Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« 2007-03 | Page d'accueil | 2007-05 »

lundi, 30 avril 2007

D'objets du tout *

    Le papier se brisait en flammèches ; le Llano n'y peut mais. (Mais toujours, mais toutefois il s'interrogeait sans cesse sur le sens réel de l'expression rien moins que.) Notre ami (cf plus haut**, SVP) n'avait pas fini son collage, mais il en avait commencé vingt-cinq autres. (Pas un de moins.)

 (Mais encore, mais aussi il voyait la nuit tomber, les becs-de-gaz luire.)

 

 

* J. d. T., p. 955

** C'est-à-dire plus bas, vu que les billets les plus récents viennent se placer au-dessus des plus anciens.

20:20 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : Fiction, écriture

dimanche, 29 avril 2007

Objets de censure imbécile

    C’était une autre paire de manches, pourtant. Il était assez difficile, déjà, de se contraindre à plier chaque jour un collage ; porter le rythme à deux par jour était de la folie, d’autant qu’on ne trouve jamais assez de magazines ni de prospectus, sans parler qu’il n’y a pas de lettres datées du 29 avril, ou que, dans aucune, il n’est question de Quad ni de Ghost Trio, ni de Twin Peaks ni de One for the Guv’nor. Qui, de surcroît, voudrait d’une telle exposition ?

(Cela lui revint, tout d’un coup : il avait écrit Sempiternel, quand je fus mort, à dix-sept ans, dans un état de grâce, et pourtant c’était un texte médiocre.)

La tête du teckel était une boîte de raviolis.

23:25 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Fiction, écriture

Objets de clémence suisse

    Naturellement, il lui fallait se ressaisir. (Il lui fallait se ressaisir artificiellement.) Il ne servait de rien d’ainsi s’enfoncer. Le marasme avait assez duré ; pour se prouver à lui-même qu’il était capable de dynamisme et n’avait rien de pusillanime, il fouilla dans la grande nacelle aux quinze mille cartes postales (souvenir lointain d’adolescence) et commença une de ces conversations avec son ami imaginaire. N’avoir rien d’autre à faire était une autre paire de manches, pourtant. Le soleil se couchait en dessinant un huit aplati à l’horizon.

La conversation se poursuivit autour de sujets divers. Pour se prouver à lui-même qu’il n’était pas pusillanime il voulut avoir deux conversations le même jour. Quoiqu’il ne se rappelât pas si c’était la veille ou l’avant-veille qu’il était sorti de chez lui pour se coltiner petites toiles et cimaises, il voulait aller de l’avant.

Le soleil se couchait en dessinant un huit aplati à l’horizon. Il lui fallait prendre une paire de ciseaux, de vieux magazines, et faire, comme autrefois, un collage, afin d’exorciser l’image du bas teckel muet. C’était ce jour, ce soir même qu’il fallait le faire.

Il voulait aller de l’avant. Sans se soucier ni des boudins ni des cabots, ni des rondins ni des nabots, il prit son courage à deux mains, ses ciseaux aussi, et se lança dans ce collage miniature, qui requérait toute son attention, une patience d’ange, des doigts de fée, des yeux de lynx, la passion des collectionneurs. Dans son bouge, le papier se brisait en flammèches.

C’était ce jour, ce soir même qu’il fallait le faire.

11:01 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : Fiction, écriture

Magnificat (Hommage au kazoo)

    Le mois bientôt sera clos, qu’on s’y fasse. Mais enfin les deux coexistent ! Le soir même du jour où j’ai lu la page de L’Amour l’Automne où il est question de l’affirmation de Pesson selon laquelle « septuor est l’anagramme de Proust au subjonctif » (p. 408), je regardai Le Temps retrouvé de Raul Ruiz, que je n’avais pas vu, en son temps. Ici Marcel enfant filme Marcel adulte (tout est inversé). Dans J.R.G. il y a l’initiale de Gabriel, prénom caché de Renaud Camus , signe de l’archange, arc bandé, statuaire sans fin, mais aussi le clin d’œil à Le Clézio et à Godard. Marcel est Marcel Proust (tout est aplati) ; du grand n’importe quoi. Dans cet Antoine-là, il y a le jardin aux carpes mais surtout l’amour avec Auguste (au printemps estival de la vie). Je ne mange pas de ce pain-là. Puisqu’on vous dit que Fall in Love c’est l’automne en amour et non pas tomber amoureux ! Pesson, vous le savez, est sans espoir (anglais latin de la Princesse Palatine). Quel dommage qu’il n’y ait pas de page 804 pour greffer encore l’un de ces 173 textes de 937 signes (émois : noirs morts à Rüggen). Gros pré danse, grand-père S.O.S. ! grand os perse, gardon pressé, perd sans ogre, grès rond sapé, gré nord passé, Sponde regras. Mais cela ferait un 174ème texte qui ficherait tout par terre, enfin !

10:20 Publié dans 1295, Fall in Love, Unissons | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Littérature, écriture, Musique, Polices

samedi, 28 avril 2007

Objets d'évasion

    Puis il décrocha le téléphone et passa commande d'un peignoir en laine de vigogne à son chemisier, d'un frac en cuir de teckel à son bottier, d'une tenue d'apparat en poil de chèvre à sa camériste, d'un complet veston en suif de truie à sa modiste, de chaussures en perruque de caïman à son savetier, d'un chapeau melon en feutrine d'éléphant à sa chapelière, d'une bague en rubis d'artichaut à son bijoutier, et encore de trois pantalons en laine de vigogne à son fidèle cordonnier. Puis il s'éveilla. Puis il s'endormit. Puis il se réveilla. Enfin il s'endormit. Puis il raccrocha.

23:24 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Fiction, écriture

vendredi, 27 avril 2007

Objets de musiciens célèbres

    Dans le sous-main où il cachait la feuille avec les deux phrases, il avait puisé l'énergie de ne pas lire plus de deux pages du livre à la fois. Toujours se sentir épuisé, à traquer les rêves, et le bas teckel muet ne revenait pas. Il voulut envoyer un faire-part de décès à tous les fantômes de sa connaissance, mais ça ne marchait pas ; quelque chose dans la machine s'enrayait, et toujours le soleil brillait toujours sur toujours rien de neuf. Slava observait tendrement.

18:18 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Fiction

Le Printemps l'Automne

    Une petite pluie fine réveille les arômes de terreau enfouis sous la pelouse pelée.

Soudain le jour était devenu automnal (onze degrés au soleil, dix à l'ombre) ; les feuilles tombaient des arbres, flottaient, tournoyaient, effleuraient le sol, atterrissaient doucement tel un léger soupir... (D. Tabarovsky. L'expectative. Traduction de Nelly Lhermillier. Bourgois, pp. 55-6)

 

L'ombre des pétarades de mobylettes s'attarde dans la rue, aussi le soir.

12:40 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (36) | Tags : Littérature, Ligérienne

Novionates (303/20)

    D'exergues tardifs en complaintes, nous voici parvenus au bord de ce ruisseau qu'ombragent des vergnes. Je te raconte ma vie sentimentale par le menu, en allemand puis en italien. Tu reviens à l'anglais, plus sûr pour toi, surtout pour ces sujets délicats. Quand je te propose de goûter les fruits du sureau tu as peur de t'empoisonner. Que j'aime écrire à l'encre d'herbe au bord des rivières neigeuses, l'été.

10:30 Publié dans Aujourd'hier, Diableries manuelles, Novionates | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Poésie, Musique

jeudi, 26 avril 2007

Objet lingual phénoménal

Are

    Les faire-part de décès sont-ils encore viables ? Eh bien, il reste la viduité.

obituaries

Les faire-part de décès restent-ils viables ? Ah... il reste la viduité.

still

 Peut-on toujours faire vivre un faire-part de décès ? Il y a toujours la viduité.

viable

Se peut-il que survive un faire-part de décès ? La viduité, y a toujours ça, pour sûr.

?

Sont-ils viables, les faire-part ? La viduité, c'est déjà ça.

Well,

Peut-on encore faire des faire-part ? La viduité reste, une autre affaire.

viduity

Les avis nécrologiques, est-ce encore d'actualité ? La viduité demeure.

still

Les faire-part ont-ils une vie tranquille ? Oh, ils ont la viduité.

exists.

23:13 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Fiction, Poésie, écriture

Diana : 26a : Evans

    26a. Quand on comprend que le titre fait allusion à un numéro de rue (le numéro de la maison où habitent, en Angleterre, les jumelles Georgia et Bessi avec leur famille) on pense à la première phrase de Beloved : « 124 was spiteful. » (Bien que je ne prise guère l’œuvre de Toni Morrison, en général, cet incipit figure tout de même parmi mes préférés.)

Les premières pages – les deux premiers chapitres surtout – de 26a font immanquablement penser à The God of Small Things d’Arundhati Roy dont ils semblent n’être qu’un décalque : au mieux une ombre portée ; au pire une resucée. Un numéro de rue, un fragment d’adresse, c’est un lambeau arraché à la mémoire, bien sûr ; on connaît ça, tous. Dans ce roman, l’influence de Roy se fait sentir surtout dans les chapitres narrés du point de vue des deux jumelles encore très jeunes : mêmes effets de décalage très marqués entre le langage des adultes et sa perception par les enfants ; même invention d’un imaginaire gémellaire complexe et foisonnant. Après un chapitre 3 qui reprend plutôt le récit dans la perspective des parents (principalement de manière analeptique : mise au point sur le couple formé par Aubrey et Ida avant la naissance de Bessi et Georgia) et qui est, de ce fait, plus réussi, l’impression de décalque s’accentue, car, dans le quatrième chapitre, l’une des deux jumelles subit une tentative – pas vraiment de viol, mais perçue comme…dans tous les cas, cela rompt en partie la relation qu’elle a avec sa sœur, comme dans le cas de Rahel et d’Estha dans The God of Small Things.

 

J’ai seulement commencé la lecture de ce très récent roman dans le jardin tout à l’heure, mais, en dépit de certains traits qui distinguent l’écriture de Diana Evans de celle de Roy, cette influence qui saute aux yeux m’empêche d’apprécier tout à fait le roman.    [Détour : dans le Journal de Travers (1976-77) (et ailleurs dans ses journaux, plus récemment), Renaud Camus s’interroge souvent sur la situation et le contexte d’une œuvre d’art : la même œuvre, peinte par le jeune Delacroix ou par un peintre de troisième zone dans les années 1930, n’a pas la même valeur. On ne lit certainement pas 26a de la même façon selon que l’on connaît l’unique roman de Roy ou pas.]

26a (c’est sans rapport mais je n’ai lu que 80 pages alors je brode) : ce titre m’évoque aussi ces chiffres et ces nombres suivis de lettres qui servent à rendre plus précises et plus détaillées encore les légendes du livre consacré à Pompéi que je lis ces jours-ci à mon fils (qui s’en entiche mais le connaissait déjà (il s’agit d’un livre beaucoup trop compliqué pour lui)). Il y a, dans la double page consacrée aux chambres à coucher et aux triclinia, une phrase très simple mais que je trouve d’une très grande musicalité. Bien sûr, je n’arrive pas à me la rappeler et le livre est resté dans sa chambre, après la lecture d’avant-nuit. Il y a meurtrières et atrium dedans, et c’est l’équilibre entre ces deux [tri] qui la rend, pour moi, remarquable.

 

Après cet autre détour, je veux tout de même jeter quelques mots à la volée sur trois passages – entre autres – qui m’ont intrigué. Il y a, tout d’abord, le passage dans lequel Aubrey jeune imagine/improvise toute une série d’insultes pour son rival/ennemi Dean Baxter : il en invente pile cent, qu’il égrène un peu comme les 99 noms d’Allah (mutatis mutandis). Alors intervient cette description tout à fait étonnante, qui m’a incité à écrire ce billet et à le classer dans la rubrique Fièvre de nombres (le titre du roman n’étant pas la raison première de ce classement) :

He became so multiplied he forgot himself. His thoughts were crowds of figures, perfect algebra, subtractions and divisions and multiplications and conversions from inches to centimetres, yards to metres, miles to kilometres, bombing his senses and never leaving space for the true naked feel of inadequacy. He avoided mirrors and they avoided him (pp. 31-2)

Tout à fait ce que je ressens, aussi ce que j’ai lu sous la plume de Roubaud qui est, lui, un vrai grand mathématicien (quoiqu’il ait beaucoup relâché cette partie-là de son activité créatrice). L’oubli du Soi dans les calculs, dans les nombres, dans la réitération et l’exercice de savantes arithmétiques, on le retrouve dans plusieurs textes soufis. Le fait d’être « fui par les miroirs », en revanche, je ne sais qu’en penser.

medium_IVc_Montmorillon_14.JPGAutre passage marquant, quand l’une des jumelles, encore enfant, vivant en Angleterre, rend régulièrement visite, en rêve, à Gladstone, qui lui dit : « there are no answers, only the places we make » (pp. 24-5). Ce doit être marquant car j’avais prêté ce roman à ma mère, qui s’était montrée très enthousiaste mais qui, tout à l’heure au téléphone, ne s’en souvenait pas du tout. L’épisode Gladstone a suffi, comme aide-mémoire. (Il faut dire qu’à l’hôpital elle s’envoie des pelletées de pavés et de tomes pour tromper l’ennui.)

-----------------------------

Encore autre chose, le troisième & dernier détail il me semble : quand les jumelles s’interrogent sur le sens d’expialidocious (p. 5), cela m’a fait penser à la célèbre chanson de Mary Poppins, Supercalifragilisexpialidocious. Mais je me suis dit qu’il devait s’agir d’un de ces termes qui existent réellement, que ce n’était qu’une coïncidence, ou que les auteurs de Mary Poppins avaient bel et bien utilisé un mot rare pour forger leur long néologisme : après tout, on reconnaît bien deux termes latins et une racine grecque dans supercalifragilis, non ? Vérification faite, cet adjectif n’a pas d’existence propre, et les jumelles du roman prennent donc la chanson au premier degré (ou est-ce encore le premier degré, justement ?) et croient que le néologisme de Mary Poppins est vraiment une suite de termes scientifiques qui leur échappent. (Accessoirement, ça ramène encore à The God of Small Things et à la référence récurrente au film The Sound of Music, très contemporain et esthétiquement voisin de Mary Poppins, crois-je me rappeler.)

(Tout cela s’écrit presque sans y penser ; ce sont des pensées ou notations pour moi-même, indigestes. Si vous avez déjà décroché du parapluie, ce n’est pas grave : vous n’y êtes pas, alors ?)

 

Ah, j’allais oublier le rôle très ambigu que joue le séjour (long de trois ans) au Nigéria dans la formation des deux fillettes, mais je pense ne pas avoir avancé assez dans le roman pour en dire encore quoi que ce soit. Ce qui est certain, c’est que les récits terrifiants du grand-père maternel, qui raconte comment, par le passé, l’on brûlait la cadette d’un couple de jumelles pour conjurer le mauvais sort et échapper à la sorcellerie, donnent lieu à ce commentaire sans appel du père, Aubrey : « Oh what a load of haddock » (p. 64).

(On pourrait traduire ça par « quel ramassis de foutaises », mais on perdrait à coup sûr le côté tout à fait singulier de l’expression : aucun anglophone ne dit what a load of haddock dans un tel contexte, mais plutôt what a load of crap ou what bullshit. Le père emploie donc un euphémisme pour éviter d’employer une expression trop grossière. Alors, comment traduire ? )

Pour rester rivé au Père, j’en finis de ce trop long et languissant billet (composé en Georgia, évidemment) en vous demandant si, Beardsley mis à part, vous connaissez qui que ce soit qui se prénomme Aubrey ?

00:00 Publié dans Fièvre de nombres | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Littérature

mercredi, 25 avril 2007

Objet des désirs du sage

    Vers deux heures de l’après-midi il rentra chez lui sans avoir dénoué ni la question de l’aquarelle ni l’énigme du boudin. Il chercha quelque temps dans sa mémoire, après un déjeuner d’une mauvaise omelette mal battue où avaient cuit des fragments entiers de blancs tout à fait fades et difficiles à avaler, qui avait pu – et quand – lui offrir un gilet en laine de vigogne. Il se raccrochait à cette expression-là comme si d’elle avait pu naître une ébauche de système.

Fatigué, migraineux, il se plongea dans un vieux Voltaire pour y lire l’épaisse biographie de Samuel Beckett par James Knowlson. La fascination de Samuel B. pour Samuel Johnson date du début des années 1930 mais se cristallise en 1936 autour d’un projet de pièce de théâtre inspirée par les dernières années de la vie du grand écrivain, et notamment par sa passion pour Hester Thrale, qui était de trente et un ans plus jeune que lui. (Beckett a déjà écrit Murphy qu’il ne parvient pas à faire publier.) Le 13 décembre 1936, à l’âge de trente ans et sept (ou huit) mois, Beckett écrit à Mary Manning que « ce qui [l]’intéresse plus que tout, c’est la situation de ce gigolo platonique, l’ami de la famille, qui n’a pas le moindre testicule, auricule ni ventricule sur quoi s’appuyer au moment où on le démasque. Son impuissance sommeillait près de Mrs Thrale tant qu’il y avait Mr. Thrale, mais elle reprit du poil de la bête dès que la mendula attitrée redevint éminemment épousable, ce grâce aux effets bien connus de la rigor mortis. »

Notre ami – permettez qu’ainsi je le nomme – prend ça pour lui, et sent, dans son Voltaire au tissu usé, la migraine prendre des forces. Ne vous moquez pas des vieux garçons. (Aussi je parle à Beckett, qui a fâché notre ami.)

23:33 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Fiction, écriture

Pensez à nos enfants

medium_Vide-poussette.JPG

Saubrigues, 25 avril 2006.

... Réalisé sans trucage ...

00:50 Publié dans Brille de mille yeux | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Photographie, Landes, Enfants, Enfance, Affiches

mardi, 24 avril 2007

Objet du désir (cet)

    Tout de même il y avait cette aquarelle. Il voyait bien que son ami le galeriste l’avait oubliée dans un coin, ou même dans un carton. Oui, il était venu en bicyclette, mais ce n’était pas une raison. Certes, il n’avait rien compris à l’altercation entre son ami le galeriste et la dame au boudin, mais ce n’était pas une raison. Son ami le galeriste lui avait dit que les sacs qui pendaient comme des coloquintes, les aquarelles couleur de tulipe pourpre, les émois adolescents plaqués sur la toile, les aplats de noir sur fond ocre, ce n’était pas de saison.

Il ne se sentait lui-même pas de saison, mais tout de même il y avait cette aquarelle. Il voyait bien que son ami le galeriste l’avait oubliée dans un moment d’inadvertance. On lui objectait par en dessous qu’on ne disait pas ça, moment d’inadvertance. On disait « je l’ai fait par inadvertance » ou « moment d’inattention », mais ça n’était en rien une bonne raison. Il y avait cette aquarelle, et il se dit que soit il lui fallait l’accrocher lui-même – et alors décider où (mais où ?) – soit il devait en parler à son ami le galeriste. D’ailleurs où étaient les artistes ? où était le couple d’artiste ? où étaient les artistes qui avaient confié ces sacs et ces toiles et cette aquarelle à son ami le galeriste ? pourquoi ne prenaient-ils pas eux-mêmes en main l’installation de leurs croûtes ? où ? où ? pourquoi… ?

Il y avait, tout de même, cette aquarelle ; il était au pied du mur, et tout ce qu’il entendait, encore en proie à la vision de cette dame et de son bas teckel muet (bas teckel muet bas teckel muet, ça faisait comme un refrain de wagon sur des rails rouillés), c’était ces grappes poil à gratter, des expressions toutes faites comme pied du mur, tire-toi, murmure à l’oreille, et quoi d’autre encore… Joconde en papier mâché !

Ça, oui, c’était trop beau pour être vrai : Joconde en papier mâché, ce clair-obscur sous le soleil, cette dague dans la chair morte. Il n’était pas venu en bicyclette, mais ce n’était pas une raison : c’est ce qu’il dirait aux policiers flâneurs chargés de l’enquête. Le policier qui disparaît, c’est du tout cuit. Il restait tout, l’aquarelle de même. Il restait là les bras ballants. Il restait sans savoir. Il vit, sans demander son reste, sans se dire que il lui fallait soit l’accrocher lui-même soit en parler à son ami le galeriste, que l’aquarelle sur ocre froissé se nommait Gioconda di cartapesta. La peste soit de l’aquarelle (et des bicyclettes). Il se rendort.

23:23 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Fiction, écriture, Poésie, Art

Cent moins treize

   Naissance du serment olympique à Anvers. L'air sentait le printemps. medium_Rue_du_Cordon_bleu.JPGProcès pour meurtre de Télesphore Gagnon. Mustapha Kemal Atatürk est élu président de la grande Assemblée. Parution du premier numéro de Lyon communiste. Lors de la Conférence de San Remo, le Comité supérieur place la Palestine sous la responsablilité du gouvernement britannique. Naissance de Jean Sargueil, de Scevola Mariotti et de Henri Theillol. L'épouse de Sri Aurobindo passe la guerre en France et au Japon, puis revient en Inde. Ernest Jones écrit aussi à Sigmund Freud. Mort de Nathan Goff Jr, qui aura bien vécu. Johnny Meador entre dans l'histoire avec les Pittsburgh Pirates, sans jamais, en tant d'années, manger d'osso bucco.

21:32 Publié dans Hystéries historiées | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Histoire, Histoires

Doute

    On continue de ne pas savoir avec certitude quel genre de personnage fut Tony Bouffandeau.

19:20 Publié dans Minimalistes | Lien permanent | Commentaires (2)

Shack-man, l'homme des taudis

    Il y a aussi des tulipes (violet foncé) qui ne font pas la lippe, et que j'écoute Is there anybody there that love my Jesus, tout le monde s'en cogne la croix contre le Golgotha... Ensuite c'est Dracula, qui commence comme une danse féline, à pas de loup, dans la neige fondue au soleil, alors que les dithyrambes se fendent de facéties ; mais voilà aussi les étoiles, et la nuit qui renaît. S'oindre de plomb les narines, ah, ce n'est guère facile.

Strance of the spirit red gator, ce n'est rien, et c'est tout bien sûr : on se dit "c'est tout", mais si on sait tout, alors on se tait. Le crocodile n'en manque pas une miette (de viande). Certaines façons d'être restent muettes face à ces triturations chaloupées (olé, celle-là fallait l'oser). Ton ombre au tableau, l'odeur de marqueur aidant, tu sais déjà tout, et ça danse dément.         Spy kiss : baiser de l'espion ; baiser volé ; baiser qui se dérobe ; porte dérobée où l'on s'embrasse ; je brûle d'épier ; peut-on, en baisant, épier ceux qui ne baisent pas (I spy with my little eye). C'est du bluff, c'est un bof d'aveugle, ça ne mange pas de pain. (Si, ça dévore. (sic))

Oui, le vieux chêne de Cheillé est solidement fiché, ancré dans les contreforts de la petite église. On y perd son latin. Entre Lifeblood et Jelly belly il y a ce moment de grâce, cette hésitation de l'oreille plus tendue que les cordes ; le monde grince toujours plus que la personne. (Il ne fallait pas lire encore Dazai Osamu jusqu'à une heure indue.) Déambulant dans l'église, dont vite on fit le tour, nous entendîmes encore chalouper l'orgue, mais à écoper l'eau nous vîmes tanguer notre barque. Des sortilèges pleuvent sur les clochettes que l'on frappe. Ce soir encore, soit, j'aurai, si ça tombe, le bourdon, le ventre noué et quasi gélatineux d'angoisse. Mauvais trip.

Plus de photos ? Enfin si, il y en a des vingtaines, scores of them, encore, mais l'envoi électronique permet de trier (sur le volet). Le son métallique de la guitare de Chris Wood, c'est à fermer la marche, faire la noce, fureter dans tous les recoins. On reconnaît le firmament à ses prouesses, le héros romain à ses promesses, l'aube tombée au coin du bois devant la parure du soleil.

 

-------------

Ailleurs, c'est de Julien Jacob qu'il est question.

10:40 Publié dans J'Aurai Zig-Zagué | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Jazz, Poésie, écriture, Ligérienne

lundi, 23 avril 2007

Objets de leur monde

    Quand plus tard on lui demanda ce qu'il s'était passé de si important ce matin-là, il ne put que raconter : une dame était entrée dans la galerie, dont la porte était restée entr'ouverte, et tenait un teckel en laisse. Il ajouta que ce teckel était bas (au sens où il trottinait au ras du bitume et du linoléum).

On lui objecta que les teckels ont rarement des conversations au sommet avec les girafes ; il n'en disconvint pas.

Il ajouta que, le peu de temps qu'avait duré leur rencontre, le teckel était resté muet. On lui demanda pourquoi la rencontre avait été si brève. Il précisa que son ami, le galeriste, furieux de voir une intruse dans la place alors qu'il s'en donnait bien du mal déjà avec ce nom d'un chien de bordel de dieu d'accrochage (c'est une citation), lui avait lancé : "Ah non, pas de visiteurs ce matin. Nous sommes fermés."

Comme l'intruse persistait dans son effraction, le galeriste avait aussitôt enchaîné : "Pas de chien non plus, de toute façon."

Presque d'un même souffle, Cinéma Sumac avait hurlé : "Pas de boudin, j'ai dit !"

La dame était sortie fissa de la galerie, et lui, témoin de cette scène fulgurante, n'avait jamais compris si boudin désignait le chien (un teckel tout de même) ou la dame.

L'audience fut différée sine die.

20:20 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Fiction, écriture

dimanche, 22 avril 2007

Feuilletage de signifiance

    Prenant mon courage à deux mains, et ne pouvant plus réfréner mes ardeurs, je me suis « attaqué » avant-hier au chapitre de L’Amour l’Automne qui commence à la page 149 et dont l'un des deux co-auteurs (Antoine du Parc) admet qu’il réclame ardemment la lecture en ligne sous forme de liens hypertextuels, et que la forme hyperlivre ici est tout à fait malcommode.

(Toutefois, cette passion des pages emberlificotées, riches d’ajouts et de notes et requérant du lecteur un constant va-et-vient très suggestif d’avant en arrière et d’arrière en avant, est inhérente au projet des Églogues, et, à tout le moins, à la série des Travers, dont on peut lire Été en ligne sur le Forum de la Société des Lecteurs, grâce – si j’ai bien suivi – au travail de fourmi de Madame de Véhesse. Inhérent au projet des Églogues, cet éclatement du texte sous forme de notes vertigineuses, s’il appelle la lecture en ligne sous forme de liens hypertextuels, est très largement antérieur à l’existence du Web et de ses possibilités hypertextuelles, justement. En témoigne cet extrait du Journal de Travers, où l’on voit Renaud Camus se débattre avec les épreuves d’Échange :

Passé ensuite l’après-midi à travailler sur les épreuves d’Échange, en particulier à tenter de rééquilibrer le texte du haut et le texte du bas, à la fin, le premier étant en retard sur le second, ce qui rend nécessaires des ajouts. (Journal de Travers, Fayard, 2007, p. 636)

 

À ces pages les plus rudes (et donc qui suscitent le plus violemment le désir du lecteur (le mien en tout cas)), je me suis donc « attaqué », pour constater, avec amusement, alors que je tournais les pages dans tous les sens pour retrouver un fil perdu, puis, dans l’ordre, lisant une suite filet après filet (c’est-à-dire que, pour lire une des notes, je devais tourner les pages toutes les cinq secondes puisqu’il n’y avait qu’une seule ligne de texte suivi m’intéressant à ce moment-là par page), pour constater donc (disais-je) que les Églogues inventaient, dans la lignée de Barthes et de son fameux « feuilleté de signifiance », le feuilletage de signifiance » : le suivi des diverses notes ligne à ligne, d’une page à l’autre, implique de tourner les pages très rapidement, et plus rapidement d’ailleurs que les pages d’un catalogue, prestance ou précipitation qui est peut-être le seul signe qu’il ne s’agit pas d’une lecture nonchalante ou vaine de catalogue (encore que j’en connais des qui feuillettent frénétiquement leur catalogue et vont jusqu’à le réduire en pièces à force de s’interroger sur les mérites comparés de telle ou telle chaîne stéréo (Jef se reconnaîtra (sauf qu’il ne lit pas ce blog))).

11:00 Publié dans Fall in Love | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature, écriture

Objets de la même façon

    Le parfum du muguet dans la chambre que l'on aère, c'est autre chose que l'odeur du kérosène. Il en est à se poser toutes sortes de questions sur le cœur du chou-fleur ou le giron de l’oignon, quand il s'aperçoit, revenu dans la salle à manger, que les phlox sèchent sans faner. (Lui revient alors ce tautogramme qu'il avait composé adolescent : Phlox oblong dont l'ognon forclot nos mots, romps ton sopor, ô sot robot.)

Est-ce une version française de l'adolescence de Samuel B.?

(Cela manque de bicyclettes.)

Est-ce un moment de pause ?

(Des pauses, il n'y a que ça. Des pauses il n'y a que ça. Des pauses il n'y a que ça. (Tu vas devenir schizo. (Mais non.)) Des pauses il n'y a que ça.)

Est-ce autre chose encore ?

 

09:19 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Fiction, écriture

Animaux multicolores

    Quand je venais te voir à Arcueil, nous nous promenions en conversant en chantant en rimant le long de ces boulevards gris déprimant. Je n’ai aucun souvenir des publicités pour Milka. Il me dit « tiens, ouvre la bouche » puis m’arracha la dent de lait branlante. Toute mon enfance, le prénom Alain – outre les références inévitables à deux chanteurs, Barrière et Chamfort, l’un que ma mère avait adulé quand elle était enfant et l’autre qu’elle détestait maintenant qu’elle était adulte – resta figée dans l’expression énigmatique, de seconde main, « au mariage d’Alain ». À présent j’apprends qu’il a un homonyme député de Moselle depuis 2002. Elle me faisait des quenelles, des patates au four. Sur l’île nous n’avons pas chanté à tue-tête vingt-trois fois de suite le refrain de Little Thomas Dupont. Maintenant j’apprends qu’il a un homonyme traducteur (notamment de Huang Zhan-ming). La seule fois de ma vie où j’ai vu la Maison carrée, j’avais huit ans et demi (et le cliché orangeasse flou pris ce jour-là fait partie de mes premières photographies). On se retrouvera tôt ou tard, dans le pré ou ailleurs. Quand il eut fini de se marrer comme une baleine parce que le commentateur hippique s’appelait Jean-François Pelouse, il alla nous servir un bon petit Martini trente-deux ans d’âge. He’s the pink of perfection, a-t-on dit de moi, et pourtant je n’ai vu ni lu La Jument Verte. Nous frimions le long des boulevards gris quand je venais te voir à Arcueil et Montrouge.

07:00 Publié dans Dimanche pleurera | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Poésie, écriture, Fiction

samedi, 21 avril 2007

Objets du doute

    Après m'être dit et répété que je ne pouvais pas écrire la suite en ayant dans la tête la chanson du Prince charmant d'Emilie Jolie je me suis dit puis dit et répété que je devais écrire ce texte-ci, qui constitue la suite d'un texte en devenir mais dont je ne sais vers où va son cours, dont je sais seulement à quelles dates il doit se poursuivre, s'arrêter, reprendre, etc., que je devais justement l'écrire en commençant par le menu, c'est-à-dire ce menu détail, ce détail agaçant, cette ritournelle idiote et fade qui me tourne dans la tête, et écrire d'abord et tout de go que j'écris ce texte en ayant dans la tête la chanson du Prince charmant d'Emilie Jolie. Ce n'est pas tout de s'intéresser aux expressions les plus farfelues (ou les plus menaçantes (c'est pareil (ça revient au même))) qui peuvent d'aventure hanter les nuits, les jours, voire les deux (c'est différent). Il faut tenir compte de l'heure, du blouson revêtu à la hâte par dessus le polo bleu pâle trop léger pour la fraîcheur des soirées. Il faut considérer l'immensité des autres tâches qu'il reste à accomplir, et se dire que ces expressions, ces grappes de mots, comme le dit celui qui s'en trouve hanté (et comme fidèlement je l'ai rapporté), sont une mince partie, un infime fragment  du grand récit où s'inscrivent, telles des ombres de flammèches lancées tout à trac contre les parois d'une grotte, ces petites histoires de termes qui se cherchent, d'inventions qui paraissent jaillir de nulle part, ces riens qui envahissent l'espace, ces brimborions enfin puisqu'il faut trancher le mot (et ce mot brimborions, je l'aime trop pour le trancher (ça revient à ça)).

Il a suffi de s'arrêter dans l'écriture pour que tous les airs les plus fades, les plus sots de cette comédie musicale de l'enfance (retrouvée parce que l'enfance dans la maison aussi prend ses droits, chasse un peu le jazz ou Frank Zappa) resurgissent comme par enchantement, alors que l'écriture, rythmée par le martèlement (plus que tapotement ou clapotis) des doigts vigoureux sur le clavier, les avait fait fuir. Ce n'est pas le ronronnement de l'ordinateur, mais bien la chasse aux phrases, le parcours furtif des périodes, qui avait fait fuir ce Prince charmant à la mords-moi-le-pieu et aussi cet oiseau rugissant ; aussi faut-il poursuivre, et écrire.

Il (et pas un il impersonnel comme celui de ces derniers paragraphes : le il du récit, ce personnage curieux, fugace, hanté par les greffes, les hybridations subites de termes que rien ne semblait inviter à se rejoindre ni à s'accoupler) s'est rendu ce matin à la galerie de son ami Cinéma Sumac (un pseudonyme de crétin, a-t-il toujours pensé) pour l'aider à accrocher les objets de tissu garnis de jouets d'enfant. Il y avait aussi des toiles minuscules, qui représentaient des arbres comme les dessinerait un enfant (et donc pas du tout comme les dessine un enfant), et qu'il eut bien du mal à agencer et harmoniser, droit aux cimaises. Il se souvint pourtant, entre l'accrochage des arbres 17.31 et 43.61, avoir possédé, jadis, un gilet en laine de vigogne, qu'un ami (mais qui ?) lui avait ramené du Pérou.

23:23 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Poésie, écriture

vendredi, 20 avril 2007

Objets de tissu

    Toutefois, les grappes de mots seules ne hantent pas ses jours (ou ses nuits). Tout commence souvent dans de beaux draps. Ainsi, ce matin, il doit se rendre à la galerie d'un ami, pour y aider à l'installation d'une nouvelle et prometteuse exposition. La seule phrase qu'il se rappelle, de l'avant-programme reçu l'avant-veille, lui a donné le sentiment qu'il s'agirait d'une formidable ringardise : "Les deux artistes présenteront une installation faite d’objets de tissu suspendus à l’intérieur desquels sont enfermés les jouets de leur fils."

Y aura-t-il, se demande-t-il, des objets en laine de vigogne ?

22:02 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Fiction, écriture

Silexpectatives / Progrès en pensée assez lents

Vendredi 13, onze heures du soir (puis par bribes de ci de là)

 

    La nage entre deux univers, et même entre de multiples. Après lecture des trois premiers chapitres de L’expectative de Damian Tabarovsky, jeudi 12 avril, s’être retrouvé avec L’Amour l’Automne (Travers III), acheté au Livre, vers une heure et demie vendredi 13. En avoir lu quelque 70 pages dans la foulée, bien sûr. Le soir, au concert, dans le sixième chapitre de L’expectative, être tombé sur ça :

Il prend une brochure, la lit : Ushuaïa, la ville du cul du monde. (L’expectative, p. 73)

 

qui rappelle ça, quelques heures plus tôt :

Moi, dit Carlos, je viens d’une ville du sud du pays : quand on est là on a l’impression que c’est le cul du monde. Eh bien en effet, quand je suis arrivé à Paris, on me demandait d’où j’étais, je disais Lanus, tout le monde était plié en deux. (L’Amour l’Automne, p. 72)

 

J’ai noté plusieurs autres collusions entre les deux textes, mais il me semble que, dans l’extrait de Renaud Camus on pourrait aussi observer d’autres significations à l’œuvre : ainsi, la phrase citée date de 1976 mais, recomposée pour figurer dans l’églogue publiée cette année, pourrait tout aussi bien s’appliquer à Plieux, où Renaud Camus s’est installé en 1992 et qui est, d’un certain point de vue, et comme il le suggère notamment dans les premières pages du Département du Gers, une forme de « trou du cul du monde ». Or, en réduisant l’expression plié en deux à ses trois premières et ses trois dernières lettres (comme au jeu des papiers pliés), qu’obtient-on ? Plieux, justement.

Ce sont éclats de silex, exils entre les pages, propos taclés de main de maître. Un clavecin même nous amuse. (La main d’un maître anime etc. ?)

 

Sinon/ d’ailleurs/ entre autres choses, je ne suis pas sûr de saisir ce que l’on trouve de si fort ou de si déroutant à ce texte de Damian Tabarovsky. Le chapitre sur l’absence de morts visibles, de sang, lors des attentats du 11 septembre est franchement plat ; la manière même de plaquer l’effondrement des Tours jumelles dans le monologue intérieur de Jonathan est complaisante.

Le reste du récit exploite le filon des textes où l’on suit les méandres d’une pensée qui se cherche : Jonathan, pensant beaucoup, puis de moins en moins, ne sait finalement que penser. Tout se chamboule, du coup, non pas le chaos des souvenirs remouvants au gré d’une stream of consciousness, mais bien la pensée – ou les pensées. Jonathan doit beaucoup aux figures d’intellectuels désemparés ou revenus de beaucoup, singulièrement à la Marelle de Cortazar.

Comme je déteste ces stylos plume de gamine qui ne donnent comme choix que :

1) d’écrire en posant le bouchon sur la table dans ce cas, le stylo est trop frêle, ne tient pas en main

2) d’écrire en fixant le bouchon au-dessus de l’abdomen du stylo, à la place prévue dans ce cas, le bouchon tombe

3) de pousser le bouchon afin d’éviter le cas n° 2 dans ce cas, il se coince, et on risque de tout casser en le retirant

 

Damian Tabarovsky dresse le portrait d’un personnage traversé par un tumulte intérieur plutôt gentillet, un trentenaire dans l’indécision. Rien de bien neuf à cela. Pas pour le style, si la traduction est fidèle. Ni pour la froideur sèche avec laquelle l’idylle à peine née, traduite en effets ménagers, s’émiette dans l’indécision perpétuelle et le penchant de Jonathan pour une existence velléitaire. Ni encore pour la façon dont Jonathan s’enfuit, part en vrille vers Berlin, sur la seule suggestion d’un article de journal sur les chambres à gaz. Le récit s’achève sur l’intervention d’une voix à l’origine énigmatique et qui prononce des avis complexes sur l’ironie absolue des conditions de pensée (dans ce que l’on imagine le monde post-m od erne).

 

Le trajet de Jonathan l’amène à ne plus vouloir penser – et presque à y parvenir : « simplement, il ne va pas » (p. 119). Il se retrouve à laver de petits avions en Allemagne, coupé alors des autres par le barrage de la langue, et progresse encore dans l’abandon de toute pensée : « Tout se passait comme si le seau et le chiffon occupaient à présent la dimension absolue de son être, de l’être ouvert pour le seau. » (p. 125). Nouvel épis od e convenu, plaqué ou complaisant, il y côtoie Mathias Rust avant son périple en Cessna et son atterrissage inattendu sur la Place Rouge. (À l’époque, j’avais appris le mot Cessna ; aussi ai-je tout de suite compris que le jeune Allemand dont J. fait la connaissance était cet énigmatique pilote amateur dont on n’a jamais bien compris les motivations pour avoir pris tant de risques.) C’est convenu, parce que Tabarovsky n’en fait rien, ne prend pas de parti esthétique, s’en tient à l’écume de l’événement. Si son objectif était d’écrire un roman sur l’importance grandissante de pensées superficielles, pourquoi ne pas l’avoir situé tout de go dans un salon de coiffure ?

(Je sais : on exagère.)

00:55 Publié dans Diableries manuelles, Fall in Love, MOTS, Unissons | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Littérature

jeudi, 19 avril 2007

Objet obtus obsessionnel

    Décidément, se dit-il en s'éveillant (avez-vous remarqué comme nous le cueillons toujours au saut du lit ?), ce sont des mots, ou des grappes de mots, des groupes de mots, qui me hantent. Ces grippes de mots me hantent, se dit-il, et après bas teckel muet et coprin noir d'encre, ce dernier désignant je crois un champignon que je n'ai jamais mangé, ni même peut-être vu dans les sous-bois ni les forêts, dans les fougères ni les fourrés, dans les baradeaux ni les bas-côtés, dans les sapinières ni les chênaies, bref après ces trois greffes de trois mots, c'est laine de vigogne maintenant qui me poursuit, et il se mit à imaginer des raisons à ces obsessions, à chercher des causes, oh peut-être pas tout à fait car c'était le genre d'ambition scientifique qu'il avait définitivement jetée aux orties (où, sous les feuilles coruscantes peut-être se trouvaient les coprins noirs d'encre (allez savoir)), se mit à envisager les liens possibles entre ces trois grappes, ces trois greffes, ces trois groupuscules, ces clusters de mots sans suite ou peut-être sans queue ni tête. Alors, d'un air décidé, il se leva, se prépara une grande théière de thé vert, et ressassa dans sa tête puis à haute voix toutes les combinaisons possibles, tout d'abord de ces trois grappes de mots, puis en les malaxant et les mêlant les unes aux autres, ce qui pouvait donner des résultats banals (bas noir de laine), pitoyables (bas teckel vigogne), cacophoniques (laine noire d'encre) ou encore spectaculaires (coprin de muet). Du moins paraissaient-ils tels à cet homme désabusé, envahi de grappes de mots dont il ne savait que faire, et qui d'un air décidé, décidément, se coltinait dans le langage de drôles d'incisions.

22:44 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Littérature, écriture

mercredi, 18 avril 2007

Objet d'étonnement

    Il y avait eu un net rafraîchissement des images. Il avait vu la licorne, gros poney doué de parole.

22:22 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Film, écriture

Méninges térébenthine

    Le hérisson dort-il toujours dans la menthe ? Oh, laissez-le dormir, et ne troublez pas son sommeil, chevillé aux piquants, du pinceau de vos phares. Dans la bataille se jeter. Que son grand-père lui ait appris, si jeune, à jouer à la belette, comme il dit, c'est risible. Vous avez mauvaise mine, dit R. J'ai connu des chineurs, des brocanteurs, des fouille-merde et même des fouineurs. Un jour même j'ai trouvé une version pornographique de Perrette et le pot au lait. Il confond toujours le Bourbon et le Valois. Un whisky sec, and on the rocks. De proche en proche, on sent la dureté froide de la roche. Êtes-vous de la famille ? 

05:55 Publié dans Dimanche pleurera | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Poésie, écriture

Virevoltes, 27

    Serait-ce du zolnofen (?) ? / oui que dalle / elles dorment dans l'ambition des petits ruisseaux qui font les grands fleuves

medium_Virevoltes_27.JPGenfin non ce sont les jointures comme ces plis qui me faisaient des / routes de peu / sur la terrasse à Fadesse

et les voitures / roulaient follement vers des carrefours croisements des feux d'outre-monde / dans ce passé révolu.

01:48 Publié dans Virevoltes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Photographie, Poésie

mardi, 17 avril 2007

Objet du délit (L')

    [Ce sont des crochets qu'il faut ouvrir à présent. (Remarquez qu'on ne dit pas ouvrir un crochet, alors qu'on dit couramment ouvrir une parenthèse.) Ce n'était pas du tout prévu, mais à présent je n'ai pas d'autre choix que d'ouvrir des crochets dans ce texte. En effet, le lien que me signale si gentiment Joye, s'il m'a intéressé, m'a aussi, assez prodigieusement, agacé. L'exposition Objet Beckett n'est pas du tout ratée, comme le prétend Philippe Lançon ; seulement, il faut prendre le temps de s'y attarder. Pour ma part, j'y ai passé trois heures, et encore en ne regardant pas les documents vidéo et films que je connaissais déjà. Les passants qui la parcourent au pas de course, sans prendre le temps d'entrer dans l'univers beckettien (et qui sont souvent venus là par curiosité (saine, certes, mais si superficielle), sans réelle connaissance de l'oeuvre de Beckett), s'interposent entre l'écran et les spectateurs, tout en paraissant se demander pourquoi trois ou quatre clampins sont postés là : regarder un film de quinze minutes du début à la fin ? pour quoi faire ? J'ajoute que, venant de l'insupportable Laura Vanel-Coytte, ce copié-collé sans saveur et sans aucun éclairage personnel ne m'étonne pas. Bref... me faire des amis, encore.

Si j'ai ouvert ces crochets (après la longue parenthèse d'hier), ce n'est pas pour éventer quelque secret de polichinelle pour le texte en cours d'écriture. C'est pour noter combien m'a amusé la précision que le brave petit soldat Laura a cru bon d'ajouter après son petit copié-collé fade : "Et jusqu'à juin 2007, pour célébrer le centième anniversaire de la naissance de Beckett, le Festival Paris Beckett..."

Beckett, né le 13 mai 1906, a prétendu être né le 13 avril, afin de faire coïncider sa venue au monde avec le Vendredi saint. C'est de cet écart, de cette schize, qu'était née, l'an dernier, mon oeuvrette en 32 chapitres, Comment je n'ai pas célébré la naissance de Samuel B. C'est d'un semblable refus de célébrer Beckett à date fixe qu'est né, crois-je comprendre, le projet d'une grande exposition consacrée à Beckett un an après son centenaire. Mais ce sont des subtilités que Laura Vanel-Coytte, toute absorbée dans l'exégèse de Cyril Collard (!) ou dans la contemplation des croûtes de Frida Kahlo, ne peut comprendre.

Fin du mini-pamphlet. Refermer crochet(s).]

Sur quoi, la nuit venant, il remit au lendemain la suite du récit. Le crissement entendu la veille lors de la fermeture des volets métalliques de la bibliothèque ne résonnait plus à son oreille. Il alla se coucher. (Mais fait-il autre chose ?)

23:43 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Littérature

Footnotes, endnotes, bank notes

  "Pour un lecteur les notes en bas de page, ou pire encore en fin de volume, c'est comme un coup de sonnette à la porte, quand on est en train de faire l'amour."

(L'Amour l'automne, P.O.L., 2007, p. 101)

 

    Cette remarque sur les notes de bas de page, si elle n'est pas une citation (et aussi si c'en est une), vaut son pesant d'ironie chez un auteur qui a su écrire des livres, sinon entièrement composés de notes, du moins qui reposent largement sur le principe de l'efflorescence du texte, de l'interruption, de la démultiplication par le moyen des notes de bas de page. C'est le cas de P.A. (Petite Annonce), par quoi je le découvris et qui me le fit chérir, mais aussi, auparavant et depuis, des Eglogues, dont L'Amour l'Automne est la cinquième.

L'image sexuelle est d'ailleurs intéressante aussi pour sa représentation négative de l'interruption. Dans les Eglogues comme dans les hyperlivres de Renaud Camus, le foisonnement n'agit qu'à condition d'interrompre sans cesse chaque fil (éclatement, rhizome). Oui, ce dès la première phrase de Vaisseaux brûlés : ne lisez pas ce livre ! Je vous interromps, je vous arrête, pour mieux vous retenir. Captatio benevolentiae, ou capture du lecteur dans les rets de l'hyperlivre ? Lier, c'est rompre ; lire, c'est être rompu, se rompre comme un cheval, s'exercer. Alors, les notes deviennent le texte, et tout le texte n'est que notes, codicilles, creusements. L'églogue, ex-logos, est ce qui dérive de la parole, commentaire ou après-texte.

07:30 Publié dans Fall in Love | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Littérature

lundi, 16 avril 2007

Objets de peu

    (Ici il faut ouvrir une parenthèse. Ce soir, en fermant les volets métalliques de la bibliothèque, il a entendu un crissement, comme si on écrasait de vieilles toiles d'araignée avec un fer à repasser froid. Durant le jour, il ne s'est pas interrogé sur le rêve du bas teckel muet, et ne s'est pas cherché un nom. Le bouquet de phlox va se fanant, la fille du roi s'en va chassant, chaque chose est à sa place et pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Ce qu'il avait fait hier soir, juste avant de monter se coucher (et en oubliant consciencieusement (d'ailleurs) de fermer les volets métalliques de la bibliothèque (ce dont il s'est aperçu ce matin)), il en sera question demain. Pourtant, durant le jour, le rêve du bas teckel muet ne l'a pas hanté mais il s'est rappelé, en déplaçant certains livres d'art d'une étagère à l'autre, ou en faisant au sol des piles de livres de poche afin de faire de la place pour les disques sur les rayonnages les plus proches de la chaîne, ou en montant avec vis, vigilance et huile de coude une séparation de salon en pin (mais pour la nouvelle chambre d'amis), il s'est rappelé (donc) cette nouvelle de Zoe Wicomb dans laquelle l'os gris mat (matt grey) qu'avait parfaitement nettoyé une passagère du bus figurait le corps féminin métis mais aussi le corps près d'avorter mais aussi le désir des hommes semblable à celui des chiens mais aussi tant d'autres choses, et il ne savait plus si le mot familier désignant un clébard, un bâtard, ce mot paronyme de matt (mutt) se trouvait aussi dans le texte ou s'il l'y avait imaginé, convoqué, fait surgir.

(Ici il faut ouvrir une parenthèse à l'intérieur de la parenthèse : désormais, Samuel Beckett oscillerait entre 1211 et 1212 mois ; de Barclay il n'est plus question ; Cixous aussi s'est fendue de son hommage sauce béarnaise ; les hérissons succèdent aux taupes ; etc.)

Entre-temps, le crissement entendu lors de la fermeture des volets métalliques de la bibliothèque ne résonnait plus à son oreille. Il alla se coucher. (Mais fait-il autre chose ?))

23:23 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Littérature, écriture, Fiction

dimanche, 15 avril 2007

Objets d'encre

    Dans la nuit, bien sûr, il rêva. Bien entendu, il rêva du bas teckel muet. Vous avez bien entendu bien lu et bien deviné et bien sûr bien que j'insiste vous lisez bien : il rêva du bas teckel muet. En se couchant, il s'était demandé : vais-je rêver du bas teckel muet ? Puis, en lisant son journal, les bougies blanches éclairant mal les pages, il s'était dit qu'il pouvait soit rêver du bas teckel muet et s'en souvenir soit rêver du bas teckel muet et ne pas s'en souvenir soit ne pas rêver du bas teckel muet et s'en souvenir soit encore ou enfin ne pas rêver du bas teckel muet et ne pas s'en souvenir. Alors, il s'était rendu compte qu'il était idiot de penser qu'il pouvait (selon la troisième hypothèse) ne pas rêver du bas teckel muet et s'en souvenir, puisqu'on ne peut guère se rappeler ce qui n'a pas eu lieu, surtout dans l'univers des rêves. Mais il s'était rasséréné, confiant en son système et s'était dit : bah ! demain je saurai si j'ai rêvé du bas teckel muet.

Cette histoire de bas teckel muet le turlupinait à peine, mais ce qui le taraudait, c'était le fait que ce bas teckel muet ne soit qu'une expression et nullement une image. Il ne pouvait en rien se représenter un bas teckel muet, mais seulement ânonner sotto voce les trois mots, les quatre syllabes bas teckel muet. Trois mots en quatre syllabes, se dit-il, et je verrai si j'en rêve.

Il en rêva, bien entendu. Toutefois, la question de l'image ne fut en rien résolue, puisqu'il ne vit pas vraiment le bas teckel muet, seulement un voisin, M. Fiston, qui promenait en laisse un bas teckel muet, et que par conséquent ce chien ne brillait pas par son pouvoir d'impressionner rétine ou mémoire. (Rétine du rêveur bien sûr : c'est façon de dire.) Au matin, il lui fut difficile de savoir s'il avait ou non discuté avec M. Fiston de ce chien qu'il ne lui avait jamais vu promener auparavant, ou s'ils parlèrent seulement du Cap, des rues du Cap, et même plus précisément des faiseuses d'anges du Cap. Ah ça, il était sûr que la discussion avec M. Fiston avait porté sur les faiseuses d'anges du Cap.

Juste avant le réveil (et déjà il prenait conscience qu'il avait rêvé du bas teckel muet et surtout qu'il s'en souviendrait), il se trouvait dans sa bibliothèque, à griffonner fébrilement sur une feuille les mots bas teckel muet dans toutes sortes d'encre différentes, avec stylos plume et stylos bille de tous styles et de toutes marques, jusqu'à rassembler la feuille en une sorte de bouquet froissé. Il pensa : coprin noir d'encre. Puis il se réveilla.

22:33 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Littérature, écriture

Le Génie du lien

    L'Amour l'automne, églogue à seize mains : trop de connivences, trop de liens à chaque ligne. Il faudrait ne plus écrire, et ne plus lire. C'est dire s'il faut continuer de lire et d'écrire. L'une des anagrammes les plus fertiles du volume, Tristan/Transit, me renforce encore dans l'idée que les textes les plus complexes de Renaud Camus sont cousins du Génie du lieu de Butor (dont le tome 4 s'intitule justement Transit).

--------------                               -----------------------                              ------------------

Matthieu avait décidé de lire d'abord les six premiers mois du Journal de Travers, histoire de parvenir à l'orée de l'automne, au troisième tiers de septembre 1976. Mais, une fois acheté l'épais volume blanc dont l'odeur (boisée, printanière, fugace, charnue) lui rappela aussitôt celle de son exemplaire (oublié, remisé (depuis belle lurette) dans la buanderie) des Géorgiques de Claude Simon, quand il l'avait acheté à Bordeaux en 1993, il ne put ni ne sut ni ne voulut résister, et en commença la lecture sur le champ (et en classe).

11:30 Publié dans Fall in Love | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Littérature, écriture, Fiction, Folie

Dans la lumière des phares

    En rentrant du concert de jazz, il vit, dans la lumière des phares, un hérisson traverser la courette et se réfugier dans la menthe. J'ai dévoré une religieuse, puis une tresse en chocolat et un pithiviers. Allongés sur des nattes, les enfants discutaient de choses, d'autres, quelques salamalecs. Piquée par une abeille, la jeune fille ne put extraire le dard. Le soleil brille et brûle le crâne dégarni. Ce sont encore et toujours des salamalecs sur le Golgotha. Jamais on ne sera venu à bout des Âmes mortes, couverture cousue de rouge. Après avoir suivi des yeux le fil blanc des phares, toi aussi tu as aperçu la course du hérisson.

08:40 Publié dans Dimanche pleurera | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Littérature, écriture

samedi, 14 avril 2007

Objets de culte

    Chercher son nom, se chercher un nom. Il a aligné, sur la paillasse, les deux mugs, les deux pintes, les deux verres à bordeaux et les deux tasses à café, et se demande comment chercher un nom, au fond de quel verre ou de quelle tasse il se trouvera un nom. Encore un bas teckel muet, se dit-il en observant un bourdon entré par la fenêtre et qui tournoie autour de la pinte décorée de trèfles. Il se répète alors, ânonne bas teckel muet, se surprend à égréner ces trois mots bas teckel muet, se demande comment traduire bas teckel muet, et pourquoi avoir traduit le spectacle du bourdon autour de la pinte par les mots bas teckel muet. Il se recouche. Demain chercher un nom, se chercher un nom.

22:22 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : Littérature, écriture

Virevoltes, 26

medium_Virevoltes_26.JPG

 

    De travers trop sur ces dalles / ça tangue dur / vous me les copierez sur le tableau noir ces cent lignes

Ces phrases me taraudent et ces frêles ciseaux d'exil /avril déjà / dérape trop de travers

.... .............. .......

18:00 Publié dans Virevoltes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Poésie, Photographie, écriture

Vanitas

    Après avoir corrigé, au stylo bille noir, les 25 copies écrites en bleu, je me mis en quête d’un stylo plume pour les 6 copies qui restaient, elles-mêmes noir sur blanc et exigeant une couleur distinctive.   Le stylo plume à encre rouge était vide, et je n’avais plus de cartouche. Le stylo plume à encre verte n’était pas vide, mais il fonctionne mal. Croyant placer une cartouche verte dans le stylo plume à encre rouge, je fis un essai de « lancement » sur une feuille de brouillon et vis apparaître un jet de bulles noires ; j’écrivis, sous la colonne de cercles jaillis, IT’S BLACK INK FINALLY. Puis je procédai au même essai avec l’autre stylo plume, aux éclaboussures qui, s’avérant vertes, reçurent la légende THIS IS GREEN INK INDEED. Restent les orbes que dessinent ces cinq colonnes de bulles vertes à la plume et cette unique colonne dissimulée de bulles noires, et ce petit texte buvard, minable (à la pointe), dont personne ne saura que faire (pas moi).

12:13 Publié dans ABC*ACB, Diableries manuelles, Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : Ligérienne, écriture

vendredi, 13 avril 2007

Objets de pierre

    Le mois qui commençait un vendredi s'était achevé un dimanche. Il n'y avait là rien d'insolite, à se creuser la tête dans les fourrés, mais toujours ce même mouvement d'un futur de pacotille vers un passé à recomposer. Si le soleil avait disparu, ce matin-là, pour laisser la place à de légers nuages gris foncé et à la pluie mêlée de chants d'oiseaux printaniers. Le soleil donc avait disparu, et les voitures continuaient de longer prudemment les trottoirs à vive allure. Un bouquet de phlox au milieu de la table du salon signalait aux hôtes de ces lieux l'abandon comme une fioriture. Comment comprendre alors que le mois qui commençait ce vendredi se fût achevé aussi un dimanche ? Une autre fois, en d'autres temps, dans les lieux du passé peut-être ? À peine embouquetés, leur vase au milieu de la table, les phlox commençaient à donner des signes de fatigue, fanant.

Des objets de pierre, désolidarisés du tronc d'arbre, projetaient d'étranges lueurs, même si loin du soleil.

08:00 Publié dans Bel arciel | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Littérature, écriture

vendredi, 06 avril 2007

S'effiloche tout

    Dehors chaud mais dans la chambre aux corbeaux il fait froid. J'y refais le lit, oreillers en goguette. Persiste à ne rien de rien comprendre, malgré plusieurs écoutes et quoique ébloui par musique et chant, à l'intrigue d'Orlando finto pazzo. S'effiloche tout.

18:40 Publié dans Minimalistes | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Musique

jeudi, 05 avril 2007

... qui saura entendre ...

medium_4_avril_2007_013.jpg

    Gaston-Paul Effa ne devait pas imaginer que Didier Daeninckx refourguerait à des vendeurs de livres d'occasion l'exemplaire gentiment dédicacé de .

"Souvenir de Lille" qui atterrit sur mes rayonnages...

medium_4_avril_2007_014.jpg

13:00 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Littérature, Livres, Photographie

mardi, 03 avril 2007

23 autoportraits au bord du gouffre

    Il nous défie.

Il s’efface, son manteau d’encre fait écran.

Deux visages spectraux hantent le fond de cette fière stature.

L’œil noir, les traits se diluent.

Orbites enfoncés font lunettes.

Placé debout dans une salle il épie.

La fine moustache de celui qui dessine sculpte un visage harassé.

De sa silhouette à contre-jour, toujours il guette notre regard.

C’est à regret qu’il se détache outremer.

Les manteaux accrochés, le fauteuil pour chevalet, la canne dans la ligne de l’aquarelle au mur, tout converge vers ces yeux profonds.

Épiant, il peint.

L’air mauvais, pianiste phtisique aux doigts endoloris, crache le sang de sa palette.

Un spectre en soutane tenant un chapeau rouge.

La lune rouge voue ce balcon à la folie.

――― Les rectangles glissent du ciel. ―――

――― C’est un linceul recouvrant les rêves. ―――

Un crâne agité succombe au succube hallucination.

Cadavre furieux toujours il nous défie.

Le voici revenu ; il reprend des couleurs.

De la casquette comme un masque.

Avec le sépia qui dégouline la tête semble arrachée au col et au manteau toujours noir d’encre.

Flottent couleurs lumière noyée les veines vibrent.

Respectable, en onze ans il a comme rajeuni, mais son regard foudroyé plus que jamais emprisonne le nôtre.

04:40 Publié dans MAS | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : Art, Autoportraits, Peinture, écriture, Poésie, Musées

lundi, 02 avril 2007

L'un p(e)int

    Sur le trottoir opposé au sien, il y avait, vêtu d’un trench coat, le sosie conforme (ou la copie crachée (ou le parfait portrait)) de Keith Jarrett, enlacé à une dame élégante de soixante balais. Un groupe de six contrôleurs discutait avec un saxophoniste, musicien des rues.

Serait-il descendu à l’arrêt Rue du B. ? S’il avait pu rejoindre les deux très jolies jeunes femmes aperçues du sens inverse, oui sûrement. Une voiturette soufflait une sorte d’Autumn Leaves.

 

20:20 Publié dans Soixante dix-sept miniatures | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Jazz, Photographie, écriture

Inuit plu

    Il faisait ¡ quand nous avons écrit cela jouant tarot c’était simultané et l’imparfait, loin d’être de mise ­­® vite un dé mineur ! ®, était de convention ¢ trop chaud dans la voiture 5, où il avait trouvé une place assise avant de payer son billet auprès du contrôleur au tarif de bord Õ vous étiez dans la Clio, et je m’en suis arraché, persuadé que j’allais rater même le marchepied Ö, et, sous le coup de cette chaleur, il avait préféré se rendre dans l’espace entre deux voitures Ü plateforme, ça s’appelle Û, où la température était beaucoup moins étouffante et où se calant, à moitié allongé, sur l’un des spacieux porte-bagages – les barreaux lui sciant les fesses – il avait pu poursuivre sa lecture, enfin à son aise. Il ¤ elle ne renonce pas à cette convention factice / elle a fini par inscrire un point et commencer une nouvelle phrase / elle ? ¥ en avait conclu que, pour un trajet bref, il lui importait plus de pouvoir respirer que de ne pas se disloquer le corps contre du métal froid.

15:15 Publié dans Pêle-mêle | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Littérature, écriture, Poésie, Cinéma, Jazz, Train, Pronoms

Lip n' Nuit

    Valérie ? Valérie avait raison. En quittant la rue B. à sept heures et quart il valait mieux prendre le bus A puis rejoindre le quai en traversant le fleuve. Passer par les prés verts. J’étais arrivé rue B. à cinq pile, après avoir assisté à une émeute – jeunes squales black se foutant sur la gueule – qui s’est achevée, à ce que j’en ai perçu lointainement, par un déluge d’applaudissements. À cinq pile, LA FARNÉSINE, JARDINS dépassant de la poche droite du manteau, arrivé près de la porte d’entrée de l’immeuble j’ai vu Antoine du Parc et Zam Roche occupés à photographier un couple visible pour moi seulement de dos : aussitôt confronté à eux, je sus que c’était M. Kunda avec son épouse.

Le train a démarré, ça tangue, je me suis assis pour écrire ces lignes après avoir traversé le train à la recherche de Véronique, pas trouvée. Véronique ?

13:30 Publié dans Diableries manuelles | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Ligérienne, écriture

Pin lutin

    Onze heures du soir.

Me voici guetté par l’insomnie, ne sachant par où commencer – une des nombreuses notes de lecture projetées qui s’entassent ? – recopier au propre les billets jetés sur un bloc-notes Tulip Inn, samedi durant ? On ne devrait pas boire tant de thé, me glisse la petite voix fureteuse, avec un billet aller pour le Purgatoire. Ce soir c’était Solaris, celui de Soderbergh,  toute petite chose.

10:10 Publié dans 410/500 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Cinéma, écriture

Samedîles lointaines

  • Marc Cholodenko. Thierry. *
  • Denis Duparc. Echange.
  • Gaston-Paul Effa. . **
  • Inoué Yasushi. Histoire de ma mère.
  • Manifeste électrique aux paupières de jupe. ***
  • Kaji Motojirô. Le Citron.
  • Robert Pinget et Jean Deyrolle. Cette chose. ****
  • Nicolas Valtimbella. disaient les 2 fils.
  • Catherine Weinpflaezen. La Farnésine, jardins. *****

 

* Le vrai titre n'est pas reproductible avec les maigres moyens typographiques dont disposent ces carnets.

** Exemplaire dédicacé par l'auteur à Didier Daeninckx (photographie en macro à suivre).

*** Exemplaire original (si tant est qu'il y ait eu des retirages), dégotté 5 euros dans le bac d'un bouquiniste inculte du boulevard Saint-Germain.

**** Failli acheter Fable, un des rares Pinget que je n'ai pas.

03:30 Publié dans MAS | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Littérature

Virevoltes, 25

    Mon ombre ne tremble pas / ma belle ombrelle / goujat :

medium_Virevoltes_25.JPG

 

Le goût vous reste dans

la bouche ainsi que du sperme.

Ce vil goujon, oh oui,

paradait pour la vitrine :

L'ombre ne tremblera pas /

Ganges / vos tours boueuses. 

 

 

00:33 Publié dans Virevoltes | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Photographie, Poésie

dimanche, 01 avril 2007

Virevoltes, 24

     Je suis fait de ce bois-là, dit le poisson, muet.

medium_Virevoltes_24.JPG

 

Une : année guetter : le retour du bel avril.

Cela tanguait, oui, dans ces forêts infernales.

Et si le fleuve mourait, toi, tu serais muet.

22:50 Publié dans Virevoltes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Photographie, Poésie, Ligérienne

Sous nos égides

    1er avril 1209 : Egide devient l'un des premiers disciples de Saint François. Il est ainsi plus connu sous le nom d'Egide d'Assise. Il est reconnaissable à sa coule bénédictine et à sa biche ; on l'invoque contre la panique, le mal caduc, la folie ou les frayeurs nocturnes (!).

30 mars 1209 : si l'on suit le style calendaire pascal, il y en a eu deux (mais aussi deux April 1st...!).

14:00 Publié dans Hystéries historiées | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Histoire, Hagiographie, Littérature

Ce dimanche aussi

    Ce dimanche aussi est le jour du poisson. Rire vendredi. Niet te huur, dat komt je te duur. Il m'en coûte de porter le seau par l'anse. Toujours, les bras noueux (gros bras, pas petit bras, un peu fin-de-hamlet), nous nous serons ridiculisés, lui et moi, rue B. Même avec retenue, même sur ses gardes, on s'enivre de poussières d'étoile et on retombe dans ses vieux travers. Il a sorti cinq vannes nulles en cinq minutes, quel histrion lourd comme un plat de coustouns. J'entends ça à peine la porte refermée, car la gêne lâche la bonde. Dans un sens c'est mieux ainsi. Tous ils étaient venus au bal en couple, et toi aussi avec ton frère balourd, des arêtes obtuses plein les poches. De la balle, je refermai la lourde.

12:05 Publié dans Dimanche pleurera | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature, Ligérienne, Poésie