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lundi, 20 mars 2006
Salon du Livre, 4
Rassurons les matérialistes qui craindraient que la majuscule ici imposée au nom commun livre ne signifie une quelconque sacralisation : fort heureusement, le Salon célèbre surtout les bouquins de stars du show business, les éditeurs soucieux de vendre de la soupe, le Lion’s Club ou France Télévisions, qui sont, comme chacun sait, les officines de la bibliophilie contemporaine. Soyez donc rassurés : vous ne croiserez pas beaucoup d’éditeurs et de lecteurs aux paupières brûlées par les braises de l’Idéal. Les marchands du temple sont bien en place.
19:15 Publié dans Onagre 87 | Lien permanent | Commentaires (4)
Pierre-Alain Goualch Trio :: Anatomy of a Relationship
Je ne compte pas écrire quarante paragraphes sur cet album au demeurant tout à fait délectable – tout au plus veux-je ici noter en vrac quelques remarques, un peu télégraphiques.
Disque acheté sur eBay. Exemplaire interdit à la vente. Not for sale, quoi.
Dès les premières notes, sous les doigts agiles de Rémi Vignolo, on sait que le contrebassiste va écraser cet album sous le poids de son excellence. (Pourtant, Ceccarelli et Goualch sont de sacrés clients.) On ne se trompe guère.
Standards (Not for sale, magistral), mais principalement d’intéressantes reprises de chansons françaises : mention spéciale pour Boum (syncopé), Elisa (mélancolique), De la joie (dilaté donc sévère).
Du fort bon « jazz français » (whatever that is).
Avec cet agacement qu naît des textes dits : entre deux morceaux, presque systématiquement, des voix disent des vers ou de belles phrases qui n’apportent rien, et, au contraire, déprennent de la musique.
Pas d’unanimité, mais unisson sur la qualité.
Univers sonore à suivre.
P.-A. Goualch Trio. Anatomy of a Relationship. Cristal Records, 2004.
17:55 Publié dans J'Aurai Zig-Zagué | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : TRES GRANDE MUSIQUE
Lavé rité
16:00 Publié dans Rues, plaques, places | Lien permanent | Commentaires (0)
Le lot est tiré
[Lire le chapitre précédent.]
Mon cher Laurent,
Que d’eau coulée sous les ponts, hein ? J’ai le sentiment que tu t’ennuies plus encore dans ta vie de tous les jours qu’à l’époque de nos amours malheureuses. Tu t’encroûtes (j’ai mes espions). Pourtant, je subodore que l’enveloppe qui couvrira ce billet va rester des semaines intacte, à prendre la poussière peut-être. Je n’ose imaginer même le foutoir chez toi. Je te taquine, tu vois. Quel espoir ai-je même que tu continues à lire, le jour où tu auras enfin décacheté l’enveloppe – si je me gausse ? Bon, ce n’est pas méchant.
Je voulais seulement t’écrire que je viendrai dans ton coin le mois prochain. Un taudis pour touristes m’abritera à Cauterêts du 21 au 27 février, et j’aimerais qu’on se revoie. Ecris-moi. Don’t be shy.
De l’anglais maintenant ; il est temps que j’arrête. C’est le whisky, penses-tu, et tu ne te trompes même pas.
Je t’embrasse,
Queen Lili
15:20 Publié dans Pauvres Pyrénées | Lien permanent | Commentaires (5)
Ode naïve
L’hiver n’est jamais si soudain que le printemps. Premier midi ensoleillé a déjà goût d’été. L’automne est une saison bien plus équivoque, à cet égard, sous nos latitudes.
Le bar du Musée, près de la place Anatole France, est l’un des établissements les plus hideux et les moins conviviaux de Tours, mais on s’y retrouve quand, à l’heure du déjeuner, on a raté le bus 8 et qu’on doit poireauter vingt-cinq minutes avant le suivant. Un sandwich et un demi ; la première terrasse, en bras de chemise.
13:33 Publié dans Onagre 87 | Lien permanent | Commentaires (0)
J
Le cabriolet Régence baigne dans son jus ; Denise, je vous vis jouer Oh les beaux jours (à Beauvais) ; on ne va pas appeler le SAMU pour si peu.
(Où je me rêve en antiquaire urgentiste : il faudrait d'abord savoir ce que c'est.)
12:20 Publié dans Arbre à came | Lien permanent | Commentaires (2)
Abdourahman : Waberi :: Aux : Etats-Unis : d’Afrique
Le dernier roman paru d’Abdourahman Waberi est tout à fait recommandable. À partir d’une idée complètement casse-gueule (l’inversion, point par point, de la situation géopolitique), il réussit à tisser un récit fragmentaire, qui s’adresse principalement au tu de l’héroïne, Marianne / Maya.
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Le titre est assez connu ou compréhensible : l’expression est souvent utilisée par les panafricanistes les moins désenchantés ou les palabreurs les plus ironiques. Ici, Waberi part de l’idée que la situation de notre planète est exactement l’inverse de ce qu’elle est en fait, du point de vue du rapport des forces entre continents, entre religions, peuples, etc. Autrement dit, l’Afrique est l’eldorado où affluent des réfugiés de tous les coins du monde, Amériques et Europe déchirées par les guerres civiles sanglantes, les dictatures sanguinaires et sans espoir d’avenir. Les dirigeants africains commencent d'ailleurs à vouloir se débarrasser de toute cette racaille...
Il est à noter que Waberi, pour la commodité du sujet, fait l’impasse sur l’Asie, qu’il s’agisse des poches de pauvreté (Laos ou Sri Lanka) ou des nations les mieux émergentes (Inde) ou surtout d’une superpuissance comme la Chine, qui, ne l’oublions pas, est en train d’imposer ses codes et ses décisions à tout le monde. (Quand la Chine s’éveillera, qu’ils disaient… Ce n’est pas que la Chine ne se soit pas éveillée, c’est qu’elle est devenue de plus en plus active et subtile, en endormant et muselant, dans le jeu diplomatique et économique, tous ses éventuels rivaux. Enfin, ce n’est pas le sujet de ce billet.)
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J’avais été légèrement (oh, très légèrement, tout est relatif) déçu par les deux ouvrages précédents de Waberi, et en particulier par Transit, que j’avais trouvé légèrement redondant, emphatique, parfois à la limite du creux de la vague, comme si son auteur (que j’admire beaucoup et dont le sommet reste, à mon sens, la Trilogie de Djibouti (disponible en collection ‘Motifs’), en particulier Le Pays sans ombre) devenait tributaire d’un certain discours obligé.
Ainsi, Aux Etats-Unis d’Afrique me fait presque l’effet d’une renaissance. Waberi fait cavalier seul, sur la corde raide – et finalement, avec cette forme d’utopie très particulière, qui narre le retour au pays natal d’une Normande adoptée par des Africains de l’Est opulents et intellectuels, Waberi se trouve, non une autre voix (car le style est inimitablement le sien), mais un autre chemin, d’autres possibilités, des combinaisons multiples qu’il n’avait pas encore entrevues, ou que, à tout le moins, il n’avait pas encore suscitées sous sa plume. Ce qui le sauve, en fait, c’est son goût du fragment, qui le dissuade de vouloir donner une allure cohérente ou homogène à son roman : ici, le bris, la bribe, la fracture conviennent merveilleusement bien. L’inversion poussée au système eût été catastrophique.
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Peut-être n’ai-je rien dit du roman, et d’autres, moins au fait de l’œuvre de Waberi, ou plus tentés par une étude «objective» de ce livre, tireront-ils de tout autres conclusions. Peut-être n’ai-je souligné, dans ce billet, qu’une seule toute petite chose : ma bien subjective admiration grandissante pour les funambules, les danseurs de corde, les écrivains qui, d’une idée de départ bancale, d’un sujet audacieux, piégé, infaisable, font un livre inattendu, indéniablement réussi, et touchant.
A. WABERI. Aux Etats-Unis d’Afrique. Paris : Lattès, 2006.
11:45 Publié dans MAS | Lien permanent | Commentaires (0)
8
Défilé rue Nationale
emportant tout sur
son nuage Un peu
de rêverie tourmentée
aux terrasses des cafés
10:20 Publié dans Tankas de Touraine | Lien permanent | Commentaires (0)
Guerlinguet
Gare à cet écureuil
Une fois qu’on l’a vu sautiller
Elégamment
Repu d’œufs et d’oisillons
Le regard se porte
Ironiquement veule aux nues et glisse (un
Navire aux
Guérites-paupières)
Une fois qu’on l’a vu bondir
Elégamment comme sur un
Trapèze on n’en revient plus
09:50 Publié dans Zézayant au zénith | Lien permanent | Commentaires (0)
Salon du Livre, 2 : "Quel français écrivez-vous?"
Les questionnaires soumis à des écrivains sont de bien curieuses choses. Toutefois, il faut rendre hommage à l’équipe du Monde des livres, qui a concocté, pour la première fois depuis bien longtemps, un numéro globalement fort intéressant, à commencer justement par la double page consacrée aux réponses de huit écrivains dits francophones à la question « Quel français écrivez-vous ? ». La réponse la plus excellente, la plus admirable (et en contraste total avec l’entretien tout aussi génial, dans son genre, accordé par Boubacar Boris Diop en page 8), est celle de Nimrod, écrivain rare et atypique, que j’avais eu la chance de rencontrer à Beauvais en octobre 2001.
Je ne résiste pas au plaisir (prohibé) de la citer in extenso.
Pour l'Africain que je suis, la question est suspecte, mais passons. Je préfère m'en remettre à Jorge Luis Borges, qui soutenait que le génie des écrivains français résidait dans leur capacité à interroger les voies et moyens qu'emprunte leur art. La création suppose génie et méthode, et je suis condamné à être le critique de ma propre cause. Au-delà des considérations relatives au métier, pareille posture vise l'être même de l'artiste. De fait, celle-ci l'enjoint à se demander : suis-je un créateur ? Suis-je un dieu ? Et il doit y répondre.
De temps en temps, au coeur du français que j'écris se fait entendre une langue inaudible et mystérieuse. Je ne saurais l'apparenter à aucune des langues que je parle. Elle est sauvage, rebelle ; elle est irréductible. Par là, je comprends que j'ai touché à une manière de dire qui contredit au sens qui devrait la rendre transparente. C'est toujours quand la phrase est longue que de semblables problèmes surgissent.
Comment résister à la séduction de deux périodes successives, suivies de deux incises, le tout couronné par une nouvelle période où, par miracle, se trouvent enchâssées deux ou trois syllabes comme ultime renfort à la basse fondamentale ? J'aime vraiment quand le sens épouse le rythme, dans une manière de décantation sui generis, laquelle me permet de percevoir, en même temps que les inflexions de la phrase, un soupçon de célérité propre à la prose du XVIIe siècle, ou bien les acquêts d'une exaltation romantique, ou bien la minéralité émouvante d'Albert Camus, ou bien l'exquise clarté de Paul Valéry. Mais je vous sens inquiet. "Où est passé l'Africain ?", demandez-vous. Mais que vous en semble ! C'est lui qui parle en ce moment, c'est encore lui qui souligne la phrase déployée sous vos yeux. Je suis fils de la littérature française, mais c'est là un aveu banal, je vous le concède.
Pourquoi ne poser cette question qu'aux seuls écrivains dits "francophones" ? Cette question est riche d'enseignements pour tous les écrivains, car tout écrivain recrée la langue. Le fait de ne pas écrire dans sa langue maternelle, ou d'écrire dans l'une de ses langues de référence (au lieu d'une langue unique qui n'a pu même faire l'objet d'un choix), ou dans la langue des colons, etc., est un aspect primordial pour de nombreux écrivains célébrés à l'occasion de ce Salon du Livre, mais il ne faudrait pas oublier que cette question est pertinente pour tout écrivain. [Retrouver ce qu'écrit Bénézet à ce propos dans son Roman journalier.]
06:40 Publié dans MOTS | Lien permanent | Commentaires (1)