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dimanche, 31 décembre 2006

Ecaroh I et II

    La couverture est rouge vif, mais en gros plan sans macro elle a l’air fade de la chair des crevettes. (Je mange toujours la tête, les pattes, tout.) Faute de grives, on mange des merles, me lança le directeur. Et d’huîtres, des bulots. Lui répondis-je. Il faut dire que la mer moutonnait, se démontait jusqu’à former plaies et bosses, au bord des saignées pelucheuses. Une longue pirogue verte se démenait, mais c’était déjà un récit tragique. Tout ça pour une photo, me tança, toisa, tourmenta le directeur.

Enchaudirmi

    Je viens de ruiner mes rêves, à extirper de force, comme un écoulement de pus, ces quelques textes – quatre – qui, pareils à des visages spectraux, lignes de force ou de couleurs envahissant la page à l’aquarelle, ont tracé des forêts (par les champignons), des cinémas intimes (par ma triste bobine), des ruptures (par l’apparition du faux Isidore), des lits défaits (par la chair des crevettes), des mythologies (par Pandore).

Saint Sylvestre

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    Voici peut-être Saint Sylvestre. Il a connu des marchands d’or, et de viles carabistouilles.

Voici peut-être Saint Sylvestre. Dans les forêts, livré aux ruées des sangliers et des ruades des cerfs, il s’est nourri d’épreintes et, veule, s’est épris d’une vouivre.

Voici peut-être Saint Sylvestre. Des fleurs comme des anémones lui disent de voyager plus loin. Il s’est perdu dans les marécages. On a bu avec lui d’affreux breuvages.

Un jour, en pleurant des larmes de feu, il a dit, à l’année 2006, un long adieu lumineux.

Instantané, 30 décembre vers midi

    Le gros pavé était posé sur la Kangoo de Marie-Josèphe. Six pages du pavé lues, une bergeronnette grise aux aguets. Elle sautille avec nervosité, sans se prendre aux lignes de l’échiquier. Mon manteau tenait le haut de la plage.

14:00 Publié dans Aujourd'hier | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : écriture

V

    Dans une fabrique d’édredons. Vêtu de rouge, avec le ciel vêtu de bleu et, dans la boîte grise, les missives vêtues de blanc, la neige vêtue de vert, elle qui laisse voir, vêtue, revêtue, foutue et refoutue encore et encore, des tiges qui s’échappent encore et encore, vêtu de rouge je vois ces signes d’une grande âpreté, tandis que je m’interroge, et qu’encore et encore les aigrettes suivent les lignes du champ ponctué d’autant de tiges, encore et encore vêtu de rouge je suis du doigt la ligne de l’horizon vêtu de bleu, dans une fabrique d’édredons où, ligne à ligne vêtue de noir, je persiste à écorcher le clavier et à écrire frabrique, comme si l’arbre dévêtu de son vert, l’orbe de ce monde dénudé, rien ne me voyait vêtu de rouge, arbre émondé, silhouette étêtée et Gascon entêté à observer entre les silos la progression des aigrettes vêtues de blanc. Têtu toujours dans la fabrique. D’un trio sûr suivant son piano vêtu de noir, Ran danse The Saint Vitus Dance.

12:12 Publié dans 721 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Littérature, Jazz, écriture

jeudi, 28 décembre 2006

« Images plus en dentelle »

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    Il se fait des cheveux. Il épile les secondes, égrène les minutes, et rien, dans le sablier, ne donne la moindre épaisseur à sa peau, qui desquame, part en flocons ténébreux. Mieux vaut – quitte à devoir apprendre à s’endormir – le drap du désespoir. Des requins, des orques gisent, curieusement, dans le fond de la barque. Images plus en dentelle.

mardi, 26 décembre 2006

Battants bantous

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    Bonjour, c'est pour un sapin. Je voulais savoir si vous comptiez faire de vieux os. Mais si, enfin, même les lapins se décalcifient...

(On m'a fermé la porte au nez.)

lundi, 25 décembre 2006

Virer au violoncelle, version 1089/1295

    [En reproduisant le texte manuscrit, je n’ai changé que trois mots : figure, immense, basse. J’ajoutai inaccessible, ôtai un et qui prêtait à contresens.]

Le cerisier nu figure une colonie incessamment remuante de passereaux. Un chat de gouttière, fort repu et pas sauvage, a guetté près des thuyas. Allongé, écoutant Alter ego d’Artem Vassiliev, je me vois gravir une montagne immense. M’imagine sur les pentes, les yeux rivés sur les détails des herbages, que le vent m’apporte. Dans cette rêverie douloureuse, j’essaie de me concentrer sur certains noms communs tels que marc, martingale, girolle et solstice.

[J’hésite à ajouter des points de suspension entre ces deux paragraphes. Combien ?]

Comme, pour me tirer de ma torpeur, je mangeais une clémentine, debout dans la cuisine, j’aperçus le chat qui, tout en me fixant de ses yeux jaunes, était occupé à manger sous la table basse orange. Pas de plume, ni de trace d’un quelconque combat. Après s’être purgé avec une longue tige gelée et avoir observé un merle inaccessible, il s’en alla nonchalamment vers le fond du jardin.

[Alter ego est une pièce très contemporaine pour violoncelle soliste. Elle n’a rien d’apaisant, ni qui incite à la paresse. Le chat, d’un magnifique gris uniforme, ne s’était jamais montré auparavant dans ce jardin.]

21:55 Publié dans 1295 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature, écriture

Long arroi. D'aimer.

    Long arroi. D'aimer.

Revient de jeu commencé et... que romance aussi tue leurs hauts peignes, Oise à se mettre à cran.

S'arrêter.

                                                                         Absence d'abandon, jours roux, efforts pour s'attacher, ou pour croupir sac sur la craie, pour se détruire, dorant ces hères peu mis. Aucun respect pour la Bible en sang du Golgotha. 

Express de 6 h 41

    Un café, pour se dégager. Se déprendre, mais de quoi, je vous le demande. Cela fait bientôt une semaine que je suis grabataire, dans un sens qui n’a rien de métonymique, ni, donc, de conventionnel. (J’en mettais trois n à conventionnel. Maintenant les doigts me manquent.) Dans le vieux lit défoncé du rez-de-chaussée, à même le matelas, sous une couette repliée en deux, le reste de la couche occupé non par l’âme sœur mais par tout un fatras (livres en cours, autre paire de lunettes, les deux volumes de la thèse – tout récemment soutenue & passionnante, foisonnante – de G.C.), ainsi ai-je, encore cette nuit, (peu) dormi.

Depuis deux jours, ayant enfin trouvé le temps de me plonger dans le tome II de ses Œuvres, je découvre des textes superbes de Michaux, comme les Quatre cents hommes en croix, un texte non conservé dans l’édition finale d’ Ici Poddema (page 139 dans le Pléiade), ou encore « Arriver à se réveiller » (Passages). OUI, PENDANT CE TEMPS, PYNCHON PIÉTINE.

Longue haleine, lecture.

dimanche, 24 décembre 2006

Rub(r)ik's Kubb

    Ce matin, je reçus un coup de téléphone d’un éditeur, à qui j’avais envoyé un tapuscrit en septembre, et qui m’avait écrit, sans tarder, une lettre de refus pleine d’humour bienveillant et de remarques globalement justes. À l’époque, j’avais songé à reproduire dans ces carnets-ci plusieurs passages de cette lettre et à les commenter. Puis j’étais passé à d’autres fritures.

Or, ce matin, l’éditeur ne se rappelait plus s’il m’avait écrit ou non. Il venait de relire le manuscrit, fort bref, et trouvait surprenant de ne pas avoir coché mon nom, car, d’ordinaire, il indique toujours l’envoi d’une lettre de refus, à titre de pense-bête. Ce petit quiproquo fut l’occasion d’une brève conversation, très chaleureuse. Il m’a redit qu’il trouvait certains textes « vraiment très bien » et qu’il ne fallait pas que j’hésite à lui envoyer de nouveaux essais de ma main.

Les lecteurs les plus fidèles de ces carnets connaissent déjà les textes en question, puisque ce sont ceux qui composent la rubrique 59. J’avais donné, pour titre de mon tapuscrit, J’allaite le nouveau Kant.

Peu après cette conversation, relisant – afin de le publier dans la nouvelle rubrique Aujourd’hier – un petit texte écrit hier, je vérifiai, machinalement, le nombre de mots grâce à l’outil de statistiques de Word : cinquante-neuf mots. Il fallait célébrer cette coïncidence bouffonne en créant aussitôt une nouvelle catégorie, sœur de la précédente, et, de ce fait, baptisée J’allaite le nouveau Kant, II.

(Et, en trichant à peine, je pourrai publier celui-ci dans 1295 !)

15:45 Publié dans 1295 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature, écriture

Même un poème...

    Même un poème peine à poindre. C’est la pointe au cœur, souffle court, comme glisse dans l’herbe un serpent, comme grimpe à la rampe d’escalier la mante religieuse. Pointer le bout du nez, oui, mais aussi sentir cette pointe vous déchirer le thorax – autant se laisser emporter par une secte. C’est trop de douleur, vraiment, même pour un poème.

mardi, 12 décembre 2006

Esprit, es-tu là ?

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Celle-là, lança la rue, on me l'a déjà faite. Vous passez tous par Truyes, vous les beaux esprits... Répartie qui elle-même ne manque pas de sel.

.......

 

(Le jeune fils d'une collègue ne s'appelle-t-il pas Guérande ?) Si, il chante déjà des antiennes viriles.

samedi, 09 décembre 2006

Journées parisiennes, 5 : Dépôt d'ordures interdit

1er décembre. 19 h 40. Dans le train.

    Hier soir, j’étais trop fatigué pour écrire dans ces carnets, et même pour lire. Ce matin, j’ai bénéficié d’une connexion sans fil inattendue, dont j’ai profité pour purger ma boîte à lettres électronique de ses 276 spams, et lire les 22 messages sérieux qui s’y étaient accumulés. Ce soir, j’écris enfin ici, mais je suis profondément déprimé. Est-ce le rythme affreux et bruyant des journées à Paris ? Est-ce la vacuité de certains ateliers, qui m’a agacé ? Est-ce l’enthousiasme et l’hyperactivité de certains chercheurs rencontrés, dont la profondeur des recherches me renvoie, admiratif et peiné, à la vacuité des miennes ? medium_Dimanche_3_decembre_2006_115.jpgEst-ce de ne pas être allé faire un tour dans Paris, pourquoi pas au musée du quai Branly, et d’avoir préféré rester boire, jusqu’à la lie, le calice de ces journées fortes et frustrantes ? Est-ce le soir qui tombait sur le Jardin des plantes et surtout sur les sculptures devant la Galerie de paléontologie, qui m’a rappelé mars dernier (pointe de nostalgie) ? Est-ce le passage par l’échangeur arachnéen de Châtelet, qui m’a rappelé mes trois années de commuting entre Beauvais et Nanterre ? Est-ce de ne plus pouvoir traîner cette carcasse inutile ? Il vaut mieux que je cesse de poser ces questions, de crainte d’être tenté d’y répondre. Le train va démarrer, et, si la lumière veut bien revenir parmi nous, je me saisirai de Wizard of the Crow, histoire de noyer dans la beauté narrative ce spleen plus ridicule que malin.

vendredi, 08 décembre 2006

Journées parisiennes, 4

30 novembre. 7 h 15.

    Rue des Tanneries, toujours. Je ferais bien de boire mon thé fissa, et de partir en quête de l’arrêt Tolbiac-Glacière du bus 62 (qui doit me conduire directement du côté de la Chapelle)… plutôt que d’écrire ici ce que je dois faire ! medium_Paris_024.jpgMal dormi, ou pas assez, recroquevillé sur le petit canapé. Comme je ne voulais pas me surcharger de bagages, je n’ai fait suivre qu’un « sac à viande », ayant aussi la flemme de défaire le lit, où sont les draps de mon hôte, pour en mettre d’autres.

(C’était prétend que l’expression « sac à viande » est propre à ma famille, ou, dans tous les cas, à un nombre très restreint de gens. Il faudra que je vérifie.)

Allons, en route pour la Chapelle !

19:19 Publié dans 721 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : Photographie, écriture

lundi, 04 décembre 2006

Seul dans l'univers

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    A : Tiens, un point vert à côté de ton nom !

10:53 B : Ouais, encore là.
 A : Au travail ?
 B : Oui. Enfin, à Paris, hein.
10:54 A : De mon côté, je règle quelques affaires courantes avant de partir deux jours à Paris.
 B : Recherche ?
10:55 A : Je participe (tiens-toi bien, tu vas rire) à une des 60 tables rondes du Réseau Thématique Prioritaire (whatever that means) "Etudes Africaines", au C.N.R.S..
10:56 B : s'il y a 60 tables rondes, ça veut dire qu'il y a au moins 120 personnes ? Espérons...
 A : En fait, environ cinq chercheurs par table ronde. Tu vois le tableau. (Mais ça commence aujourd'hui. Là, je garde mon fils, comme tous les mercredi matins.)
10:58 B : Ok. Un jeune fils est parfois une affaire qui court, en effet. (Désolé, je suis fatigué.)
10:59 A : En l'occurrence, il passe généralement ses matinées sur le canapé, à se lire ses livres puis à courir en long et en large en s'inventant des histoires de chevaliers ou de Romains. Ce matin, nous avons installé le sapin de Noël (avec une semaine d'avance, je sais).
11:00 Bon, enfin, si tu travailles, je ne vais pas te distraire plus avant, surtout avec mes histoires de guirlandes. (Purcell, The Fairy Queen : calme écoute derrière les vitres chauffées de soleil, direct sur la nuuuuuque !)
11:01 Bonne journée !
11:03 B : Désolé, j'ai dû m'éloigner quelques instants. Mais en effet, je vais continuer à bosser, bonne écoute et bonne journée...

jeudi, 30 novembre 2006

7ème manche

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    Vers la collerette volage – vers les volutes – vers les jambages squelettiques de la signature vont les regards. Il faudrait des mots de neuf lettres commençant par a et finissant par i mais ils sont rares. Le carmin des lèvres prend de court les griffures bleues. Abasourdi, un horloger regarde ce mécanisme inhabituel en interrogeant la courbe bleue du fond. Ni alangui, ni attiédi, ni affadi ne conviennent ; ni asservi, ni aluni, ni attendri ne font l’affaire. Un bois de lit ? Pablo Picasso avait une idée derrière la tête, avec son nom d’alexandrin dans Grenade détruite, avec sa patte d’escogriffe dans Syracuse en ruines. Cherche du côté de Zanzibar. De petites mouches vertes, graciles comme des fêlures, naissent sur les franges, puis volent se poser ailleurs dans la pièce, hors champ, à l’envers du décor, où convergent aussi les pas de plusieurs touristes allemands venus, de toute leur solide vertu, admirer les merveilles du Met. La perruque de limaille s’échappe enfin aimantée. A(l)guer(t)ri.

mercredi, 29 novembre 2006

6ème manche

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    On change de registre, avec cette forme caricaturale, où ce qui ressort, ce sont ces dents éparses, effrayantes, et ces regards lancés torves comme des cocards, sans brandir d’oriflammes – il n’en est nul besoin, à la vue aussi de ce nez difforme, un rien testiculaire, et de ces cheveux filasses – dans la galerie des portraits. Ce qui me frappe, moi, c’est qu’elle est en chemise de nuit, cette « femme masculine » dont la boutonnière, à peine devinée, a tout de la chenille. Ça y est, je bricole des textes de 1009 signes presque comme qui rigole. Roger Bobley, le croqueur de la dame adamantine, est un petit éditeur américain reconverti depuis peu dans le cinéma d’auteur (Marvelous Margaretville). Appelons cette « dame masculine », si disproportionnée et presque défigurée, Margaret. C’est à peine si j’ai besoin de vérifier le nombre de signes, à la fin (et de rectifier, dans la marge). Elle nous scrute, nous adresse des reproches même pas muets, avec, pour motifs d’aigreur, les traces sur sa peau.

mardi, 28 novembre 2006

5ème manche

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    Manches de telle ampleur, une étole à tout le moins ! Toujours sur le motif remettre votre ouvrage. Le pinceau en pince pour le décolleté, ce qui ne va pas sans maraudage ni braconnage. Il fut décidé d’intercaler à triple intervalle. On se braque toujours sur les compotiers, mais les vertes voltes d’une danseuse au repos, ce n’est pas rien tout de même. Que regarde-t-elle, d’ailleurs, de ces curieux orbites creux ? Cherche-t-elle à se rappeler quelque vers égaré de son passé d’actrice ? Si j’écoute Even the Sounds Shine, cette composition stupéfiante de Myra Melford, jouée avec son Extended Ensemble, je ne peux pas me mettre à la place d’un modèle de Matisse, si ? Le mur n’est pas plus vert que le pli de mon bras. Le nom de Matisse semble avoir été inventé pour se prêter aux plus subtils jeux de mots, aux détours par les formes et les matières. La danseuse regarde une toile du peintre, tiens. Vous êtes dans le puits ; passez deux tours. Orbites émotifs : la vérité en a mis, du temps à remonter.

lundi, 27 novembre 2006

4ème manche

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    Échappée d’un tourbillon orageux, la vigoureuse jeune femme – une violoniste – a tout du fantôme. Je m’étends ce dimanche dans la prairie. Dans le silence du concert, son long collier de perles rouges lui fait comme un foulard qui laisse entendre, aux quelques romantiques attentifs et alcooliques hallucinés que ne manque pas de compter la salle, le tumulte de la mer. Cinq jours ont passé, peut-être, depuis ma dernière excursion. Vous voyez comme sa chevelure immense se mêle aux fumerolles noires des bougies pour former de lourds nuages, de sorte que, patiemment, les buveurs de vin se munissent de chasse-mouches. Retrouvons-nous sur le pré, avec moi-même pour un duel. Cette ombre portée est l’épouse de l’artiste, échappée à quels cauchemars, quelles insomnies d’artiste maudit. L’autre tire un coup sec, dont la déflagration m’arrache les oreilles. Entre deux séances de pose, elle joue de la guitare. Je tire une bouffée de ma gitane, et je laisse le spectre crever de trouille. Déjà l’orage gronde.

vendredi, 24 novembre 2006

3ème manche

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    Ah, vous comprenez ce que cela signifie, hein, maintenant, le blond vénitien ? Comme le soleil disparaissait, je sirotais ma mug de Rembeng en pensant à Rembrandt. Le Vénitien Bartolomeo Montagna n’est pas aussi célèbre qu’Andrea Mantegna, mais ce n’est pas une raison pour les confondre. Champagne ! Sainte Justine de Padoue est ravissante, avec ses mèches, son nez volontaire et sa gracile main de vieille. Comme le soleil disparaissait derrière le toit de la maison d’en face, j’écoutais la “Symphonie” qui se situe juste au milieu de The Fairy Queen, séparant les 29 airs qui constituent les préludes et les actes I à III des 29 qui forment les actes IV et V. Son habit est riche, sa coiffure soignée, comme à la parade. Mes mains forment le nom de Purcell. Pourquoi est-elle toujours représentée avec une plume ? Une auréole de soleil se pose toujours sur ma joue. Broches, bijoux précieux, brocarts, tous ces brimborions n’arrivent pas à la cheville – si j’ose dire – de vos boucles et de vos blessures.

jeudi, 23 novembre 2006

De l'eau dans le zag

    La cause est entendue : je ne joue d'aucun instrument, je suis d'une rare incompétence en matière de musique, etc. Seuls mes goûts vont en s'affinant chaque jour davantage. Je me décrirais plus volontiers, déjà, comme un professionnel de l'écriture... depuis le temps que je fais mes gammes, dans des styles divers, sur des supports variés...!

Bref, ce préambule maladroit n'annonce rien de terriblement meilleur. Il s'agit de fixer la trace d'un vieux projet. Amateur de jazz, un de mes centres d'intérêt consiste à dénicher des formations dans lesquelles le trombone joue un rôle essentiel, et donc à me pencher sur les trombonistes (leaders ou non), sur la part active des trombones dans certains standards plus célèbres pour les interventions du pianiste, du saxophoniste, que sais-je...

Qu'il y ait d'excellents trombonistes de jazz, et réputés, ce n'est pas un scoop : J.J. Johnson, Steve Turre, Glenn Ferris, et j'en passe... Quand, à la salle Ockeghem, à Tours, au printemps 2004, j'eus (enfin) l'occasion d'entendre et de voir en direct l'ICP Orchestra, je fus impressionné par la carrure, la stature de Wolter Wierbos, qui est quasiment inconnu, même dans le domaine du jazz d'avant-garde.

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Si j'avais eu quelque ouverture dans les radios locales de ma ville, j'aurais pu proposer, à titre complètement bénévole, d'animer une émission consacrée au jazz, et il me serait certainement venu en tête de proposer, en trois ou quatre heures, un parcours autour du trombone. À défaut, je vais me contenter, une fois encore, de tout déverser dans ces carnets.

2ème manche

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    Tant que le soleil cogne contre les vitres, il fera bien bon ici. Que d’élégance dans cette scène de promenade ! Cela me fait cligner, mais l’avarice n’a pas de bornes. August Macke n’est pas mon préféré, parmi les peintres expressionnistes allemands, mais je dois lui reconnaître, ici, un génie certain de la composition. Aujourd’hui encore mardi. Ce qui retient mon œil, once all is said and done, ce n’est pas la dame filiforme, le squelette délicat recouvert d’une élégante veste d’un vert plus soutenu que celui des frondaisons. Revenue la saison du fenouil. Ce qui retient mon œil, c’est l’habit clair de la dame de droite, et plus encore, les cabanons (maisons ?) au fond. L’ od eur du chou vert ne s’est pas incrustée dans la demeure. Ces cubes. Pas contre les vitres –par les vitres le soleil vient déplier les phrases que mes doigts retenaient prisonnières. Ces cubes répondent à l’impression de solitude ou d’enfermement, d’autisme peut-être, qui se dégage de la dame en vert (de quoi prisonnière ?).

mercredi, 22 novembre 2006

Comme / s’installer à Pornic

    Quand les jours devenaient plus longs, y avait d’l’ombre qu’en dessous du pont.

De la plage des Sablons, on aperçoit, par temps clair, l’île de Noirmoutier. Il paraît aussi que, du phare situé sur la Pointe de St Gildas, on peut observer le phare de Noirmoutier. Cela, ce sont plutôt des on dit, dirais-je. Toutefois, je ne peux avoir, à ce propos, aucune certitude. Tout juste si je me contente, et déjà ce n’est pas mal, de me prélasser souvent sur la plage des Sablons, avec Séverine, que je passe chercher, avec mon Amy 8 déglinguée, chez elle à Chauvé, un trou que c’en est pas permis, un trou à se jeter dans le canal de Haute Perche, les soirs de mélancolie.

Entre Chauvé et Pornic, on se pelote dans la bagnole. Parfois, au premier feu rouge, juste après La Bourrelière, on se roule une bonne gamelle. Séverine ne pense pas à s’installer avec moi, mais c’est dommage. Comme elle adore les promenades à vélo (et si je voulais être tout à fait exact, je devrais préciser qu’elle participe à des courses cyclistes où je vais l’encourager et l’applaudir, car elle ne s’en sort pas mal), nous avons, un jour, roulé de Pornic à la Pointe de St Gildas, puis jusqu’à Bourgneuf en passant par Préfailles, Sainte-Marie et La Bernerie. Sur le chemin du retour, j’avais les pattes cassées. Séverine, elle, cavalait loin devant, non sans me dire, quand elle revenait à ma hauteur, qu’elle n’était pas pressée, qu’elle roulait lentement pour ne pas me stresser.

J’en ai eu ma claque, j’ai bu un jus à Arthon. C’est ridicule, m’a lancé Séverine, il reste quatre bornes juste. N’empêche que même avec le jus, à Chauvé, allongé dans son lit, j’étais vidé. Le vélo, très peu pour moi. Cela ne nous dit pas si, du phare de Saint Gildas, on voit Noirmoutier par temps clair, oui ou merde.

Auréolés

    Ce sont toujours des matinées belles et mitigées, quand je me trouve à feuilletter le tome I de Henri Michaux dans la Pléiade, le Voyage en Grande Garabagne (en collection NRF "Poésie") et mon tome des poèmes de Wordsworth. (Ce pourraient être d'autres livres ; ceux-ci, ce matin, pèsent de toute leur légèreté.)

Mon intérêt va croissant, non pour les coïncidences, mais pour le démon de l'analogie, tel qu'il s'exprime dans les rencontres de la vie quotidienne mais aussi dans l'écriture de ces carnets. Ainsi, des deux commentaires écrits un peu à la va-vite sur le blog de Simon, l'un portait sur sa question quant aux titres que je lui avais suggérés (facétieusement) pour sa composition et l'autre répondait à son billet Hic inconsidéré. Dans le premier, j'évoque la guitare acoustique de Pat Metheny, en solo dans l'album One Quiet Night. Dans l'autre, je cite (de mémoire) un dialogue du Goût des autres (relatif aux gaffes et aux "pédés"). Or, je me rappelle à présent que l'une des musiques employées par Bacri et Jaoui dans leur film n'est autre qu'une composition du Pat Metheny Group, "Au Lait" (album Offramp, que je possède).

(Il se trouve aussi que je préfère, sur ce même album, "Are You Going with Me?" mais c'est une autre affaire.) D'après iTunes, la dernière fois que j'ai écouté One Quiet Night était le 2 juin dernier.

lundi, 20 novembre 2006

Parenthèses (Vitraux, version 1089/1295)

    vrai dire, je ne comprends pas comment un texte long de 105 mots peut ne compter que cent espaces. Ce sont peut-être les parenthèses qui jouent des tours, mais dans tous les cas, le projet consiste à faire confiance au dénombreur de Word, ce qui est certainement une erreur d’un point de vue statistique, mais permet une grande souplesse d’écriture tout en maintenant la rigueur des contraintes arithmétiques. Si faussée fût-elle, une norme savait toujours servir d’étalon. (Un ami s’étonne ici du recours à l’imparfait. On n’est pas mort que je sache. (D’autres s’impatientent, justement et à juste titre, de ces parenthèses. Le texte – comme on le dit d’un spectacle – va-t-il enfin commencer ?)))

 

J’y repense, on entrevoyait sur la première photo, à travers les vitraux teintés, les ombres fastueuses de la collégiale Saint-Ours.

Le roi s’en bat l’œil, pensez.

(Qu’on tire au corbeau du rêve des chants qui eussent pu illuminer la nuit, c’est très surprenant.)

Questionnez donc les freux, qu’ils avouent ce qu’ils faisaient dans ce champ de ruines (de mines). Ils s’envolent en lourds nuages célestes, plumes qui donnent l’image, finement ciselée, de l’artiste croquant ses crayons avant de les tailler, encore et encore.

L’un d’entre eux freux m’assène qu’il fut un temps où j’étais souverain.

14:00 Publié dans 1295 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature, Ecriture

Freux (Vitraux, version 409/490)

    Au cours de la semaine dernière je n’ai écrit que vingt-deux textes dont beaucoup tout à fait mauvais ou pas au sommet de mon œuvre.

Le roi s’en bat fatalement l’œil.

(Qu’on tire au cordeau des phrases qui eussent pu s’extirper au forceps, cela me surprendra toujours.)

Parlez donc aux freux, qu’ils avouent un peu ce qu’ils faisaient dans ce pré si tendre (un rêve). Ils s’envolent en noirs nuages, ces jolis plumis qui me ramènent tant d’années en arrière, quand j’étais encore le souverain.

samedi, 18 novembre 2006

Frauenliebe & Pink pulp, op. 2575/42

    Bien sûr que, techniquement, tu n'y peux rien, si l'hébergeur du site, depuis quelques jours, provoque des conflits de programme avec la plupart des navigateurs. Mieux vaut songer aux longues galopades gaies, aux franches chevauchées dans les vergers lourds de kakis encore jaunes.

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Well, you haven't written to me, not one word, not one post card, so perhaps Sissigt. is blotted out - the Tower fell, crushing the daughter of the Sackvilles to pink pulp - a very fitting end for a woman who forgets old but humble, humble but old, friends.

(V. Woolf à Vita Sackville-West.

Lettre n° 2575. In The Sickle Side of the Moon)

 

 

En effet, même si des notes continuent d'être publiées chaque jour, nombreux sont ceux qui, me disent-ils, ne voient apparaître, en haut de page, que des notes déjà anciennes. Qu'y puis-je ? Bien sûr que tu n'y peux rien.

Il y aurait aussi, somewhere around here, le récit de cette violente épiphanie, vers dix heures du matin, hier, pendant un cours particulièrement inspiré (ce n'est pas si fréquent), puisque j'ai trouvé, soudain (mais après des années de mûrissement, car le poème étudié à cet instant précis est un texte dont j'ai déjà proposé l'étude à trois reprises au cours de ma carrière universitaire), une optique de recherche qui me permet de croiser des questions très diverses et qui me tiennent à coeur : le sujet lyrique, la signification visuelle de la typographie, la réappropriation des mythes. Tout cela se subsumera (devrait se subsumer) dans la notion de mutation.

(Tandis que je jette ces quelques phrases brouillonnes dans ces carnets, j'écoute Catherine Dubosc chanter Frauenliebe und Leben, de Schumann, le cycle de lieder emprunté à des poèmes d'Adalbert von Chamisso. J. Clare est-il le double anamorphique de W. Blake ?)