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mercredi, 08 novembre 2006

Passablement fourmillant

    D'après le Robert culturel, l'adverbe passablement a deux sens principaux, l'un qualitatif ("pas trop mal") et l'autre quantitatif, plus courant ("plus qu'un peu, assez").

" À Santa Barbara, j'ai dîné seul dans un restaurant tranquille aux tons pâles, rendez-vous feutré d'habitués amoureux. Chaque table était ornée d'un minuscule bouquet. Je me sentais passablement déplacé, mais ce n'était pas un sentiment désagréable ; du moins n'en gardé-je pas un mauvais souvenir aujourd'hui. "  (Renaud Camus. Elégies pour quelques-uns. I. (NOWHERE, U.S.A.). Paris : P.O.L., 1988, p. 18)

 

De mon côté, il y eut ce dîner en solitaire dans un restaurant italien de Summertown, à Oxford, à l'hiver de mes vingt-et-un ans, et, l'année d'avant, un restaurant tunisien du boulevard de Port-Royal, déjeuner printanier resté dans les annales à cause de l'épisode du vin gris foumillant. J'ai dû, bien sûr, manger d'autres fois seul au restaurant, mais ce sont ces deux-là qui ressortent.

10:37 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature

lundi, 06 novembre 2006

Plaqueminiers, suite II

    En fait, ne nous voilons pas la face : j'aime beaucoup les kakis, ces fruits couleur de rouille qui n'ont rien de martial. Le plus amusant, c'est que c'est, à ma connaissance, le seul fruit qu'il est rigoureusement impossible de manger proprement. Une fois décalotté au couteau, le kaki mûr se mange à la petite cuillère, et dégouline (voir aussi *******), se répand dans l'assiette*. Si vous parvenez à le peler puis à le manger proprement, c'est qu'il n'a pas encore atteint le stade où il est mangeable (et même comestible***).

Il est temps de vous inciter à découvrir ce fruit, si vous ne le connaissez pas, et de citer le haïku célèbre de Masaoka Shiki**** :

kaki kueba

kane ga naru nari

Horyuji

 

On trouve ici une longue discussion des maintes traductions possibles (en angais, au moins*****) de ce merveilleux poème. 

 

* Les esprits mal tournés liront encore je ne sais quelle cruelle obscénité dans cette phrase. Qu'y puis-je si je suis blanc comme l'agneau qui vient de naître (et qui, en général, loin de toute blancheur est plutôt dégoulinant de glaires et de morceaux de placenta.**)

** Loin de moi l'idée, toutefois, que la chair dégoulinante du kaki se rapproche d'un placenta éventré.

*** La poussière râpeuse est si désagréable que c'est à se demander si l'on ne s'empoisonne pas, s'empoussiérant le palais.

**** Pour de plus amples renseignements, préférez la WP anglophone, ou mieux, nippone. Masoaka Shiki est mort à trente-cinq ans, ça fout les foies******.

***** Je suis conscient que je devrais vous proposer, ou, à défaut, vous promettre une traduction française de ce poème. I'll look that up, won't I ? *******

****** Que de relâchement langagier dans ces notes astérisquées !

 

******* (Ajout de 16 h 10, puisque tout le reste de ce billet a été composé aux alentours d'onze heures du matin.) Entre-temps (entre onze heures du matin et quatre heures de l'après-midi, ne faites pas semblant de ne pas comprendre), j'ai emprunté, au Service Commun de Documentation de l'Université François-Rabelais (a.k.a "la B.U."), la traduction de Joan Titus-Carmel, Cent sept haïku de Shiki, parue en 2002 aux éditions Verdier. Il me semble que la traductrice (dont je connais certains travaux de traduction, notamment les haïku de Yosa Buson) est un peu loin de l'original, du moins à ce que j'en ai compris en lisant attentivement le site sus-mentionné. Par ailleurs, je découvre qu'il y a, au moins dans ce choix de poèmes, une série de quatre haïku ayant le kaki pour motif principal. Il s'agit des haïku 88 à 91, sur lesquels je reviendrai très prochainement.

Pour en revenir à la traduction du haïku 91, cité intégralement en japonais translittéré ci-dessus (aussi), elle me désarçonne :

Croquant un kaki

et la cloche qui résonne -

Horyuji !

 

Comment peut-on croquer un kaki ? Shiki croque-t-il littéralement dans son kaki ? N'est-ce pas plutôt la traductrice qui ne connaît pas du tout la texture du fruit ? Pour qui sont ces croquis qui sifflent nos kakis ?

18:05 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Poésie, Japon, Jazz

vendredi, 27 octobre 2006

Les maîtresses de T.S. Eliot

    Taste : au premier étage de cette cantine branchée et citadine, j'évoquai, la semaine dernière, les nombreuses fautes de grammaire de V.W., dans sa correspondance. Elle n'en est, évidemment, pas moins attachante, ni moins grande styliste. 

Talking of death and bullets, have you heard that Mrs Eliot is on the war path, said to have a carving knife with which first to skin Tom; then Ottoline; finally me? For she says Ott and I are Tom's mistresses; now as I never had a favour from that man its rather hard to give my life on the pavement. (Lettre à Quentin Bell du 26 juillet 1933. In The Sickle Side of the Moon, p. 207)

 

Le canard au caramel, réchauffé dans sa gamelle en plastique amélioré, n'était rien de fameux, pas goûtu ni goûteux. Non toujours non. Pas besoin d'un quelconque couteau pour le découper, et pas une once de sang sur le tarmac du trottoir, devant Taste.

16:25 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature

mercredi, 25 octobre 2006

Dans la cité enfouie

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    Il était question de ce livre hier... Mais j'illustre toujours à côté...

 

" Sa grande fierté : la Chupicuaro. Comme si l'exact pendant du travail fragile de Ghertman sur le papier Canson était cette statuette venue du fond des âges, maintenant l'emblème célèbre des arts dits primitifs à Paris."

 

(François Bon. Peint sur le cul du diable, § 52. Textes en regard de portraits de Guy Joussemet par Alain Ghertman. Cercle d'art, 2004, p. 33.)

 

 

 

Je ne fais pas figurer la photographie de la Chupicuaro vue de dos, le pendant aussi, pourtant, et inévitable, essentiel, de cette vue de face.

14:55 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Art, Littérature, Poésie

mardi, 17 octobre 2006

99, in temperature

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    Virginia Woolf to T.S. Eliot. April 14, 1922.

          So far I remain 99; in temperature, not age, but I feel astonishingly well.

 

          Jusqu'ici, je m'en tiens à 37 : c'est ma température, pas mon âge. Mais je me sens dans une forme étonnante.

 

 

          Faut-il traduire par 99, pour conserver la plaisanterie ?          " Jusqu'ici, j'en ai 99 : des degrés Fahrenheit, pas des années. Mais je me sens dans une forme étonnante."

22:40 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Littérature

dimanche, 15 octobre 2006

Ce parler de travesti

    François Bon parle de travestissement, et la voix elle-même se travestit. (La phrase, elle, se vêt. L'écriture en lambeaux ou pourpoint doré, qu'importe.)

Au même titre donc le jeu circulant, de machine à machine, de l'établi au vestiaire, de ces dialogues à voix de châtrés grande folle, ce parler de travesti les masques à tout moment pris, un ridicule cri de coq oh ne me touche pas ici devant tout le monde pour un geste le moindre, une main posée sur l'épaule, aurait pu s'interpréter comme affirmation quand même du corps, l'impossibilité qu'ils en taisent complètement la voix dans cet enfermement ici de l'homme avec d'autres hommes sous le ressassé du pointage à vie. Ce parler travesti avait son poids, n'était pas le futile d'une parole évaporée ici où l'on venait pour se louer, emmurés de l'interdit posé sur le toucher sauf la main (François Bon, Sortie d'usine. Minuit, 1982, p. 52)

 

Ce roman, qui fut écrit (ou, tout au moins, publié) quand j'avais huit ans me remet en mémoire ces camarades qui, entre le CM1 et la classe de cinquième, jouaient exactement à cela. Je me souviens d'un, particulièrement, Laurent G* (que j'avais été très surpris de retrouver un mercredi pour un match de tennis, car nos clubs respectifs jouaient l'un contre l'autre, mais nous ne savions pas, ni lui ni moi, que nous faisions du tennis), dont la réplique quasi systématique était, voix zaza-serrauldienne à l'appui : "Arrête, espèce de pétale, tu vas me refiler le soda."

Il faut dire que son patronyme, qui signifie abominable en allemand (or, nous étions germanistes), reflétait assez mon sentiment à son égard, mais, si j'essaie d'adopter un point de vue moins radical qu'à l'époque, je me dis que ce genre de jeu était gentiment puéril, voilà tout. Il n'empêche que je persiste à penser (et même à écrire, très bientôt sous vos yeux écarquillés) que ce genre d'attitude et de réplique témoignait d'un milieu familial où l'homophobie-par-ignorance devait régner en maître (voire, pour accorder l'expression à son sujet, en maîtresse).

Que mon expérience de ce genre de jeu stupide (dont un autre camarade, d'école primaire, le très célèbre Stéphane B*, qui est le seul être au monde sur qui j'ai porté la main (avec comme conséquence un nez stéphanien rudement amoché), était aussi très friand) ait pu coïncider avec l'observation d'un semblable phénomène dans le monde des adultes, à la faveur d'un roman sur le milieu ouvrier, voilà qui me plonge dans le désarroi : était-ce une mode passagère dont certains enfants se firent le porte-voix ?

23:55 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Littérature, Homophobie

Sortie du fanzine

Redonnée sa chance à Richard Millet, et découverte une prose curieuse de Gérard Gavarry, seront les deux passions languides (passives, surtout) de fin septembre, début octobre. 

Un jour donc qui n'en était qu'au matin de sa durée et dont il fallait bien s'accommoder, travaillant pour oublier l'écoulement du temps, puisque le travail même peut constituer la fuite immédiate de l'ennui, ce qui s'achève et disparaît de l'établi laisse un vide qu'une pièce brute est déjà là pour emplir, et dont le brut même laisse voir, irréalisé mais présent, son fini, et sans commandement ni hâte oblige à la tâche. La pensée se laisse enraciner comme à y glisser lentement, qui dit comme une voix et parfois jusqu'aux lèvres le filetage à chercher du taraud, ou bien quel tourne-à-gauche dans le tiroir ou la boîte. (François Bon. Sortie d'usine. Minuit, 1982, p. 37)

 

Le long des murs rouges, sur le long linoléum rouge flambant neuf qui fera tout à fait dégueulasse dans même pas dix ans, et où l'on n'osera plus faire passer ministres ni maires ni autres huiles, je place ma perceuse et, le regard vif sous la visière, guette les promeneurs.

17:55 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature, Ligérienne

Du cancer de l'amie

    Livré ici, un extrait de la lettre n° 2978 de Virginia Woolf (The Sickle Side of the Moon, tome 5 de la Correspondance, p. 366). Il s'agit d'une lettre du 23 janvier 1935, adressée à Ethel Smyth, compositeur (-trice?) et amie de V.W. :

I agree with you entirely about death from Cancer: I forget how you said it: something about having a chance to die standing up. That is a very true remark, and sometimes you say a thing that I had it in mind to say. But why ain't I to come, when you, if you, die? Why? Aren't I capable of comfort? No – a mere reed, floating along a sugary stream, in your view. And so you dont want to see me.

Je suis entièrement d'accord avec toi, pour ce qui est de mourir d'un cancer : je ne sais plus comment tu as formulé cela, mais il était question de la possibilité de mourir debout. C'est une remarque d'une grande justesse, et il t'arrive de de m'enlever les mots de la bouche. Mais pourquoi ne dois-je pas venir te voir, quand tu seras près de mourir, et si cela arrive ? Pourquoi donc ? Suis-je incapable d'apporter le moindre réconfort ? Non, à tes yeux, je ne suis qu'une tige de roseau qui se laisse emporter au gré des flots suaves. Et du coup tu ne veux pas me voir.

 

11:25 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature

samedi, 14 octobre 2006

La sodomie, sujet sensible #999

    Livré ici, un extrait de la lettre n° 2850 de Virginia Woolf (The Sickle Side of the Moon, tome 5 de la Correspondance, p. 272). Les ajouts entre crochets sont des précisions de l'éditeur, Nigel Nicolson. Il s'agit d'une lettre du 24 janvier 1934, adressée à Quentin Bell :

Helen [Anrep] has the flu, and that oaf her son has the congenital idiotcy. I wish Roger could scrape his neck of all Russian barnacles. I am writing about sodomy at the moment [The Pargiters] and wish I could discuss the matter with you; how far can one say openly what is the relation of a woman and a sod? In French, yes; but in Mr Galsworthys English, no.

Helen a la grippe; son benêt de fils est idiot, mais c'est congénital. Si Roger pouvait lui ôter ses maudites bernaches russes * de la tête. En ce moment, ce que j'écris a trait à la sodomie et j'aimerais pouvoir en parler avec toi : jusqu'où peut-on aller quand on évoque les rapports entre une femme et un sodomite? En français, c'est possible, mais, dans la langue anglaise de ce bon monsieur Galsworthy, non, vraiment pas.

 

* Je penche pour les oies, et non pour les coquillages... mais du diable si j'y comprends goutte. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai conservé ces deux premières phrases dans cet extrait, car je me demande dans quelle mesure il n'y a pas là, avec, notamment, ces mystérieux Russian barnacles, une allusion à la sodomie. (L'expression scrape his neck me paraît particulièrement suspecte...)

Comme je ne crains pas, moi non plus, les liens circulaires, je me permettrai d'appeler Madame de Véhesse à la rescousse. (Depuis qu'elle m'a expliqué ce qu'était un prince Albert, hein...)

19:05 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Littérature, Anglais

mercredi, 04 octobre 2006

Clown civil

    Ce qui n'a pas de sens nous fait vivre.

Even the Captain's misuse of that absurd word fuliginous irritated me. (Graham Greene. The Captain & the Enemy. Penguin, p. 139)

 

Ce sont, dans les épîtres et les missives, les clowneries et les civilités qui nous marquent le plus durablement.

10:55 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature

vendredi, 29 septembre 2006

Vieille mienne blague

    ... des milliers de fois, peut-être...

Je boirais la mer et sa soutane.

Je mangerais un curé et ses poissons.

 

Tu ne t'en vantes pas, quand même ? (Qu'il neige...)

12:15 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0)

mardi, 19 septembre 2006

Et basta !

    Histoire d'illustrer ce qu'on disait hier :

Les deux hommes se redressent mais ne vous saluent pas (pourtant on a pris les devants). Ils s'essuient les mains à des chiffons, on suppose de l'essence dans le bac, par terre. La chenille de la Poclain, de leur côté, est calée par des bastaings, et le tambour est démonté. (François Bon. C'était toute une vie. Verdier, 1995, p. 37)

 

Je continue de ne pas savoir si cet emploi de l'impersonnel m'agace ou me séduit. Il me déroute. (Me rappelle des poèmes écrits quand j'étais adolescent. Mon père m'avait dit qu'il fallait que j'enlève certains des on...) De même, que penser, in fine, de ce style qui cherche à se faire passer pour très simple, dénudé, neutre, et qui manie aussi savamment les rimes internes ? Si l'on passe la dernière phrase au crible d'une analyse stylistique qui tient compte du rythme et des sonorités, on (!) s'aperçoit qu'outre le système de rimes croisées (Poclain/côté/bastaings/démonté), le rythme repose sur des tétramètres, que vient à peine nuancer, par rétraction, l'heptasyllabe central (8/4/7/8). Il faut au moins reconnaître que la rime Poclain/bastaings n'est pas banale !

12:10 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature

dimanche, 17 septembre 2006

Jacques Roubaud en ce dimanche : Henri Passérieu

    Où l'on voit Roubaud, parodiant Hérédia, mêler ses impostures à celles d'E. V.-M. ... 

 

Il se trouve cerné sur un champ de bataille

Par cinquante guerriers, noirs démons forcenés :

Sur son visage ardent, une sublime entaille

Rougissait d'un sang pur ses traits illuminés.

(1er quatrain du Sonnet militaire de Henri Passérieu.

In Nous, les Moins-que-Rien, Fils aînés de Personne, p. 131)

 

... pour ne plus retrouver le chemin des aventures. "Personne t'arrêtera", chantait Jean-Patrick Capdevielle au début des années 80. Autant dire qu'il devait s'adresser au Cyclope. (Les fils aînés de Personne, descendants d'Ulysse, Télémaque plaqué au télescope, m'en sont témoins, et ne sont pas non plus les enfants sans enfants dont Kafka, selon E. V.-M., est l'emblème.)

09:00 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature

samedi, 16 septembre 2006

Vie de Jacques le Stylite

    La sainteté se mange en salade. Priez pour nous, qui avançons, avec les pleureuses et les goupillons !

" Le pain alors est comme rongé par les souris, n'est plus qu'un pauvre reste de croûte. Dieu le sauva : une goutte d'huile humecta la croûte de pain. Le père abbé le recueillit évanoui. " (Nous, les Moins-que-Rien, Fils aînés de Personne, p. 13)

 

J'ai fini de lire, en me forçant presque, L'enterrement de François Bon. La dernière page évoque la lassitude, et la dernière ligne est même une citation du vers ultra-célèbre d'Apollinaire (Zone toujours) : À la fin tu es las de ce monde ancien. Peut-être suis-je méchant, mais il me semble que l'on doit pouvoir écrire un texte sur la lassitude sans être ennuyeux.

16:49 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (2)

vendredi, 15 septembre 2006

Jacobus Robaldus, encore : Barthélémy Aneau

    Il est temps, ne pensez-vous pas, d'achever la semaine promise. Semaine promise, semaine due : les quatre premiers extraits ayant été donnés entre lundi et jeudi de la semaine dernière, pourquoi ne pas reprendre le fil interrompu en choissisant un vendredi, histoire d'avoir une semaine en deux parties, comme les quatrains d'un côté et les tercets de l'autre (par exemple) ?

"Barthélémy Aneau s'enferma en lui-même, ne s'occupant plus que d'enseignement, de droit, de grammaire. Mais s'il put ainsi fuir pendant près de vingt ans la marée montante des violences, elle finit par l'atteindre lui aussi." (Nous, les Moins-que-Rien, fils aînés de Personne, p. 157)

 

Il y a deux ans, j'ai offert Alector de Barthélémy Aneau à ma compagne. Elle l'a lu, mais pas moi.

20:55 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature

Guerre terrienne, Pierre Bergounioux

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    Il manque peut-être les quelques douzaines de gaillardes (mais pas les bottes d'oignons). Pourtant, ce n'est pas pour citer Brassens que j'ai cherché en vain des vues du monument aux morts de la place Thiers, à Brive, mais pour illustrer le début du petit livre de Pierre Bergounioux, Le Bois du Chapitre, dans lequel ce monument est longuement décrit :

 

" Le lourd alliage verdi suggère assez bien la pesanteur de cette guerre terrienne, paysanne, encore, la dernière. Sa vertu gravifique exalet l'effort énorme des hommes s'arrachant à la boue, à l'épouvante, à l'épuisement pour s'élancer au commandement du chef de section – « En avant, à la baïonnette » – répété par tous. " (Le Bois du Chapitre. Orléans: Théodore Balmoral, 1996, p. 9)

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dimanche, 10 septembre 2006

Songe de l’art

    Il va falloir faire du café, hein, boire un café, sinon tu t’effondres la tronche dans le guidon, & les cloportes mangent le clavier, ça fait désordre.

« Moi, quand je suis dans le trouble de l’art, rien d’autre ne me touche ni ne m’atteint. Il pourrait pleuvoir des panthères ou des enclumes. Quand je suis dans le songe de m’art, le réel est une petite chose dure et sèche reléguée dans un coin du décor, qui s’empoussière. » (E. Chevillard. Au spectacle.)

 

Eh, avec le café, pourquoi pas un croissant ? Si t’arrêtais de te prendre pour Balzac ?

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jeudi, 07 septembre 2006

Jacobus Robaldus : Mes noms se délitent

“Aujourd’hui, mes noms à moi au contraire se délitent, perdent leurs syllabes, leurs contours, leurs lettres même s’effacent. Sur un cahier, je note ceux que je retrouve. De plus en plus souvent, ils n’évoquent plus un être, un visage pour moi. Et je ne suis plus même sûr de savoir les écrire. Mais je n’ai pas oublié Abraham, tel que l’a peint Pierre-Paul Rubens. Il était grand et mince, ses cheveux et sa barbe blonds, ses yeux gris.” (Nous, les Moins-que-Rien, Fils aînés de Personne, p. 205)

 

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mercredi, 06 septembre 2006

Orson Roubaud, opus 22 AUTOBUS 1

En 1998, Matthieu B., que je perds de vue, voulait écrire un roman, L'Insu portable.

 

“L’autobus est plein. Tous les voyageurs parlent sur leur téléphone portable. Sauf un. Silencieux. Une place vide à côté de lui. OR s’assied, lui parle. Il ne répond pas. Il est mort.” (Nous, les Moins-que-Rien, Fils aînés de Personne, p.226)

 

Parler sur : "j'ai du mal".

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Sérénité glaçon

Sérénité, ne me fais pas faux bond

Dans le feu de l'action rends-moi froid comme un glaçon

 

Faouzi Tarkhani

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mardi, 05 septembre 2006

Trotzdem... als...

    S'il me vient le désir d'expliquer l'amour que j'ai des syntaxes contournées, à condition que l'océan connaisse aussi des moments de tranquillité, la belle plage des phrases sans récif, j'ai sous les yeux une phrase bouleversante de la Lettre au père de Kafka, très bien traduite par Marthe Robert :
 
Schrecklich war mir zum Beispiel dieses: »ich zerreiße Dich wie einen Fisch«, trotzdem ich ja wußte, daß dem nichts Schlimmeres nachfolgte (als kleines Kind wußte ich das allerdings nicht), aber es entsprach fast meinen Vorstellungen von Deiner Macht, daß Du auch das imstande gewesen wärest. (Franz Kafka. Brief an den Vater)
 
Terrible était, par exemple - bien que je ne fusse pas sans savoir que rien de grave ne s'ensuivrait (il est vrai qu'étant petit, je ne le savais pas) - ce «Je te déchirerai comme un poisson», mais que tu en fusses capable se serait presque accordé à l'image que j'avais de ton pouvoir. (Lettre au père, traduction de Marthe Robert, reprise en "Folio", p. 30)
 
Cette phrase dit une chose, puis son contraire, puis le contraire de ce contraire, qui ne correspond pourtant pas précisément au sens des premiers mots, avant de plonger (à partir de "aber") dans les conséquences de ce mystère, dans les eaux troubles d'un esprit tourmenté par les volte-faces.

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J.D. Rouboad, 4.41. : Œil oblique

 

“où disperser               les flèches

de l’éclair                    vers la masse sombre derrière

l’œil oblique”

 

(Nous, les Moins-que-Rien, Fils aînés de Personne, p. 244)

 

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lundi, 04 septembre 2006

Ru-Bô, @ 73 : Le style du gel et de l’infra-mince

    Faccia il nostro cavaliere ......................

 

“On compose des vers semblables à ceux d’un débutant, on mobilise les pouvoirs de la combinatoire, on sait être superficiel tantôt, tantôt profond ; on ne se dirige jamais dans une seule direction. À ce moment seulement, on comprend ce qu’est l’aura, ce qu’est le style suprême, le style du gel et de l’infra-mince.” (Nous, les Moins-que-Rien, Fils aînés de Personne, p. 273)

 

...................... cavaliera ancora te !

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Zuckerman Unbound

    Testis unus, testis nullus. Première porte à droite.

On which side did he dress? asked Mr White. It took a moment to fathom the meaning, and then to realize that he didn’t know. If Carnovsky was any indication, he had for thirty-six years given more thought than most to the fate of his genitals, but whither they inclined while he went about the day’s uncarnal business, he had no idea. (Philip Roth. Zuckerman Unbound (1981). Penguin, 1983, p. 73)

 

Dernière porte à gauche. J’entends par là une allusion à une semblable anecdote advenue à mon beau-père avant son mariage; il fut incapable d’indiquer au tailleur de quel côté il portait.

00:05 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (1)

dimanche, 03 septembre 2006

Z'avez pas vu l'écriteau ???

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« Des hordes d’écoliers et d’écolières. Ils avancent dans quelques allées autorisées. Ils notent à mesure sur des blocs-notes le nom des plantes qu’ils voient. Ils notent les noms, mais ils ne regardent pas les plantes, uniquement les écriteaux qui les signalent. »

Jacques Roubaud. Tokyo infra-ordinaire. 77, ii. Inventaire/Invention, 2005, p. 84.

 

 

 

Cléome, jardins du château de Valmer, 2 septembre 2006.

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mercredi, 05 juillet 2006

Myrrhe bruloit jadis...

medium_HPIM4940.JPG     Il semble, à en croire cette image capturée dans un parterre des jardins du Prieuré Saint Cosme, que le poète Etienne Jodelle ait donné son nom à une plante.

C'est l'occasion de vous épargner mes rimailleries et de vous proposer un sonnet féroce de ce merveilleux oublié.

(Sur l'oubli, on évoquera Saint-Pol Roux, aussi, mais pas aujourd'hui.)

 

 

Myrrhe bruloit jadis d'une flamme enragée

Osant souiller au lict la place maternelle

Scylle jadis tondant la teste paternelle,

Avoit bien l'amour vraye en trahison changée.

Arachne ayant des Arts la Deesse outragée,

Enfloit bien son gros fiel d'une fierté rebelle :

Gorgon s'horrible bien quand sa teste tant belle

Se vit de noirs serpens en lieu de poil chargée :

 

Medée employa trop ses charmes, et ses herbes,

Quand brulant Creon, Creuse, et leurs palais superbes

Vengea sur eux la foy par Jason mal gardée

Mais tu es cent fois plus, sur ton point de vieillesse

Pute, traîtresse, fiere, horrible, et charmeresse

Que Myrrhe, Scylle, Arachne, et Meduse, et Medée.

 

Etienne Jodelle (1532-1573). Les Contr'amours.

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mardi, 04 juillet 2006

Samsara 696

    La chatte noire de la courette sautille et bondit pour attraper un bourdon (une grosse mouche, peut-être ?). Dans le jardin, à l’arrière, le chat noir et blanc a sa place attitrée, son lit de menthe au pied du prunier. Je choisis d’écrire chatte et chat, indifféremment, arbitrairement. Toutes les combinaisons imaginables sont possibles.

Si t’es foutu, morfondu

Comme une vieille violoncelle

(Dick Annegarn. “L’homme de l’aube”)

 

Bien entendu, le philosophe vagabonde, divague, sautille lui aussi à la recherche d’articulations conceptuelles inouïes, et l’écrivain se noie à force de plonger pour aller chercher, tel Robert Caillet sans domicile, des piécettes dans le Doubs. (Mais ces piécettes sont aussi, s’il y prend garde, des pépites.)

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mercredi, 21 juin 2006

Rêver d'amours intemporelles

    Souvent je chante cette phrase de sept vers, suivie de son distique (et les deux strophes qui précèdent, comme celle qui suit). Moduler en variant. Imiter le rythme, ou alors accélérer. Parfois je ralentis ; dans ce cas, ça prend bien huit minutes. Bref, je suis très agaçant.

 

    Et là-dessus le Corydon,

Le promis de la pastourelle,

Laquelle allait au grand pardon

Rêver d'amours intemporelles,

- Au ciel de qui se moque-t-on ? -

Suivit la cuisse, plus légère

Et plus belle, d'une goton :

Dieu, s'il existe, il exagère,

Il exagère.

Georges Brassens. Dieu, s'il existe.

19:20 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0)

Tour de la Salamandre

    Il n’entrait pas – dans le choix de ce nom pour la promenade la plus fréquente autour de notre maison, à Cagnotte – une quelconque affection pour le géant souverain, mais la rencontre, au premier de ces milliers de tours, d’une salamandre lente et vivante, entre chien et loup.


« Quand on n’a qu’un endroit à défendre,
On le munit, de peur d’esclandre. »
[La Fontaine. Fables, X, viii.]


Toujours est-il qu’impavides il nous fallut constater que plus jamais on ne rencontrait de salamandres au cours de nos promenades. C’est être fait prisonnier à Pavie et en revenir vainqueur.

M. La Palisse est mort ;

Il est mort devant Pavie.

Un quart d'heure avant sa mort,

Il était encore en vie.

 

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