mercredi, 23 juillet 2025
SecEM, 1 -°- Préface
23 juillet 2025
Ce soir, j'ai commencé à traduire The Second Emancipation de Howard French.
Pas de contrat signé encore, mais je voulais commencer à tâter le terrain. Je me suis contenté des deux pages de la Préface ; pas grand chose à signaler à ce stade. Ah si, j'ai traduit a very different, not always roseate, image of Africa par une image très différente, pas toujours très glorieuse, de l’Afrique. Et j'ai eu Pas bien rose de Capdevielle dans la tête pendant les dix minutes qui ont suivi.
(En fait, j'ai aussi traduit le titre et le sous-titre. Pour le coup, cela, ça peut évoluer.)
19:35 Publié dans The Second Emancipation | Lien permanent | Commentaires (0)
Recoupements et embrouillaminis
Je dois écrire cela.
[Cela : j’aurais pu écrire ceci, vu que c’est ce qui suit, mais j’ai écrit cela car c’est ça désigne que j’avais déjà en tête et qui m’a incité à m’interrompre dans mon travail.]
Je dois écrire cela. Même si je m’interromps dans mon travail – j’ai relu 22 des 49 pages du tapuscrit de ma co-traductrice, en deux grosses heures – ce n’est pas grave, il faut que j’écrive.
Car je viens d’aller, pour la deuxième fois ce matin, chercher des feuilles de papier brouillon dans le tiroir du salon, afin de continuer de prendre des notes. Et je me suis dit que je n’avais pas prévu de gribouiller autant en relisant la traduction : c’est lié à quelques erreurs ou désaccords, en nombre plus grand que je ne pensais, mais le texte d’Aidoo est très délicat aussi. Donc je n’avais pas pris assez de feuilles la première fois, vers sept heures moins le quart. Mais surtout, en écrivant au bic sur la pile de feuilles – dix peut-être, il faudra que ça suffise, là, non ? –, le souvenir des étés de l’adolescence où j’écrivais ainsi, sur des ramettes de papier brouillon, feuilles assemblées en liasses (je revois très bien ces liasses qui se détachaient comme un bloc Rhodia, mais c’était du papier brouillon), me remonte. Mon écriture de ce matin, et d’hier vu que j’ai commencé à annoter manuscritement tout en ayant face à moi, sur l’ordi, le texte d’Aidoo en regard du chapitre central qu’a traduit ma co-traductrice, n’a rien à voir avec ce que j’écrivais en particulier cet été-là : j’ai dit que j’étais adolescent, mais peut-être que c’était l’été 1984, ou alors 1987, en juillet, avant d’aller passer le mois d’août à Francfort, chez mon correspondant, oui, ce doit être cela, cet été-là j’avais commencé à écrire cette uchronie jamais finie (je n’ai jamais rien fini). Donc 1987, douze ans et demi, okay, soit : adolescent.
J’ai hésité avec l’été 1984, car cet été-là est le seul où nous n’avons presque pas bougé des Landes, le seul où mes parents ne nous ont pas emmenés pour un long périple en caravane. Et donc j’avais beaucoup de temps pour glandouiller, à mon bureau : j’ai dû écrire un bon paquet d’insanités à mon bureau, cet été-là. Mais celui auquel je pense, la sensation d’écrire avec, sous le bic, ou sous la plume, un bon matelas de feuilles de brouillon, c’était sans doute 1987, car l’année d’avant (je veux dire : l’année scolaire précédente, en quatrième) j’avais écrit, dans un cahier de petit format mais de 288 pages, un essai d’autobiographie : au fil de la plume, de la merde en barre ; cet essai d’autobiographie m’est aussi revenu en mémoire en lisant Scale Boy. Tout se recoupe, n’est-ce pas.
Voilà qu’en ajoutant à la phrase précédente la parenthèse indiquant que j’avais écrit mon essai d’autobiographie en classe de quatrième je suis saisi d’un doute : n’était-ce pas en sixième ? je me revois dans la salle des profs du lycée où enseignaient mes parents et où j’allais les attendre, mais est-ce que je ne confonds pas aussi avec les années d’école élémentaire ? Tout se brouille, n’est-ce pas.
Et si mon autobiographie n’aurait aucun intérêt, je dois dire que ça m’est pas mal revenu ces temps-ci, cette envie de l’écrire. Mais si je dois être honnête, pleinement, personne ne pourra la lire, personne de mon entourage en tout cas. Même après ma mort, ce que j’y dirais pourrait faire des ravages. Donc aucun intérêt (littéraire) et potentiellement des ravages (existentiels).
Tout se censure, au fond.
08:53 Publié dans La rature a horreur du vide, MOTS, Pong-ping | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 22 juillet 2025
SecEM, 2 -°- Mécanique
24 juillet 2025
Dans le livre foutraque que je finis de lire, et qui ne paraîtra, me dit son éditeur, qu'en septembre, dans ce livre qui s'intitule bricolage[S], et "dans lequel il est question de traduction", m'a dit son éditeur, la page 204 propose, par la voix d'un personnage Carlos/Karl mécanicien, une analogie entre la traduction et la mécanique, par trois étapes : (1) "démontage" (2) "cogiter, entraver" (3) "reconstruction plus ou moins fidèle". (Bien entendu, ça ne marche pas. Et d'ailleurs avant d'écrire ce texte j'ai décidé de publier les billets de cette rubrique en remontant le temps afin qu'ils apparaissent dans l'ordre, le plus ancien en haut, contrairement à ce que prévo(ya)it la logique des blogs.) La raison pour laquelle je parle de cela c'est que la semaine dernière j'ai lu Scale Boy de Patrice Nganang, qui paraîtra en janvier prochain, et que, dans la première partie, niché entre les chapitres par lesquels il commence in medias res avec le pèse-personne et les chapitres plus chronologiques dans lesquels il poursuit, se trouve le récit de son début d'apprentissage chez un garagiste. Donc Patrice approfondit, tout au long du livre, la relation entre l'activité de pèse-personne et son travail d'écriture, son regard sur les phases complexes de la colonialité au Cameroun, de la fin du 19e siècle à la guerre en Ambazonie, en retraçant sa propre autobiographie jusqu'au seuil significatif de 1984, ses quatorze ans et l'épuration ethnique des Hausas par les séides de Biya, mais je ne crois pas que la mécanique serve d'analogie, aussi dans la mesure où il n'a guère appris à démonter, cogiter ou reconstruire quoi que ce soit dans cette ph(r)ase-là. Bref. Cela fait beaucoup de tintouin pour dire que, ayant passé six heures loin de la maison, et revenu assez crevé de la longue randonnée dans les forêts et chemins vignerons de Bourgueil, je n'ai pas traduit une ligne aujourd'hui, pas une ligne de The Second Emancipation (ce qui ne me fait pas oublier que je compte aussi commencer à me faire la main à Scale Boy cet été).
18:06 Publié dans The Second Emancipation | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 21 juillet 2025
SecEM, 3 -°- « des gargotes bruyantes »
25 juillet 2025, 10 h
Qu'est-ce que je fais là...
Bon, ce matin, après avoir évacué, en une heure, quelque chose d'un peu administratif et d'un peu casse-pieds (l'abstract de ma communication du 23 octobre prochain et la paperasse afférente), je me suis mis à traduire l'introduction.
Deux pages (sur 17), ce n'est pas foufou. Je vais y revenir.
Pour le précédent livre de Howard French que j'ai traduit, je n'avais pas tenu de semblables carnets. Pour le précédent livre de Howard French que j'ai traduit, je m'étais fait un rétroplanning très détaillé, avec le nombre de pages par chapitre, les objectifs par date etc. Là, rien de tel pour l'instant, peut-être par superstition (pas de contrat signé) ?
En tout cas, dans le hors-champ (ça n'existe pas, le hors-champ est toujours une ligne de marge) : après cette heure et demie à travailler sur la traduction, je me suis recouché pour lire les deux derniers chapitres de Nightbloom (enfin, de Fleurs de nuit), puis j'ai (enfin) commencé à lire La Source et le signe de Vincent Debaene : là aussi, tiens, long avant-propos suivi d'une longue Introduction. Et dans l'avant-propos, au détour d'une note de bas de page, Debaene cite, parmi les “native anthropologists”, Kofi Abrefa Busia qui devint président du Ghana et qui est cité (son nom écorché) par Ama Ata Aidoo dans mon autre traduction du moment.
[Dans l'édition française de Fleurs de nuit l'éditeur choisit une étrange transcription pour la langue ewe : Eʋe (mais le ʋ ressort bizarrement).] Dans la “Note de l'auteur”, brève, que j'ai aussi traduite ce matin, French parle des orthographes anciennes et modernes de Fante/Fanti, Asante/Ashanti, Nzema/Nzima. Et surtout je me suis beaucoup interrompu dans la traduction de ces pages 1-2, pour échanger avec Elvire : la phrase sur les patinoires d'Abidjan m'a fait penser à elle, puis elle m'a dit qu'elle venait tout juste de regarder comment aller à Abidjan, puis je lui ai parlé de ma traduction de Treichville, “the big and low-lying workers' district across the bridge from downtown” par l’immense quartier ouvrier juste de l’autre côté du fleuve de la lagune.
De l'importance de Google Maps. Si vous vous demandez pourquoi j'avais choisi de moduler bridges, de ne pas le conserver tel quel, c'est que de l'autre côté du pont me semblait trop flou, topographiquement. Et en voyant sur Google Maps qu'il y avait deux ponts reliant le centre urbain d'Abidjan à Treichville (peut-être un seul à la fin des années 70, mais bon), je tiens bon. — Et j'ai fini par traduire low-lying plus loin, dans la phrase suivante. Pas convaincu que je ne vais pas faire sauter carrément cette précision sans grande importance, qui alourdit mon texte.
French, au nom prédestiné, raconte que, tout jeune homme donc, avant de devenir journaliste, il perfectionne son français à Abidjan au point de se faire rémunérer comme traducteur. Que ferons-nous de cette possible mise en abyme ?
Ce qui m'a le plus embarrassé, dans les deux pages que je viens de traduire, c'est la description du quartier de Treichville en des termes un peu stéréotypés : French dit qu'il a adoré y passer des soirées et des nuits à danser, mais il n'évite pas le cliché. Alors, le cliché est peut-être véridique, mais je me retrouve à traduire par exemple “boisterous street restaurants”, et comme, un malheur n'arrivant jamais seul, “restaurant de rue” ou “restaurant sur la rue” sont peu usuels ou lourds, tout ce que j'ai, pour le moment, c'est gargotes bruyantes. Et gargotes bruyantes, ça ne va pas du tout du tout. De même, comment ne pas traduire de façon péjorative la description de son ami Kwamena, “voluble chauffeur and strutting rooster of a man” ? Pour l'instant, ça donne chauffeur loquace qui aime se pavaner et parlant fort.
10:16 Publié dans The Second Emancipation | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 20 juillet 2025
SecEM, 4 -°- quatre pages de l'Introduction
31 juillet, 11 h
J’ai repris la traduction de l’Introduction, dont je n’avais « fait » que deux pages. Dès le paragraphe médian de la page 3, double embarras. D’abord, c’est amusant, alors que l’épigraphe de Scale Boy (que je commence à traduire en parallèle) évoque le fait que la langue française n’a pas de mot équivalent à home, la première phrase que je traduis de The Second Emancipation aujourd’hui est homeland : on traduit par « patrie », mais ça ne va pas du tout. Les « patries imaginaires » de Rushdie ne sont, dans le texte, pas des patries.
L’autre embarras est plus idéologique, en un sens. Il porte sur la phrase par laquelle French décrit Nkrumah, et qui me semble calquer – sans s’en déprendre – la rhétorique des profilages raciaux. Comme le traducteur doit se contenter de traduire, j’ai traduit : « Il était de taille moyenne ; ses traits caractéristiques étaient une peau très sombre, des yeux vifs et un front bombé. » Mais j’ai quand même atténué un peu : ebony-dark skin, vraiment on ne peut pas garder cela au premier degré en français (“noir d’ébène”, come on, give us a break). Plus loin (p. 6), pour dire que la région où est né Nkrumah était éloignée de tout, French parle de netherworld, sans paraître comprendre que ce terme est extrêmement péjoratif. (J’ai à moitié songé à écrire « ravitaillé par les corbeaux » mais c’est encore trop ludique ; netherworld, c’est l’enfer ou la zone de non-droit, les limbes ; j’ai fini par édulcorer.)
Sinon, comme pour Scale Boy, je m’arrache les cheveux avec compound.
Il y a (déjà) plusieurs citations de Nkrumah, et je devrai vérifier tout cela minutieusement à partir des traductions existantes et publiées. Toutefois, je ne peux m’empêcher de mettre ici en regard ce passage (p. 5) et la capture d’écran correspondante de Google Maps. Finalement, entre la lagune d'Ayi et la lagune d'Aby, c'est peut-être la traduction publiée de l'autobiographie qui me permettra de trancher.
11:03 Publié dans The Second Emancipation | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 17 juillet 2025
Joachim, 2
Joachim a chassé Max
De son perchoir sur l'auto
D'abord en le houspillant
Puis en lui pinçant les plumes
De la queue. Non, pas à Dax :
à Jersey -- nulle photo
De la scène aux goélands,
Sur fond de bruine et de brume.
Et Joachim, désormais,
Quand j'attaque le sizain,
Me toise en lissant du bec
Ses plumes immaculées.
Le roi n'est pas son cousin
Mais le poète est au sec.
08:50 Publié dans Sonnets de juin et d'après | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 16 juillet 2025
Joachim, 1
Perché sur le coffre de la Prius,
Sous la pluie, plumage trempé,
Joachim, simple olibrius
Ou goéland admirable,
Tourne et fait pivoter sa tête
Le bec clos et l'œil aux aguets.
Suis-je pour lui un minus
Ou quelque Minos formidable ?
Une part de moi ne peut s'empê-
Cher de vouloir lire sa bague.
Là, il se fouaille le plumage
D'un bec (quoi ? d'un bec acéré ?) --
Près de lui une goutte a l'écho des tempêtes :
Il prend la poudre d'escampette.
08:50 Publié dans Sonnets de juin et d'après | Lien permanent | Commentaires (0)