vendredi, 03 novembre 2006
Rue Saint-Stéphane
Tout ce que l'on peut encore écrire, c'est du vent, c'est-à-dire quelque chose de très beau, un souffle qui n'a jamais le même sens, ni les mêmes sonorités.
Pourtant, il n'était pas séduit par la Symphonie n° 3 op. 42 d'Albert Roussel, dont le Vivace au moins ne s'encombrait pas de subtilités. L'Adagio n'en était pas vraiment un, et c'était peut-être là que résidait le mystère, la plus grande force de cette musique.
Pendant ce temps-là, des fils métalliques rouillaient aux façades de grès, et on emportait par la force des souvenirs brûlants de cette journée d'été passée à Saint-Léonard de Noblat. Toute aube chose, ce serait encore du vent.
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mardi, 17 octobre 2006
Âme au noir
Cette musique si poignante, si terriblement belle que, rentré, après le travail, dans la maison vide, je voudrais avoir ceux que j'aime près de moi, et que chaque objet porte les stigmates encore brûlants de l'absence, pour rien au monde pourtant je n'aimerais qu'elle s'arrête.
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lundi, 28 août 2006
Glass harmonica, cristallophone, idiophone...?
Toujours aussi ignare, je lance un appel à mes fidèles lecteurs musicologues ou éclairés. Ayant découvert, lors de l'écoute de l'Adagio & Rondo KV 617 de Mozart, l'instrument nommé, en anglais, glass harmonica, je me suis renseigné, par le biais, une fois encore de la Wikipedia anglophone, sur ce curieux instrument. Je vous conseille de vous référer à l'article en question qui, quoique dénué de sources, a l'air sérieux. ce que j'ai retenu, notamment, c'est que cet instrument a été inventé, sous sa forme moderne, par Benjamin Franklin, qui l'a baptisé armonica, longtemps avant l'invention (en 1821) de ce que nous nommons désormais harmonica. Outre Mozart, Beethoven, Donizetti, Richard Strauss et Saint-Saëns ont composé des oeuvres pour cet instrument (mais l'article ne donne, malheureusement, aucune précision supplémentaire).
À noter aussi la croyance, fermement ancrée dans l'esprit de nombreux contemporains de Mozart, que jouer de cet instrument rendait fou.
Ce que j'aimerais savoir, c'est :
1) le nom français du "glass harmonica"
2) les références des opus de Beethoven et de Richard Strauss, en particulier *
3) l'existence éventuelle d'un corpus en musique contemporaine **
* On trouve quelques réponses ici, mais c'est un peu court, trouvé-je.
** Le répertoire de liens de la WP anglophone mentionne un quintette de Jan Erik Mikalsen, mais voilà tout.
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jeudi, 29 juin 2006
Croquis et agaceries d'un gros bonhomme en bois
Trois heures et demie. Revenu à la table du salon, after a spell under the cherry-tree, je me suis préparé une théière de Gunpowder, et ai dû tuer un taon, et un frelon, dont le cadavre a laissé une longue traînée de sang sur le parquet flottant (ou dois-je écrire "une longue traînée de saon sur le parquet flotaon"?).
Mon morceau préféré, des Croquis et agaceries d'un gros bonhomme en bois, est sans conteste la "Tyrolienne turque", qui ouvre le bal. Satie y est à son plus ironique, son plus narquois. Jamais il n'est aussi joueur.
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mercredi, 21 juin 2006
Flûtes de la mièque
De retour d'une virée touristique, comme il était trois heures et demie (et nous croisâmes même, près de la place Jean-Jaurès (manquant la faire tomber (de surprise) de son vélo, qu'elle poussait en marchant) une mienne collègue, linguiste de son état), nous proposâmes à notre fils, qui aura bientôt cinq ans, de faire un tour dans le centre ville pour essayer de voir si la Fête de la Musique avait commencé. Rien de tel, pas le moindre podium, ni une once d'animation classique, jazzistique, reggaestique ni électronique (ni... ni...), d'où une légère déception, que mon fils a compensée sans aucune difficulté, en organisant sa Fête de la Musique dans le salon, avant le bain.
Programme
W.A. Mozart. Sonate n° 11 pour piano (1er mouvement)
J.-B. Lully. Marche pour la Cérémonie turque. Marche des Combattants.
Pierre-Stéphane Michel Trio. Lulu.
Léo Ferré. Âme te souvient-il (Verlaine). On n'est pas des saints.
Thomas Fersen. Mon iguanodon.
Mathieu Boogaerts. Je ne sais pas où t'es parti.
E. Elgar. Nursery Suite.
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mardi, 20 juin 2006
En trilles
Ramures se perdent en murmures. Le merle vibre, de toutes ses plumes, au crépuscule. Vibre en trilles et part en merveilles. Les mésanges charbonnières reviennent pour une deuxième nichée, à la mi-juin sonnée, et nous bâillons dans la balancelle, la terreur remontée du fond de nos veines. Vibrons en trilles, frétillons. D'autres gardons diront le luisant, le poli de la pierre ruisselante. Tristes trilles aux vibrations polyphoniques, qui expriment, de toutes plumes, la joie, l'extase, la peur de la nuit qui gagne ses terroirs familiers. Balancement des feuilles. Murmures surgissent aux ramures.
18:45 Publié dans MUS | Lien permanent | Commentaires (3)
lundi, 19 juin 2006
Andante amoroso
Dans les Sonates pour piano,
ces temps-ci, l'âme nostalgique
empreinte de férocité,
je préfère les Adagio
ou Andante amoroso
... comme celui qui chaloupant
va dériver le long des rives, en une danse
mélancolique - cependant
que s'extasie, vrai jet d'eau de fureur,
La pensée d'un poème
à pétrir.
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mardi, 13 juin 2006
Quand elle sera devenue trop lourde
La semaine dernière, j'ai écrit plusieurs billets, que je n'ai toujours pas publiés. Ici, il y avait des photographies qui ont un peu désarçonné, ou ennuyé par leur fadeur, peut-être. C'était juste des images, des souvenirs de lieux. Aurait-il fallu rebaptiser cette catégorie Brille de mille lieux ?
(Si... quand elle sera devenue trop lourde...)
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lundi, 22 mai 2006
Infinis
Le diable bat sa femme.
Pris par les figures de Plotin et les ombres des hiboux, je me laisse transporter par la sixième des Rhapsodies hongroises, en tentant de ne prendre garde aux battements de cils insensés du soleil et des nuages. Ma peau est un clavier où s'exclament des éclairs infiniment muets.
14:30 Publié dans MUS | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : TRES GRANDE MUSIQUE
jeudi, 11 mai 2006
Inini
Il y a trois jours, après avoir évoqué assez longuement Tristes Tropiques (la chanson de Gérard Manset) à la demande d'une lectrice, qui n'a d'ailleurs pas reparu, j'avais commencé l'écriture d'une autre note, interrompue après la première phrase. Je livre, sans plus attendre et à la lecture d'un nouveau commentaire, cette première phrase isolée :
Revivre est, de Manset, l’un des albums que j’aime le moins. Pourtant, il s’y trouve deux de ses plus belles chansons, Le Chant du cygne et Territoire de l’Inini, que j’évoquais à l’instant, mais sans dire que, si je devais partir sur une île déserte avec une seule chanson de Manset, je choisirais peut-être celle-là.
Je précise, par ailleurs, à l'adresse de M. Morel, que, n'étant nullement un proche de Manset et encore moins au fait de ce qui se passe dans le petit monde de la chanson française, je serai bien en peine de l'informer, comme il l'exige, sur l'éventuel concert de Manset à l'Olympia. (Et même d'autant moins que ce concert me semble, à titre personnel, être la mauvaise idée par excellence, comme je l'ai exprimé clairement dans la note commentée.)
16:05 Publié dans MUS | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 08 mai 2006
Ne sommes-nous pas nous-mêmes… ?
Quel est le sens de Tristes Tropiques ? Il n’est pas question, dans le commentaire de Celina, de l’essai de Claude Lévi-Strauss, mais de la chanson de Gérard Manset. (Heureusement, d’ailleurs : j’eusse été « bien emmerdé » pour répondre.)
La première fois que j’entendis Tristes Tropiques, ce fut à la radio, à Cagnotte, avec une qualité sonore déplorable. Adolescent, ayant peu d’argent, j’attendis quelques mois que ma sœur, qui vivait alors à Paris et pillait régulièrement les fonds de je ne sais plus quelle médiathèque d’arrondissement (le 5ème, je pense), m’en envoie un repiquage sur cassette. Cette cassette m’a accompagné pendant une partie de ma deuxième année de khâgne à Bordeaux (ce qui, au vu des dates, me fait dire que les “quelques mois” devaient être deux pleines années, car l’album Revivre est de 1991 et ma première tentative pour le concours de la rue d’Ulm était en 1993), et Tristes Tropiques, chanson qui ouvre le disque, est loin d’être ma préférée : guitares trop apocalyptiques, claviers un brin trop planants, texte un peu trop manifeste. (D’ailleurs, l’orchestration donne une grande partie de son sens au texte.)
Bref… Cette chanson emprunte son titre à un très célèbre essai de Lévi-Strauss, publié au début des années 1950, et qui fit date. Manset, qui est, depuis longtemps, un voyageur passionné par l’Amérique du Sud, précise ainsi, dès le titre (et dans le refrain : « sous les fumées d’encens des tristes tropiques »), qu’il est question des Amérindiens. Ainsi, l’idée principale de ce texte semble être : les Indiens disparaissent à cause de l’empiètement de la "civilisation" d’origine européenne, et leurs sociétés mourront bientôt. Mais, en fait, le vrai « message » de la chanson (quoique je répugne un peu à cette terminologie (enfin, dans le cas de ce texte de Manset, il y a, effectivement, une forme assez brutale de vouloir-dire, qui le dépoétise en partie, d’ailleurs)), c’est que la civilisation européenne ancestrale, elle-même, est menacée par la technique, les progrès trop fulgurants de la science, le luxe et le matérialisme ("piscines en marbre de Carrare"). Manset est convaincu que la culture, l’art et l’humanisme, qui régnaient en maîtres jusqu’à des temps point si reculés, sont en train de mourir eux-mêmes face aux coups de boutoir du profit, de l’industrialisation et du capitalisme. La convergence entre ce qui menace les Indiens et ce qui nous menace, nous Européens d’aujourd’hui, est annoncée dès le premier quatrain : « Pas d’étuis péniens, pas de curare / Mais la même terreur qui force à reculer ».
Le fin mot (ou le mot de la fin) serait alors : « pour nous sauver peut-être il n’est pas trop tard ». Je pense que le verbe sauver a ici un double sens :
1) il est encore possible de sauver la civilisation européenne
2) il est encore possible de s’enfuir (se sauver) dans un lieu à peu près préservé (ce que Renaud Camus, très proche de cette idée, nomme « dispar’être »).
Autre chose, chère Celina – je ne sais pas du tout si vous connaissez l’album Revivre dans son ensemble, mais il y a d’autres éléments à prendre en compte, et qui sont étroitement liés à la structure du disque. Tout d’abord, Tristes Tropiques, mélodie agitée, frénésie affolée et inquiète, reçoit, comme écho apaisé, en fin d’album, le très beau et serein Territoire de l’Inini, qui célèbre la vie des Indiens autour du fleuve, sans oublier la menace des « cendres sous l’abattis » et de l’ « avion reparti ». Autant la musique de Territoire de l’Inini est apaisée et douce, autant les portées des divers instruments semblent, dans Tristes tropiques, se fracasser les unes contre les autres.
Ensuite, la chanson qui occupe le centre de l’album et lui donne son titre, Revivre, creuse l’idée qui est au centre d’un des vers de Tristes Tropiques : « mais ce qui meurt un jour un jour revit » (avec chiasme). Du reste, Revivre ne donne pas une vision très joyeuse du recommencement, tout simplement impossible, à en croire la fin abrupte :
On croit qu’il est midi, mais le jour s’achève
Rien ne veut plus dire, fini le rêve
On se voit se lever, recommencer, sentir monter la sève
Mais ça ne se peut pas
Non, ça ne se peut,
Non, ça ne se peut.
11:20 Publié dans MUS | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 05 mai 2006
Vignettes du vendredi, 2
Vivaldi, encore. Est-ce que je préfère l'allegro qui ouvre le concerto n°2 de l'Estro Armonico, ou le déchirant andante médian du concerto n°1 ? Question dénuée de sens.
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lundi, 01 mai 2006
Gérard :: Obok :: Manset
L'album, le dix-septième ou dix-huitième de Manset, est sorti le 6 avril. Je n'en ai appris l'existence que le 26 et me suis précipité à Dax, afin d'en dénicher un exemplaire. Vingt jours, et je suis passé à côté d'une édition limitée qui comprenait un livret apparemment inhabituel. Peu importe : l'essentiel, tout de même, ce sont les chansons. (On apprend, sur la Toile, que Manset a des dizaines d'ouvrages non publiés dans ses cartons, tiroirs ou placards. D'ailleurs, je m'étonne qu'aucun critique n'ait, semble-t-il, remarqué qu'OBOK, dérivé du toponyme djiboutien Obock, est l'anagramme de BOOK).
Obok, donc. Depuis quelques albums, je trouve qu'il y a toujours une chanson, au moins, qui dépare l'ensemble, ou qui est sensiblement moins bonne que les autres. Ce disque ne déroge pas à la règle, malheureusement, car le troisième titre, Fauvette, est d'une écriture relâchée, d'une musique peu inspirée, sans épure, une sorte de jet un rien vériste, comme si la fréquentation de son gendre, l'agaçantissime Raphaël, finissait par déteindre sur Manset, que l'on croyait au-dessus de ça, au moins depuis l'inepte Marin bar... Je dois être un quasi inconditionnel, tout de même, car, après cinq écoutes, je trouve cette Fauvette-là presque supportable.
Sinon, rien à raconter. Rien à redire. Tout à dire, sans doute. cet album est très beau, avec un retour discret des saxophones, deux morceaux au piano solo qui font revivre les Vies monotones. Les guitares électriques n'ont pas le côté fin du monde de Banlieue nord ou de Tristes tropiques, comme le montre le très vivant sixième titre (Chaînes).
Marqué par la mort (Veux-tu?), Obok trace la longue voie des errances et des cheminements de son auteur, loin de tout exotisme de façade. Il frappe aussi par la grande diversité de ses rythmes, du faux reggae Pacte avec mon sang à l'éponyme Obok déjanté et superbe, en passant par de douces ballades (Ne les réveillez pas), mélancoliques mélopées (Jardin des délices), célébrations nostalgiques (La Voie royale).
L'album s'ouvre avec L'enfant soldat, chaloupement tortueux qui dit la dureté des guerres sans clinquant ni clichés. Une métaphore hardie ("Nouveau Tchernobyl / De bave et de bile") semble suggérer que la sortie de l'album en ce mois d'avril 2006 n'est pas fortuite.
Sinon, il paraît que Manset envisage de monter sur scène. Donner un concert, pour la première fois de sa carrière. C'est ce qu'on lit ici et là, et que l'intéressé confirme dans plusieurs entretiens glanés sur la Toile, non sans y ajouter quelques formules qui témoignent de ses atermoiements. Donner un concert, peut-être à l'Olympia. Non, ne faites pas ça... je vous suis depuis seize ans, et je vous assure que cette fausse bonne idée sent la fauvette à plein nez.
Dans tous les cas, je m'enfonce les oreilles dans Obok. Là, pas de déception possible.
14:40 Publié dans MUS | Lien permanent | Commentaires (10)
lundi, 17 avril 2006
Avenue Dureau
17 avril, 10 h 40.
Comme j’écoute les premières des Variations Goldberg enregistrées par Jean-Sébastien Dureau en 2003 et publiées seulement ce mois-ci en accompagnement de la revue Classica (que je n’avais jamais lue et qui est d’un niveau général bien médiocre), je m’étonne de ne pas trouver plus lente cette interprétation, alors qu’elle est plus longue, d’un quart d’heure, que celle de Wilhelm Kempff (ma référence absolue), et presque deux fois plus longue que la preste et révolutionnaire version de Glenn Gould, et je repense combien, dans la librairie papeterie de Hagetmau, le magazine (que j’avais cessé de chercher, lassé de ne pas le trouver au milieu des blisters et des couvertures glacées, dans les bureaux de presse de Tours) m’a quasiment sauté aux yeux, ce matin. Ce n’est pas tant qu’il s’y trouve moins de titres que dans les échoppes tourangelles, mais il y a, tout simplement, plus de place, ce qui, me semble-t-il, doit inciter les chalands à s’envier davantage de telle ou telle revue, et donc à en acheter plus.
Jean-Sébastien Dureau attaque la cinquième variation, une de mes préférées, et elle me paraît, sinon plus rapide que dans le jeu gouldien, au moins plus enlevée, moins mélancolique que dans l’enregistrement de Kempff. C’est à n’y rien comprendre. (Mais je dois avoir, dans cet ordinateur, la version des Variatione par Glenn Gould, et je pourrai me livrer à d’infinies et inutiles comparaisons.)
20:05 Publié dans MUS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : TRES GRANDE MUSIQUE
mardi, 11 avril 2006
Air varié sur les jeux de fond
La lourde voix s’envole, et le chant débroussaille l’air. Des coups de ciseau gravissent les montagnes. Joris Verdin joue sa composition, la note tenue sur l’émoi, et le fil glissant de son étonnement.
07:10 Publié dans MUS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : TRES GRANDE MUSIQUE
mardi, 04 avril 2006
Admire
N'ayant jamais été très féru de Haydn (ou plutôt : n'ayant jamais écouté très attentivement ni très régulièrement sa musique), je ne sais que penser de son Armide, drame héroïque de 1784, et dont l'enregistrement m'avait été offert il y a quelques années pour Noël. Je l'ai écouté hier de bout en bout, et c'est un bel opéra, incontestablement, avec des airs d'une beauté à couper le souffle, mais je n'y prends pas le même plaisir qu'aux opéras de Mozart, dans lesquels la gaieté et la gravité, l'extase et la douleur se répondent par des contrepoints hardis, avec, bien entendu, une riche gamme d'émotions intermédiaires. Dans cette Armide, la gaieté s'exprime toujours gravement, et la gravité avec entrain ; ce genre fort mêlé, fort oxymorique, devrait me plaire, et pourtant je trouve à l'ensemble de la partition quelque chose de raide, de figé. (Il est entendu que certains airs sont bouleversants, je l'ai écrit.)
Sans doute mon avis est-il contradictoire, comme souvent, car je me vautre avec délices, ces temps-ci, dans les opéras de Lully, dont on ne peut pas dire que le chaloupé soit leur principale qualité ; plus hiératique (en quelque sorte), tu meurs.
Mais il faut interrompre l'écriture de cette note, car mon fils, curieux de voir ce défilé (et d'entendre crier "non au CPE", je pense), nous exhorte à nous préparer pour la manifestation. (Quand on dit que c'est la jeunesse qui sème la zizanie dans ce pays...)
09:17 Publié dans MUS | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : TRES GRANDE MUSIQUE
lundi, 03 avril 2006
Fléchette
Au début de l'acte I de l'Armide de Haydn, Rinaldo célèbre sa bien-aimée dans un vers renommé : "la mia tiranna". Dans la version enregistrée par le Concentus Musicus de Vienne sous la direction de Nikolaus Harnoncourt (Teldec, 2000), le livret propose, comme traduction, "celle qui me hante".
16:08 Publié dans MUS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : TRES GRANDE MUSIQUE
mardi, 28 mars 2006
(D'après) Guillaume de Machaut
Quand li printempz bourgeonne
Li cuers se meurt d'amour
L'abeille papillonne
Sur la patate au four
Et quand l'été arrive
Li solis arde aux ieux
Des ammantes lascïves
Et des cuers audacieux
Tes cordes de théorbe
Sung biens casse-berlonz
Maintenant sur l'euphorbe
Butine li frelonz
17:25 Publié dans MUS | Lien permanent | Commentaires (12)
dimanche, 26 mars 2006
Manuel Jeronimo Romero de Avila
Connaissez-vous le compositeur espagnol du XVIIIème siècle Manuel Jeronimo Romero de Avila ? Pas moi, en tout cas. Aucune information nulle part. Une énigme.
17:21 Publié dans MUS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : TRES GRANDE MUSIQUE
samedi, 25 mars 2006
Indes galantes
Refuser la mort.
Trébucher dans la splendeur.
Voir s’anéantir tout espoir de terreur.
C’est à ce moment-là que je tremble d’effroi.
Les porteurs d’étendards arborent fièrement leurs mensonges.
Sans blague, il peut murmurer : sans aucun doute, Bellone est plus belladone.
Revenir à de plus nobles sentiments. C’est là une étape essentielle de ce moment.
Les anges volettent, s’inquiètent, regardent de très haut la fièvre curieuse et muette.
Fureur, stupeur : c’est l’effet de l’Air pour les Esclaves Africains.
Ecrire cette série de douze romans : l’un d’eux, Rigodon.
Mourir pour des chimères, ici ou ailleurs.
Être plus que jamais terrifié. Oui.
C’est le moment de l’extase.
Un sourire aux lèvres.
Le cœur joyeux.
Rire sans fin.
Ecouter le tonnerre.
Pourtant, nuages se dissipent.
Les soucis reviennent encore : froncer les sourcils.
Revenir (encore & encore) à de plus nobles sentiments.
Elle refleurit, l’espoir renaît, et je m’embarque pour Cythère.
Le nuage posé au haut de la colline, le peintre est en proie aux affres.
Voici surgir quelque seigneur, que l’on prend quand même (mais tièdement) au sérieux.
Rêver aux éclats.
07:50 Publié dans MUS | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : TRES GRANDE MUSIQUE
vendredi, 24 mars 2006
BWV 1027 sqq
La grande découverte de la semaine aura été la disque des Sonates pour viole de gambe et clavecin BWV 1027, 1028, 1029 et 1019, dans l'interprétation de Juan Manuel Quintana et Céline Frisch. C'est superbe de finesse grandiose, de minutieuses folies, de détours si directs qu'ils comptent parmi les plus touchants de la musique de Bach. Il n'y a pas si longtemps, la seule idée d'un disque en duo clavecin-viole eût suffi à me convaincre de ne pas m'y intéresser. Décidément, les préjugés sont toujours impertinents. (C'est là préjuger...)
09:23 Publié dans MUS | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : TRES GRANDE MUSIQUE
jeudi, 16 mars 2006
Avec croches
Lors de la création de ces carnets, je me suis inscrit dans l'une des "communautés" de l'hébergeur Haut & Fort, à savoir la communauté Classique. Je voulais seulement faire remarquer que je n'ai encore guère écrit à propos de musique, car je suis un amateur même pas vraiment éclairé ; de surcroît, la dénomination même de "classique" me gêne beaucoup. Il se trouve que mes goûts me portent vers la musique (dite "contemporaine") d'un Dutilleux ou d'un Zograbian, vers les explorations d'un Schubert ou d'un Schumann (plus généralement qualifiées de "romantiques"), vers les pièces de Couperin (qui appartient, historiquement et peu ou prou, à la période "classique", mais qui, comme Lully ou Bach, a fait l'objet de redécouvertes au nom de la musique "baroque"), vers Britten (que dire de lui ? un classique contemporain ?). Toutes ces parenthèses, qui sont elles-mêmes autant de simplifications, montrent à quel point cette étiquette de "musique classique" n'a aucune pertinence ; cela signifie seulement que la communauté en question est une sorte de ghetto réservé aux quelques téméraires imbéciles doux rêveurs fous furieux qui aiment autre chose que la variété, la chanson ou la pop music (ou le jazz, mais c'est encore une autre affaire).
Renaud Camus écrit souvent, dans son journal, que, selon des codes pas si anciens que cela, tout ce qui est dénommé aujourd'hui "classique" s'appelait la musique tout simplement, ou, à la rigueur, "la grande musique". Le reste n'en était pas. Il regrette beaucoup, pour sa part, que le petit-embourgeoisement généralisé ait conduit tout un chacun à considérer pop, chanson, etc., comme de la musique à part entière ; je ne partage pas cet avis, mais, à coup sûr, l'étiquette de musique "classique" me hérisse au plus haut point. Mettre Marin Marais, Claude Debussy et Mauricio Kagel dans le même panier, c'est un peu rude... un peu comme si on rangeait les chiures de Marc Lévy et les romans de Balzac dans le même sac.
(Mais on le fait, c'est à craindre.)
Prenons un exemple. Je suis en train d'écouter les poèmes de Baudelaire mis en musique par Debussy, dans la version enregistrée par Felicity Lott en 1986, avec Graham Johnson au piano. Hier soir, j'ai découvert avec bonheur la 9ème Sonate pour violon et basse continue de Jean-Ferry Rebel, par l'Assemblée des Honnestes curieux (ensemble entendu à l'Hôtel de ville de Tours le mois dernier, dans un programme consacré à Haendel). Dans la matinée, mon fils m'avait réclamé Atys, l'opéra de Lully (pour des raisons complexes, qui tiennent plus, je pense, de sa passion naissante pour l'histoire (les rois, les Romains, les Gaulois, le Moyen-Âge) que d'un réel penchant musical (mais enfin, il écoute quand même Lully sans s'en lasser)) dans la création mondiale signée par l'immarcescible William Christie et ses non moins insubmersibles Arts florrisants, en 1987.
Vais-je devoir parler d'oeuvres si dissemblables sous une même communauté, ghetto ou lit de Procuste ? Les plus optimistes me rétorqueront : qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse... C'est vrai, et j'écrirai prochainement des textes [je me contraindrai à écrire des textes] sur ces divers compositeurs. Mais le flacon importe un tantinet, quand même.
Ajouté cinq minutes plus tard : vérification faite, la communauté "Classique" en question n'apparaît pas dans la page d'accueil de Haut&Fort, pour la simple et bonne raison que mon carnet en est le seul membre. Ce n'était pas le cas il y a un mois et demi. J'aurai fait fuir l'autre (les autres?). Du coup, c'est décidé : je me soustrais à cette étiquette et crée une autre communauté, dans laquelle j'invite les amateurs de... de quoi?? de "grande musique".
10:04 Publié dans MUS | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : TRES GRANDE MUSIQUE
lundi, 27 février 2006
Widerstehe doch der Sünde
« Je battais les taillis et les prés gorgés d’eau. »
La superbe cantate BWV 54 exsude l’inquiétude sereine d’une voix en proie au pêché, d’un corps tenté, d’une tintinnabulation fébrile, de fibrilles qui vont s’élargissant, dans la dignité et l’ampleur d’un appel à se maîtriser, à se respecter, à se fortifier, quasiment à se barricader contre le Mal ; la seconde aria, qui clôt cette brève cantate, témoigne d’une joie grandissante, car les semis prennent forme, le Diable (nommé) s’enfuit déjà – le ciel et ses taillis nous appartiennent en propre.
« Une éparse joie baigne la terre, et que la terre exsude à l’appel du soleil. »
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dimanche, 12 février 2006
Nulla in mundo pax sincera
Longtemps, je n'ai guère aimé la musique de Vivaldi.
Quel soupçon, quelle réticence - quel adolescent et imbécile préjugé me retenait ? Lorsque je découvris l'oratorio Juditha triumphans, il y a deux ou trois ans, je fus subjugué. Depuis, c'est comme si un empire, une caverne pleine d'ors sonores, un ciel qui était déjà là mais que je ne savais entendre s'était révélé à moi.
Ces temps-ci, je fais mes délices des concertos pour flûte à bec, avec Laszlo Kecskemeti, mais aussi du coffret Erato de musique sacrée par l'Ensemble Vocal de Lausanne et l'Orchestre de Chambre de Lausanne sous la direction de Michel Corboz. Entre autres splendeurs, les quatre partitions qui composent le motet (non numéroté en RV) Nulla in mundo pax sincera figurent au sommet, telles, aux touffeurs de l'été, les neiges éternelles au sommet d'un pic parfaitement pyramidal.
Trop parcouru de bouffées fiévreuses pour en écrire davantage, je me laisse aller, languissamment, à écouter le chant si pur des cimes.
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