jeudi, 29 mars 2012
Travail(ler) des images
« La marge d’image questionnée par Clément Chéroux n’est-elle pas emblématique de cette marge d’indétermination à laquelle toute recherche se confronte nécessairement dans son étude des vestiges de l’histoire ? On ne saurait clore la question en projetant toute l’histoire dans un absolu inimaginable. On ne saurait la clore en rejetant l’archive du côté de la « moindre image », ou de l’« image sans imagination ». Une image sans imagination, c’est tout simplement une image sur laquelle on ne s’est pas donné le temps de travailler. Car l’imagination est travail, ce temps de travail des images sans cesse agissant les unes sur les autres par collisions ou par fusions, par ruptures ou par métamorphoses… Tout cela agissant sur notre propre activité de savoir et de pensée. Pour savoir, il faut donc bien s’imaginer : la table de travail spéculative ne va pas sans une table de montage imaginative. »
Georges Didi-Huberman. Images malgré tout.
Minuit, 2003, p. 149
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jeudi, 22 mars 2012
Un western en Alaska
“Like some wet, furred beast, Hoke shuddered, burrowing more deeply into Belle’s blankets.” (The Ballad of Dingus Magee, p. 122)
Même se débarrasser des choses à la va-vite prend trop de temps.
Cette phrase peut, hélas, s’entendre dans des contextes divers, et donc – aussi – affreux, tragiques.
←Subienkow repartit à Michaelovski et passa une année à organiser une expédition pour remonter le Kwikpak.→
╬╬╬ Tout ça pendant la Symphonie n° 0 de Schnittke, je vous le signale.
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mercredi, 21 mars 2012
Hoke (-ydokey)
“Flowing open, her robe enveloped him. The astonishing bosom unfurled like gonfalons loosed, like melons in dehiscence. But Hoke saw not, partook not. He had already fainted.”
David Markson. The Ballad of Dingus Magee (1965). Counterpoint, 2008, p. 74.
Sur les rayonnages, la poussière que l’on soulève ne s’envole jamais longtemps. Et les livres reposent.
Dans l’une des huiles, l’artiste a représenté son vélo, mais tronqué, dans un lavis écarlate. Dans une autre, les traits sont grossiers, repris des dizaines de fois, comme crayonnés, et le titre : How Perfect My Bicycle.
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vendredi, 27 janvier 2012
Flâneries du réel autour d’une chambre (ocre honneur)
« Le réalisme peut être perçu aussi comme une discipline qui frôlerait très souvent la vraie vie, ce serait le cas, par exemple, de Flaubert, Kafka, Hamsun, Joyce ou Beckett, qui furent aussi de grands réalistes, mais sachant fuir la machinerie de la convention et évitant de faire de leurs romans des livres de genre déjà vus mille fois. Ils furent finalement des réalistes qui surent insuffler de la vraie vie et de la nouveauté au réalisme et non de l’ennui et de la répétition, en fait ils radicalisèrent tout. » (Enrique Vila-Matas. Chet Baker pense à son art. Traduction d’André Gabastou. Mercure de France, 2011, p. 84)
Vendredi ne comprenait guère qu’on puisse parler des choses lues en termes de choses vues. Trop d’écrivains avaient su opérer une complexe, profonde ou subtile distinction entre l’œil et la taie de l’écriture pour qu’il tombât dans ce leurre. Il ne pouvait pas toujours s’attarder, mais, pour lui, tout était affaire de flânerie, comme dans ce livre d’Apollinaire qui lui était toujours tombé des mains, et donc de butinage.
En anglais, en particulier, le piéton ramène la prose à terre, au terre-à-terre (cf Loiterature, p. 270). Vendredi n’eut pas le temps de s’embarrasser d’ossements. Il prit, lui aussi, le large.
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jeudi, 26 janvier 2012
. . Antonio :: Tabucchi : La :: tête ::: perdue :::: de ::: Damascio :: Moreno . .
Dans ce roman, écrit en 1997 et traduit la même année par Bernard Comment, Tabucchi semble étonnamment joueur, même un brin lourdaud. Cela m’a rendu plus chère son œuvre, et ce texte-là avec les autres dans la valise. Faux polar, faux récit politique, nouvel hommage à la fascination des villes portugaises sur son auteur, La tête perdue de Damascio Moreno est un roman déroutant. Il est difficile de déterminer de quel côté penche la balance – comme il y a plus de deux pôles, sans doute vaudrait-il mieux parler de kaléidoscope (l’image est frelatée, je le sais).
L’un des angles d’attaque les plus redoutables, c’est le personnage de l’avocat, et surtout, dans sa figure, l’admiration équivoque pour Hans Kelsen et « ses théories sur la Grundnorm » (Bourgois, p. 118). Depuis que je sais que l’éditeur Einaudi avait sollicité Primo Levi, peu avant son suicide, pour une traduction du Procès, les rapports entre l’univers du jugement littéraire et le domaine juridique me fascinent.
C’est une hypothèse métaphysique, dit l’avocat, parfaitement métaphysique. Et ça, voyez-vous, c’est vraiment une chose kafkaïenne, c’est la Norme qui englue tout un chacun et dont pourrait descendre l’abus de pouvoir d’un petit seigneur qui se croit autorisé à fouetter une putain. Les voies de la Grundnorm sont infinies. (p. 119)
Sinon, le passage – assez explicite – au cours duquel on voit, par le biais d’une émission de télévision, une Norvégienne parler d’un caméléon nommé Fernando Pessoa dans une baraque de bord de mer (p. 189) m’a donné envie de déterminer si le rapprochement entre Pessoa et les caméléons était lui-même une citation, ou une allusion quelconque, mais les pages Web, surtout italiennes, auxquelles j’ai abouti se sont avérées, certes passionnantes, mais non déterminantes.
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mardi, 03 mai 2011
Ceux de 14 STOP Tastet introuvable STOP
J'ai beau lire en accéléré tout le fort volume Ceux de 14, je ne retrouve pas ce lieutenant ou ce capitaine Tastet dont on nous a parlé. Au demeurant, je découvre plusieurs très belles pages, une langue classique pour l'époque, sans doute, mais très attentive aux inflexions. La dédicace de Nuits de guerre me rappelle le monument aux morts de la rue d'Ulm.
Si je voulais écrire un texte autour de l'abus des circonflexes, je tiens une phrase remarquable, c'est au chapitre 8 de Nuits de guerre :
Une aube livide glisse entre les fûts des hêtres dont l'écorce grise se marbre de suintements verdâtres.
Plus énigmatique, hors contexte (c'est au chapitre 7 de La Boue) :
Jacazzi, seigneur nocturne des Eparges, a promené sa lampe électrique des charpentes calcinées aux pierres moisies des caves.
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mardi, 26 février 2008
Un peu de lecture
Guerre de Troie
We left the Misses Buzza engaged in rowing their papa homewards. The Three Queens as they steered King Arthur to Avilion can have been no sadder pageant. It is true the Misses Buzza grieved for no Excalibur, but the Admiral had lost his cocked-hat.
Picture to yourself that procession: the journey past the jetties; the faces that grinned down from overhanging hulls, or looked out hurriedly at casements and grew pale; the blue-jerseyed Trojan lounging on the quay, and pausing in his whistle to stare; the Trojan maidens gazing, with arrested needle; the shipwrights dropping mallet and tar-pot; the ferrymen resting on their oars; the makers of ship's biscuit rushing out, with aprons flying, to see the sight; the butcher, the baker, the candle-stick maker—each and all agog. Then imagine the Olympian mirth that ran along the waterside when Troy saw the joke, and, hand on hip, laughed with all its lungs.
But even this was not the worst: no, nor the crowd of urchins that followed from the landing-stage and cheered at intervals. It was when Admiral Buzza looked up and spied the face of Mrs. Goodwyn-Sandys at an upper window of "The Bower," that the cup of his humiliation indeed brimmed over.
Mrs. Buzza, "tittivating" at the mirror, heard the stir, and, presentient of evil, rushed down-stairs. She saw her lord restored to her, dear but damp. Yet she "nor swooned, nor uttered cry:" she simply sat violently and suddenly down upon the hall-chair, and piteously stared.
"Emily, get up!"
She did so.
"You are wet, my love," she ventured timorously.
"Wet! Woman, is this the time for airy persiflage?"
"My love," replied Mrs. Buzza, meekly, "nothing was further from my thoughts."
The Admiral glared upon her for a moment, but the retort died upon his lips. He flung his hands out with an appealing gesture and something like a sob.
"Emily," he cried, hoarsely, "Troy has laughed at me again. Put me to bed."
(A.T. Quiller-Couch. The Astonishing History of Troy Town. Chapter IX)
Bonzaïs
The little trees were in evidence everywhere, decorating the living rooms, posted like sentinels on the terrace, and staged with the honour due to statuary at points of vantage in the garden. But their chief home was in a sunny corner at the back of a shrubbery, where they were aligned on shelves in the sunlight. Three special gardeners who attended to their wants were grooming and massaging them, soothing and titivating them, for their temporary appearances in public. Here they had a green-house of their own, kept slightly warmed for a few delicate specimens, and also for the convalescence of the hardier trees; for these precious dwarfs are quite human in their ailments, their pleasures and their idiosyncracies.
(John Paris. Kimono. Chapter XIV : The Dwarf-Trees)
Freux
You can hear them in the evening, discussing the matter of this surplus stock.
"Don't you work any more," he says, as he comes up with the last load, "you'll tire yourself."
"Well, I am feeling a bit done up," she answers, as she hops out of the nest and straightens her back.
"You're a bit peckish, too, I expect," he adds sympathetically. "I know I am. We will have a scratch down, and be off."
"What about all this stuff?" she asks, while titivating herself;
"we'd better not leave it about, it looks so untidy."
"Oh, we'll soon get rid of that," he answers. "I'll have that down in a jiffy."
To help him, she seizes a stick and is about to drop it. He darts forward and snatches it from her.
"Don't you waste that one," he cries, "that's a rare one, that is. You see me hit the old man with it."
And he does. What the gardener says, I will leave you to imagine.
Judged from its structure, the rook family is supposed to come next in intelligence to man himself. Judging from the intelligence displayed by members of certain human families with whom I have come in contact, I can quite believe it. That rooks talk I am positive. No one can spend half-an-hour watching a rookery without being convinced of this. Whether the talk be always wise and witty, I am not prepared to maintain; but that there is a good deal of it is certain.
(Jerome K. Jerome. Second Thoughts of an Idle Fellow. "Of the Motherliness of Man".)
Dictionnaires
"I have come out with you, commodore," said Captain Truck, when they had got to their station, and laying a peculiar emphasis on the appellation he used, "in order to enjoy myself, and you will confer an especial favour on me by not using such phrases as 'cable-rope,' 'casting anchor,' and 'titivating.' As for the two first, no seaman ever uses them; and I never heard suchna word on board a ship, as the last, D----e, sir, if I believe it is to be found in the dictionary, even."
"You amaze me, sir! 'Casting anchor,' and 'cable-rope' are both Bible phrases, and they must be right."
(James Fenimore Cooper. Home as Found. Chapter XIX)
Bague au doigt
All women are alike. All housekeeping is amateurish. She (Mrs. Omicron, the criminal) has nothing in this world to do but run the house--and see how she runs it! No order! No method! Has she ever studied housekeeping scientifically? Not she! Does she care? Not she! If she had any real sense of responsibility, if she had the slightest glimmering of her own short-comings, she wouldn't have started on the ring question. But there you are! She only thinks of spending, and titivating herself. I wish she had to do a little earning. She'd find out a thing or two then. She'd find out that life isn't all moonstones and motor-cars. Ring, indeed! It's the lack of tact that annoys me. I am an ill-used man. All husbands are ill-used men. The whole system wants altering. However, I must keep my end up. And I will keep my end up. Ring, indeed! No tact!
(Arnold Bennett. The Plain Man & His Wife.)
Envers du décor
Then, in view of cravings inner,
We go down and order dinner;
Or we polish the Regalia and the Coronation Plate -
Spend an hour in titivating
All our Gentlemen-in-Waiting;
Or we run on little errands for the Ministers of State.
Oh, philosophers may sing
Of the troubles of a King,
Yet the duties are delightful, and the privileges great;
But the privilege and pleasure
That we treasure beyond measure
Is to run on little errands for the Ministers of State!
(W.S. Gilbert. "The Working Monarch". In Songs of a Savoyard.)
In spiritu
Now, the dinner is always a good one, the appetites of the diners being delicate, and requiring a little of what Mrs. Merrywinkle calls ‘tittivation;’ the secret of which is understood to lie in good cookery and tasteful spices, and which process is so successfully performed in the present instance, that both Mr. and Mrs. Merrywinkle eat a remarkably good dinner, and even the afflicted Mrs. Chopper wields her knife and fork with much of the spirit and elasticity of youth. But Mr. Merrywinkle, in his desire to gratify his appetite, is not unmindful of his health, for he has a bottle of carbonate of soda with which to qualify his porter, and a little pair of scales in which to weigh it out. Neither in his anxiety to take care of his body is he unmindful of the welfare of his immortal part, as he always prays that for what he is going to receive he may be made truly thankful; and in order that he may be as thankful as possible, eats and drinks to the utmost.
(Charles Dickens. "The Couple Who Coddle Themselves". In Sketches of Young Couples.)
Babyshambles
It was on the Friday before Martinmas, at dusk. In the centre of the town, on the waste ground to the north of the "Shambles" (as the stone-built meat market was called), and in the space between the Shambles and the as yet unfinished new Town Hall, the showmen and the showgirls and the showboys were titivating their booths, and cooking their teas, and watering their horses, and polishing the brass rails of their vans, and brushing their fancy costumes, and hammering fresh tent-pegs into the hard ground, and lighting the first flares of the evening, and yarning, and quarrelling, and washing—all under the sombre purple sky, for the diversion of a small crowd of loafers, big and little, who stood obstinately with their hands in their pockets or in their sleeves, missing naught of the promising spectacle.
(Arnold Bennett. "Jock-At-A-Venture". In The Matador of the Five Towns and Other Stories.)
Veuvage
"'Tis good to wear a bit of colour again," said Mrs Bosenna on Regatta morning, as she stood before her glass pinning to her bodice a huge bow of red, white, and blue ribbons. "Black never did become me."
"It becomes ye well enough, mistress, and ye know it," contradicted Dinah.
"'Tis monotonous, anyway. I can't see why we poor widow-women should be condemned to wear it for life."
"You bain't," Dinah contradicted again, and added slily, "d'ye wish me to fetch witnesses?"
Her mistress, tittivating the ribbons, ignored the question.
"I do think we might be allowed to wear colours now and again--say on Sundays. As it is, I dare say many will be pickin' holes in my character, even for this little outbreak."
"There's a notion, now! Why, 'tis Queen Victory's Year--and a pretty business if one widow mayn't pay her respects to another!"
"It do always seem strange to me," Mrs Bosenna mused.
"What?"
"Why, that the Queen should be a widow, same as any one else."
"Low fever," said Dinah. "And I've always heard as the Prince Consort had a delicate constitution."
(A.T. Quiller-Couch. Hocken and Hunken. Chapter XXIII.)
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dimanche, 10 février 2008
Edgardo 1992
À Talence, un soir, m'étant assoupi alors que je m'étais allongé sur le dessus de lit, vers six ou sept heures, afin de réviser un énième chapitre d'histoire, je me réveillai, vers dix heures du soir, au printemps flamboyant, surpris de m'être ainsi laissé aller. Alors, je me levai, engourdi, dans un état de somnolence semi-brumeuse, me préparai une omelette au roquefort avant de m'asseoir au bout du petit bureau d'appoint, les vastes baies où s'alanguissait la nuit derrière moi, afin d'y taper à la machine.
Et sur-le-champ, éprouvant en même temps un soudain serrement d'angoisse, il comprit qu'il n'avait dormi qu'une heure. Le lendemain était loin, très loin. Entre celui-ci et lui, s'ouvrait, terriblement difficile à traverser, l'immense abîme d'une nuit tout entière, de l'une des plus longues nuits de l'année.
(Giorgio Bassani. Le Héron. III, 5. Traduction de Michel Arnaud. Gallimard, 1967, p. 163.)
Tout cela, c'était avant la décision du suicide...
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1616 - Edgardo Limentani, en suspens
À peu de choses près, je sais que je tiens surtout ces carnets pour moi. Tant pis pour la vie, écrit Monsieur Songe. Puis il biffe pis. Reste tant pour la vie.
Ayant ôté son bonnet, il avait froid à la tête. De plus, la proximité du crucifix, de ce noir cadavre enfumé et encloué, l'intimidait.
(Giorgio Bassani. Le Héron. IV, 2. Traduction de Michel Arnaud. Gallimard, 1967, p. 195.)
Le coffret funéraire de Ramsès XI, déplacé sous la tente, livre ses secrets. On ne saura pas, finalement, si Edgardo, s'identifiant pleinement au héron, troublé aussi par le tableau savamment composé des animaux empaillés derrière la vitre, se suicide.
11:45 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature, écriture, Ligérienne
jeudi, 29 novembre 2007
Lettre CXXXI à M. Dumaurier
MONSIEUR,
je suis fort aise d'entendre le bon progres de vostre affaire. Il ne peult estre aultre, puisqu'il vient du propre mouvement de celui qui y peult tout; et de là je pense, en bonne consequence, faire jugement contre les bruicts que la science et la conscience l'emporteront en lui sur la prudence humaine : j'en prye Dieu de bon cœur; car il peult estre puissant instrument de sa gloire; et d'ailleurs il n'y a plus certain moyen de maintenir la sienne propre, car il honore ceulx qui l'honorent. Je lui fais response sur une fort honneste lettre que je receus ces jours de lui; je desire qu'il croye que je me sens, avec tout les gens de bien, interessé en sa manutention et prosperité; et de plus qu'il le voye, quand il se presentera occasion digne de mon affection et de son merite, en laquelle je lui en puisse rendre tesmoignage. Nul ne peult estre plus propre lien que vous entre ma condition et la sienne, pour fomenter ceste bonne volonté qu'il me tesmoigne, par l'asseurance que vous lui ferés prendre du sincere service que je lui proteste; mais vous sçavés que cela se doibt faire à tratto, et mesnageant plus- tost les rencontres qu'en recherchant les subjects; ce que je laisse à vostre prudence. Desormais, certes, doibsje, et à lui et à tous estre hors de calomnie; infra injuriam, si on regarde ma condition; supra, si mes longs services. Ne vous peinés de m'escrire qu'au besoing; vous avés bon truchement pour vous faire entendre ; et sur ce, etc.
Du 29 novembre 1607,
De M. Duplessis-Mornay.
20:00 Publié dans Droit de cité, Hystéries historiées | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 04 novembre 2007
L’élégie et la cavatine
« Even Elegiac poetry at its best is not mere senile blubber or the pleasure of crabbing something, it is an “And yet…” » (Ezra Pound. Guide to Kulchur. 1938, reed. 1970, ‘Human wishes’, p. 179)
Des ajouts toujours repris : pourquoi, dans la traduction de Michel de Tours, un quatrain des Bucoliques de Virgile devient-il douze ou quinze vers ? L’étirement de l’églogue a-t-elle quelque parenté avec l’emballement mélancolique de la cavatine ? (Reste qu’au fond je ne comprends pas, ici, le sens du verbe crab.)
23:29 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Poésie, Littérature
lundi, 01 octobre 2007
Récurrence
Et puis, il y a cette autre ritournelle. La tienne, la mienne, qui ne sera jamais la nôtre. Celle qui est éternelle, qui nous accompagne toute notre vie, que nous aimerions entendre à nos obsèques. Le Muzak de notre ADN, la chanson qui nous choisit en nous faisant croire que c'est le contraire. Cette chanson est si littéralement collante que nous la portons comme un tatouage dans l'oreille interne de notre mémoire. Elle y est arrivée, elle y reste et y demeurera toujours.
(Rodrigo Fresan. Mantra. Traduction d'Isabelle Gugnon.
Albi : Passage du Nord-Ouest, 2006, p. 401.)
The hitch is that some ten or possibly twenty songs foot the bill, through different eras of my life. (Ritournelles était le titre d'un des douze romans de la série projetée en 1995.) Kumpanen, dann, dann fällt Euch ein...
14:05 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature, Chanson, écriture
dimanche, 16 septembre 2007
Tentative d’y remédier
Le frigo a des feulements.
Papier peint jaune et poutres, au salon murs blancs ; au plafond lambris et poutrelles formant dix longs rectangles de largeur variable.
(je ne m’explique pas comment, soudain, les larmes se sont transformées en ce travail d’écriture)
Le frigidaire frissonne, frétille, murmure. Plusieurs bouquets tous de fleurs fausses, abat-jour haut plutôt cosy ; les deux chaises d’enfant plaquées contre le mur de l’autre côté.
Tout chez lui avait fini par émaner des livres, et surtout par y ramener. Il avait installé son ordinateur – pour écrire et nous empêcher de tuer les mouches – à la table de la cuisine américaine.
Pleurer est si lent que même le mot, à son amorce, en est mouillé : el llanto. Crachats d’alpaga dans l’azur. Tout un bric-à-brac même pas solennel, bohême et foutraque, orne divers points de la vaste pièce de vie, comme autant de mouchetures.
(Douze années de félicité sans faille.)
Le réfrigérateur gémit, tremble, digère.
[19.08.2007]
17:05 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Bretagne, Littérature, écriture
dimanche, 09 septembre 2007
« la splendide dame blonde »
« J’allais omettre de dire néanmoins que là, à la différence d’à peu près toutes les autres pièces de la maison, dont les murs étaient couverts de tableaux, on n’en voyait qu’un seul : un énorme portrait grandeur nature, de Lenbach, qui pendait, tel un retable d’autel, du mur derrière la table. La splendide dame blonde qui y était représentée, debout, les épaules nues, un éventail dans sa main gantée, et, avec la traîne de le sa robe de soie blanche ramenée en avant pour faire ressortir la longueur de ses jambes et la plénitude de ses formes, n’était évidemment autre que la baronne Josette Artom de Susegana. On eût vraiment dit une reine. »
(Le Jardin des Finzi-Contini,
traduction de Michel Arnaud. Gallimard, pp. 181-2)
14:45 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Peinture, Photographie, Italie, Littérature
samedi, 25 août 2007
Ligne de flottaison
J’ai écrit, en tête de page : « Ligne de flottaison ». Je sais que le texte suivant doit s’intituler Ligne de flottaison, et par cet incipit même, le titre est déjà, amplement, justifié. Avoir une liaison : balancer son couple à la flotte. (My marriage is going to the dogs.) Un jour, passant la Loire (pris dans un bouchon (les « fanatiques / de la cause halieutique » me comprendront)), je fredonnai, inventai le refrain suivant :
And then
He went to the dogs
And then
He went to the dogs
And then
He went to the dogs
She sent him packing
He had no backing
There was no asking him.
She sent him packing
He had no backing
There was no asking her about it.
Je dirais que c’était en 2004. Qu’est-ce qu’il dégringole, Anatole. (Non, je rigole : il fait soleil.)
[14 juillet. Jouissif.]
14:25 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Chansons, écriture
mercredi, 04 juillet 2007
La lumière émeraude…
3 juillet.
La pluie battait contre les volets. Métalliques, les volets. Puis le vent sécha les flaques d’eau en agitant les fils télégraphiques. Le vent est une femme, puisqu’il n’est pas mono-tâche. Vieille blague du régiment des peaussiers.
La pluie apaisée, le vent redoublant de vigueur, regarder par la fenêtre les dernières flaques. Et se dire, sans connaître ni le texte original ni vraiment la langue d’origine, que Geneviève Leibrich doit être une excellente traductrice.
………………… « La lumière émeraude qui émane des murs et qui flotte autour du corps de la femme. » (José Eduardo Agualusa. La guerre des anges. Traduction de G. Leibrich. Métaillié, 2007, p. 204)
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lundi, 21 mai 2007
De facto, perforce
Cela peut se généraliser, assurément, autant dire que la poésie, l'acte d'écriture, s'entend ici/aussi au sens large.
Poetic Influence - when it involves two strong, authentic poets, - always proceeds by a misreading of the prior poet, an act of creative correction that is actually and necessarily a misinterpretation. The history of fruitful poetic influence, which is to say the main tradition of Western poetry since the Renaissance, is a history of anxiety and self-saving caricature, of distortion, of perverse, wilful revisionism without which modern poetry as such could not exist. (Harold Bloom. The Anxiety of Influence. O.U.P., 1973, p. 30, emphasis added)
C'est le cas (le hasard fait bien les choses) de Samuel Beckett relisant frénétiquement Johnson, et peut-être bien de Samuel Butler se passionnant pour le poème satirique de son homonyme déjà lointain dans le temps.
00:50 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Littérature
vendredi, 27 avril 2007
Le Printemps l'Automne
Une petite pluie fine réveille les arômes de terreau enfouis sous la pelouse pelée.
Soudain le jour était devenu automnal (onze degrés au soleil, dix à l'ombre) ; les feuilles tombaient des arbres, flottaient, tournoyaient, effleuraient le sol, atterrissaient doucement tel un léger soupir... (D. Tabarovsky. L'expectative. Traduction de Nelly Lhermillier. Bourgois, pp. 55-6)
L'ombre des pétarades de mobylettes s'attarde dans la rue, aussi le soir.
12:40 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (36) | Tags : Littérature, Ligérienne
jeudi, 05 avril 2007
... qui saura entendre ...
Gaston-Paul Effa ne devait pas imaginer que Didier Daeninckx refourguerait à des vendeurs de livres d'occasion l'exemplaire gentiment dédicacé de Mâ.
"Souvenir de Lille" qui atterrit sur mes rayonnages...
13:00 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Littérature, Livres, Photographie
samedi, 24 mars 2007
Tap tap
Blasé, je chevauchais dans Bordeaux, mais mon visage, pâle à ronger son frein, à galoper le fer aux mâchoires, se dissolvait. Un cauchemar...
Je me mets à tirer ma valise par sa poignée latérale et le vacarme des roulettes sur le trottoir inégal me paraît propre à réveiller la rue entière mais les façades fuligineuses restent mortes. J’ai chaussé mes bottines à talons hauts pour le voyage. Elles émettent sur le béton ce type de claquements qui annonce le crime. Ce tap-tap si féminin, si tentant. J’avance aussi vite que je le peux, la poitrine oppressée. Mais, alors, le martèlement précipité de mes talons dénonce ma peur et, du coup, l’accentue. (Marie Ndiaye. Mon cœur à l’étroit. Paris : Gallimard, 2007, p. 191)
... de mort n'arrive jamais seul.
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lundi, 29 janvier 2007
Autres profils
Poulet lisant Proust lisant Joubert lisant la vertu ou l'aveuglement rend justice à cette idée même de justice littéraire qui n'est autre que vieille
Quand mes amis sont borgnes, je les regarde de profil. Je ne veux ni d'un esprit sans lumière, ni d'un esprit sans bandeau. Il faut savoir bravement s'aveugler pour le bonheur de la vie. (Joseph Joubert, Pensées etc., p. 85)
et terriblement dédorée reprend ses droits encore et toujours, sourd de la pile de livres ouverts, entassés, s'effondrant.
04:20 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Littérature
dimanche, 28 janvier 2007
O. Redon : Phaéton : G. Moreau
" Ce Phaéton est une conception pleine de hardiesse, qui a pour objet la représentation du chaos. L'a-t-on jamais imaginé de la sorte ? Je ne sais ; nulle part la représentation plastique de la fable n'a été formulée avec un tel accent de vérité. Il y a dans l'éclat de ces nuées, dans l'audacieuse divergence des lignes, dans l'âpreté et le mordant de ces couleurs vives, une grandeur, un émoi, et, en quelque sorte, un étonnement nouveau."
(Odilon Redon, 14 mai 1878. In À soi-même.
Paris : Corti, 2000, p. 65)
... à chaque page des écrits d'Odilon Redon, comme en ses noirs ou ses bouquets, des pépites, de quoi stimuler de longues heures durant la fabrique des rêveries...
16:38 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Art, Littérature
lundi, 08 janvier 2007
Hommage à l'épieu
Dans un tout autre contexte, oui...
C'est comme de passer devant une série de miroirs, et de constater qu'on ne s'y voit pas. (Renaud Camus, 7 janvier 1998, in Hommage au Carré, Fayard, p. 21)
Oh, la terreur qui saisit la pluie, les branches sèches mortes pour rien dans le viseur !
Tours, 7 janvier 2007.
17:37 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Photographie, Ligérienne, Littérature
mercredi, 06 décembre 2006
Largonji
Comme je me suis donné, ici, droit de citer... citons ! Quoi ? Eh bien, pourquoi pas la prose que l'on peut trouver dans le projet d'établissement d'un lycée tout à fait ordinaire...?
Le relevé sémantique des bulletins d'élèves redoublants a permis de constater que les appréciations portées n'apportaient que très insuffisamment voire pas du tout, les palliatifs de la rhétorique qu'elles caractérisaient. Ce qui peut être à l'origine d'un "effet Pygmalion" ou au mieux d'un désespoir dans les améliorations souhaitées.
Dont acte. (?)
P.S.: Je tiens à préciser que ce paragraphe n'a pas été rédigé par un professeur. Si j'en comprends la teneur (mais rien n'est moins sûr), il s'agit de réduire le fossé entre les élèves en difficulté et les enseignants. Ce qui est certain, c'est que le projet d'établissement n'est pas, semble-t-il, destiné à être lu par les parents d'élèves ou par les "élèves en difficulté".
10:20 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Langue française, Enseignement, Education
lundi, 27 novembre 2006
Hiatus musical
Qu'attends-tu, vil masque musicien, pour écrire quelques paragraphes sur la soirée de mardi soir, avec le big band, Guillaume Hazebrouck et le Voyage en Grande Garabagne ?
Mais, avec « Saül », il en va bien différemment ; à l'inverse de ce qui se passe pour « Esaü » (où le hiatus joue pleinement, renforcé par le coup de scie préalable du za), dans « Saül » – à cause, peut-être, du sa trop doux ? – le a-ü ne grince pas : il s’oblitère, s’oublie, se noie, entièrement résolu dans la limpidité de ul. (Michel Leiris. Biffures.)
Ce samedi, pour son anniversaire, on lui avait offert le tome II des Œuvres de Henri Michaux (avec justement la Garabagne et tout Ailleurs, entre autres) et le Pléiade (aussi) de La Règle du jeu. (Vendredi matin, d'un geste délicat, il décolle d'un mur, pour se l'approprier, l'affiche du spectacle désormais passé.)
00:45 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Littérature, Ligérienne
mercredi, 15 novembre 2006
Photographier les kakis, passe-temps de choix
On trouve de tout, dans les kakis, maintenant, et même des vers. (Grouillez-vous, quoi, merde.) Ma série de photographies, honteusement interrompue, reprend le fil de son bonneteau, mais à cette réserve près que je ne vole pas l'âme des fruits.
" Comme je me réjouissais à l'avance d'aller avec toi voler des poires, expédition qui manque de charme quand on l'entreprend en solitaire, alors qu'à deux, c'est un passe-temps de choix."
(Robert Walser. "Lettre d'un peintre à un poète". In Vie de poète. Traduction de Marion Graf.
Zoé, 2006, p. 12.)
Variations véreuses, peut-être, mais, à tout prendre, versifier autour des kakis est aussi l'apanage des haïkistes (dont il n'a encore été question qu'indirectement).
10:10 Publié dans Brille de mille yeux, Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Poésie, Photographie, Littérature
lundi, 13 novembre 2006
Pont des soupirs
Sans moi. Il n'est partout question que de Madame Bovary.
Who talks to saints. If they talk to Saints are they said to resemble Madame Bovary.
In talks to saints they are believed to be reminded of their times. The times when they were this. This and that and that and this and a bell and a bull. A bull and a bull. When they were this.
I planted I implanted in them a symbol of bees of bread of meat of figs of trees not of birds nor of cows nor of doors nor of rivers but of fountains and of water and of sheep and of size.
He sighs and she sighs.
Si je commence, si je ne me retiens pas, je vais tout recopier. Quand même, c'est. Talks to Saints Or Stories of Saint Remy. Comment c'est. Un texte (sublime, forcément sublime) de Gertrude Stein (Voice Lessons and Calligraphy 1915-1930. In Painted Lace and Other Pieces. NY : Books for Libraries Press, 1969, p. 108). Commencez quand même.
08:00 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Littérature
dimanche, 12 novembre 2006
Inachever jusqu'au bout
Question inachèvement, le projet même des Eglogues de Renaud Camus (dont le prochain volume doit paraître au printemps prochain) se pose là. Voici ce que je trouve ce matin même dans la cinquième des Elégies pour quelques-uns (intitulée "Préface. La Mort.") :
"Aux Eglogues, enfin, il manque toujours trois volumes. Or, j'aimerais inachever jusqu'au bout cette entreprise, et de préférence avant trop longtemps." (p. 46)
Quelques lignes plus bas :
"Et puis, pour se livrer à l'art des églogues, il faut avoir tordu le coup, sans esprit de retour, à tout désir d'expression, s'être désencombré du sens, n'avoir vraiment plus rien à dire. Je n'en suis pas encore, hélas, à ce degré-là de sagesse." (ibid.)
19:25 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature
samedi, 11 novembre 2006
Double entendre
Deux phrases que m'écrit ma grand-mère paternelle, qui vient de fêter ses 92 automnes :
Nous deux cela va piano piano bien sûr. Mais nous profitons au maximum de cette belle arrière-saison.
18:45 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0)