mercredi, 06 juin 2007
Splitting hairs
Que l'orangé au jaune aussi se mêle, une fois pour toutes, sur le port désarmé, pas délabré mais où les ombres des bateaux se perdent, noires ou fuligineuses, sous un ciel à la façon des fruits, à la semblance des soirées silencieuses, sous des cieux couleur de neige sang, dans le grand vacuum farouche et fringant de ces harmonies célestes, alors que, d'une manière ou d'une autre, le rouge, lui aussi farouche, n'était là que par intermittence, par impressions, clignements d'yeux impromptus, à se perdre dans le bleu-vert, l'eau glauque admirablement métallique où, une dernière fois, les silhouettes crépusculaires des bateaux de plaisance nous invitaient pour une partie de campagne, la nuit sous les étoiles.
Copyright de l'image : Emasplit.
Text by MuMM, as usual.
07:34 Publié dans 721 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Poésie, écriture
lundi, 04 juin 2007
Mutinerie
Dans le désert
des mots rapaces
à perdre les trèfles bienheureux du carré de verdure
Dans le silence
elle ténèbre
à se pendre aux branches flétries de la rancune
Les dents se ferment
à l'horizon des viandes
à tout prendre
comme s'il pleuvait des morsures
Dans les registres
ces fumées noires
à peindre des prés verts, avec leurs trèfles bienheureux.
10:01 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Poésie
Ri/en
3 juin 2007.
Vingt ans déjà : dans un hôtel de Delphes,
avoir souri de rien, ri de si peu,
être passé près d’un nuage.
Alors, les récits noirs de Jeremias Gotthelf
je n’en savais pas même le nom.
Pourtant, la tendre araignée blanche de l’espoir
m’accompagnait déjà.
Stridences, mélodies : Even The Sounds Shine :
tout un projet baudelairien
qui se dissout dans la fumée
avec Hölderlin (Brot und Wein)
oh, et tant d’années au bagne.
Au port où l’âme s’est arrimée,
dans un hôtel, avoir souri de rien.
04:00 Publié dans Sonnets de juin et d'après | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : Poésie
dimanche, 03 juin 2007
Un cri dans la nuit
Un cri dans la nuit.
Un cri dans la nuit qui
ne déchire rien, pas
même la page où j'écris
Il est midi, ou à peine plus :
ce n'est pas la nuit
ce gouffre à froussards entre
stupre et hurlements.
Un cri dans la nuit : dans mon antre
aux pierreries
et même aux pierres
on ne demande rien.
(Peut-être la main de la nixe,
qu'elle vous tend,
mine de rien. (À peine
un filet de voix.))
13:07 Publié dans Odelettes d'été | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Poésie
jeudi, 31 mai 2007
Été étrusque
Mon âme éraillée criaille. C’est l’été étrusque, criblé de nuages. Errance chrétienne parmi ces hères crevés : du bout du talon, je leur donne trente coups de pied. Pitié !
09:22 Publié dans Sonnets de février et d'après | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : Poésie, Sonnet
lundi, 28 mai 2007
Bal des ardents
Emmenez au bal des ardents
Cette fière amazone qui
Dansait le branle au trot requis
À en braver tous les croquis
Menez-la au bal des ardents
Dans cette folle sarabande
Au bal frivole dont le feu
Pousse au plus tendre des aveux
Moines hâves, seigneurs grincheux
Que les filets encor se tendent
Dans cette folle sarabande
Que du silex blanc de vos dents
Vous me souriez j’en suis aise
Et m’enfonçant dans la fournaise
Ça fond tels des barreaux de chaise
Oui j’emmène au bal des ardents
Le soleil silex de vos dents
Mômeries du bal des ardents
Les moines du péché se gardent
Les dames de leurs yeux me dardent
Et nos ribambelles se fardent
Du soleil violent de vos dents
Menez-moi au bal des ardents !
14:50 Publié dans Odelettes d'été | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : Poésie
vendredi, 18 mai 2007
Béats
Ce fer est de la glaire
c'est comme la suie de la montre et l'air de la croix.
Il lave la tonte, les étoles taisent
une autre glèbe, l'air et le four de Dieu
qui moquent l'ennui :
nuire.
[Verdier 2002.23]
08:49 Publié dans Xénides | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Poésie, écriture
jeudi, 17 mai 2007
Maraude
Dans le miroir où tout s'effondre
Où tu te regardes pleurer
Le fleuve est noir l'orage gronde
Et ton monde se perd dans l'onde
Yeux ô renards désemparés
Dans le miroir où tout s'effondre
Le fleuve est glauque l'heure tourne
À ces instants chatironnés
Recuits à l'encre qui n'entoure
Au grand jamais rose ni foudre
Même tes pleurs sont erronés
L'heure à l'horloge glauque tourne
23:55 Publié dans Odelettes d'été | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Poésie
mercredi, 16 mai 2007
Prête-nom (Carbone 14)
Quoi qu’il advienne, il se tient coi. Rien ne le rebute, de ce monde de tertres où même les plumes d’Indien sont allergéniques. Ni la fouine, ni le putois, ni la belette, ni l’hermine ni même le glouton ne sauront dénicher les œufs de l’écureuil. Ça coûte la peau du cul, oui ! Toi, avec tes sorties violentes, tu me coupes le sifflet. Le médecin tira du coffre de sa voiture une trousse de premiers secours. Cela fait une éternité, des lustres vraiment, que nous n’avons pas vu Vincent. Quoi qu’il advienne, il s’obstine à regarder le problème sous toutes ses facettes. Il pleut des orangeades. Au zoo de Beauval, nous les avons admirés sous toutes leurs coutures, et eux nous ont renvoyé des mimiques multiples, comme à travers un miroir. À bien y réfléchir, Thomas non plus n’est pas venu nous rendre visite depuis des mois. Quoi qu’il advienne, son père se montre très sévère avec lui : ceci explique peut-être cela.
10:20 Publié dans Dimanche pleurera | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Poésie, écriture
mardi, 15 mai 2007
Mardi pleuvra
Florine Pré a gribouillé plusieurs pages de Rimbaud le fils. À chaque fois qu'il regardait le P.M.U., c'était la même chose, il devenait comme fou. Vous lui avez tendu votre carte vitale, et alors la carte d'électeur est tombée au sol et s'est perdue dans l'épaisse moquette berbère. Tout de même, un chien à trois têtes, ça se remarque, et un berger sur échasses, avec une sorte de blouson américain et des yeux ouverts multicolores dessinés partout dans le dos, je te dis pas. Quand l'avocette s'envola, nous étions déjà endormis. J'en demande pardon par avance à Jésus... La part paisible de mon existence a cessé d'être, ce jour-là.
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Le texte ci-dessus est le treizième de la série Dimanche pleurera, qui, contrairement à la plupart des "rubriques" de ces carnets, n'est pas restreinte a priori dans le nombre de textes éventuels.
De plus en plus souvent, quand j'écris les textes qui composent Dimanche pleurera (dont je m'étonne d'ailleurs qu'il y en ait aussi peu), je me dis que chaque embranchement laisse de côté des dizaines d'embranchements parallèles et qu'il faudrait, idéalement, reprendre chacun de ces textes et les creuser, les enrichir, suivre d'autres pistes, plus intéressantes. Le principe structurant, qui est celui des kyrielles, a fini par déboucher sur une étonnante uniformité. Nécessité de faire "exploser" tout cela !
Ainsi, ici, en tirant sur l'un des bouts de ficelle de la première phrase, le texte a ouvert la voie P.M.U.. Mais il y avait sans doute d'autres pistes à défricher : Gribouille, Florine, Rimbaud, pages...
16:27 Publié dans Dimanche pleurera | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Fiction, écriture, Poésie
L'Aigle blanc
L'Aigle écartelé sur l'écusson écarquille
Admirables ses yeux Sur tout
il pose le regard
généreux des ambassadeurs
libres de royauté ou tyrannie Qu'importe, il
entre en majesté dans le ciel comme une salle
baignée de lumière où
l'aigle écartelé sur l'écusson écarquille
admirables ses yeux Sur tout
ne plane-t-il, la proie de son regard,
comme un doute farouche à rougir les blasons ?
10:00 Publié dans Zézayant au zénith | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Poésie, Héraldique, Intime
lundi, 14 mai 2007
Dieu seul me voit
Le bleu de Prusse, comme le bleu roi, colle aux nuages et désempare le moujik. Ce sont de ces chats blancs que le Ciel nous envoie ! Nageant dans le pétrole, il vit un émir. Qui a dit que l'oxymore était devenu le pont-aux-ânes de la critique littéraire estudiantine ? (En même temps, comme dirait l'autre, c'est une redondance.) Le jour où valsait Odilon, c'était du caviar pour les moines. C'était sur les rives du Gange, où habite cette sorte de crocodile, seul de son espèce (et même de son genre). Pense à Fernande !
19:26 Publié dans Dimanche pleurera | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : Poésie, écriture
Pleins et déliés
C'était au matin de sa vie
De ce seul doigt que je désigne
Pleins et déliés de l'infamie
Un soubresaut d'aile de cygne
De ce seul souvenir diffus
Son avenir comme les algues
Englué empêtré confus
Le trot des chevaux de Camargue
C'était sans joie et sans envie
D'un soubresaut d'aile de cygne
Se vêtir de feuilles de vigne
C'était au mitan de sa vie
07:25 Publié dans Odelettes d'été | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Poésie
dimanche, 13 mai 2007
Dans le réfectoire
Le chocolat au lait amer avait un arrière-goût d'asperge. Celle qui se prénommait Raphaëlle lui avait soudain jeté un verre d'eau à la figure, tant elle était exaspérée par ses facéties, qu'elle prenait pour des piques. Dieu seul me voit quand je mastique. Le petit de l'âne, l'adverbe archaïque qui signifie tout de suite et l'abréviation la plus courante pour désigner, en anglais, un auteur anonyme, sont, à certains détails infinitésimaux près, homographes. Nous l'allons montrer tout à l'heure.
20:20 Publié dans Dimanche pleurera | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Poésie, écriture
Pilé nuages
Bérénice s'arrache les cheveux à pleines poignées
rêve de verre brisé
urnes de bris de verre pilé
nuages de verre cathédrale
orangés
Comme Bérénice
arrache avec joie sa chevelure de verre de
nuages
il pleut dans les voilures
ne rêvez plus Bérénice Les
océans de verre vous emportent par vents et marées
10:10 Publié dans Zézayant au zénith | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Poésie, Musique
mercredi, 09 mai 2007
Reste
Toute de nacre
Maintenant qu’elle a retrouvé son arme
Qu’elle s’est replacée
Au nœud gordien du bois
Elle est toute de nacre
Le péché sous la peau
N’en faire peu de cas Que très trop peu de cas
La femme nacre barre le ciel
Comme une aiguille dans les Alpes
Travaux d’aiguille
Armée
Elle trame creuse la mer
Lance ses filets dans les criques
Elle est toute de nacre encore
La femme nacre
Lentement toutefois elle entre dans la danse
Et ce qui vogue dans les airs
Sont-ce des os sont-ce des chansons de marins
Sont-ce peut-être des crânes
Elle tournoie si lentement
Dans les rues de Blois désertées
Toute de nacre.
18:50 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : Poésie
vendredi, 27 avril 2007
Novionates (303/20)
D'exergues tardifs en complaintes, nous voici parvenus au bord de ce ruisseau qu'ombragent des vergnes. Je te raconte ma vie sentimentale par le menu, en allemand puis en italien. Tu reviens à l'anglais, plus sûr pour toi, surtout pour ces sujets délicats. Quand je te propose de goûter les fruits du sureau tu as peur de t'empoisonner. Que j'aime écrire à l'encre d'herbe au bord des rivières neigeuses, l'été.
10:30 Publié dans Aujourd'hier, Diableries manuelles, Novionates | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Poésie, Musique
jeudi, 26 avril 2007
Objet lingual phénoménal
Are
Les faire-part de décès sont-ils encore viables ? Eh bien, il reste la viduité.obituaries
Les faire-part de décès restent-ils viables ? Ah... il reste la viduité.still
Peut-on toujours faire vivre un faire-part de décès ? Il y a toujours la viduité.viable
Se peut-il que survive un faire-part de décès ? La viduité, y a toujours ça, pour sûr.?
Sont-ils viables, les faire-part ? La viduité, c'est déjà ça.Well,
Peut-on encore faire des faire-part ? La viduité reste, une autre affaire.viduity
Les avis nécrologiques, est-ce encore d'actualité ? La viduité demeure.still
Les faire-part ont-ils une vie tranquille ? Oh, ils ont la viduité.exists.
23:13 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Fiction, Poésie, écriture
mardi, 24 avril 2007
Objet du désir (cet)
Tout de même il y avait cette aquarelle. Il voyait bien que son ami le galeriste l’avait oubliée dans un coin, ou même dans un carton. Oui, il était venu en bicyclette, mais ce n’était pas une raison. Certes, il n’avait rien compris à l’altercation entre son ami le galeriste et la dame au boudin, mais ce n’était pas une raison. Son ami le galeriste lui avait dit que les sacs qui pendaient comme des coloquintes, les aquarelles couleur de tulipe pourpre, les émois adolescents plaqués sur la toile, les aplats de noir sur fond ocre, ce n’était pas de saison.
Il ne se sentait lui-même pas de saison, mais tout de même il y avait cette aquarelle. Il voyait bien que son ami le galeriste l’avait oubliée dans un moment d’inadvertance. On lui objectait par en dessous qu’on ne disait pas ça, moment d’inadvertance. On disait « je l’ai fait par inadvertance » ou « moment d’inattention », mais ça n’était en rien une bonne raison. Il y avait cette aquarelle, et il se dit que soit il lui fallait l’accrocher lui-même – et alors décider où (mais où ?) – soit il devait en parler à son ami le galeriste. D’ailleurs où étaient les artistes ? où était le couple d’artiste ? où étaient les artistes qui avaient confié ces sacs et ces toiles et cette aquarelle à son ami le galeriste ? pourquoi ne prenaient-ils pas eux-mêmes en main l’installation de leurs croûtes ? où ? où ? pourquoi… ?
Il y avait, tout de même, cette aquarelle ; il était au pied du mur, et tout ce qu’il entendait, encore en proie à la vision de cette dame et de son bas teckel muet (bas teckel muet bas teckel muet, ça faisait comme un refrain de wagon sur des rails rouillés), c’était ces grappes poil à gratter, des expressions toutes faites comme pied du mur, tire-toi, murmure à l’oreille, et quoi d’autre encore… Joconde en papier mâché !
Ça, oui, c’était trop beau pour être vrai : Joconde en papier mâché, ce clair-obscur sous le soleil, cette dague dans la chair morte. Il n’était pas venu en bicyclette, mais ce n’était pas une raison : c’est ce qu’il dirait aux policiers flâneurs chargés de l’enquête. Le policier qui disparaît, c’est du tout cuit. Il restait tout, l’aquarelle de même. Il restait là les bras ballants. Il restait sans savoir. Il vit, sans demander son reste, sans se dire que il lui fallait soit l’accrocher lui-même soit en parler à son ami le galeriste, que l’aquarelle sur ocre froissé se nommait Gioconda di cartapesta. La peste soit de l’aquarelle (et des bicyclettes). Il se rendort.
23:23 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Fiction, écriture, Poésie, Art
Shack-man, l'homme des taudis
Il y a aussi des tulipes (violet foncé) qui ne font pas la lippe, et que j'écoute Is there anybody there that love my Jesus, tout le monde s'en cogne la croix contre le Golgotha... Ensuite c'est Dracula, qui commence comme une danse féline, à pas de loup, dans la neige fondue au soleil, alors que les dithyrambes se fendent de facéties ; mais voilà aussi les étoiles, et la nuit qui renaît. S'oindre de plomb les narines, ah, ce n'est guère facile.
Strance of the spirit red gator, ce n'est rien, et c'est tout bien sûr : on se dit "c'est tout", mais si on sait tout, alors on se tait. Le crocodile n'en manque pas une miette (de viande). Certaines façons d'être restent muettes face à ces triturations chaloupées (olé, celle-là fallait l'oser). Ton ombre au tableau, l'odeur de marqueur aidant, tu sais déjà tout, et ça danse dément. Spy kiss : baiser de l'espion ; baiser volé ; baiser qui se dérobe ; porte dérobée où l'on s'embrasse ; je brûle d'épier ; peut-on, en baisant, épier ceux qui ne baisent pas (I spy with my little eye). C'est du bluff, c'est un bof d'aveugle, ça ne mange pas de pain. (Si, ça dévore. (sic))
Oui, le vieux chêne de Cheillé est solidement fiché, ancré dans les contreforts de la petite église. On y perd son latin. Entre Lifeblood et Jelly belly il y a ce moment de grâce, cette hésitation de l'oreille plus tendue que les cordes ; le monde grince toujours plus que la personne. (Il ne fallait pas lire encore Dazai Osamu jusqu'à une heure indue.) Déambulant dans l'église, dont vite on fit le tour, nous entendîmes encore chalouper l'orgue, mais à écoper l'eau nous vîmes tanguer notre barque. Des sortilèges pleuvent sur les clochettes que l'on frappe. Ce soir encore, soit, j'aurai, si ça tombe, le bourdon, le ventre noué et quasi gélatineux d'angoisse. Mauvais trip.
Plus de photos ? Enfin si, il y en a des vingtaines, scores of them, encore, mais l'envoi électronique permet de trier (sur le volet). Le son métallique de la guitare de Chris Wood, c'est à fermer la marche, faire la noce, fureter dans tous les recoins. On reconnaît le firmament à ses prouesses, le héros romain à ses promesses, l'aube tombée au coin du bois devant la parure du soleil.
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Ailleurs, c'est de Julien Jacob qu'il est question.
10:40 Publié dans J'Aurai Zig-Zagué | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Jazz, Poésie, écriture, Ligérienne
dimanche, 22 avril 2007
Animaux multicolores
Quand je venais te voir à Arcueil, nous nous promenions en conversant en chantant en rimant le long de ces boulevards gris déprimant. Je n’ai aucun souvenir des publicités pour Milka. Il me dit « tiens, ouvre la bouche » puis m’arracha la dent de lait branlante. Toute mon enfance, le prénom Alain – outre les références inévitables à deux chanteurs, Barrière et Chamfort, l’un que ma mère avait adulé quand elle était enfant et l’autre qu’elle détestait maintenant qu’elle était adulte – resta figée dans l’expression énigmatique, de seconde main, « au mariage d’Alain ». À présent j’apprends qu’il a un homonyme député de Moselle depuis 2002. Elle me faisait des quenelles, des patates au four. Sur l’île nous n’avons pas chanté à tue-tête vingt-trois fois de suite le refrain de Little Thomas Dupont. Maintenant j’apprends qu’il a un homonyme traducteur (notamment de Huang Zhan-ming). La seule fois de ma vie où j’ai vu la Maison carrée, j’avais huit ans et demi (et le cliché orangeasse flou pris ce jour-là fait partie de mes premières photographies). On se retrouvera tôt ou tard, dans le pré ou ailleurs. Quand il eut fini de se marrer comme une baleine parce que le commentateur hippique s’appelait Jean-François Pelouse, il alla nous servir un bon petit Martini trente-deux ans d’âge. He’s the pink of perfection, a-t-on dit de moi, et pourtant je n’ai vu ni lu La Jument Verte. Nous frimions le long des boulevards gris quand je venais te voir à Arcueil et Montrouge.
07:00 Publié dans Dimanche pleurera | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Poésie, écriture, Fiction
samedi, 21 avril 2007
Objets du doute
Après m'être dit et répété que je ne pouvais pas écrire la suite en ayant dans la tête la chanson du Prince charmant d'Emilie Jolie je me suis dit puis dit et répété que je devais écrire ce texte-ci, qui constitue la suite d'un texte en devenir mais dont je ne sais vers où va son cours, dont je sais seulement à quelles dates il doit se poursuivre, s'arrêter, reprendre, etc., que je devais justement l'écrire en commençant par le menu, c'est-à-dire ce menu détail, ce détail agaçant, cette ritournelle idiote et fade qui me tourne dans la tête, et écrire d'abord et tout de go que j'écris ce texte en ayant dans la tête la chanson du Prince charmant d'Emilie Jolie. Ce n'est pas tout de s'intéresser aux expressions les plus farfelues (ou les plus menaçantes (c'est pareil (ça revient au même))) qui peuvent d'aventure hanter les nuits, les jours, voire les deux (c'est différent). Il faut tenir compte de l'heure, du blouson revêtu à la hâte par dessus le polo bleu pâle trop léger pour la fraîcheur des soirées. Il faut considérer l'immensité des autres tâches qu'il reste à accomplir, et se dire que ces expressions, ces grappes de mots, comme le dit celui qui s'en trouve hanté (et comme fidèlement je l'ai rapporté), sont une mince partie, un infime fragment du grand récit où s'inscrivent, telles des ombres de flammèches lancées tout à trac contre les parois d'une grotte, ces petites histoires de termes qui se cherchent, d'inventions qui paraissent jaillir de nulle part, ces riens qui envahissent l'espace, ces brimborions enfin puisqu'il faut trancher le mot (et ce mot brimborions, je l'aime trop pour le trancher (ça revient à ça)).
Il a suffi de s'arrêter dans l'écriture pour que tous les airs les plus fades, les plus sots de cette comédie musicale de l'enfance (retrouvée parce que l'enfance dans la maison aussi prend ses droits, chasse un peu le jazz ou Frank Zappa) resurgissent comme par enchantement, alors que l'écriture, rythmée par le martèlement (plus que tapotement ou clapotis) des doigts vigoureux sur le clavier, les avait fait fuir. Ce n'est pas le ronronnement de l'ordinateur, mais bien la chasse aux phrases, le parcours furtif des périodes, qui avait fait fuir ce Prince charmant à la mords-moi-le-pieu et aussi cet oiseau rugissant ; aussi faut-il poursuivre, et écrire.
Il (et pas un il impersonnel comme celui de ces derniers paragraphes : le il du récit, ce personnage curieux, fugace, hanté par les greffes, les hybridations subites de termes que rien ne semblait inviter à se rejoindre ni à s'accoupler) s'est rendu ce matin à la galerie de son ami Cinéma Sumac (un pseudonyme de crétin, a-t-il toujours pensé) pour l'aider à accrocher les objets de tissu garnis de jouets d'enfant. Il y avait aussi des toiles minuscules, qui représentaient des arbres comme les dessinerait un enfant (et donc pas du tout comme les dessine un enfant), et qu'il eut bien du mal à agencer et harmoniser, droit aux cimaises. Il se souvint pourtant, entre l'accrochage des arbres 17.31 et 43.61, avoir possédé, jadis, un gilet en laine de vigogne, qu'un ami (mais qui ?) lui avait ramené du Pérou.
23:23 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Poésie, écriture
mercredi, 18 avril 2007
Méninges térébenthine
Le hérisson dort-il toujours dans la menthe ? Oh, laissez-le dormir, et ne troublez pas son sommeil, chevillé aux piquants, du pinceau de vos phares. Dans la bataille se jeter. Que son grand-père lui ait appris, si jeune, à jouer à la belette, comme il dit, c'est risible. Vous avez mauvaise mine, dit R. J'ai connu des chineurs, des brocanteurs, des fouille-merde et même des fouineurs. Un jour même j'ai trouvé une version pornographique de Perrette et le pot au lait. Il confond toujours le Bourbon et le Valois. Un whisky sec, and on the rocks. De proche en proche, on sent la dureté froide de la roche. Êtes-vous de la famille ?
05:55 Publié dans Dimanche pleurera | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Poésie, écriture
Virevoltes, 27
Serait-ce du zolnofen (?) ? / oui que dalle / elles dorment dans l'ambition des petits ruisseaux qui font les grands fleuves
enfin non ce sont les jointures comme ces plis qui me faisaient des / routes de peu / sur la terrasse à Fadesse
et les voitures / roulaient follement vers des carrefours croisements des feux d'outre-monde / dans ce passé révolu.
01:48 Publié dans Virevoltes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Photographie, Poésie
samedi, 14 avril 2007
Virevoltes, 26
De travers trop sur ces dalles / ça tangue dur / vous me les copierez sur le tableau noir ces cent lignes
Ces phrases me taraudent et ces frêles ciseaux d'exil /avril déjà / dérape trop de travers
.... .............. .......
18:00 Publié dans Virevoltes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Poésie, Photographie, écriture
mardi, 03 avril 2007
23 autoportraits au bord du gouffre
Il nous défie.
Il s’efface, son manteau d’encre fait écran.
Deux visages spectraux hantent le fond de cette fière stature.
L’œil noir, les traits se diluent.
Orbites enfoncés font lunettes.
Placé debout dans une salle il épie.
La fine moustache de celui qui dessine sculpte un visage harassé.
De sa silhouette à contre-jour, toujours il guette notre regard.
C’est à regret qu’il se détache outremer.
Les manteaux accrochés, le fauteuil pour chevalet, la canne dans la ligne de l’aquarelle au mur, tout converge vers ces yeux profonds.
Épiant, il peint.
L’air mauvais, pianiste phtisique aux doigts endoloris, crache le sang de sa palette.
Un spectre en soutane tenant un chapeau rouge.
La lune rouge voue ce balcon à la folie.
――― Les rectangles glissent du ciel. ―――
――― C’est un linceul recouvrant les rêves. ―――
Un crâne agité succombe au succube hallucination.
Cadavre furieux toujours il nous défie.
Le voici revenu ; il reprend des couleurs.
De la casquette comme un masque.
Avec le sépia qui dégouline la tête semble arrachée au col et au manteau toujours noir d’encre.
Flottent couleurs lumière noyée les veines vibrent.
Respectable, en onze ans il a comme rajeuni, mais son regard foudroyé plus que jamais emprisonne le nôtre.
04:40 Publié dans MAS | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : Art, Autoportraits, Peinture, écriture, Poésie, Musées
lundi, 02 avril 2007
Inuit plu
Il faisait ¡ quand nous avons écrit cela jouant tarot c’était simultané et l’imparfait, loin d’être de mise ® vite un dé mineur ! ®, était de convention ¢ trop chaud dans la voiture 5, où il avait trouvé une place assise avant de payer son billet auprès du contrôleur au tarif de bord Õ vous étiez dans la Clio, et je m’en suis arraché, persuadé que j’allais rater même le marchepied Ö, et, sous le coup de cette chaleur, il avait préféré se rendre dans l’espace entre deux voitures Ü plateforme, ça s’appelle Û, où la température était beaucoup moins étouffante et où se calant, à moitié allongé, sur l’un des spacieux porte-bagages – les barreaux lui sciant les fesses – il avait pu poursuivre sa lecture, enfin à son aise. Il ¤ elle ne renonce pas à cette convention factice / elle a fini par inscrire un point et commencer une nouvelle phrase / elle ? ¥ en avait conclu que, pour un trajet bref, il lui importait plus de pouvoir respirer que de ne pas se disloquer le corps contre du métal froid.
15:15 Publié dans Pêle-mêle | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Littérature, écriture, Poésie, Cinéma, Jazz, Train, Pronoms
Virevoltes, 25
Mon ombre ne tremble pas / ma belle ombrelle / goujat :
Le goût vous reste dans
la bouche ainsi que du sperme.
Ce vil goujon, oh oui,
paradait pour la vitrine :
L'ombre ne tremblera pas /
Ganges / vos tours boueuses.
00:33 Publié dans Virevoltes | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Photographie, Poésie
dimanche, 01 avril 2007
Virevoltes, 24
Je suis fait de ce bois-là, dit le poisson, muet.
Une : année guetter : le retour du bel avril.
Cela tanguait, oui, dans ces forêts infernales.
Et si le fleuve mourait, toi, tu serais muet.
22:50 Publié dans Virevoltes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Photographie, Poésie, Ligérienne