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jeudi, 11 janvier 2007

À-pics

    Montagnes muettes

Ô massives muettes montagnes

Voici les pics

Voici les fleurs

les mouflons neigeux qui festoient

la verdure de neige

Montagnes d'où jaillies

blancheur contre le marbre

blancheur contre la neige

Montagnes d'où jaillies

blancheur

blancheur folle blancheur folâtre

blancheur comme la nuit

blancheur contre la neige

blancheur contre l'écume blanche

Montagnes marées avalanches

Ô massives muettes vieilles

et jeunes muettes montagnes !

 

11:20 Publié dans MUS | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Poésie

mercredi, 10 janvier 2007

... sur ton chemin ...

    albâtre

            loin de moi l'idée de graver dans le marbre de tailler dans une écorce d'arbre loin de moi l'idée de suggérer que je m'en moque que je n'en ai rien à faire que guère je ne m'en soucie loin de moi ces folies mais je m'échine depuis octobre et pourquoi donc depuis début octobre même et qui m'aime me suive depuis octobre depuis ce même dernier octobre le trois du mois je crois depuis ce temps-là depuis trois mois depuis trois mois et une semaine je m'échine ailleurs et le très long texte n'a pas avancé d'un poil pas beaucoup sans doute est-ce mon côté velléitaire qui ne cesse de me jouer des tours et les méandres du très long texte se sont figés comme une gelée le long des parois d'un bocal de verre et je vitupère contre mes essais éphémères mon tempérament affreusement velléitaire et ce teint d'albâtre qui n'est pas le mien comme je voudrais qu'il fût d'albâtre ou d'ébène ou autrement même sans métaphore mais au moins qu'il ait quelque tenue que mon visage sans retenue puisse soudain passer pour un tissu une pierre un songe soit en quelque sorte un tableau fasse tableau mais ce n'est pas le cas même ce mot albâtre jeté au visage jeté tout à trac sur la page en haut de page ce mot me défigure ne me figure pas ne me représente pas ne figure rien de ce que je suis de ce que je pense être et je suis encore et toujours circonspect dans le doute et ce mot n'apporte rien aucune réponse et donc toujours je me jette à la figure ces accusations comme des bouteilles non pas à la mer mais bien dans la gueule oui je me donne des coups de bouteille tessons épars sur le parquet et mes joues ensanglantées enfin que ce soit ou non métaphore que le mot d'albâtre me figure ou non je prends ces coups ces reproches en plein visage et je m'accuse d'être velléitaire aussi bien sûr pour trop entreprendre je lance cent feux il est normal qu'un certain nombre des foyers meure et même ne démarre qu'à peine avant de s'achever dans un bruit de feuilles mouillées de bois mort de bois trop vert encore pour prendre tout cela encore métaphore et toujours métaphore peut-être est-ce le mot albâtre qui appelle autant de métaphores ou bien les conditions d'écriture du très long texte que par facétie ou encore autodérision je pourrais être tenté de rebaptiser très long texte interrompu et l'adjectif interrompu ici au milieu de la ligne interrompt mes songes interrompt le torrent de sornettes lance d'autres tirades propose peut-être d'autres charades mais pour mieux me ramener vers le rivage bourbeux où je ne cesse de me lancer ces reproches à la figure velléitaire velléitaire et me voici encore à ne pas même essayer de me justifier moi-même de tout cela feux mal éteints et feux qui n'ont jamais pris aussi me trouvé-je vingt vaines justifications improbables même si certaines sont justes par ailleurs comme dans le cas du projet de traduire régulièrement et pensais-je au début au moins une fois par semaine un poème et qui s'est enlisé après à peine trois ou quatre tracasseries mais cela reprendra parfois aussi depuis début octobre le trois je crois suspendu à ce mot d'albâtre depuis le trois octobre le trois je crois je me disais que pour être interrompu ou inachevé le très long texte recelait de vraies possibilités et qu'il suffisait suffirait eût suffi de s'y remettre et la machine reprendrait du galon non là cette image-là ne va pas je mélange les formules croise les figures de style et donc je pensais qu'il me faudrait toutes proportions gardées envisager ces carnets comme Paul Valéry travaillant régulièrement et sans espoir d'en finir jamais chaque matin à ses Cahiers désormais regroupés en deux tomes en Pléiade et que j'ai dévorés consultés admirés lus compulsés longuement naguère mais il faudrait dire jadis ou balancer entre les deux lus disons entre 1993 et 1997 et donc toutes proportions gardées je me verrais bien ainsi à reprendre tel chantier interrompu trois mois et le faisant avancer un petit peu mais enfin ce n'est pas possible il ne va pas se comparer à Paul Valéry l'autre oiseux oisif ex-oisien de surcroît ancien oisien into the bargain non il ne va pas se comparer à Paul Valéry tout de même alors que seulement et il nous l'a dit même avec métaphores tout le tintouin oui oui noir sur blanc dit ce n'est rien d'autre qu'un affreux

velléitaire

Danse nuptiale

    Dans le jardin comme au printemps

Merle et merlette se pourchassent

Pas de côté et coeur battant

Je vois le monde à mes paupières

Dans le jardin comme un printemps

 

Merle et merlette se pourchassent

Et s'offrent larves et lombrics

Vent de côté soleil de face

Dans un nuage de poussière

Merlette et merle se pourchassent

Dansons autour des agarics

 

mardi, 09 janvier 2007

« mange un citron »

Ce n’est rien

                 Tout cela n’est rien

                                            Du cinéma trois fois rien

                                            Trois fois rire de leurs larmes

                 Rien qui ne te lasse

Rien, assez.

07:00 Publié dans Aujourd'hier | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Poésie

dimanche, 07 janvier 2007

Toges prolixes

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    Ne pas finir fou. Vivre cette formidable transe, qui perce le silence et emporte les viscères.

Si ma force finit ici, pense-t-elle, il reste encore le halo, près du lac où s'exténuent d'autres rides. Triangles ou pignons, peu importe, il faut bien relever le pli immaculé de la toge prétexte.

Tous ces pigments, à l'instant, se placent au devant de paragraphes terrifiants, et exigent la page protexte, sous les pavés bien sûr.

Vous aurez toujours la migraine. Ne pas finir fou.

 

 

 

 

Vitrail de Sainte Anne, église d'Amou (2 janvier 2007).

samedi, 06 janvier 2007

Havanna Interlude, Sep 3rd, 1954

    Ce n’est pas le monde à voir, se maquiller de sang – ou prendre la tangente – les tirets se barrent, ou barrent d’autres mouchetures – sûr que le saxophone contrebasse de Bud Shank s’est envolé dans les nuages – après ça – comment savoir. Ce n’est pas le feu de savoir, se maquiller de sang, toujours des à-pics soudains de blancheur surannée – comprendre le feu tour à tour rouge et blanc – dashes clashing with cinders and ashes – sûr que Cendrillon n’y comprend goutte – aussi, oui – ou comment bien s’en voir… s’envoler dans les nuages – saxophone contrebasse qui danse blanc étincelant.

vendredi, 05 janvier 2007

Sept espaces avant 777

    Une incantation monte – les flèches trouvent l’âme, trouent l’âme, ce sont maintenant des flammèches ; toujours conscient, livré à mes doigts autant qu’à ces visions toujours, je fais par acquit de conscience le décompte, et découvre que ces deux brèves incantations comptent chacune        777 signes, alors surgit l’admiration du hasard – alors me saisit le dégoût de la contingence, toujours toujours toujours affreusement conscient. Mais quel masque s’est trouvé troué d’yeux sans âme ?

jeudi, 04 janvier 2007

Nu gerces

    L’espace se ravine. Oh, l’espace prend des rides, des plis. L’espace se plisse, et le ciel de lit aussi, toute la toile du ciel noir, noir comme jais, toute la toile se plisse, se fend, se déchire et revient en lamelles, en lambeaux, en feux, en zébrures, en masques, en gargarismes, en flambeaux, flammèches, et encore l’espace se ravine, encore et encore il y a des fissures, avec les embruns aussi qui passent dans les cheveux, des mèches de feu, des flèches de feu, des flammes de feu furieux, des flammes de feu fatiguées mais guère espacées, comme l’espace se ravine. Le ciel noir encore naît en pics, monte en pics, monte en neige, et lui aussi monte en flèche, se fissure aussi, ciel de lit, toile noire, pleine d’étoiles démons, de flammes démons, de limons terribles.

21:10 Publié dans YYY | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Poésie

mercredi, 03 janvier 2007

Sec negur

    Terribles rougeurs au milieu de la farine. Ustensiles d’éternité, quelques casseroles sales tachées de mort. Le jour qui baisse sue la sève par tous les pores, avec un soleil faible, tanguant au milieu des brisants. Les nuages épais furieux et cotonneux prennent l’eau. Six points de suture. L’océan plus blanc que la baleine d’écume ! Sous les muqueuses, une bosse neigeuse grandit, grandit, grandit, oh grandit intolérablement, grandit et grandit jusqu’à s’éparpiller. Océans plus blancs que le nuage blanc, dans la nasse des secondes qui passent – éparpillements, solutions de continuité. D’autres frileux embruns, rouges, pierres comme des caillots, prennent le large. À bord de l’esquif casserole, aller à l’assaut des montagnes cotonneuses d’écume. Soif, suture et pépie.

21:05 Publié dans 410/500 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Poésie, écriture

mardi, 02 janvier 2007

« avec une grande componction dans les gestes »

Des cheveux noirs calamistrés, ramassés avec componction, tels

                                      des louis d’or empochés puis

renfermés au fond d’une besace.

Ici je fracasse

                 la foi, selon les lignes serpentines, de

l’oiseau secrétaire.

06:00 Publié dans MAS | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Poésie

dimanche, 31 décembre 2006

Knowledge Box

    À délicieusement écouter vos envols, à voir les hirondelles sous les cieux africains déployer leurs mensonges, à la rame terne se tenant, le poète que de vains critiques ont estampillé romantique se remémore d’autres roucoulades, et finit, enivré, par confondre la besace grouillante de Pandore avec le tonneau des Danaïdes (tout cela qui dut s’écrire en cent quatre-vingt-neuf secondes).

lundi, 25 décembre 2006

Long arroi. D'aimer.

    Long arroi. D'aimer.

Revient de jeu commencé et... que romance aussi tue leurs hauts peignes, Oise à se mettre à cran.

S'arrêter.

                                                                         Absence d'abandon, jours roux, efforts pour s'attacher, ou pour croupir sac sur la craie, pour se détruire, dorant ces hères peu mis. Aucun respect pour la Bible en sang du Golgotha. 

mercredi, 13 décembre 2006

Low fields and light / Champs bas sous la lumière (W.S. Merwin)

    En écoutant le premier des Concertos pour orgue de Handel (HWV 289), j'ai achevé de recopier, en la retravaillant de fond en comble, ma traduction d'un poème de W.S. Merwin. Il faut tout de même que je raconte dans quelles circonstances j'ai bricolé la première mouture de cette traduction : debout, au stylo, en surveillant un devoir lundi après-midi. La concentration que requiert une traduction ne m'a pas empêché de repérer les trois ou quatre étudiants qui cherchaient à communiquer entre eux, et que je n'ai même pas avertis ni sanctionnés, car je sais qu'ils n'auront échangé que des erreurs ou des détails si infimes que cela ne changera rien à la note.

En revanche, j'ai pu, une fois encore, appliquer mon système de traduction : livrer un premier jet sans dictionnaire, même unilingue, ni recours au Web. La version informatique s'appuie sur de nombreuses vérifications lexicales et d'usage, sans compter quelques vérifications de nature encyclopédique ; ainsi, le cowbird que, faute de mieux, j'avais traduit par garde-boeufs, s'est avéré ne pas être du tout un héron. (Mais je doute que "vacher brun" dise grand chose à un lectorat français. Que faire ?)

Ce dont je suis plus content, c'est de l'alternance (irrégulière mais plutôt satisfaisante) entre décasyllabes et alexandrins, avec même quelques vers plus longs (vers 21 et 24, surtout), qui m'a donné l'impression, à la relecture et au "gueuloir", d'avoir trouvé une langue poétique qui, entre pierre et lumière, n'est pas loin des premiers recueils de Bonnefoy. (C'était tout à fait imprévu et involontaire.)

Low fields and light

(In W.S. Merwin. Green with beasts, 1955.)

Champs bas sous la lumière

Traduction MuMM, DR



I think it is in Virginia, that place

That lies across the eye of my mind now

Like a grey blade set to the moon’s roundness,

Like a plain of glass touching all there is.


The flat fields run out to the sea there.

There is no sand, no line. It is autumn.

The bare fields, dark between fences, run

Out to the idle gleam of the flat water.


And the fences go on out, sinking slowly,

With a cow-bird half-way, on a stunted post, watching

How the light slides through them easy as weeds

Or wind, slides over them away out near the sky


Because even a bird can remember

The fields that were there before the slow

Spread and wash of the edging light crawled

There and covered them, a little more each year.


My father never plowed there, nor my mother

Waited, and never knowingly I stood there

Hearing the seepage slow as growth, nor knew

When the taste of salt took over the ground.



But you would think the fields were something

To me, so long I stare out, looking

For their shapes or shadows through the matted gleam, seeing

Neither what is nor what was, but the flat light rising.


Je pense qu’il se trouve en Virginie, ce lieu

Qui maintenant se trouve en moi, devant mes yeux

Comme un brin d’herbe gris sur fond de lune ronde,

Comme une plaine de verre effleurant le monde.


Les champs étals courent vers l’océan.

Ni sable ni horizon. C’est l’automne.

Les champs à nu, noirs entre les haies, courent

Vers la mer étale et ses lueurs monotones.


Les clôtures vont leur chemin en s’affaissant :

Seul, sur un poteau courbe, un vacher brun regarde

La lumière les effleurer, comme le vent

Des brindilles, les frôler puis toucher le ciel,


Car même un oiseau peut se rappeler

Les champs qui étaient là avant que la lumière

Lentement ne s’étende, et de son eau ne vienne

Les recouvrir un peu plus chaque année.


Mon père n’a jamais labouré ces champs, ni ma mère

Attendu, et jamais consciemment je ne suis

Resté à entendre la coulée lente à croître –

Pas senti le goût du sel envahir le sol.


On dirait vraiment que ces champs me tiennent

À cœur, moi qui longuement les contemple

Cherche aux lueurs emmêlées leurs formes ou leurs ombres,

Ne vois ni présent ni passé – seulement se lever cette lumière étale.


mardi, 12 décembre 2006

"Your eyes" / "Tes yeux" (Lenrie Peters)

    Lenrie Peters est un poète gambien d'expression anglaise, sans doute le plus célèbre des écrivains gambiens... Je ne possède, de lui, qu'un seul recueil, Katchikali, publié dans la collection des African Writers Series par Heinemann en 1971, et dont j'aime beaucoup le ton et la teneur. Il se compose de 69 poèmes qui n'ont, en général, pas de titre. (Note pour moi-même : à la relecture, je suis particulièrement féru des poèmes [36], [43], [44] et [66]. Le [32], qui repose sur un acrostiche strophique, est une forme de gageure.)

Je me suis essayé hier, dans la matinée, à essayer de traduire les vers très brefs du cinquième poème, "Your eyes / are two faces". À deux ou trois exceptions près, je suis resté très proche du texte original. L'une de mes frustrations vient de l'impossibilité de traduire l'enjambement "Impaled / Sensuality" de manière satisfaisante. En effet, l'ordre épithète-substantif est ordinaire en anglais, mais, si je respecte la grammaire ("La sensualité / Empalée"), le dernier mot de la deuxième strophe n'est plus impaled/empalée. Tout menu problème, mais qui se pose là toutes les cinq minutes.

Dans le "Journal de bord" qu'elle a consacré à sa traduction du tome III du Journal de Paul Nizon, Diane Meur écrit, à la date du 10 juin 2005 : "Sans cesse composer avec l'insatisfaisant, quel métier...!" (TransLittérature, n° 31, été 2006, p.20).

Heureusement, ce n'est pas mon métier, mais un violon d'Ingres (ma vocation?).

 

Lenrie Peters. Katchikali, [5]: “Your eyes”

« Tes yeux »

Your eyes

are two faces

the closer I get:

mingled


with utterances

tenuous as chewing gum

oblique.

Impaled


sensuality

hangs a curtain

to the open sea.

Driftwood,


Snails, anemones

grind soft teeth

in its flesh.

Time


Is not ripe

for singing ;

crisp twilight

fades.


I speak to you

as a child

to my brother

my sister.


Demoness

with lifted skirt

won’t save

the world


Apples fester

in autumn.

Stabs of sunlight,

Pomegranate


ravaged

by night wind

explores vicissitudes

of earth.


I have expected

much from you

my black brother ;

bloodlessly


Slide in

your two faces

speak without

snakes.


Change with

swift spears

in the air

Must find you ready.

Tes yeux

sont deux visages

plus je m’approche :

entremêlés


de paroles

minces comme du chewing-gum

de biais.

Empalée


la sensualité

tend un rideau

au large de la mer.

Du bois de flottaison


Des mollusques, des anémones

enfoncent leurs dents délicates

dans sa chair.

Le temps


N’est pas venu

de chanter :

le crépuscule sec

s’efface.


Je te parle

comme un enfant

à mon frère

ma sœur.


La démone

à la jupe relevée

ne sauvera pas

le monde.


Les pommes suppurent

en automne.

Coups de poignard du soleil,

Une grenade


ravagée

par le vent de la nuit

explore les vicissitudes

de la terre.


J’en ai beaucoup

attendu de toi

mon frère noir :

escamote sans


faire couler le sang

tes deux visages

et parle sans

serpents.


Pour le changement

et ses lances agiles

dans l’air

tu dois te tenir prêt.

lundi, 11 décembre 2006

Chartres (Edith Wharton)

    Sans savoir s'il existe déjà, de ce double sonnet, des traductions, j'ai fini, ce soir, par m'atteler à la traduction de Chartres. J'avais envoyé ce poème, il y a déjà une petite quinzaine, à Philippe[s], qui m'en avait demandé la version française. J'ai traduit le premier panneau du diptyque, et, assez curieusement, j'en ai trouvé la traduction plutôt aisée. Sur l'heure environ que j'ai consacrée à ce premier jet, plus de la moitié a été consumée sur ce maudit vers 11, évidemment celui dont je suis le moins satisfait : comment rendre le jeu de mots sur les deux sens (architectural et économique) de bosses ? comment m'en tenir à mon choix de respecter, peu ou prou, le schéma des rimes ? Au cours de mes menues recherches sur la Toile, je suis tombé sur un beau poème de Péguy, que, dans mon ignorance profonde, je ne connaissais pas, et sur l'entrée ARTS LIBERAUX du Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle.

Entre autres sujets de mécontentement : les synérèses trop précieuses à majestueux (v.1) et à nuée (v.14) ; la traduction alambiquée du vers 9 ; la liaison disgracieuse et même cacophonique attestent-en (v.14) ; trop de "césures muettes" (comme au vers 11 (encore lui) : je ne connais plus le terme exact et je ne vais pas aller farfouiller dans Mazaleyrat maintenant)...

Once again it's work in progress... (Je songe maintenant que j'eusse pu nommer ce billet "Larve de diptyque", histoire de vaincre Dame Fuligineuse sur le terrain des calembours...)

 

Chartres (Edith Wharton)

Chartres (traduction MuMM, DR)

I.

IMMENSE, august, like some Titanic bloom,
   The mighty choir unfolds its lithic core,
Petalled with panes of azure, gules and or,
   Splendidly lambent in the Gothic gloom,
And stamened with keen flamelets that illume
   The pale high-altar. On the prayer-worn floor,
By surging worshippers thick-thronged of yore,
   A few brown crones, familiars of the tomb,
The stranded driftwo
od of Faith's ebbing sea –
   For these alone the finials fret the skies,
The topmost bosses shake their blossoms free,
   While from the triple portals, with grave eyes,
Tranquil, and fixed upon eternity,
   The cloud of witnesses still testifies.

I.

Immense, majestueux, titanesque bourgeon,

   Le chœur puissant dévoile à tous son cœur pierreux,

De vitraux corollé – d’azur, d’or et de gueule –

   Au cœur du noir gothique un splendide rayon

Étaminé de vives flammèches qui vont

   Éclairant l’autel pâle. Et, au sol priéreux

Usé par la cohue des fidèles d’antan,

   Sont, amies du tombeau, quelques bistres croûtons,

Le flottis qu’a laissé là, au ressac, la Foi :

   Pour elles seules les fleurons fendent les cieux,

Les flambeaux libèrent les bulbes de leur loi ;

   Tandis que des triples portails, les graves yeux

– Paisibles et rivés, sur l’éternité, droit –

   De la nuée de témoins attestent en ces lieux.

 

 

Bon, je ne sais pas pourquoi l'interligne est supérieur dans la traduction ; on dira que c'est mieux que de ne pas avoir du tout la V.O. et la V.F. en regard, hein ? (Là, quand même, je vais me coucher.)

dimanche, 10 décembre 2006

La mer monte haut

(Mardi dernier. Dans le bus 8.)

 

    La mer monte haut

voltaire

Je souligne un œil

 

château de tours

Aux cils inégaux

mirabeau

Qui franchit le seuil ?

D’or les rayons faux

 

passerelle

Blonds comme les veines

iut

Sèchent le tuffeau

chopin

De ma vie malsaine

 

samedi, 09 décembre 2006

The Critic / Le critique (Frank O' Hara)

    Je n'aime pas beaucoup la poésie de Frank O' Hara, et pourtant, la lisant assidûment, ces derniers temps, je me suis surpris à griffonner quelques traductions de ci de là, sur des feuilles volantes qui sont venues boursoufler l'exemplaire de ses poèmes choisis (Selected Poems. Vintage, 1974). O' Hara avait beau écrire en vers libres, dans une langue d'apparence souvent simple, c'est bougrement dur de rendre la mélodie et le rythme de ses poèmes. Dans le petit essai ci-dessous, je suis surtout mécontent de n'avoir su garder l'enjambement final.

The Critic

Le critique

I cannot possibly think of you

other than you are: the assassin


of my orchards. You lurk there

in the shadows, meting out


conversation like Eve’s first

confusion between penises and


snakes. Oh be droll, be jolly,

and be temperate! Do not


frighten me more than you

have to! I must live forever.

Il m’est impossible de voir en toi

un autre que toi : celui qui saccage


mes vergers. Tu guettes là,

tapi dans l’ombre, à faire la


conversation, pareil à Ève

quand elle prit les verges pour


des serpents. Allons, sois gai, sois joyeux

et surtout sois mesuré ! Ne


m’effraie pas plus que nécessaire.

Il faut qu’à tout jamais je vive.

Traduction Droits réservés.

Place Lazare de Baïf

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Épigramme (II)

Si ce qui est enclos dedans mon coeur

Je pense au vrai par écrit vous dépeindre,

Je suis certain que votre grand rigueur

Serait semonce à lamenter et plaindre.

Car si pitié peut noblesse contraindre,

Et tout bon coeur voyant un grief martyre,

J'endure, las ! tant et tant que le dire

N'est rien au mal que j'ai sous joie feinte ;

Et si n'ai rien qui à confort m'attire,

Fors que ma foi qui d'espérance est ceinte.

 

(Lazare de Baïf)

mercredi, 06 décembre 2006

Le Démantèlement de la bibliothèque / Stephen Romer

    Comme il était prévisible, je ne m'en tiendrai pas au rythme envisagé d'un poème traduit chaque jour (ou, du moins, pas tant que j'aurai des tonnes de choses à faire par ailleurs), mais j'aimerais essayer de proposer trois poèmes par semaine, en moyenne. Aujourd'hui, allongé dans le canapé de la chambre beige, j'ai fini par poser, sur le papier, l'esquisse d'une traduction du poème de Stephen Romer, "Dismantling the Library", avant de la reprendre à l'ordinateur. Je suis plutôt content de la dernière strophe, avec le rythme 11-8-11-11, mais il y a, bien sûr, de nombreux points de friction.

(Accessoirement, et bien que cela me flatte, évidemment, j'aimerais vous demander de ne pas formuler d'éloges, mais de soulever des critiques et, à la rigueur, de proposer des solutions alternatives. Ce serait, en quelque sorte, une version interactive de Traduire, journal, le beau livre de Roubaud (mais où ne figurent pas les versions originales, ce qui est bien dommage).)

 

Le démantèlement de la bibliothèque

Enlever les alvéoles

ou le nid de frelons

par petites touches

ce n’est pas ce que je m’imaginais, je n’ai pas dit

voici mes provisions, mes douceurs,

ma liqueur, je n’ai pas pensé

être ici, en tout cas,

le maître de ce qui s’offre à mon regard


en revanche j’ai remarqué, avec consternation

que beaucoup n’avaient pas été lus,

comme cette Anthologie de la poésie turque contemporaine

ou cette Vie de Tolstoï, absolument passionnante


et que même les vieux complices cornés

se terraient sous leur couverture

comme s’il me fallait reprendre à zéro

et m’approcher d’eux en parfait inconnu.

mardi, 05 décembre 2006

Mardi, voix vieillie (Trendy #1)

onze pièces pour

       (un euro,

dix de deux centimes)

 

 iut

aller m'asseoir au

      fond du bus

plus vibrant de voix

 

passerelle

qu'à l'ordinaire Un

       vieux J'ai l'air

d'un vieux au milieu

 

mirabeau

de tous ces gamins

       Mars me fixe

de son oeil brutal

 

château

rouge immaculé

   Comment ai-je

l'oeil rouge de neige ?

 

voltaire

Je cherche ce mot

   - pour mes yeux -

qui ne vient pas Vieux

 

anatole france

lundi, 04 décembre 2006

Gratefulnesse / Gratitude (George H.)

    Comme je l'ai écrit précédemment, je ne suis guère satisfait de cette première mouture de traduction. Vous trouverez une version du poème original de George Herbert, Gratefulnesse, ici. Ma traduction n'est pas satisfaisante, parce qu'elle est trop archaïsante, qu'elle ne respecte pas suffisamment le schéma métrique et le système des rimes. Par ailleurs, plusieurs glissements de sens, quoique légers, me gênent aux entournures. J'essaierai de corriger au fur et à mesure que des idées me viendront...

Toi qui m’as donné tant et tant,

Encore donne-moi un cœur reconnaissant.

Vois ton suppliant œuvrer pour toi par

Son art.

À chacun de tes dons il accroît son œuvre

Et se dit Si ceci contre toi le courrouce,

Tout ce qu’à ce jour d’hui tu lui avais tendu
Est perdu.

Mais tu tenais pour sûr, quand au commencement

Nos cœurs comme nos mains aspiraient à ton verbe,

Ce qu’il te faudrait bien, le pire envisagé,

Sauver.


On frappe sans cesse à ta porte,

Ton céleste logis est flétri par les larmes,

Tes dons sont infinis ; beaucoup se voudrait large

Davantage.

Sans nous tenir rigueur, toi, tu as persisté,

Nous autorisant même à faire du tapage.

Mieux même, tu as su, de nos plaints et soupirs

Te réjouir.


Pourtant, là-haut, tu peux ouïr

Plus belles mélodies que de tels grognements,

Mais tu t’es pris, pour ces chansons de basse-cour,

D’amour.

Aussi suis-je toujours à t’implorer :

Tu ne peux trouver le repos

Tant que je n’ai, de toi, reçu un cœur content

Pour présent :

Non content quand cela me chaut,

Comme si tes bienfaits connaissaient des relâches :

Mais un cœur qui ne battrait

Qu’à te louer.

Ingrate

    Je ne suis pas très convaincu par le premier jet de ma traduction du poème de George Herbert, "Gratefulness", pondue en fin de matinée. J'ai transposé le système des rimes, je n'ai pas pu versifier en recourant au même mètre sur les trois premiers vers de chaque strophe, et je m'arrache les cheveux avec plusieurs séries sémantiques. Faute de mieux, & histoire d'inaugurer la rubrique des traductions prétendûment quotidiennes, je la transcrirai tout de même ce soir dans ces carnets.

13:25 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Poésie

Place Charles VII, Universal Indians

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    Tout de même, ce n'était pas si terrible de pousser la grille et de déposer, sur le front nu et froid du bronze qui s'ennuie, un baiser solitaire. Si on vous jette, d'une fenêtre haut placée, l'eau savonneuse de quelle vaisselle, vérifiez que vous n'avez rien oublié à votre place. Le néon cligne bruyamment, et j'aspire au repos. Bribes de mots... rire comme un veau. Le texte s'est désuni, fausse manipulation. Au train où vont les choses, les peaux rouges ont dû parcourir l'univers, d'une poudre tourbeuse.

mercredi, 29 novembre 2006

Bémol

    Il y a trois semaines, j'ai écrit un petit texte pour saluer Stephen Romer, qui est un de mes collègues mais aussi (surtout) un poète assez renommé. Récemment, il m'a appris qu'un choix de ses poèmes allait paraître, au printemps, en traduction française.

Ce matin, j'ai reçu le dernier numéro de The European English Messenger, revue à destination des enseignants-chercheurs anglicistes d'Europe. Il s'y trouve, par ce qui n'est nullement une coïncidence, un florilge de quatre poèmes inédits de Stephen Romer, et un petit article de Raphaël Costambeys-Kempczynski, dont le titre, extrêmement original, est "Stephen Romer : A Poet in Translation", et qui, plus qu'un article critique, est une sorte d'exercice béat d'hagiographie dont j'hésite si je dois le trouver déplacé ou ridicule à hurler.

Mauvais esprit à part, si j'en reviens à mes projets récents, je pourrais proposer une traduction d'un des poèmes inédits, "Dismantling the Library", qui est plutôt réussi.

mardi, 28 novembre 2006

Hommage à Ornette Coleman

    Psaumes !

rêver dans les collines

où les fruits rêvent aussi

où le jus des

fruits dégouline sur les joues

 

Rêver que je m'endors

en fumant la rosée des ténèbres, que j'

allume dans la nuit

dégoulinant d'étoiles

en vain le suave flambeau -

rêveur de psaumes...

 

Hommage à Charles Mingus

    Guère dépossédé de rien, sans nulle envie

restreinte,

oublie ces pas anciens

un moment

pose tes sentiments dans la danse des sentinelles

 

dansez fugitifs

autres fuyards encore aux gestes oubliés

n'allez

croire de nos amours que la route soit faite

encore N'allez

répéter en tous lieux qu'un nuage s'est tu

 

lundi, 27 novembre 2006

Lune vienne

    Sous la fondrière des étoiles

anatole france 

Orphée catarrheux lance des traits

voltaire

flèches qui tombent longtemps après

 château de tours

à peine si d'un frisson distrait

 mirabeau

du soleil il perce l'os à moelle

passerelle

L'archer des terreurs est envoûté

par la ténèbre désenchanté

iut

Orphée sanglote sans bruit Tout est

chopin

enseveli dans les autres voiles

ronsard

Comme un mégot

    comme un mégot sur le trottoir

maréchal juin 

la ronde des efflorescences

 chopin

- avec ma cervelle en sautoir

et mon coeur lourd dans la balance -

 iut

voltiger il ferait beau voir

(à ton) entre (tour) dans la danse

 passerelle

comme, d'un violacé intense,

un vieux crachat sur le bavoir

 mirabeau

tu rampes comme un escargot

dans le jardin comme un mégot

 château de tours

fumé écrasé solitaire

 voltaire

noirci par la fuite du temps

et vert d'azurs compromettants

lubrique comme un ver de terre

anatole france

 

dimanche, 26 novembre 2006

Froment

    Après un jour de jachère, un des projets que je rumine consisterait à traduire chaque jour un poème et à en publier la traduction dans ces carnets.