entretiens glanés sur la Toile, non sans y ajouter quelques formules qui témoignent de ses atermoiements. Donner un concert, peut-être à l'Olympia. Non, ne faites pas ça... je vous suis depuis seize ans, et je vous assure que cette fausse bonne idée sent la fauvette à plein nez.

Dans tous les cas, je m'enfonce les oreilles dans Obok. Là, pas de déception possible.

14:40 Publié dans MUS | Lien permanent | Commentaires (10)

XIX

    Ixion n’avait pas dit son dernier mot. Ixion accroché à sa roue est un puits sans fond. It’s a wishing well with no will. La caravane passe dans le désert du Dodécanèse. All bark and no bite. Je suis cet Actéon dévoré par ses chiens.

13:05 Publié dans Comment je n'ai pas célébré le centenaire de S.B., Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : TRES GRANDE MUSIQUE

Sursauts de la grenouille

28 avril. 14 h 15.

 

    La haine persiste dans ces regards qui fuient, jusqu’à plus soif. Jamais la fureur ne te laissa perplexe. Les os perclus de douleurs assassines, tu vas jaser en des joutes vaines, violentes ; c’est du temps perdu.

Va te réconcilier avec tes spectres familiers, qui répondront à tes larmes. Mêle tes larmes aux embrassades claires, aux sourires lassés, aux terreurs des portes sans clef.

10:00 Publié dans Sonnets de février et d'après | Lien permanent | Commentaires (0)

« Nos classiques » dit-il

Peut-être ne faudrait-il pas confier des articles relatifs au théâtre à un spécialiste de philosophie, si c’est bien là le domaine de M. Roger-Pol Droit. En effet, sa recension du Pléiade Théâtre de l’Inde ancienne témoigne d’une réelle méconnaissance du sujet, même après lecture (espère-t-on) du volume. Il passe une bonne partie de ses cinq courtes colonnes à opposer une forme de théâtralité orientale, telle qu’elle s’exprime dans les pièces traduites dans le Pléiade, à « nos classiques » (en quoi on suppose qu’il sous-entend les classiques européens ou occidentaux (whatever that means)). Or, ce qu’il dit des pièces indiennes du volume fraîchement publié, et où il voit une forme d’art dramatique singulière et sans exemple en Occident, pourrait tout à fait s’appliquer, entre autres, au théâtre élisabéthain :

Voilà d’abord une dramaturgie en deux langues, qui ne cesse de jouer, à l’intérieur du moindre dialogue, de cette dualité. Comme si, mutatis mutandis, certaines répliques d’une même scène étaient en latin et d’autres en français. Les auteurs indiens juxtaposent constamment le sanskrit, la langue noble, sacrée, parfaite, et le prakrit, la langue de tous les jours, celle des femmes, des serviteurs et des bouffons. Cette dualité se combine à une autre : le mélange de la prose et des vers. On ajoutera, pour achever d’affoler nos classiques, une totale indifférence à la règle des trois unités : dans le théâtre indien, comme bien des films ou romans, on change de lieu, des années passent, plusieurs intrigues se tressent. Sans oublier un nombre d’actes qui frise parfois la dizaine, et une quantité de personnages à l’avenant. Plus étrange encore : nos catégories de « comédie » ou de « tragédie » se trouvent inadaptées, mises hors jeu. (R.-P. Droit. “Autre scène, même théâtre”. Le Monde des livres, 28 avril 2006, p. 8, gras ajouté)

 

Ainsi, « nos classiques » européens, c’est le théâtre français des années 1640 à 1680. D’ailleurs, si j’avais cité les quelques phrases en gras sans donner leur contexte et en remplaçant les mots “théâtre indien” par “ce théâtre”, on aurait pu s’imaginer qu’il était question de Shakespeare, de Calderon, ou même de Hugo... Autant dire que Roger Pol-Droit semble n’avoir jamais lu ni vu Le Conte d’hiver, l’acte V d’Antoine et Cléopâtre, le Cromwell du bon vieux Victor, pour ne rien dire du théâtre baroque français, qui n’est pas moins "ancien" que les pièces publiées dans ce tome de La Pléiade. Par cette simple accumulation d’exemples, les préjugés « orientalistes » du journaliste s’effondrent, et la prose de M. Droit fleure bon l’amateurisme même pas éclairé.

 

Il m’est difficile aussi de ne pas souligner la formule curieuse de M. Droit au sujet du sanskrit, « langue noble, sacrée, parfaite ». S’il est vrai qu’il s’agissait de la langue de l’élite des brahmins, et qu’elle était, en ce sens, l’apanage d’une minorité socialement favorisée (d’une caste supérieure) et le vecteur idéal des textes sacrés, on voit mal comment un critique spécialisé dans les œuvres philosophiques peut parler, en 2006, de « langue parfaite ». Ce purisme, qui fait fi de plus d’un siècle de philosophie du langage (Wittgenstein, Hjelmslev, Barthes, Jankélévitch, Quine, Lecercle, et tant d’autres), a de quoi surprendre… Il est très révélateur de l’influence des théories inégalitaires et suprématistes des indianistes français du 19ème siècle, et aurait fait bondir Guy Deleury, grand spécialiste de l’Inde et aussi de ses littératures “ignobles”, auteur du magnifique essai L’Inde, continent rebelle. Toutes les langues, quel que soit le rang social qu’elles connotent par ailleurs, sont impures et imparfaites.

On me rétorquera peut-être que ce sont pinaillages ou arguties d’experts, et que, dans tous les cas, cet article m’a donné envie de découvrir ce Pléiade. Certes, mais j’aimerais, moi, un peu plus de sérieux de la part de ces plumes célèbres qui font la pluie et le beau temps dans le monde des livres (sans italiques).

08:28 Publié dans Narines enfarinées | Lien permanent | Commentaires (0)