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mercredi, 31 mai 2006

W

    L'un des ouvrages que je préfère, de Perec, est Alphabets, peut-être le plus illisible ; depuis longtemps, chiffons et plumes sont délaissés ; je déplace mes pièces sur un échiquier malpropre.

(Où je me rêve théâtreux, ce que ne voulut pas le Destin.)

20:40 Publié dans Arbre à came | Lien permanent | Commentaires (0)

XV : Fractures

    Il était donc vrai que Beckett traquait les taupes...

[Mardi : Traduisant le chapitre qui relate les retrouvailles de Jeebleh et de Seamus, j'écoute Continuo, le dernier opus du trio d'Avishai Cohen (le bassiste).]

En 1897, l'année de naissance de mon arrière-grand-mère, mais aussi d'Opal Whiteley (que je n'ai pas oubliée), Samuel B. écrit son essai dans lequel il démontre que l'Odyssée a été écrite par une femme. Oscar Wilde croupissait en prison jusqu'au 19 mai de cette même année.

Plus de deux siècles auparavant, Samuel B. se moquait des scientifiques en bâtissant, à défaut de châteaux en Irlande, des éléphants dans la lune.

Seamus sourit. C'est bien le moins.

 

 

16:15 Publié dans Voici venir Samuel B. | Lien permanent | Commentaires (0)

Un : scorpion :: en ::: février

    De ces dix-neuf brèves nouvelles, dont il est question d’écrire bientôt des accourcis, j’ai lu hier soir les cinq premières, et ce matin dans la cour donnant sur la rue – pendant que mon fils nettoyait la cage du varan et arrachait des adventices pour nourrir icelui – les six suivantes. La nouvelle mexicaine est-il un genre à part entière, qui recoupe l’extrême brièveté, l’ellipse fulgurante et un imaginaire corrosif ou sordide, qui mêle ironie et cruauté ? Peut-être pas, car cette écriture me rappelle quelques nouvelles de Manuel Vazquez Montalban lues en 1990 (j’avais trouvé l’exemplaire relié des deuxièmes épreuves non corrigées dans une poubelle, à Dax). Donc, mexicain, bon, plus ou moins.

 

Guillermo Fadanelli. Un scorpion en février. Traduction par Nelly Lhermillier.

Paris : Christian Bourgois, 2006, 140 pp., 15 €.

12:11 Publié dans YYY | Lien permanent | Commentaires (0)

Mummification

    Fuligineuse m'a envoyé, il y a maintenant trois semaines (shame on me) un texte qu'elle a écrit fin avril à partir de phrases publiées dans ce carnet, sous la catégorie Onagre 87 (qui s'est enrichie, depuis, d'autres textes, évidemment). Réticent à vous livrer la contrainte qui préside à l'organisation, et certain aussi que les plus fins d'entre vous s'y retrouveront, je vous livre donc, brut de décoffrage, en quelque sorte, ce texte dont l'auteur est vraiment Fuligineuse (quoique, par ma faute ou ma paresse, il y manque italiques et liens hypertextuels), et qui s'intitule

 

MUMMIFICATION

(Quel faux jeton que moi !)

« Pourquoi apparaissons-nous ? »

À peine une conversation sur telle contrée, tel village, tel voyage possible – à peine la lecture de quelques pages où éclate un lieu, une région, les bords d’une rivière – à peine si je feuillette un atlas, une carte routière – et je suis pris d’une frénésie de bourlingue, de voyage – découvrir une petite abbaye méconnue, un panorama qui semble superbe, une église de village avec son café délabré en face, ce château qui justement n’ouvre pas le jour où vous passez aux alentours, ces routes et ces déroutes.

Après un séjour de dix-huit mois à Rome, Jacques Blanchard se rendit à Venise, où il resta deux ans.

Au lieu de vous entretenir oiseusement et sempiternellement de la fièvre des nombres, je pourrais bien insister sur mes folies alphabétiques, qui m’ont permis de découvrir, jeudi dernier, l’œuvre poétique de Pierre-Albert Jourdan, dont même le nom m’était inconnu, mais qui m’a happé tandis que je cherchais, sur le catalogue du Service Commun de Documentation, s’il y avait des ouvrages de Dieudonné Jourda (pas trace) ou de Pierre Jourde (si fait).

Aujourd’hui, comme hier, sa maîtresse était absente, car elle ne se remet pas d’avoir couru le Marathon de Paris dimanche dernier.

Aujourd’hui, comme hier, sa maîtresse était remplacée par une dame qui ne dit (aux petits ni à leurs parents) ni bonjour ni au revoir, ne surveille pas les enfants dans la cour, et se laisse totalement déborder dans la classe.

Aujourd'hui, mon fils a cinquante-sept mois.

Aujourd’hui, on va « faire aller ».

Aujourd’hui, pour la première fois depuis longtemps, il n’avait vraiment pas envie d’aller à l’école.

Bien plus chtonienne que celle de Messiaen, cette musique se développe dans la rugosité de piliers d’église marqués par le sang des sacrifices.

Ce n'est pas là une vision très piétiste de Madeleine, ni une "vanité" sombre ou lugubre...

Ce sera mieux ainsi.

Ce tableau représente une Madeleine pénitente au crâne, très caractéristique de l'époque maniériste, tant dans les formes de la jeune femme que dans sa quasi nonchalance et sa main surprise ; on remarque par ailleurs ce qui semble être un visage d'angelot caché dans le drapé de la robe, tout près du sexe

Cherchant des informations sur le mois de mars 1123, afin de composer l'une des Hystéries historiées, je découvre une page Web consacrée à l'Histoire de Lucelle, commune et abbaye dont j'ignorais totalement l'existence ; or, je lisais hier soir, avant de m'endormir, le quatrième chapitre de Suburban blues, dans lequel Yémy forge le néologisme lucelle, qui échappe à une jeune femme, en un moment d'extase sexuelle porteuse de métamorphoses lexicales.

Comment disparaissons-nous !

D’une trouble majesté, Affettuoso (première pièce du disque d’Œuvres d’orgue de Joris Verdin (dont il est lui-même l’interprète)) se situe dans le sillage d’un Messiaen, sans paraître en partager le goût des sphères éthérées.

Dans le square noir de monde, les feuillages applaudissent à tout rompre.

De leurs maigres gestes en forme de signatures émane une grande joie.

Dédier une semaine à saint Ouen, prendre les eaux à Eugénie et les orgues à Rouen.

Depuis, je lis, par à-coups, les proses brèves de L’Espace de la perte, qui sont éblouissantes.

Des guillemets à l’italique, il y a le fossé séparant le poème du roman, et qui n’existe pas. Ces épîtres seront cause de notre mort prochaine.

Elle joue de la "guitare" (théorbe, luth) à bord d'un "drakkar" richement peint.

Heureusement, d'autres chapitres me laissent tranquille, mais je m'aperçois, écrivant ceci, que j'ai oublié de poursuivre la série des faux dictons de ce mois.

Idéalement, la catégorie 1295 devrait compter 107 ou 83 textes.

Il y a de curieux hasards.

J’ai appris récemment que lycaon se prononçait vraiment [likaon] et non [likã], comme, par analogie avec Laon, paon, faon, taon, je me l’étais figuré.

Je crois me rappeler que le narrateur précise que "ça n'existe pas".

L’automne est une saison bien plus équivoque, à cet égard, sous nos latitudes.

L’hiver n’est jamais si soudain que le printemps.

L’œil capte ce que ne saisit aucun mort.

La feuille de format A4 annonce le Premier Printemps des Intellectuels, Poètes, Ecrivains et Artistes Noirs, à la Sorbonne, le 8 avril 2006 à 13 h 30 (amphithéâtre Richelieu), à l’initiative de Djibril Gningue, président de l’Association Internationale Cheikh Anta Diop.

La mer lie de vin, on s'enfonce dans l'eau avec vous, puis pleure en entendant le jeune homme chevelu appeler, éploré, Branca Flor.

La mésange charbonnière n'est pas revenue rôder près du nichoir, ni le chat noir et blanc dans la haie de thuyas.

La pente rude à l'ânière, avec ses bêtes au joug. La faîne est bien le fruit du hêtre.

Le bar du Musée, près de la place Anatole France, est l’un des établissements les plus hideux et les moins conviviaux de Tours, mais on s’y retrouve quand, à l’heure du déjeuner, on a raté le bus 8 et qu’on doit poireauter vingt-cinq minutes avant le suivant.

Le berger honni accompagne ses pas sans honte.

Le cerveau échauffé, on se gorge d'eau, comme la prairie nourrie de pluie, aux premiers vents du printemps. (Peut-on écrire que cet anglais n'est pas catholique ? Mais la langue entendue est gouleyante comme une pierre frottée qui grasseye.)

Le chapitre IV de l’essai classique de Piera Aulagnier, La violence de l’interprétation, s’intitule « L’espace où le je peut advenir ».

Le cheval au labour cerne un chant qui s'éteint dans les volutes roux des sillons.

Le délivre.

Le premier billet publié de la catégorie Onagre 87 était « Ode naïve », mais deux textes avaient été écrits plus tôt ce même jour, qui avaient signé l’acte de naissance de cette série. « Ode naïve » fut écrit en bus, entre les quais et l’arrêt Chopin, au dos d’un bulletin de bibliothèque (les Sonnets de Shakespeare, dans la traduction des époux Bournet, parue chez Nizet en 1995, ouvrage à rendre avant le 10/11/05, et qui fut rendu en temps et heure), avec un bic noir, m’appuyant sur ma serviette.

Le Robert des noms propres, que je consulte pour retrouver les dates du prince (Andrinople, 1459 – Naples, 1495), indique bien qu’il (Djem) fut vaincu par Bâyazîd II (Bajazet) puis retenu prisonnier en France, mais il ne parle pas du tout de Bourganeuf.

Le titre est-il ironique, ou suis-je sourd aux intentions du compositeur ?

Les marchands du temple sont bien en place.

Loi des carrés : les Soixante-dix-sept miniatures doivent être, in fine, 77 ; de même, il faudra cinquante-neuf textes dans la catégorie 59, et quatre vingt sept pour Onagre 87.

Mélopées qui défigurent les visages du Christ, mais on n’est pas à l’abri d’un sursaut de cabri, d’une ruade d’âne, d’une valse chevaline débridée qui viendra, par la faune, remettre nos préjugés à leur place.

On a beaucoup glosé, en ma présence, de ma fausseté, de ma surdité, de mon obtusion, de mes assonances.

On dit on.

On imagine la magie.................. aucun âne n'est saisi de faim-calle.

On tirera au sort l'ordre des chapitres, dans le Livre.

Or, une dame nous tendit un prospectus pauvrement ronéoté, après s’être assurée, nous scrutant un interminable instant, que nous écoutions Alain Mabanckou avec la déférence qui s’impose.

Pas par commodité, mais pour ne plus s’y retrouver, comme dans le labyrinthe de fer forgé.

Plus subtil : dois-je m'en tenir à trente-et-un tankas ?

Pourtant, tous les Bourganiauds, eux qui s’inquiétaient de ne jamais me voir sortir, et de me penser dépérir, ont gardé le souvenir du prince ottoman.

Premier midi ensoleillé a déjà goût d’été.

Rassurons les matérialistes qui craindraient que la majuscule ici imposée au nom commun livre ne signifie une quelconque sacralisation : fort heureusement, le Salon célèbre surtout les bouquins de stars du show business, les éditeurs soucieux de vendre de la soupe, le Lion’s Club ou France Télévisions, qui sont, comme chacun sait, les officines de la bibliophilie contemporaine.

Roubaud est déjà passé par là. (Au cube et plus bellement, soit.)

Samedi, il faisait un temps mouquirous (en gascon dans le texte), hier un printemps superbe, aujourd'hui entre les deux. Hegel météorologue (un titre pour Derrida).

Si l'espace advient, plus de je dit...?

Soyez donc rassurés : vous ne croiserez pas beaucoup d’éditeurs et de lecteurs aux paupières brûlées par les braises de l’Idéal.

Telle est la simple question posée, à l’un des coins du labyrinthe de mots qui constitue la dixième double page de l’édition française du curieux poème de Ryoko Sekiguchi, Cassiopée Peca.

Telle semble être l’exclamation que le narrateur du dernier roman d’Enrique Vila-Matas, Docteur Pasavento, inscrit, marque d’infamie et de facétie, au front de son lecteur.

Toutefois, je le feuillette avant d’en commencer la lecture, et je tombe d’abord sur les en-tête des pages 141, 157 ou 165, où le titre du chapitre est repris, mais où, par une légère incurie typographique, la petite majuscule est U au lieu de Ù : la formule devient une belle et sombre phrase déclarative « l’espace ou le je peut advenir ».

Un sandwich et un demi ; la première terrasse, en bras de chemise.

Un Sisyphe de somme s'épuise, sans jamais (pense-t-on) connaître l'insomnie.

Une haute pile de livres que lit régulièrement mon fils, et jusqu'alors épars, a été, par mes soins, assemblée et forme un tumulus au milieu du salon.

Vous ai-je déjà raconté comment je vécus enfermé, pendant trois pleines semaines, dans la tour de Zizim, à Bourganeuf ?

Vus d'en haut, les deux corps nus qui tâtonnent près du rivage comblent le vide à l'horizon.

11:38 Publié dans MAS | Lien permanent | Commentaires (5)

Un ::: scorpion :: en : février

Valeria, personnage de l’une des nouvelles de Guillermo Fadanelli, a un remède souverain contre l’insomnie.

C’était quelque chose de très simple : imaginer un prénom de femme et le comparer au sien, imaginer tous les prénoms possibles qu’elle aurait aimé porter plutôt que Valeria. (Un scorpion en février, traduit par N. Lhermillier, p. 43)

 

Certaines de mes lectrices, vraies professionnelles de l’insomnie, pourraient être tentées d’essayer cette méthode, mais je les aurais prévenues : cela se termine mal pour Valeria.

11:28 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (2)

L’ombre, dis-tu

    Tombe du lit. Lisser les froissements. Ce manteau qui frissonne. Sonne l’heure. Heure des peupliers, qui ploient curieusement. Manteau encore glacé. Lassé de tout, il sombre. Sombre pressentiment. Manteau qui m’entoure. Ourlets des draps, qui blessent. Laisses des nuages. Âge déjà tardif. Difficile de lisser encore les draps. Rapide existence. Stances des derniers adieux. Dieu nous prie, d’outre-tombe. Tombe du lit.

11:12 Publié dans Kyrielles de Kaprekar | Lien permanent | Commentaires (0)

Questions que je n’ai pas posées à Nathalie Léger

    L’auteur des très émouvantes Vies silencieuses de Samuel Beckett a donné hier soir une belle lecture d’extraits de son livre, et répondu avec douceur et maestria aux questions, pour une séance joliment ouverte par Laurent, le libraire du Livre, qui avait écrit un texte d'ouverture très réussi et qui semblait pétrifié par le trac, alors que, m’a-t-il semblé, il n’y avait là qu’une trentaine d’habitués – je ne vais, pour ma part, presque jamais à ce genre de rencontres, non par manque d’intérêt mais parce que je n’y pense pas (hier soir, j’y ai pensé), mais les personnes présentes se connaissaient toutes, se faisaient la bise, sont restées pour le verre de clôture, vous bousculaient aimablement car c’était de ne même pas s’apercevoir de votre existence – qui ne pouvaient en aucun cas le mettre dans cet état (on dira que c’était la présence, étrangement envoûtante, il est vrai, de Nathalie Léger à ses côtés).

N’ayant pas pris de notes, je ne saurais que mentir ou approximer dans mes rafistolages de souvenirs, mais je vais poursuivre le dialogue, au moins dans cet espace neutre et public, en couchant par écrit quelques questions que je n’ai pas posées à Nathalie Léger. Je peux dire que j’ai posé une question sur la méthode (mais j’aurais voulu aussi la lier à sa remarque antérieure sur le jeu de Glenn Gould et suggérer la notion d’improvisation à la Michel Butor) et une question sur l’épigraphe des “Précisions” sur lesquelles s’achève l’ouvrage. Pour le compte rendu, il faudra une meilleure mémoire ou une plume plus alerte que la mienne.

***

Son ouvrage – ni essai, ni témoignage, ni autobiographie, ni rêverie, mais tout cela à la fois – est d’une lecture très agréable, que je vous recommande.

***

 

J’ai dû mal poser ma question sur le rôle joué par les photographies, car Nathalie Léger a surtout répondu à la question des archives et du rôle de déclencheur d’écriture. En fait, ce qui me paraissait intéressant, c’était sa fascination pour certaines photographies plutôt que pour d’autres, d’autant que, dans sa réponse à la première question de Laurent, elle a longuement parlé – mais sans référence aux portraits de Beckett – du punctum et du studium barthésiens. Donc, mieux formulée, la question serait : « quelle est la part agissante de l’imagination dans votre écriture à partir de photographies, notamment dans la mesure où vous vous mettez à la place (dans la peau) du photographe, plutôt que de Beckett lui-même ? » (Je pense notamment aux pages 85 à 87, à propos de Jerry Bauer.)

Autre question, comme vous parlez à propos du couple improbable formé par Beckett et Suzanne, chère Nathalie Léger, de « l’immanquable numéro de clown de la conjugalité » (p. 90), diriez-vous qu’il y a quelque chose de clownesque dans l’œuvre – même non théâtrale – de Beckett ?

Autre question encore, comme vous évoquiez, tant dans le texte (p. 24) que dans l’une de vos réponses, le grabat, que pensez-vous de l’analogie possible entre le mot birth, dont vous rappelez l’impossible traduction selon Beckett lui-même (p. 12), et le substantif berth, qui désigne la couchette étroite des marins, espace clos, espace de navigation, worstward ho !?

(On comprend que je n’aie pu poser cette question de cette façon-là ou dans cette syntaxe là, au risque de paraître définitivement fou. (D’autant que, pour être complet, il faudrait ajouter, sur cette question de la naissance, une remarque à propos du statut d’enfant sans enfants de Beckett, mais aussi sur sa demeure d’Ussy, que le livre de Nathalie Léger évoque souvent, et dont le nom se prête à l’inversion significative : Ussy est l’inverse de l’issue, le sans issue, ou la possibilité d’avoir une issue… ? (D’autant que, pour être complet, il faudrait faire remarquer que Pinget commence à employer le verbe “issir” après sa rencontre avec Beckett, etc.)))

Autre question encore, Deirdre Bair rappelant la formule récurrente de Beckett au sujet du travail biographique qu’elle entreprenait, “I will neither help nor hinder you”, vous semblez n’avoir retenu, de l’influence de Beckett sur vous, que le caractère suggestif, fertile, secourable (helping), et nullement un quelconque obstacle (hindrance) à la parole ou à la prise de parole.

Autre remarque, votre essai témoigne d’une véritable écriture, d’une voix d’auteur. Ce qui m’a le plus frappé, ce sont les phrases courtes, qui sont très rares. Il y a aussi, s’agissant de la rencontre entre Beckett et Carl Einstein, votre belle métaphore, qui décrit « la pensée de Beckett marchant dans les traces de celle d’Einstein » (p. 37). Elle rejoint, en la contredisant partiellement, la question d’une personne de l’assistance, relative aux lieux et à la claustration dans l’œuvre de Beckett. L’œuvre de Beckett me semble se prêter, au contraire, à l’écho, fait de pérégrinations et de déambulations, que vous en donnez.

Autre question encore, comme votre livre retrace, de manière fictionnelle, la rencontre entre Beckett et Bram van Velde, quel est votre avis sur les deux ouvrages que Charles Juliet a consacrés à ses rencontres respectives avec l’un et l’autre ? (Nathalie Léger a aussi évoqué Cézanne, à propos de la citation de Rilke qui lui paraît emblématique de son projet d’écriture ; or, Juliet vient de publier une lettre à Cézanne intitulée Cézanne un grand vivant…)

(L’intertextualité est un passionnant jeu de fous, où s’invente la quadrature du cercle.)

J’en finis là de mes questions, chère Nathalie Léger, en sachant que d’autres, en grand nombre, restent en suspens.

09:49 Publié dans Unissons | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Ligérienne

mardi, 30 mai 2006

Pas même un sizain

    Six heures.

 

Avec les ciseaux,

Indécise,

L'heure

Mise au

Rebut

Pleure

Et, assise,

Imbue

Effleure

L'aile exquise

D'un oiseau.

 

18:00 Publié dans MOTS | Lien permanent | Commentaires (1)

Rien à l'affaire

    Non seulement il se consume à traduire, mais aussi à lire ou consulter ou même compulser des ouvrages théoriques ou plus expérimentaux sur le traduire, sur la traduction, ce que Meschonnic, récusant le terme trop scientiste et traître de traductologie, nomme la "poétique du traduire", sans omettre quelques chapitres d'autres livres, de ci de là, des tâches ingrates comme l'organisation des examens écrits et oraux de troisième année (ma roue d'Ixion), ni oublier un peu de sommeil en marche, les affaires courantes et la vie de famille.

15:11 Publié dans Onagre 87 | Lien permanent | Commentaires (4)

XIV : Léger lézard

    Tout mon temps ne peut se consumer à la traduction, et ce livre-ci, après une ellipse de trois jours  - le temps d'une résurrection - , renaît de ses silences.

(Marchant rue Ronsard, je remâchais les premières phrases de ce texte, et cette parenthèse même.)

Je reviens de la librairie où j'avais découvert, il y a deux semaines et quelque, à ma grande stupéfaction, une pile composée du petit ouvrage de Nathalie Léger, Les Vies silencieuses de Samuel Beckett, et dont je m'étais dit qu'il s'agissait d'un plagiat par anticipation de mon propre travail. Comme l'auteur sera là ce soir, j'ai acheté  - avec trois livres de littérature "hispanique" -  l'opuscule, que j'ai commencé à lire, dans la rue, à l'arrêt de bus, puis dans le bus.

C'est un livre qui me séduit, outre la fascination que j'ai pour son sujet et son ton, par de nombreux bonheurs d'écriture. Le marque-pages est placé à la page 40.

J'ai pris la décision  - caressée depuis longtemps -  d'envoyer aujourd'hui même à un éditeur (absurdement j'hésite entre deux) le tapuscrit de Comment je n'ai pas célébré Samuel B. On verra bien. Après avoir reçu le refus, je pourrai proposer une édition augmentée de Voici venir Samuel B.

J'ai trente-et-un ans, que diable - le nombre de syllabes d'un tanka, l'invers de 13, ce chiffre qui préside aux destinées de mes carnets. Il se trouve aussi que, d'avoir attendu presque trois semaines pour acheter le livre de Nathalie Léger (si léger dans la main, comme dans la poche de ma veste verdâtre ou jaunâtre), mon exemplaire correspond à la deuxième édition, de mai 2006, par contraste avec la première édition, d'avril 2006. "Ils" ont dû faire exprès.

11:45 Publié dans Voici venir Samuel B. | Lien permanent | Commentaires (3)

lundi, 29 mai 2006

Prise de la Castille

    C'est une rumeur mensongère qui cherche à colporter - comme fausse nouvelle, fausse monnaie, faux-semblants dédoublés - l'idée que je pourrais désormais me passer d'écrire, sinon chaque jour, du moins chaque semaine. À chaque jour, sans doute, suffit sa peine.

Le temps d'apprendre à vivre, il est déjà trop tard.

Ronan O'Gara enfonce la défense espagnole, et les éléphants du pack ne pipent mot. (Celle-là, je serai le premier à avoir du mal à la décortiquer, avant peu.)

14:55 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0)

dimanche, 28 mai 2006

Dieu sot loué

    Pour une coquille, un i manquant, quelles guerres de religion ne seraient-elles prêtes à renaître ?

18:10 Publié dans MOTS | Lien permanent | Commentaires (2)

Xenophonia

    Il n'y a rien, je pense – à l'exception peut-être des courses automobiles – de plus inepte, de plus bruyant et de plus indécent qu'un meeting aérien.

Dans une page d'un essai écrit par une traductrice renommée, je repère deux fautes de syntaxe, pas moins. C'est un peu inquiétant.

 

Xenophonia : Bojan Zulfikarparsic est de plus en plus féru de sons discordants et de longues plages qui flânent vers la stridence.

 

Ce matin, le château de Blois était beaucoup plus beau qu'en ce lundi de juin 2004 où nous l'avions (re)découvert. Fouiner pour retrouver le grand guide.

"Le poulet n'a pas de cloaque."

16:35 Publié dans J'Aurai Zig-Zagué | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Ligérienne

samedi, 27 mai 2006

Chatoiements de la kora

    Comme votre kora se déplie en volutes, comme les violes perdues dans les kyrielles ! J’attends un virement, un revirement du khât dûment mâchonné, krill offert aux baleines voisines.

 

Été saisi d’effroi, combien tu fais d’efforts ! Au moins, chaque plainte qui monte du lac est chatoyante, comme un sourire dure.

17:50 Publié dans Sonnets de février et d'après | Lien permanent | Commentaires (0)

vendredi, 26 mai 2006

Souvenir de Poitiers

    Une rengaine amusante, absurde, chantée de façon chaloupée, modestement maniérée, adroite et astucieuse :

Je suis l'homme à la tête d'ail / Celui qui vous prend bien / Le chou

 

Il y a un an exactement, juste avant de créer, chez ce même hébergeur, mon premier carnet, je proposais, en avant-propos d'une communication sur les formes de l'illisible dans un roman de Wole Soyinka, une réflexion autour de trois refrains dénués de sens dans une chanson de Gérald Genty. J'ai eu mon franc succès (in the worst possible sense).

19:05 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Ligérienne

XIII : Six yeux

    Il se dit que viendra l'heure. Il se dit, dans les cercles autorisés mais restreints, que ce n'est pas le bon goût qui étouffe les chrétiens, dans ces parages. Toujours est-il que la fatrasie peut avoir l'heure pour seule contrainte, sans que l'un ou l'autre Samuel vienne nécessairement poser ses yeux narquois par dessus mon épaule, et ce sera, justement une fatrasie, ni pour les arrogants ni pour les vaniteux, ni les prétentieux ni ceux qui se pavanent, confits dans leur fatuité... enfin, c'est trop peu dire qu'il se dit quelques dilemmes de plus, au moment où la ligne de l'horizon vient couper le soleil dans sa course, avec le chant des sirènes, la fête aux étoiles, et ces conciliabules silencieux entre six yeux qui s'interrogent.

18:35 Publié dans Voici venir Samuel B. | Lien permanent | Commentaires (0)

Ça, ça va plaire à Joye

    J'allais vers le faucon.

(I was going hawkward.)

17:57 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (7)

De l'eau sous les ponts

    Parfois, d’avoir bu une tasse de café trop amer ou trop fort, vous vous retrouvez avec une soif inétanchable – peut-être due, surtout, aux deux tranches de poitrine fumée « à la gitane » qui composaient votre déjeuner une heure auparavant – et buvez, dans la foulée, des litres d’eau. Vous apprenez le même jour qu’une jeune femme vient de publier un ouvrage qui, dans l’esprit, est très proche de votre œuvrette en 31 brefs chapitres, et qu’elle rencontrera ses lecteurs à la librairie Le Livre, mardi soir. On croit rêver.

13:53 Publié dans Onagre 87 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Ligérienne

J'allais le dire

    Les vendredis interstitiels, placés au milieu d'un pont, sont aussi providentiels, la scène de bien des miracles. Ainsi, ce matin, à l'université, dans la salle des casiers, j'ai vu, pour la première fois en quatre ans, une collègue, notoirement folle et absolument spectrale. C'était la seule personne du département d'anglais que je n'avais jamais rencontrée, alors que je passe trois jours par semaine, au moins, on the premises...

On ne décrit pas le Graal.

J'allais le dire.

09:49 Publié dans Soixante dix-sept miniatures | Lien permanent | Commentaires (0)

jeudi, 25 mai 2006

XII (?)

    J'avais songé, pour ce jour, à une éclipse, mais, en fin de compte, c'est plutôt inopportun.

Ainsi donc, souscrivons à la méthode romantique, et rengainons dans son fourreau l'acier sanguinolent. Tous ces sons rugueux de bastonnades, de plaies et de blessures, laissons-les pour leur préférer le style plus doux de l'Amour, et pour laisser le lecteur trouver quelque repos.

(II. 1. 1-6.)

09:25 Publié dans Voici venir Samuel B. | Lien permanent | Commentaires (0)

mercredi, 24 mai 2006

Du liant

    Ce n'était pas une journée très laborieuse. Pourtant, j'ai traduit dix pages. Cela glisse tout seul, et à ma grande satisfaction, tous aspects confondus.

Cet affreux mal de dos me retient de poursuivre, ça et l'envie de lire un peu. (Je ne lis plus guère, je n'écris guère plus.)

Dix mots encore (six), et j'irai me pieuter. C'est fait.

23:03 Publié dans 59 | Lien permanent | Commentaires (0)

XI : Sur un banc

    1893. Sur un banc, sa besace près de lui, l'homme voûté lit un livre, ou une brochure. Il est vêtu de manière rustique, peu apprêtée, hormis l'inévitable chapeau melon et la barbe taillée avec maestria. Un parapluie, dont seule se devine la pointe, nous remémore le temps qui passe.

18:35 Publié dans Voici venir Samuel B. | Lien permanent | Commentaires (0)

Virée nordique

    Mercredi a été peuplé par le violoncelle de Truls Mørk, jouant les suites de Britten, la voix de Peter von Poele (avec cuivres et sentences énigmatiques), et le medium band que dirigent, dans l’album The Source and Different Cikadas, Trygve Seim et Øyvind Brække. Un trièdre complexe – finement architecturé – de tessitures et d’octaves a scandé la marche des heures.

17:47 Publié dans 59 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : TRES GRANDE MUSIQUE

Recyclage

    À une époque où les journalistes de cinéma parlent tous de "vol vert" pour le dernier Almodovar, on peut se dire que ça apprendra aux minus des boîtes de production à ne plus faire le moindre effort pour traduire les titres des films, mais aussi que ce n'est pas la culture ni la curiosité linguistique qui étouffent nos contemporains.

14:54 Publié dans 59 | Lien permanent | Commentaires (4)

Clef squelette

    Un nouveau tour de passe-passe, et le chamois se retrouve dans le lit, avec le petit garçon. Fredonnements, bourdonnements. Un ange passe.

Tandis que, dans la nuit, insomniaque, la mère du petit garçon fait le repassage, le petit chamois fait mille cabrioles. Louis XV s'assoit dans un fauteuil. Le bon Saint Eloi lui dit : "Oh, mon roi..."

Le sommeil s'en est allé, trépassé, à cheval sur une chèvre. Un ange passe (derechef). Le loup a toujours grand faim, et, dans le ciel, volent les vautours, ces merveilleux rapaces. Défroissée, la chemise a des allures de montagne.

Sur les pierres, les chèvres cabriolent.

14:20 Publié dans Kyrielles de Kaprekar | Lien permanent | Commentaires (0)

mardi, 23 mai 2006

Google wharf

    Sur le célèbre programme Google Earth, on reconnaît en détail chaque image du quartier où c'était a grandi ; en revanche, le village où j'ai vécu de six à dix-sept ans est entièrement invisible. It seems that the territory is chartered in a very disorderly way. (Je précise qu'il n'y a ni camp militaire ni usine classée Seveso près de Cagnotte.)

19:20 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (1)

Tiraillements

    Envoûtante, lyrique, capricieuse, la onzième des Rhapsodies hongroises me soutient dans mes efforts, l'exercice périlleux du saut de corde d'une langue l'autre, ce qui ne manque de me réjouir, car, si je ne vis pas à Onzain, si je n'aime pas le football plus que cela (je le regarde à la télévision trop souvent, même à mon goût), je suis féru du nombre 11, qui structure un nombre non négligeable des rubriques (ou catégories) de ce site, et, sous la forme de l'hendécasyllabe, a donné de très beaux vers à la langue française. Nous dansons, mon clavier et moi, et le funambule fait des pirouettes de phrase à phrase, entre le clocher et les étoiles. Sur une autre corde, plus mince encore, plus brillante aussi, Roberto Szidon m'encourage de ses arpèges, et mes doigts virevoltent, s'élancent, souples dansent.

16:40 Publié dans Fièvre de nombres | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : TRES GRANDE MUSIQUE

Vieux père au poing

    Ils ne pensent pas souvent à leur vieux père.

Le personnage qui dit cela est une sorte de démon minable, de petite brute imbue de pouvoir. Il est heureux, ici, que l'expression vieux père soit si proche, en français, du substantif vipère, avec ses nombreuses connotations métaphoriques et culturelles.

(Heureusement, surtout, que je ne m'interromps pas dans ma traduction à chaque fois qu'une remarque comme celle-là me vient à l'esprit.)

15:20 Publié dans MOTS | Lien permanent | Commentaires (1)

Avant

    Encore le palais tapissé du café très fort bu à sept heures, il décide de passer outre cette sensation de lourd velours et de se préparer une pleine théière de thé vert, moins excitant mais plein de saloperies. Sinon, jamais il ne s'y mettra. Il doit couper court à la cascade de sons qui, le parcourant, demandent à lui sortir par les doigts, les dents, les orteils. Comme s'effondre son monde, encore le soleil perdu dans les nuées, il coupe le gaz sous la bouilloire qui siffle d'albionesque façon. Il lui reste à accomplir des efforts titanesques pour se remettre de cette bouffée charnue qui s'était emparée de son corps, avant.

14:00 Publié dans YYY | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Ligérienne

Luc

    Vous misez gros sur mes miniatures. Ma vie file entre les ratures. Je suis mon scribe, et gribouille mon spectre. Ai-je oublié ma promesse d'écrire des gabay en français (si tant est que cela soit possible) ?

On voit se profiler, à l'horizon découpé par les fémurs, les ramages, les mirages, quelques miniatures qui prennent de l'embonpoint avant de regagner la berge. Plus proches, ce sont des cygnes qui, nonchalants, hautains, se refusent à vous lorgner.

Il ne vous reste qu'à remballer votre pognon, et aussi vos quignons.

12:40 Publié dans Onagre 87 | Lien permanent | Commentaires (0)

Léman

    La peur aux tripes, il n'est pas question d'extirper ces escarbilles de ton regard ensoleillé, puisque s'envolent les sarcelles, les flamants, et même les cygnes, pourtant si élégants à la surface du lac. Autant de ratures que de sous dans ma sébile ; autant de fous en bisbille de sous dans mon escarcelle. Sur les rives du lac, je continue de peindre.

Vous passiez en fredonnant l'air si ténu, si joli, si poignant, de l'Allegro  qui vient clore le  Trio pour piano KV 542. Comment l'ai-je reconnu ? Ma vie glissait entre les rides, à la surface du lac. 

11:20 Publié dans 410/500 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : TRES GRANDE MUSIQUE

Mieux disant

    Ruissellent les heures, et, quand elles s'en vont, elles pèsent lourdement sur les fantômes envolés des rues. Rameutez les faunes ahuris, les donzelles d'autres dynasties, elles qui, la peur au ventre, désertent les infinis.

(Il faudrait tout de même que j'extirpe de leurs cartons mes vieux écrits, pour les dépoussiérer.)

Respirons de concert, avec des flammes dans les yeux.

10:00 Publié dans 59 | Lien permanent | Commentaires (1)

X : Traduit de la nuit

    Vous avez, les scrutant, démonté les mécanismes du roman. Traducteur, vous avez suivi un sentier semé d'embûches. Jamais les amis de Barclay ne vous laisseront en paix, à ceci près que vos idoles ne sont pas idolâtrées, vos lares ne sont pas hilares, vos muses jamais ne s'usent, et que vos édredons dorment sous la promesse du grand pardon.

09:25 Publié dans Voici venir Samuel B. | Lien permanent | Commentaires (0)

V

    Dans le salon où la douleur gagnait les tentures, je lisais V de Thomas Pynchon ; il me revint en mémoire une publicité radiophonique pour une société de maroquinerie ; quand je la chantais, on me taquinait pour moins que ça.

(Où je m'imagine dans le passé, ce qui ne se peut.)

00:05 Publié dans Arbre à came | Lien permanent | Commentaires (0)

lundi, 22 mai 2006

Paronymes

    Quand, sous les doigts gourds de trop tapoter, après seize pages traduites, la femme devient gemme, je me dis qu'elle est (assurément) un or précieux, une émeraude qui illumine les nuits, mais qu'il est temps d'aller rejoindre mon oreiller.

23:55 Publié dans MOTS | Lien permanent | Commentaires (0)

IX : Un peu d'ekphrasis, que diable !

    En veston noir, les cheveux ondulés, d'âge moyen à mûr, les mains croisées sur l'aine, il arbore une chaîne de montre qui nous scrute tout autant que les yeux tendres, affables et mélancoliques, par-dessus des lunettes d'une rare élégance, comme sa barbe impeccablement soignée. La chemise, que l'on devine de lin, offre une prairie au regard, à moins que ce ne soit, vers ce regard auquel toujours revient ton regard, l'envol d'un papillon, comme né de la dernière pluie.

18:35 Publié dans Voici venir Samuel B. | Lien permanent | Commentaires (0)

Amis

    Mon fils a composé un joli dessin pour son meilleur ami, qui va partir à l'hôpital à la fin de la semaine afin d'y subir deux opérations très lourdes. Il a choisi une photographie d'eux deux qu'il aime beaucoup, l'a collée au milieu d'une pelouse et d'arbres dessinés, puis ajouté des gommettes.

Je ne sais pas si je serais encore capable des amitiés violentes de l'enfance. Je sais que je suis devenu incapable de haïr comme jadis.

17:33 Publié dans Soixante dix-sept miniatures | Lien permanent | Commentaires (7)

Infinis

    Le diable bat sa femme.

Pris par les figures de Plotin et les ombres des hiboux, je me laisse transporter par la sixième des Rhapsodies hongroises, en tentant de ne prendre garde aux battements de cils insensés du soleil et des nuages. Ma peau est un clavier où s'exclament des éclairs infiniment muets.

14:30 Publié dans MUS | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : TRES GRANDE MUSIQUE

Grimpe, grimpe

    Un vent atroce arrache tout sur son passage. Mes veines tremblent, frémissent. Le désarroi grandit, dans ce reflux affreux des folies. Le temps se joue de moi, mais n'est-ce pas cela depuis les premiers lacets de notre escalade ?

12:15 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (0)

dimanche, 21 mai 2006

VIII. D’un panier de fruits renversé

    L’une des gravures les plus célèbres de Hogarth est une illustration du grand poème burlesque de Samuel B. Bien des choses ont été dites sur cette image du cavalier fanfaron et ridicule, qui laisse entrevoir la filiation entre Hudibras et le Don Quichotte, à ceci près que c’est ici le chevalier qui est gras et ventru comme Sancho Pança – à ceci près que le dessin formé par la crosse de son pistolet est trop astucieusement placé devant l’entrejambe du matamore de pacotille pour ne pas être délibérément obscène.

09:25 Publié dans Voici venir Samuel B. | Lien permanent | Commentaires (3)

samedi, 20 mai 2006

VII. Les forains manifestent

    La main de Cicéron était portée par un bras d’une exemplaire fermeté, car Cicéron est l’un des rares orateurs romains à n’avoir jamais brassé du vent. Parfois, il suffit d’ajouter un car entre deux phrases indépendantes pour donner plus de nervosité et de bizarrerie à quelque chose de parfaitement banal. Les écrivains soucieux de plaire prendront garde de ne pas abuser de ce stratagème, qui n’est qu’un triste truc. À l’inverse, trop d’énoncés juxtaposés peuvent lasser et donner également l’impression d’un procédé stylistique routinier, à moins que l’effet accumulatif ne soit délibéré, comme dans le cas d’un grand poème burlesque et satirique.

18:35 Publié dans Voici venir Samuel B. | Lien permanent | Commentaires (1)

vendredi, 19 mai 2006

VI. Messieurs songent

    Samuel B. sont deux grands écrivains, que l’on admire, lit ou néglige, ignore ou confond. Ils appartiennent à ce purgatoire des songes où sont relégués tous les grands écrivains. Il y a peu, n’écrivais-je pas : « Messieurs songent » ?

09:25 Publié dans Voici venir Samuel B. | Lien permanent | Commentaires (0)

Verset personnel

    J'espère vraiment que le module de programmation des notes ne va pas faire des siennes, comme il le fait régulièrement ces derniers temps, car c'est aujourd'hui ton anniversaire, et je te le souhaite radieux.

 

00:30 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (4)

jeudi, 18 mai 2006

V. Faire l’épître

    Samuel B. était un épistolier étonnant, qui n’a pas hésité à inclure, dans son roman, des missives attribuées à ses personnages, et qui lui permettent de dénoncer leurs travers. Je veux dire que les épistoliers incriminés écrivaient sûrement de travers, en crabes, fourbes, fourbissant leurs hypocrisies comme des armes. Samuel B. était trop sensible aux pouvoirs de la lettre et des Lettres pour ne pas accorder une très grande importance aux épîtres. Sa correspondance avec sa meilleure amie (qui ne se prénommait pas Shane mais Eliza Mary Ann) en témoigne.

Dans un autre ordre d’idées : « il faudrait faire la lettre », dit la mère de Renaud Camus (si je n’ai pas lu son premier journal de travers.)

18:35 Publié dans Voici venir Samuel B. | Lien permanent | Commentaires (7)

mercredi, 17 mai 2006

IV. La main à (la) plume

    Lire l’essai de mon amie Shane m’a donné envie de me remettre au latin. La main de Cicéron, c’est la main de l’orateur, mais c’est aussi celle de l’écrivain, de l’épistolier, que l’on oublie trop souvent au profit de Sénèque ou Pline le Jeune. Ce n’est pas encore la main de l’orant, qui prie le Dieu des chrétiens, ni la main tranchée sur les portes en bois des églises et des cathédrales, pendant les guerres de religion.

09:25 Publié dans Voici venir Samuel B. | Lien permanent | Commentaires (1)

mardi, 16 mai 2006

III. Voici venir Samuel B.

    Il n’a pas encore été question de Samuel B. Laissez-les pointer le bout de leur petit nez, avec leur famille, leur cohorte, leurs mots par myriades. En attendant le moment où nous les verrons émerger – et peut-être émarger, s’ils restent désireux de parapher mes paragraphes – restons encore quelques instants avec Samuel Barclay Beckett, qui a cent ans révolus maintenant, quoi qu’il en soit. Ou ne les aura-t-il assurément que le 14 juin, date de son certificat officiel dûment tamponné par de dublinoises autorités ? Je ne sais. À défaut de ses proses, sa vie a fini par me lasser, et la fiction se nourrit de changements d’air réguliers. Ouvrez-moi ces fenêtres !

 

Est-il possible d’écrire que Samuel Beckett est né le 13 avril 1906 à Dublin ?

Est-il possible d’écrire que Barclay Beckett est né le 13 mai 1906 à Stillorgan ?

Est-il possible de m’expliquer pourquoi j’ai publié trente-et-un textes composant une oeuvrette qui ne manquait pas de chien, chaque jour, entre ce 13 avril et ce 13 mai, à 13 h 05 ?

N’ai-je pas dit que je tournais une page ? Assez de questions. Voici venir Samuel B.

18:35 Publié dans Voici venir Samuel B. | Lien permanent | Commentaires (0)

lundi, 15 mai 2006

II. Genre / J’en ris encore

    Ce jeudi matin, la file d’attente était si longue, au bureau de poste de la rue Nationale, que j’ai eu le temps, en attendant mon tour, de lire la préface de 1999 ajoutée à l’édition révisée de Gender Trouble. Un jeune homme qui piaffait et a voulu griller la queue (il n’est pas question de friture ni de pratiques sadomasochistes) s’est fait gentiment rembarrer par une dame très polie. Il n’avait pas de livre.

09:25 Publié dans Voici venir Samuel B. | Lien permanent | Commentaires (4)

dimanche, 14 mai 2006

I. Disjecta membra

    La main de Cicéron n’est l’oreille de Van Gogh ni la jambe de Rimbaud. Tout comme Rimbaud n’a pas écrit avec sa jambe gangrenée, Van Gogh n’a pas peint de l’oreille. Mais ce n’est pas sa main coupée que tenait Blaise Cendrars en écrivant ses plus beaux textes.

18:35 Publié dans Voici venir Samuel B. | Lien permanent | Commentaires (1)

samedi, 13 mai 2006

XXXI

    J'ai fini par rencontrer, après de nombreuses pérégrinations, Barclay Beckett. Il allait fêter ses cent ans, radieux et joyeux, dans sa vieille demeure, en Irlande.

- Jamais je n'aurais pensé que vous seriez revenu en Irlande.

- Mais je n'ai jamais quitté l'Irlande. Episodiquement, à peine.

- Ah ?

 

Notre bref dialogue fut interrompu par l'arrivée tapageuse de Donleavy, jouant de la clarinette. la vaste pièce s'inonda de monde. Plusieurs slant-cha retentirent. En me lançant un clin d'oeil, Breyten me dit, dans un français rugueux et d'une beauté à couper le souffle :

- Je suis l'année de la mort de Freud. Tu n'avais jamais pensé à ça, n'est-ce pas ?

- Oh, ne m'appelez pas Mathieu, je vous en prie.

- On ne se tutoie plus ?

 

Ce fut une grande amicale beuverie. Il y avait là plusieurs femmes très élégantes et quelques véritables beautés. L'une, qui se présenta à moi comme la petite-fille de Barclay Beckett (qu'elle persistait à nommer "Uncle Sam"), s'avéra être Wanda Walrus, dont j'ai lu tous les livres et les poèmes et à qui j'ai consacré plusieurs articles dans des revues méconnues publiées par d'impécunieux centres de recherche universitaires français. J'eus avec elle une longue conversation. Elle me dit qu'elle connaissait un peu Enrique Vila-Matas. Quand nous sortîmes dans le jardin, il régnait une nuit noire, et elle me lança : "Tu ferais un très bon centenaire, si tu ne mourais pas avant."

13:05 Publié dans Comment je n'ai pas célébré le centenaire de S.B. | Lien permanent | Commentaires (1)

Trouées, 6 : Plongeoir

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Loin du compte. Les marches et les rambardes entourent cette lettre échappée de l'alphabet hébreu.
Un voilier s'évanouit.
Vous saluerez encore, et toujours cordialement, les goélands et les goélettes.

12:35 Publié dans Brille de mille yeux | Lien permanent | Commentaires (1)

Le ciel est par-dessus le mur

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Pourquoi un évêque de Bayeux du seizième siècle a-t-il donné son nom à une rue de Tours ?
Et quel est ce curieux toponyme qui l'identifie, je vous en prie ?

10:20 Publié dans Rues, plaques, places | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Ligérienne

vendredi, 12 mai 2006

XXX

    Ce que dit Barclay :

La messe est dite, et la fesse est maudite.

C'est une farce, dites ?

Je m'enfonce dans la fosse, piochant allègrement avec ma plume.

Messieurs songent.

13:05 Publié dans Comment je n'ai pas célébré le centenaire de S.B. | Lien permanent | Commentaires (0)

Trouées, 5 : Le Petit Billot

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    Par la croisée, un songe de Vilhelm Hammershoi, un clair-obscur de Georges de la Tour, une plongée de Kaspar David Friedrich, un ouragan de Henri Cartier-Bresson s'envolent, s'échappent, comme un délire vitré.

De ma part, Saint-Nicolas, vous le saluerez...

12:30 Publié dans Brille de mille yeux | Lien permanent | Commentaires (1)

18

    Cette trouée où l'octroi

aspire vos yeux,

rêvant sous son masque,

 

rit à gorge déployée

de n'offrir que des boutiques.

10:40 Publié dans Tankas de Touraine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Ligérienne

Petit oiseau céramicier

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Selon le site Imago Mundi :
Avisseau (Edouard). Céramiste né à Tours en 1831; dessinateur et sculpteur de mérite, il a appliqué presque exclusivement son talent à la céramique décorative, et on lui doit, dans ce genre, des travaux assez importants. C'est lui qui, le premier, et aidé des conseils de son père, a fait revivre les procédés employés au seizième siècle dans la fabrication des rarissimes faïences connues sous le nom de Faïences Henri II ou Faïences d'Oiron.

07:55 Publié dans Rues, plaques, places | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Ligérienne

Contre les Robespierre de la didactique

    Jean-Paul Brighelli, auteur de La Fabrique du crétin, essai très polémique qui pourfend notamment les méfaits du pédagogisme, vient d'être viré du jury du CAPES de Lettres Modernes, comme il nous l'apprend dans son blog. Les terroristes et les petits-maîtres de la didactique, cette discipline stupide qui aura surtout eu pour mérite de priver définitivement de culture les nouvelles générations d'"enseignants", ont encore réussi à couper une tête. Toujours plus d'homogénéité et de bien-pensance, toujours moins de débat et de profondeur...

00:00 Publié dans Narines enfarinées | Lien permanent | Commentaires (2)

jeudi, 11 mai 2006

Riante dessous

    La vérité vous rendra libres... (Elle est inodore, pourtant, cette fleur que je connus dans les bois de mon enfance...)

Autour de lui, avec son architecture capricante, s'étendait la nécropole d'où montait, quand il avait plu, une odeur de terre riche et, s'il faisait chaud, les fragrances entêtantes et capsicantes de ces fleurs vénéneuses qui croissent sur les tombes et que l'on nomme asphodèles. (J. Almira. "La concession", in Le Marchand d'oublies, p. 120)

 

Mais la littérature vous rendra chèvres. (Où poussent, partout, les fleurs de pierre sur les accents graves...)

22:43 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0)

U

    Un chanteur nommé Ü s'immisce incognito dans une salle de concert ; un spectateur qui se passionne pour les romans de Kadaré me parle de son chien ; la sono est trop forte, et c'est moi qui dois monter sur scène.

(Où je m'imagine dans le palais des rêves, à m'exploser la voix.)

18:45 Publié dans Arbre à came | Lien permanent | Commentaires (0)

"Le plaisir primitif de la cueillette"

    Sur le chemin de l'école, au retour, mon fils a cueilli un bouquet composé de quatre marguerites, puis a ramassé quatre samares. S'en est suivie une conversation philologique de très haut vol sur le genre du mot samare. (Vérification faite, samare est bien féminin, comme je le soutenais. En revanche, le Robert culturel cite les samares "de l'orme et du frêne", alors que, dans mon esprit, ce fruit était associé à l'érable.)

On n'a pas fini d'entendre parler de l'herbier commencé en avril. Feuilles et fleurs sèchent.

17:55 Publié dans Onagre 87 | Lien permanent | Commentaires (2)

Inini

    Il y a trois jours, après avoir évoqué assez longuement Tristes Tropiques (la chanson de Gérard Manset) à la demande d'une lectrice, qui n'a d'ailleurs pas reparu, j'avais commencé l'écriture d'une autre note, interrompue après la première phrase. Je livre, sans plus attendre et à la lecture d'un nouveau commentaire, cette première phrase isolée :

Revivre est, de Manset, l’un des albums que j’aime le moins. Pourtant, il s’y trouve deux de ses plus belles chansons, Le Chant du cygne et Territoire de l’Inini, que j’évoquais à l’instant, mais sans dire que, si je devais partir sur une île déserte avec une seule chanson de Manset, je choisirais peut-être celle-là.

 

Je précise, par ailleurs, à l'adresse de M. Morel, que, n'étant nullement un proche de Manset et encore moins au fait de ce qui se passe dans le petit monde de la chanson française, je serai bien en peine de l'informer, comme il l'exige, sur l'éventuel concert de Manset à l'Olympia. (Et même d'autant moins que ce concert me semble, à titre personnel, être la mauvaise idée par excellence, comme je l'ai exprimé clairement dans la note commentée.)

16:05 Publié dans MUS | Lien permanent | Commentaires (0)

Damian Marley, ou l'enfant extraordinaire

    C'était une erreur de m'en prendre aussi vertement, dans une note de mon blog précédent, aux animateurs incultes ou écervelés d'une radio locale. Les animateurs qui ont pignon sur rue et pérorent dans les émissions de certaines stations nationales ne valent guère mieux.

Ainsi, tout à l'heure, sur France Info, une journaliste accueillait, le jour du vingt-cinquième anniversaire de la mort de Bob Marley, un confrère de France Inter, qui s'appelle, je crois, Malik Boulabaï. Celui-ci a assez longuement parlé de Damian Marley, dont je n'avais jamais entendu parler et qui, a-t-il dit, est le dernier enfant de Bob Marley, "aujourd'hui âgé de vingt-trois ans". Que je sache (et sauf cas d'insémination très post mortem) un homme mort depuis vingt-cinq ans ne peut pas avoir un fils de vingt-trois ans. Réussir à affirmer cela sans s'apercevoir que quelque chose cloche, c'est curieux (ou est-ce la marijuana, dont on sait qu'elle ne rend pas tout le monde plus intelligent ? (litote)).

 

(Vérification faite, grâce à Wikipedia, Damian Marley est né le 21 juillet 1978 ; ce n'est même pas le dernier enfant de Bob Marley ; quant à sa mère, Cindy Breakspeare (patronyme que je trouve admirable), elle était Miss Monde 1976. Autant dire que, pour un prétendu "spécialiste du reggae", ce Malik B. a l'air bien flou.)

14:45 Publié dans Narines enfarinées | Lien permanent | Commentaires (4)

XXIX

    Ajouter une demi-syllabe à un tanka ne doit pas être chose facile. Pensait Samuel Barclay Beckett un beau jour de décembre 1934 en contemplant la couverture ternie de l'édition originale de More Pricks than Kicks. D'où me vient ce sentiment de fin du monde ?

Ses yeux tombèrent, au hasard d'un feuillettage, sur cette phrase qu'il avait marquée au crayon, et qui lui sembla ne pas être de lui : "Past the worst of his best, there was nothing so very terrible in that, on the contrary".

Quand mon âge se tiendra au centre de la trente-deuxième année, je recevrai une lettre d'un inconnu érudit, qui m'écrira que le docteur Seamus Freud est mort, lui aussi, à quatre-vingt-trois ans, mais qu'il est né cinquante ans avant moi. Ce sera à n'y rien comprendre, puisque Freud se prénommera encore, que je sache, Sigmund, et qu'il ne sera pas mort.

"The owner was out in the field, scarifying the dry furrows with a fork."

Cap au pire.

13:05 Publié dans Comment je n'ai pas célébré le centenaire de S.B. | Lien permanent | Commentaires (0)

Trouées, 4 : La Roche aux Fées

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    Vous saluerez, de ma part, Gargantua, qui sème ses dents de lait et ses osselets vraiment en tous lieux.

Il y avait un groupe d'illuminés fort bruyants, munis de pendules et discutant des liens entre l'architecture de ce célèbre dolmen à couloir et la constitution du corps double, ou je ne sais quelle autre ânerie. À en croire leur attitude tapageuse et leurs discours approximatifs, spiritualité new age et intelligence ne font pas bon ménage.

12:25 Publié dans Brille de mille yeux | Lien permanent | Commentaires (2)

Arcanes des neurones

    (La note évaporée, il se remit au clavier.)

    Me croira-t-on si je jure ici que je n'avais pas encore eu vent, quand j'écrivais lundi dernier certaine anecdotique note relative à des bols malouins, de la publication, en mars dernier, dans la collection "Continents noirs" des éditions Gallimard, de l'autobiographie d'une écrivaine rwandaise, Scholastique Mukasonga, dont je découvre même, au fil du Net, qu'elle tient un blog ? Il m'est impossible de lui offrir un bol en hommage, puisque le H manquait.

Je dois avouer (car la honte m'étreint (mais il serait plus honteux encore, car plus malhonnête, de m'autocensurer en corrigeant la note vieille de seulement trois jours)) que, me moquant gentiment de ce prénom, je faisais preuve d'une ignorance crasse, en ne me rappelant pas que, dans de nombreux pays d'Afrique, comme le Rwanda, on trouve ce genre de prénoms français inusités et tombés en désuétude, comme Victurnien, Jean Damascène, Triphine ou Placide. Vieux relent d'ethnocentrisme, sans doute, de ma part...

Il se peut aussi que, me trouvant en Bretagne, j'aie surtout (par une simplification tout aussi stupide, d'ailleurs) lié, dans mon esprit, ce prénom de Scolastique (toujours sans son h, sur le bol) au catholicisme très conservateur dont les Bretons sont, selon certains clichés, les parangons. Je n'avais pas dû, dans mes lectures d'ouvrages (romanesques ou non) relatifs au Rwanda, rencontrer ce prénom. Ceci expliquerait cela... Peut-être aussi n'ai-je noté, on the spot, que les sonorités plutôt rêches de ce prénom... Je ne sais. Ah, les arcanes des neurones sont difficiles à pénétrer...

En tout cas, Scholastique Mukasonga, cela fait un sacré nom d'écrivain !

 

11:50 Publié dans MAS | Lien permanent | Commentaires (2)

Aaaargh

    Est-il, pour un auteur de carnet, chose plus terrible, à la seconde où elle se produit, que l'évaporation d'une note assez longue que l'on vient d'écrire et dont on n'avait pas fait de sauvegarde ? Cela vient de m'arriver. Cela m'apprendra, tiens, à utiliser les ordinateurs de l'université à mauvais escient !

11:38 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (4)

17

    Est-ce une allée envolée

au soleil dru du

jardin botanique

 

ou la tristesse moqueuse

qui fait son nid dans l'étang ?

09:00 Publié dans Tankas de Touraine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Ligérienne

mercredi, 10 mai 2006

Némésis

    Les spaghettis froids, en revanche, ça ne vaut rien.

20:20 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (2)

Ce que dira l'imprécateur

    Je juge ces femmes.

Oryx and Crake, je n'en ai cure.

Honnir des sorcières, des créatures du diable.

Nourrir des vipères, et puis quoi encore ?

 

Honnir.

Allez, maudissez-moi.

Terre des mes ancêtres, aux

Hululements des hiboux

Ocres ou bruns, je te voue.

Reste à

Nourrir des vipères.

 

18:50 Publié dans Zézayant au zénith | Lien permanent | Commentaires (2)

Stances de l'époux

    J'ai fait une découverte, qui est, à ma modeste échelle, rien moins que sensationnelle : la peau de poulet froide est un mets succulent. Froide, meilleure que chaude, et seule sans chair, meilleure qu'accrochée à son blanc. J'aimais la peau de poulet, mais croustillante, chaude et accrochée à sa chair. C'est un vrai renversement copernicien.

(Vous en déduirez que, préparant le repas de mon fils, j'ai perruqué (synonyme gascon ou patoisant de grignoter ou grappiller).)

18:15 Publié dans MAS | Lien permanent | Commentaires (0)

Mort un 10 mai

    John Hathorn (5 août 1641 - 10 mai 1717) fut l'un des juges assesseurs des procès des sorcières de Salem et, plus tard, le seul qui ne regretta pas ses actions.

Il fut aussi le grand-père de l'écrivain Nathaniel Hawthorne qui modifia légèrement son patronyme pour s'épargner la honte d'être associé à son grand-père.

18:00 Publié dans Hystéries historiées | Lien permanent | Commentaires (0)

Âme noire

    Immédiatement après que j'eus écrit (et publié dans la foulée) la note relative à notre promenade de ce matin au Jardin botanique, une mélancolie atroce me saisit, me pétrifia, et je ne pus plus envisager de me mettre au travail. J'enfilai le blouson rouge que je traîne par passades depuis 1992, et marchai jusqu'au salon de coiffure où je cueillis, au vol, fils et compagne, afin de les accompagner à la médiathèque de La Riche.

D'ordinaire, pourtant, l'écriture a sur moi un effet euphorisant, et m'incite à plus d'efforts. D'ailleurs, cette promenade était très joyeuse, et le texte que je lui ai consacré est surtout hantée par les ombres de l'ours mort et de sa veuve affligée.

À présent, le trio pour piano KV 496 m'apaise et m'attriste.

17:17 Publié dans 721 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : TRES GRANDE MUSIQUE

Italianismes

    À force de frayer dans les eaux troubles, vous vous êtes effarouchée...

 

" J'ai profité d'une petite pause pour leur indiquer qu'en italien, langue que je connais bien, si frère se dit fratello, en revanche, pour soeur, on emploie sorella, et dire fratella et fratellita mia, c'est une grossière erreur, mais, pour toute réponse, ils m'ont ri au nez, aux éclats et à l'unisson. "  (Mater la divine garce. Traduction de Gabriel Iaculli. Gallimard, p. 58)

 

Ainsi vont les finesses et les jacasseries de l'inceste.

17:10 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0)

Jardin botanique, mercredi matin

    Automne, feuilles de paulownia. Au printemps, fruits du magnolia.

L'ourse Sophie est plus désemparée que jamais, solitaire à tourner en rond dans sa triste fosse de pierre. Willy (nous informe une affichette signée par un responsable de la municipalité) a dû être euthanasié le 30 mars.

Une tortue d'eau, d'une espèce que je ne connais pas et n'avais jamais vue là, a gobé sous nos yeux un poisson mort.

Parfois, le soleil apparaissait, pareil au paon roué.

 

14:12 Publié dans Soixante dix-sept miniatures | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Ligérienne

XXVIII

    Quand je commandai, au tout début du mois d'avril, un exemplaire du dernier livre de Margaret Atwood, The Penelopiad, je pensais le ramener à ma mère (qui, contrairement à moi, aime cette écrivaine) lors des vacances de Pâques, et ce d'autant que mes parents rentraient d'un voyage à Chypre. Je ne savais pas alors que l'exemplaire mettrait plus d'un mois à me parvenir (à tel point d'ailleurs que j'avais oublié avoir passé cette commande), me donnant alors l'idée de le transformer en cadeau de fête des mères (cette divulgation n'a pas d'importance : ma mère ne lit pas ce blog), et je n'avais pas non plus emprunté, plus ou moins par hasard, Wittgenstein's Mistress, le roman de David Markson (je l'ai choisi sur l'un des rayonnages de la bibliothèque d'anglais des Tanneurs le 13 avril, pour le soixante-septième anniversaire de Seamus Heaney).

Or, il se trouve que, feuillettant l'exemplaire du roman de Margaret Atwood (qui n'a, une fois encore, pas l'air de casser des briques), je me suis rappelé que la narratrice de Wittgenstein's Mistress cite à plusieurs reprises l'hypothèse selon laquelle l'Odyssée aurait été écrite par une femme, hypothèse qu'elle n'attribue pas à son véritable auteur (car elle s'embrouille assez souvent, ce qui fait le charme du roman). Atwood, qui se targue pourtant d'une culture à toute épreuve, ne semble pas avoir eu vent de cela. En tout cas, elle n'en souffle pas mot dans les notes qui closent l'ouvrage.

J'ai donc pris mon plus beau clavier pour écrire un courrier électronique au professeur Seamus Waddington, qui m'a confirmé tout le bien que je pensais de l'auteur de l'hypothèse pourtant passablement farfelue et évoquée ci-dessus, et tout le mal que l'on peut dire de l'écrivaine canadienne. Le plus surprenant, c'est qu'Enrique Vila-Matas a aussi répondu à mon e-mail, que je ne lui avais pourtant pas adressé.

Voici ce que m'écrit le génial écrivain barcelonais :

Cher Mathieu,

que l'Odyssée ait été écrite par une femme ne fait aucun doute. D'ailleurs, Fleur Jaeggy m'a confié un jour n'avoir jamais pu traduire un seul vers de l'Iliade. N'est-ce pas là une preuve irréfutable ?

Toutefois, cher Mathieu, vous m'avez menti sur vos recherches, et, depuis, je vous appelle le mystificateur à la dernière gorgée de bière. Vous savez pourquoi : en me quittant, ce soir-là, vous avez prononcé cette phrase d'une beauté envoûtante : "Je prends cette dernière gorgée de bière, et après un taxi." Voilà pourquoi je vous nomme, depuis lors, le mystificateur à la dernière gorgée de bière, ce qui vous rend cher à mon coeur et me donne grand plaisir dès que je reçois un e-mail de vous, même si je préfèrerais vous voir creuser l'éventuelle parenté entre votre maudit Barclay et son petit neveu Justin.

Il n'est pas facile de ramper sans chaussures.

Bien à vous,

Enrique V.-M.

 

Dois-je lui répondre en faisant une allusion savante au roman de Markson, ou simplement m'offusquer qu'il puisse répondre à un courrier que je ne lui ai jamais envoyé ? Ah ! il n'est pas facile d'être le confident d'écrivains géniaux. Quand j'aurai fini d'écrire ces pages pour ne pas célébrer S.B., je prendrai pour nom de plume Max B., histoire de montrer à tous mon visage de traître.

13:05 Publié dans Comment je n'ai pas célébré le centenaire de S.B. | Lien permanent | Commentaires (5)

Trouées, 3 : Abbatiale de La Roë

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    Rarement (hormis pour le château de la Mothe Champdeniers, circa 1999) aurai-je eu l'impression d'un monument autant abandonné des hommes et du monde. Un grand pré fauché derrière, quelques tables de pique-nique, trois statues en ferraille rouillée, la porte de l'abbatiale close - tout comme si nous étions les premiers visiteurs depuis des années, tout comme si le village même n'était pas habité.

12:20 Publié dans Brille de mille yeux | Lien permanent | Commentaires (0)

Avant de regagner les draps

    J'ai refermé les volets métalliques. Dehors, dans la rue, même les lampadaires se sont assoupis. Dans le salon, le brachiosaure ronfle et dérange les piles de livres. Cela fait longtemps que je n'ai pas écrit de sonnet.

00:43 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Ligérienne

mardi, 09 mai 2006

Psaume sur magnétophone

    Quand on trouve, dans le texte d'un roman en langue anglaise, un verset de la Bible dont chaque mot a son importance, on le traduit fidèlement. Puis, pris d'un scrupule (et d'une curiosité légitime), je vérifie la source (Psaume 51, quatorzième verset), et je m'aperçois qu'aucune des traductions françaises consultées ne mentionne une idée pourtant essentielle dans la version anglaise (la culpabilité).

Ne connaissant pas le texte original, et n'étant nullement compétent pour trancher en ces matières qui font s'arracher les cheveux à des milliers d'érudits depuis les siècles des siècles, je me trouve confronté à un dilemme : garder la version française la plus attestée, pour que les lecteurs français qui connaîtraient le texte puissent identifier la source ; traduire le texte anglais très fidèlement, pour ne pas perdre cette idée de culpabilité, qui s'inscrit dans un jeu d'échos essentiel dans l'ensemble du roman. Bien sûr, la deuxième solution est la moins mauvaise, mais il faudrait pouvoir donner la référence et s'expliquer de ce choix dans une note de bas de page, ce que jamais l'éditeur n'acceptera (d'autant qu'ils ne me connaissent pas encore, au Seuil, mais s'ils m'autorisent cela, ils n'ont pas fini d'en baver (voyez, à titre d'exemple, cette note qui ne devait faire, dans mon esprit, que trois ou quatre lignes [pour ne rien dire des commentaires (pas moins de quinze moins de vingt-quatre heures après la rédaction de ce billet)])).

22:05 Publié dans MOTS | Lien permanent | Commentaires (15)

Délices & supplices du traducteur

    Plus c'est beau, plus c'est coton.

 

13:43 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (4)

XXVII

    Le 13 avril 1939, Samuel Barclay Beckett fêtait ses trente-trois ans avec un mois d'avance, et n'osa toutefois pas parodier la Cène, au cours du repas d'anniversaire auquel il n'avait pas invité ses meilleurs amis, de crainte que l'un d'entre eux n'ait le regard acéré de Judas. William Barker Lymer mourait à Hawaï, à cinquante-cinq ans, pour être aussitôt oublié ; pour son enterrement, ils étaient cent treize à table. Le 13 avril 1939, pendant que Samuel B. se préparait à se remettre d'une mémorable gueule de bois, naissait Seamus Justin Heaney, poète irlandais qui reçut le Prix Nobel en 1995, vingt-six ans après son illustre et dublinois prédécesseur.

13:05 Publié dans Comment je n'ai pas célébré le centenaire de S.B. | Lien permanent | Commentaires (0)

Trouées, 2 : Le grand Bé

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    La mère de l'illustre écrivain ressentit les premières douleurs sur le grand Bé (la légende voulant qu'il y naquit).

Vous saluerez, de ma part, la pomme, la pipe et la colombe.

11:15 Publié dans Brille de mille yeux | Lien permanent | Commentaires (10)

Pont de Lussac

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    D'un pont médiéval du quinzième siècle qui permettait d'accéder au château ne restent que cinq piles, dont trois sont encore immergées. Cette vue est un assez joli symbole de l'expérience du voyageur curieux dans cette petite ville de Vienne, car qui cherche le Musée de la Préhistoire, censément situé dans un hôtel particulier du XVIème siècle, ne pourra nullement le trouver. Le "Musée" est fléché mais introuvable (même en s'aidant du plan de la commune proche de l'église), et ce sans qu'aucun habitant ne soit capable de vous dire s'il s'agit du musée que vous cherchez ni même où se trouve "le musée" (n'importe lequel).
Nous avons croisé un couple de quinquagénaires qui, nous prenant pour des Lussacois (?), nous ont demandé, pour leur part, où avait lieu la "Fête des Bisons". Est-ce que j'ai une gueule à aller à la fête des Bisons ? Je suppose que oui.

09:40 Publié dans MAS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Ligérienne

lundi, 08 mai 2006

Fresque murale de Saint-Savin

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Sur la placette, la façade borgne de la maison qui jouxte la boulangerie a été repeinte, sous forme de fresques célébrant le travail des champs, la culture du blé, le vannage, le fauchage, le transport des sacs de farine, la cuisson du pain. Ces fresques (d'un style trop naïf pour emporter habituellement mon adhésion) sont très réussies, dans des tons ocre, orange, bruns et jaunes qui gomment ce qu'elles pourraient avoir, sinon, de kitsch. Le Poitou patine.

18:30 Publié dans Soixante dix-sept miniatures | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Ligérienne

Sur fond de ciel de nacre (Quinton)

    Sous notre ciel de nacre les voiles d'or vont filant leur œuvre. Un ciel de nacre entre les passerelles. J'ai encore dans l'œil un Château Saint Ange croustillant et doré comme un pain blond, et le ton de jade de la terrasse de Saint-Germain-en-Laye sur un ciel de nacre que je savoure depuis ce jour-là. On voit pesamment approcher le char, tout noir sur le ciel de nacre. En effet, figurez-vous une pâleur d'ambre jaune, deux soleils noirs nageant sur un ciel de nacre, la bouche la mieux coupée, la plus amoureusement antique, une poitrine sans ombre, sans demi-teinte, d'un seul ton, et modelée cependant d'une manière admirable, des bras d'un tour divin, et des mains aux longs doigts effilés, comme Ingres seul peut en dessiner.

 

[Soient remerciés Paul Mathieu, Simone Auguste, Guillaume Gillet,

Paul-Jean Toulet et Théophile Gautier.]

17:35 Publié dans Droit de cité | Lien permanent | Commentaires (0)

(((Virevoltes)))

    Vingt-trois virevoltes en seize jours, une série interrompue par les congés, mais aussi par la difficulté de poursuivre selon la contrainte d'origine. De nombreuses trouées poissonneuses gisent pourtant dans mes archives.

15:20 Publié dans Virevoltes | Lien permanent | Commentaires (0)

Recours

    Si jamais je manquais un jour d’inspiration dans l’écriture de ces notes, j’aurais toujours, pour recours, a) d’écouter la radio, ce que je fais rarement mais jamais sans trouver x sujets de réflexion ou d’agacement b) de compiler mes nombreux livres pour tirer, de phrases écrites par d’autres, un suc propice c) de choisir des photographies dans mes dossiers   –   mais si je devais ainsi manquer d’inspiration, je n’aurais sans doute plus envie de tenir ces carnets.

14:45 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (0)

Pas de bol...?

    Vous connaissez sans doute ces bols de style breton, où est inscrit à l'extérieur, en lettres manuscrites noires, un prénom. Quoique je trouve ces bols assez laids, j'ai commencé, depuis la naissance de mon fils, à chercher, dans les boutiques qui en vendent, son prénom, sachant que, de toute manière, entre les différents grands-parents et arrière-grand-parents, cela nous pendait (en quelque sorte) au nez. Or, et bien que son prénom soit on ne peut plus classique, attesté et de belle ancienneté religieuse et culturelle, jamais je n'en trouvais. Hier matin, comme nous visitions le site des rochers sculptés de Rothéneuf (près de Saint-Malo), que nous avions déjà découvert, par hasard, en avril 1999, j'ai avisé, près du guichet d'accueil, l'officine où sont exposés des centaines de ces bols, avec les prénoms les plus farfelus : deux exemplaires du bol Scolastique, Marie-Rozenn en trois exemplaires, Annaïs avec deux n, j'en passe et des plus invraisemblables. Si vous connaissez des petites filles prénommées Scolastique, saluez-les de ma part, sans oublier de leur souhaiter bon courage sur le doux chemin de la vie. Or, nous ne finîmes par trouver de bol pour notre fils qu'au bout de plusieurs minutes de quête, nous acquittant alors, devant ses yeux implorants, des huit euros demandés afin de lui procurer cette joie ; il ne boit plus jamais de lait ni de chocolat au lait depuis l'âge de trois ans et demi, mais il y mangera ses petits suisses... ou des fraises, comme ce midi, d'ailleurs, où le bol fut étrenné.

14:00 Publié dans Narines enfarinées | Lien permanent | Commentaires (4)

XXVI

    Quand on visite le château de Combourg, on ne manque pas d'entendre prononcer le nom de Madame de Récamier.

Rien de plus (à moins que).

13:05 Publié dans Comment je n'ai pas célébré le centenaire de S.B. | Lien permanent | Commentaires (5)

Trouées, 1 : Le parc de Combourg

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    Vous saluerez de ma part Atala et le dernier Abencérage.

Le parc solitaire et glacé ? Non. Un cheval noir, superbe mais boiteux, déjeunait d'herbe. Après la visite du château, une averse nous cueillit à froid.

Nous n'avons pas croisé de spectrale jambe de bois.

12:10 Publié dans Brille de mille yeux | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : TRES GRANDE MUSIQUE

Filles économes

    En préparant les carottes et les pommes de terre (qui avaient "fait des filles"), je me suis, en ôtant des morceaux minuscules qui obstruaient les lames de l'économe, épluché la peau du pouce.

11:35 Publié dans MOTS | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Ligérienne

Ne sommes-nous pas nous-mêmes… ?

    Quel est le sens de Tristes Tropiques ? Il n’est pas question, dans le commentaire de Celina, de l’essai de Claude Lévi-Strauss, mais de la chanson de Gérard Manset. (Heureusement, d’ailleurs : j’eusse été « bien emmerdé » pour répondre.)

La première fois que j’entendis Tristes Tropiques, ce fut à la radio, à Cagnotte, avec une qualité sonore déplorable. Adolescent, ayant peu d’argent, j’attendis quelques mois que ma sœur, qui vivait alors à Paris et pillait régulièrement les fonds de je ne sais plus quelle médiathèque d’arrondissement (le 5ème, je pense), m’en envoie un repiquage sur cassette. Cette cassette m’a accompagné pendant une partie de ma deuxième année de khâgne à Bordeaux (ce qui, au vu des dates, me fait dire que les “quelques mois” devaient être deux pleines années, car l’album Revivre est de 1991 et ma première tentative pour le concours de la rue d’Ulm était en 1993), et Tristes Tropiques, chanson qui ouvre le disque, est loin d’être ma préférée : guitares trop apocalyptiques, claviers un brin trop planants, texte un peu trop manifeste. (D’ailleurs, l’orchestration donne une grande partie de son sens au texte.)

Bref… Cette chanson emprunte son titre à un très célèbre essai de Lévi-Strauss, publié au début des années 1950, et qui fit date. Manset, qui est, depuis longtemps, un voyageur passionné par l’Amérique du Sud, précise ainsi, dès le titre (et dans le refrain : « sous les fumées d’encens des tristes tropiques »), qu’il est question des Amérindiens. Ainsi, l’idée principale de ce texte semble être : les Indiens disparaissent à cause de l’empiètement de la "civilisation" d’origine européenne, et leurs sociétés mourront bientôt. Mais, en fait, le vrai « message » de la chanson (quoique je répugne un peu à cette terminologie (enfin, dans le cas de ce texte de Manset, il y a, effectivement, une forme assez brutale de vouloir-dire, qui le dépoétise en partie, d’ailleurs)), c’est que la civilisation européenne ancestrale, elle-même, est menacée par la technique, les progrès trop fulgurants de la science, le luxe et le matérialisme ("piscines en marbre de Carrare"). Manset est convaincu que la culture, l’art et l’humanisme, qui régnaient en maîtres jusqu’à des temps point si reculés, sont en train de mourir eux-mêmes face aux coups de boutoir du profit, de l’industrialisation et du capitalisme. La convergence entre ce qui menace les Indiens et ce qui nous menace, nous Européens d’aujourd’hui, est annoncée dès le premier quatrain : « Pas d’étuis péniens, pas de curare / Mais la même terreur qui force à reculer ».

Le fin mot (ou le mot de la fin) serait alors : « pour nous sauver peut-être il n’est pas trop tard ». Je pense que le verbe sauver a ici un double sens :

1) il est encore possible de sauver la civilisation européenne

2) il est encore possible de s’enfuir (se sauver) dans un lieu à peu près préservé (ce que Renaud Camus, très proche de cette idée, nomme « dispar’être »).


Autre chose, chère Celina – je ne sais pas du tout si vous connaissez l’album Revivre dans son ensemble, mais il y a d’autres éléments à prendre en compte, et qui sont étroitement liés à la structure du disque. Tout d’abord, Tristes Tropiques, mélodie agitée, frénésie affolée et inquiète, reçoit, comme écho apaisé, en fin d’album, le très beau et serein Territoire de l’Inini, qui célèbre la vie des Indiens autour du fleuve, sans oublier la menace des   « cendres sous l’abattis »   et  de   l’ « avion reparti ». Autant la musique de Territoire de l’Inini est apaisée et douce, autant les portées des divers instruments semblent, dans Tristes tropiques, se fracasser les unes contre les autres.

Ensuite, la chanson qui occupe le centre de l’album et lui donne son titre, Revivre, creuse l’idée qui est au centre d’un des vers de Tristes Tropiques : « mais ce qui meurt un jour un jour revit » (avec chiasme). Du reste, Revivre ne donne pas une vision très joyeuse du recommencement, tout simplement impossible, à en croire la fin abrupte :

On croit qu’il est midi, mais le jour s’achève
Rien ne veut plus dire, fini le rêve
On se voit se lever, recommencer, sentir monter la sève
Mais ça ne se peut pas
Non, ça ne se peut,
Non, ça ne se peut.

11:20 Publié dans MUS | Lien permanent | Commentaires (0)

Vertigal

    Chose inhabituelle, le sachet de thé Rembeng que j'attrapais dans le placard est tombé à la verticale, sans nullement s'ouvrir ni, par conséquent, répandre à terre son contenu. Hier soir, j'ai commencé de relire Le Voyage vertical, mon roman préféré de Vila-Matas.

Ce n'est pas souvent que je relis, même un livre aimé. Mon thé infuse.

 

(Il avait le vertige à l'idée d'être publié aux éditions Verticales. Pourtant, à la première occasion, il s'est enfui vers la rue Bottin.)

10:55 Publié dans Unissons | Lien permanent | Commentaires (2)

Après Combourg

    Il faisait beau, grand soleil, puis le temps se couvre, se gâte, gâche même le gravier qui ponctue le regard, nuages trop lourds, trop gris pour m’emporter, tels, levés, les orages désirés, mais m’atterrent, m’arrachent même la langue, cette langue elle-même trop lourde pour supporter le poids de telles cascades, de tant d’affaissements. Maintenant, je donne dans la miniature.

10:05 Publié dans 59 | Lien permanent | Commentaires (0)

Comment déblatère-t-on ?

    De récents voyages, je ramène des brassées de photographies, dont je n’ai encore publié aucune, préférant toujours donner l’ascendant, en moi, à l’attrait de l’écriture pure, à tel point que ce bref romanceau, Le vin est tiré, que j’avais commencé de faire paraître dans la catégorie Pauvres Pyrénées, souffre d’un certain retard, ou même a subi d’un coup d’arrêt, car chaque chapitre (ou presque) est illustré d’une photographie, et que cela me prend, en fait, plus de temps de chercher puis choisir une image que de déblatérer.

08:50 Publié dans Onagre 87 | Lien permanent | Commentaires (1)

dimanche, 07 mai 2006

Petit Billot

    Instantané. Le nom de l'hôtel est-il un hommage paradoxal aux épouses de Henry VIII ?

18:25 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (0)

XXV

    « Ça ne s’invente pas : dans le grand Robert, Obock se trouve immédiatement après Oblomov. »

Que ces propos me soient tenus par un spécialiste renommé de Flann O’Brien, le professeur Seamus Waddington, aurait dû me mettre la puce à l’oreille. Pourquoi aussi tous ces messieurs imbus de Beckett étaient-ils d’aussi parfaits francophiles ? Pourquoi le professeur Waddington avait-il, sur ses rayonnages, la même édition du grand Robert en douze volumes que mon beau-père ? Pourquoi m’étais-je embarqué pour les Etats-Unis, pour la première fois de ma vie, dans le seul but de glaner quelques conversations pour mon grand livre de souvenirs consacré au centenaire de la naissance de Beckett ? Pourquoi le grand-père de ma compagne, mort trois ans avant que je la rencontre et que je n’ai conséquemment pas connu, disait-il qu’il se « burclait » les mains avec son Opinel ? Quelles vaines chimères poursuis-je dans ces pages ?

Avoir un petit vélo dans la tête : cette expression, dont notre spécialiste mondial de l’incongru, Pierre Jourde, semble faire peu de cas, m’évoque The Third Policeman, délicieuse pochade métaphysique et roman d’espionnage littéraire de Flann O’ Brien. Sur la métaphore du cycle dans l’œuvre de Flann O’Brien, le professeur Waddington est intarissable. Il me rappelle un immense ours en peluche, qui me fit m’exclamer, un jour d’août 1992, à Londres : « C’est de l’orange ! »

Il n’est guère question de bicyclette dans les poèmes de Paul Eluard, mais, en ce jour d’août 1992, j’avais acheté, un peu par hasard, sur la foi des quatrièmes de couverture, plusieurs livres d’un auteur sud-africain alors inconnu de moi : Breyten Breytenbach. Le monde peut s’effondrer dans l’onde, et, sur les rivages de la Tamise, nous nous sommes tant aimés.

Je devrais prendre des notes, au lieu de divaguer. Je devrais me concentrer sur les prolixes débordements du professeur Waddington. Le chagrin lâchait la bonde. Tout de même, je ne vois pas pourquoi, pour ce projet beckettien, je lirais les œuvres complètes de Henry de Monfreid.

 

………………

Sous la pluie d’avril, je m’éloignai, songeant que j’avais mangé mon pain blanc, car il me restait si peu de jours pour ne pas célébrer Samuel B., et le 13 mai encore était loin.

13:05 Publié dans Comment je n'ai pas célébré le centenaire de S.B. | Lien permanent | Commentaires (1)

T

    C'est un moine dans un tanka ; un militaire dans un tank ; le jour où ils se rencontreront, ils joueront au solitaire l'un contre l'autre.

(Où je me rêve aux Enfers, ce qui est bien présomptueux.)

09:00 Publié dans Arbre à came | Lien permanent | Commentaires (3)

samedi, 06 mai 2006

La baignoire de Wittgenstein

    Passer une nuit à l'hôtel avec un enfant implique de se retrouver dans la salle de bains à lire ou écrire, plus ou moins confortablement (et plutôt moins que plus). La semaine dernière, à Saint-Savin, je finis de lire Wittgenstein's Mistress dans la grande baignoire vide. Reste une phrase de douze mots pour clore cet épisode (ou l'incident).

21:00 Publié dans 59 | Lien permanent | Commentaires (1)

Encore trois quarts d'heure avant...

[Jets du jeudi]

 

    Huit heures du soir.

Encore trois quarts d'heure avant Tours ! Ce train qui s'arrête dix minutes à Orléans, puis dans de nombreuses gares, est bien long, tout de même, après une si longue journée. Ecrire encore, les mains tachées d'encre. (Le titre du (décevant) recueil posthume de Robert Pinget est Taches d'encre.*) Les mains sales d'encre, écrire encore**. Depuis l'arrêt à Orléans, justement, et l'échange des locomotives, je suis assis dans le sens inverse de la marche. Ecrire et lire sont, du coup, des tâches plus éprouvantes [[[des occupations susceptibles de provoquer des maux de tête]]]. J'ai délacé mes chaussures. Je ne vous épargne rien***. Il est beaucoup question de chaussures et de lunettes, de pieds et d'yeux, dans les textes les plus populaires connus de Beckett.

 

* [[[Je recopie ces encres dans le carnet, ce soir, vendredi, en écoutant (c'est vraiment un hasard) Comme le buvard boit l'encre, de Gérard Manset.]]]

** [[[Note astérisquée écrite le jour même, au bas de la feuille et maintenant déjà publiée (Tu retrouves, avec la plume...).]]]

*** [[[Le plus bref des récits du Marchand d'oublies (et le plus faible, de très loin) narre la métamorphose d'Olympe en épargneul.]]]

15:25 Publié dans Unissons | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Ligérienne

XXIV

    (Noir absolu. Deux voix qui pourraient être la même.)

 

Tu as oublié de remercier Madame de Récamier.

Enfin, elle gisait dans son salon.

S'appelait-elle Gisèle ?

Non : elle gisait. Du verbe gésir.

Ah, la salade aux gésiers... Combien de temps s'est écoulé depuis que je n'en ai mangé ?

Arrête t'es malade.

Sans point d'exclamation.

Une consonne pour une autre ?

Des paronymes.

Départ pour Nîmes.

N'empêche que tu n'as pas remercié Madame de Récamier.

 

(Bruit de pas s'éloignant.)

13:05 Publié dans Comment je n'ai pas célébré le centenaire de S.B. | Lien permanent | Commentaires (1)

Une mère et son fils...

[Jets du jeudi]

 

    18 h 45.

Une mère et son fils, endormis.

J'admire ces nombreux passagers qui peuvent dormir, à une heure pareille. Ce n'est pas seulement cette mère et son fils, dont l'attitude symétrique est d'une beauté bouleversante, mais des dizaines d'autres.

Dormir ainsi, j'aimerais.

La mère et son enfant, qui peut avoir trois ou quatre ans, sont endormis et inclinés dans la même attitude. Ils sont très beaux. Les autres passagers endormis ne sont pas beaux - juste la beauté du sommeil [[[endormis]]].

Ou suis-je heureux de ne pas avoir, justement, la faculté de m'endormir ainsi ?

Quand je suis revenu des toilettes, j'ai vu, regardant ma place dans cet Aqualys, les voies défiler au fond. Ma place est la dernière en queue de train.

Ecrire à l'encre me prend plus de temps, et je dois me corriger plus laborieusement, mais je suis heureux de savoir encore écrire à la main (à l'encre).

Beaucoup écrit aujourd'hui, et mal installé, au colloque, dans la salle de conférences du C.E.R.I.. Beaucoup écrit aussi en vue de ces carnets, et à l'encre. Levé à cinq heures du matin, et cinq heures de train dans la journée. Il faudrait tout de même que j'invente [[[sic???]]] cette faculté à m'endormir.

Lamentable, je trouve mon style.

 

11:15 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (2)