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lundi, 14 janvier 2008

Bzz

    Sans mélodie ni fourmillement

Sans vapeurs ni frétillements

Il se mit à écrire un poème

 

Des oliviers passèrent sous ses yeux, dans le grondement sourd des roues.

Il se mit à écrire un poème. 

 

Bouche bée le vague-à-l'âme dormait

sans vapeurs ni frétillements

Dans l'astronef Il se mit à écrire un poème

 

Quand bien même il dormirait

Quand bien même il dormirait trois jours

Il dort du sommeil du juste sous l'encre de la toile de jute

Il se mit à écrire un poème

 

Et si Morminal, tus ses

murmures, n'existait pas ? Il se mit...

 

... à écrire seize mots de seize lettres.

16:16 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Poésie, écriture

dimanche, 28 octobre 2007

1525 - Dust my broom

    Franchement, je tarde à me remettre à l'écriture, ici ou dans l'autre carnétoile. De longues conversations, récentes, avec un ami, au sujet de la recherche, des publications, de la sacro-sainte tout autant que satanée H.D.R., me font percevoir ce fossé entre mes intentions et mon faire effectif. (Tout cela relève du faitiche, pace Bruno Latour.)

Je suppose que l'encadrement administratif, les copies, les cours,et le butinage d'écriture, aussi l'éternel et langoureux vagbondage de lecture, tout cela mange du temps, mais ça n'est pas une raison suffisante. Quand je pense mettre plus d'ordre dans mes projets, ou dans mes essais de fiction, ou encore dans mes velléités diverses, ça cesse d'être désirable, en quelque sorte. (Me risquerai-je à de freudiennes et sauvages explications ? On n'en est pas là...)

Le vrai, on n'en a jamais fini de commencer.

01:10 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : Fiction, écriture, Ligérienne

samedi, 29 septembre 2007

En vain et sans histoires

    Écoutant pour la dixième fois Buvant seul de Dick Annegarn, Araïna a décidé d’écrire enfin le chapitre de sa thèse qu’elle veut consacrer à ce texte, et principalement – d’ailleurs – à sa mise en musique, solo de guitare surtout. Sa thèse porte sur les rémanences contemporaines du poème de Li Po sur la compagnie de l’ombre de la lune, mais, comme elle s’est heurtée à quelques difficultés en traitant de la métamorphose de la lune en chien dans trois œuvres de langue espagnole, il lui semble utile de rebondir, comme on dit si vilainement. L’exilée du ciel, en un sens, c’est elle. Auprès d’elle, sous les draps, Irina se pochtronne, comme d’habitude, au whisky et au bartissol comme d’habitude.

Je repense, en évoquant ce couple d’ombres – Irina et Araïna –, à cette phrase énigmatique : « Ma coupe est vide (je suis abstème) et la lumière du chien est sombre. » (Les Larmes, trad. de Michel Lafon, éditions André Dimanche, 2000, p. 53). Le mot abstème existe-t-il ? je ne l’ai compris que par analogie avec l’anglais abstemious. S’il existe, pourquoi ne l’ai-je jamais rencontré ? Ce semble être une version savante de l’anglais “being a tea-totaller”. S’il n’existe pas, d’où vient le néologisme ? Du texte d’origine (César Aira) ? Du traducteur ? Pourquoi ? Ma voisine de lit m’a suggéré sobre, mais on peut boire de l’alcool et être sobre : abstème signifie, sans équivoque possible, que le narrateur ne boit jamais d’alcool.

Entre-temps, la nuit a envahi la pièce de vie, et, ici, au gîte de Kergaer, c’est le plein matin, même sous un timide rayon de soleil. Nous irons dans d’autres vies, d’autres eaux. (Au fait, l’artiste québécoise se nomme Marie-Josée Laframboise.)

07:06 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Littérature, écriture, Chanson, Musique

vendredi, 21 septembre 2007

Javier : Tomeo :: Les ::: mystères : de ::: l’opéra

    Il faudra que j’aille rue Robert Pinget enterrer solennellement mon exemplaire des Mystères de l’opéra. Pour moi, depuis le choc causé par la lecture de L’Inquisitoire en 1992, tous les inquisitoires sont L’Inquisitoire. Ce n’est pas médire de Javier Tomeo, qui a signé là un livre singulier, surprenant comme toujours. Javier Tomeo ne fait jamais le même livre (pour le coup). Mais, pour moi, depuis le choc causé par la lecture de L’Inquisitoire en 1992, tous les inquisitoires sont L’Inquisitoire. Voilà.

Toutes les rues ne sont pas pour autant la rue Robert Pinget, brève bretelle sans bâtiment ni magasin ni entrepôt ni résidence ni rien, de sorte qu’aucun numéro ne lui est affecté – une rue sans numéro et donc sans adresse – une rue où jamais le facteur ne s’arrête.

 

Les Mystères de l’opéra est un roman élaboré comme une pièce de théâtre, avec didascalies, primauté du dialogue entre le « Juge » (ou gardien) et la soprano, mais aussi plusieurs notations ou signaux de nature foncièrement extra-théâtrales, comme le surgissement, ça et là, d’un narrateur omniscient. À le lire, on aimerait le traduire en livret : tout le texte appelle cette transposition, et c’est justement dans la résistance d’un faux récit qui toujours se dé-dramatise que réside une grande partie du plaisir de lecture.

6f1bd44e01b4f74a2b3c926e821519fd.jpgIl y a quelques clins d’œil du côté de Beckett (« C’est le souvenir de cette femme impossible qui vous a abîmé depuis des années dans cet antre pour dresser l’acte des foirages des autres ? », traduction de D. Laroutis, Bourgois, p. 147), le lien sémiotique qui se tisse entre l’énigme (Rätsel de l’aria wagnérienne, p. 107) et la foirade (le ratage : « vous aussi, vous êtes un raté », p. 146), la lutte entre l’esprit de système de la soprano et le goût du Juge pour le mystère.

« Des ennemis, en plus, dont l’existence pour nous est un mystère. » (p. 91)

La soprano a parlé de salopards, mais le Juge a dit « nous ». (On entend résonner les voix du Kafka de Marc Ducret : chez nous… chez nous… chez nous… chez nous… chez nous… chez nous… chez nous… chez nous… chez nous… chez nous… chez nous… chez nous… chez nous… chez nous… chez nous…) Nous, c’est aussi, d’un doigt léger puis – juste au dernier paragraphe – impérieux, le narrateur : « À partir d’ici nous n’en dirons pas plus. Nous ne nous mêlons pas de justice. » (p. 148)

Le Juge, si malsain que paraissent la plupart de ses principes, lance toutefois, aux fiévreux de mon espèce (mais il y en a d’autres, comme Madame de Véhesse), un appel rassurant : « Dans ce monde il faut tout compter. Oui, oui, ne me regardez pas de cette façon, il vaut mieux tout compter. Quantifier tout ce qui nous entoure : pendules, ampoules ou tubes fluorescents. » (p. 64)

 

Denise Laroutis est certainement une très bonne traductrice. (On peut savoir si un traducteur est mauvais sans même se reporter au texte original ; pour faire définitivement le tri entre bons et mauvais traducteurs, un bon texte n’est jamais qu’un début d’indice.) Pourquoi ? Un seul paragraphe, sans autre commentaire, suffira à éclaircir mon affirmation :

Brusquement, on n’entend plus la voix du violoncelle – comme si quelqu’un avait décidé de lui couper toutes les cordes d’un seul coup de ciseaux –, le Portier éternue une fois de plus et reste les yeux baissés. On dirait que le ressort de son cou s’est cassé pendant qu’il éternuait. À ce moment-là, les femmes qui sont de l’autre côté de la porte préfèrent se tenir coites. Elles n’ont pas la moindre idée de ce qui risque de se passer à partir de maintenant, mais ce dont elles sont toutes convaincues, c’est que Brigitte a encore le temps avant que soit remplie la coupe de l’amertume.     (p. 114, tripatouillages de polices ajoutés)

 

Comme pour les masques, comme pour les mensonges, comme pour le bal des vampires dans les armoires (ou des grimoires qui transpirent), l’opéra se travestit : « Une véritable soprano – une soprano tout-terrain – peut chanter les séguedilles de Carmen même habillée en Brunhilde ou en Salomé. » (p. 72)

Maintenant, le thé est noir ; il faut le boire. Respecte ton supérieur !

16:40 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : Musique, Opéra, Littérature, Espagne, Jazz, Photographie, Ligérienne

jeudi, 06 septembre 2007

7' 20"

    seulement le temps que dure Let's get to the nitty gritty seulement ça pas autrement paradoxe du thé : Le paradoxe du thé cuivres résonnants c'est que j'en bois là justement parce que réveillé très tôt après trop peu d'heures de sommeil je me suis senti la matinée les jambes lourdes alors café après filet & génoise puis deux heures plus tard l'envie de thé : D'où dans l'interstice électronique choisissant le thé vert que m'avait offert l'étudiante chinoise je me dis : Le thé vert est moins excitant, ce qui est faux bien entendu (c'est le thé rouge qui n'a pas de théine) : Enfin, je bois du thé alea jacta est et je veux finir de lire ce roman, pages 333-361, avant quatre heures, et pourquoi diable alors me suis-je interrompu : Est-ce d'avoir lu "Quelle malheur", énième coquille bourde ou faute de l'ouvrage de la plume pourtant d'un éminent traducteur d'avoir pensé chez Gallimard ni ailleurs il n'y a plus personne pour relire les textes ni on suppose pour les lire si l'éditeur se contrefout des textes qu'il édite pourquoi imputer au lectorat peau de chagrin l'affaiblissement sans cesse croissant de l'intérêt pour la littérature (ça, c'est foutrement mal écrit, on se croirait dans les Inrocks, enfin, je ne me corrige pas, solo de piano ou plutôt dialogue avec la batterie de Roy Brooks, il ne doit pas rester tant de temps que ça seulement le temps seulement tant et pas plus, les baffles sont derrière moi, et le cadran de la chaîne aussi : Je ne vais pas perdre vingt secondes à me retourner mais j'en perds quarante à écrire que je ne vais pas en perdre vingt à me retourner), et donc il n'est pas quatre heures (fini)

15:40 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Fiction, écriture

Fêlure, un rien

    Jamais je n’aurais imaginé, écrit Mathieu Mesplède-Morandini (lui dont le nom fut ensuite abrégé en MuMM, sans rapport avec le champagne, dans la mesure où les seules relations qu’il entretînt jamais avec la Formule 1 consistèrent à dormir, d’aventure, dans un hôtel de cette désignation (et dans la mesure aussi où les seuls vins pétillants qu’il eût jamais bus à l’époque où ce surnom lui fut donné étaient de pâles crémants, d’affreux vouvrays de contrebande et peut-être même quelque blanquette de Limoux de derrière les fagots)), jamais je n’aurais imaginé, quand j’écrivais, en 1996, mon roman Frasques, en vue de le proposer aux éditions P.O.L., que, dans la parfaite dernière phrase du 68ème fragment de disaient les 2 fils, texte publié chez ce même éditeur quatre ans auparavant, se trouvait résumée une partie non négligeable du travail textuel de ce Frasques-là, et jamais non plus je n’aurais songé, écrit Mathieu Mesplède-Morandini, que je retrouverais encore une fois sur ma route des frasques sous la plume d’un auteur P.O.L. D’ailleurs, écrit Mathieu Mesplède-Morandini, qui est ce Nicolas Vatimbella, et a-t-il publié d’autres livres depuis ? Ce nom n’a-t-il pas tout du pseudonyme ? s’interroge Mathieu Mesplède-Morandini, perdu à corps rebroussé dans une expérience de la campagne que rien ne dénie ni n’affirme, et il lui traverse l’esprit, oui, il me traverse l’esprit, écrit Mathieu Mesplède-Morandini, que ce Vatimbella fut le premier nom de plume de Christine Montalbetti, à l’époque où elle publiait sa thèse, ou quoi d’autre encore, et donc je gagerais fort, écrit Mathieu Mesplède-Morandini, que ce Vatimbella prétendu (aux accents tantôt beckettiens tantôt chevillardiens (vérifier date de publication de Palafox – 1990 ? note en marge Mathieu Mesplède-Morandini) tantôt michaldiens (mais est-ce là l’adjectif approprié pour se référer à l’œuvre et à l’écriture même de Michaux ? s’interroge Mathieu Mesplède-Morandini)) ne soit qu’un masque de celle qui devait publier, quelques années plus tard, mais toujours à la P.O.L., aux côtés de Hubert Lucot (auteur en 1998 d’un roman intitulé Frasques), un bref mais somptueux texte, suivi de plusieurs autres, écrit Mathieu Mesplède-Morandini. Et si j’ai raté l’écriture de mes Frasques, cet hiver-là à Oxford, écrit Mathieu Mesplède-Morandini, c’est que je suis lent, désespérément lent à trouver mon rythme, à trouver une forme, à trouver le sujet, autant dire à trouver une forme dans mon rythme pour le sujet, et à faire autre chose, autrement qu’éparpiller des fragments, apprivoiser des fêlures, macérer des moisissures, pr od uire des filaments sans aucun point de paternité perdue ni retrouvée, puisque, écrit Mathieu Mesplède-Morandini, je peine à désespérément trouver mon rythme, une forme, le sujet (ou, suggère avec une accolade virile Mathieu Mesplède-Morandini, le rythme, ma forme, un sujet), à trouver un sujet pour ma forme avec le rythme.

 

[29.07.07.]

08:00 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Littérature, Fiction, écriture

lundi, 03 septembre 2007

Myra / Vatim

    Nos deux prénoms commencent par des voyelles, alors que ceux de nos parents commencent par des consonnes, disaient les 2 fils. Il a acheté le livre de Nicolas Vatimbella un peu au hasard, dans la caisse des livres bradés, avec tant d’autres, ce dernier jour de mars, et ne sait si le nom de l’écrivain est un pseudonyme, ni s’il a publié d’autres livres depuis (puisque ce volume-ci est une première édition). La plupart des noms de nos peluches commencent aussi par des consonnes, disaient les 2 fils. Il a passé les branches feuillues au broyeur, et coupé de minces baguettes, mille au moins, à la scie. Dans le récit, dès la première page, il est question des signes bleus sur les feuilles blanches lignées (et non quadrillées) ; dans l’un des premiers chapitres de Myra Breckinbridge (que je vais laisser en plan), il est aussi question du nombre de pages du carnet, et du nombre de lignes par page, au fil de l’écriture.

Dans disaient les 2 fils (bruissements d’abeilles, bourdonnements de mouches, fredonnements sans fin de bourdons), outre l’homographie – déjà présente (à ce que je crois, car je ne l’ai jamais lu) dans le titre d’un livre de Serge Doubrovsky (Fils, tout simplement) – entre la filiation et la filature, entre la paternité et le tissage, on remarque la récurrence des adjectifs futile et factice. Dans un lac artificiel se noient les feux d’artifice.

Les phrases – leur agencement, leur forme et même leur saveur – restent la clef de la lecture (texte incongru). Il y a aussi, dans Wert et la vie sans fin, ce passage relatif aux frasques (fragments, parole en archipel, découpures des nuages comme des copeaux dans la montagne). Bref, je mélange tout (furètement répétitif des feutres de couleur sur le papier, c’est déjà le 15ème coloriage depuis hier soir). Chaque minute a son épaisseur dont aucun système de notation ne peut rendre compte (exhaustivité impossible, grincement du relax Lafuma avant frottement frénétique des pieds frappés par une démangeaison). Comme le pas d’un pied-bot ou d’un cul-de-jatte, comme à petites touches la palette pointilliste d’un Seurat de pacotille, le bruit des doigts sur le clavier s’interrompt irrégulièrement pour des silences qui sont aussi chaque occurrence des lettres A ou Z. Le linge sec pouvait attendre.

M’étant arrêté à vingt-cinq pages de la fin du livre de Nicolas Vatimbella (trois heures de l’après-midi, soudaine crispation du gros orteil dans l’espadrille), je me rappelle que le nom du groupe britannique qui faisait la première partie de Depeche Mode à Bordeaux en 1990 (si mes souvenirs du récit que m’en avaient fait mes amies Karine et Dorothée ne sont pas faux) était Electribe 101, et que des spectateurs impatients avaient balancé des cannettes sur la chanteuse.

Jamais il n’a pris la peine de décrire les pièces d’ici ou d’autres demeures en se déplaçant avec son ordinateur portable de l’une à l’autre ; cela demanderait une forme d’ascèse, ou plus de solitude qu’il n’en a à sa disposition. Une nuit blanche ? Ou aller, de nuit toujours, jusqu’au potager où encore son père bine, bêche, creuse, fouille, fouaille et ahane…

[29.07.07.]

11:31 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature, écriture

vendredi, 24 août 2007

Moment de flottement

    Finalement, les huées se firent plus pressantes. C’était au plus fort d’une soirée d’été, quand la fête bat son plein, avec les clins d’œil des servantes dans les peñas – clins d’œil qui n’existent que dans l’imagination des poivrots et des rugbymen. Toutes rafales dehors, le chant des époumonés, des égosillées, des étrangleurs de litrons. Voici quelques lunes encore en pyjama, de quoi se dispenser du tic d’écriture qui consiste à répéter toujours encore (ou, encore et encore, toujours). Ici, les italiques prennent toute leur importance, ont droit de cité, dans la place forte. Cet imbécile fat et subventionné que vous voyez pontifier d’un sourire doux et si atrocement sympathique se nomme Erik Orsenna. Même sans la moustache, son nom reste le même, et on le voit encore (encore !) accoudé au zingue comme à un ponton de bastringue. Ça ne veut rien dire, c’est pour la rime : Erik Orsenna dit ne pas comprendre. On rêve alors du jour amer où, la tête écrasée sous la ferraille, il rate le virage et s’enfonce à 300 à l’heure dans un muret en béton. Plus nous faire chier avec ses chansons douces et ses révoltes à deux balles. Les époumonés, les égosillées, les étrangleurs de jaune demandent sa tête au bout d’un piquet. Oui, en fin de compte, les huées se firent plus pressantes. Circulez, rien à voir.

 

[14 juillet]

14:25 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Littérature, écriture, Langue française

vendredi, 17 août 2007

Y voir goutte

    Encerclé par le vert qui a sa cour de l’autre côté des vitres, mais qui, balayé de vent et de pluie, ne se laisse distraire, que faire d’autre, entre les diverses crevasses lourdes de la journée, sinon, toujours, relire Ronsard ? Je faux : je me trompe : je falsifie : je dupe : je suis dupe : je tiens fermement une plume qui sert aux mascarades et à démasquer la Camarde. Il fait vert entre les nuages, sans que jamais les yeux n’y comprennent goutte.

[9 juillet.]

14:25 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Poésie, Littérature

dimanche, 01 juillet 2007

À mots cassés

    Le rêve escamoté, la féerie de l’été peut reprendre, avec ses cent projets fumeux. Plus de huit jours avant la quille, le soldat commence à empaqueter son barda. Alors, l’hiver revient, comme pour lui couper l’herbe sous le pied, en lui lançant : « Pas de perm ! pas de perm ! » Le soldat, visage coupé d’entailles, se prend à rêver encore de son village natal – Gourbera peut-être, puisqu’il a depuis longtemps appris à plier l’échine. Il avait collé des affiches politiques avec son père, dans le village voisin. C’était à la fin du printemps, quand l’odeur des cerises noires faisait éclater les nuages en longues traînées bleues et jaunes, dans les sillons. Pourquoi céder au désespoir, s’il sait que l’été reviendra, avec ses chimères dont le plus sûr désir est de combattre les frimas ? Le rêve escamoté, la furie peut reprendre ; on attendra, le temps qu’il faudra, la permission.

14:41 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (0)

jeudi, 21 juin 2007

Pas de risque de suture

    Rien de nocturne là-dedans. Juste mon humeur joueuse, rien qu'une gaillarde à danser.

Comme les plis de la main s'enfoncent, se creusent, je vois la lumière du ciel glacé gagner du terrain, et l'ombre s'affiner, se préciser, c'est-à-dire que la pénombre disparaît. En toute logique, non ? (Je ne devrais peut-être pas lire Le Navire de bois de Hans Henny Jahnn au compte-gouttes. À quand alors la trilogie entière ?)

Imaginez une voiture bondée avant même que l'on ait pu y glisser l'essentiel. Comment faire ?

Ce sont mots que le vent emporte. Ce sont des portes jaunes, à la peinture écaillée, dont je tourne le verrou pour me retrouver au chaud avec moi-même.

Pas de risque de suture.

08:54 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : Littérature, écriture

lundi, 04 juin 2007

Mutinerie

    Dans le désert

des mots rapaces

à perdre les trèfles bienheureux du carré de verdure

 

Dans le silence

elle ténèbre

à se pendre aux branches flétries de la rancune

 

Les dents se ferment

à l'horizon des viandes

à tout prendre

comme s'il pleuvait des morsures

 

Dans les registres

ces fumées noires

à peindre des prés verts, avec leurs trèfles bienheureux.

 

10:01 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Poésie

vendredi, 18 mai 2007

Prennent ratures

    L'auteur de Samedi 12 mai (carnets dont je vous recommande la lecture) m'avait écrit ceci : "depuis quelques merveilleux milliards de siècles, rater occupe et divertit la matière". Or, j'y ai repensé en relisant "L'Eden sans rivage", le très beau texte que Claude-Michel Cluny a consacré à Malcolm Lowry : Un faisceau de ratages. Autrement dit, la démarche devient obsessionnelle, et d'une manière irréfragable.

Le monde tangue quand la langue s'empâte.

17:51 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Littérature, écriture

mercredi, 09 mai 2007

Reste

    Toute de nacre

Maintenant qu’elle a retrouvé son arme

Qu’elle s’est replacée

Au nœud gordien du bois

Elle est toute de nacre

 

Le péché sous la peau

N’en faire peu de cas Que très trop peu de cas

La femme nacre barre le ciel

Comme une aiguille dans les Alpes

 

Travaux d’aiguille

Armée

Elle trame creuse la mer

Lance ses filets dans les criques

Elle est toute de nacre encore

La femme nacre

 

Lentement toutefois elle entre dans la danse

Et ce qui vogue dans les airs

Sont-ce des os sont-ce des chansons de marins

Sont-ce peut-être des crânes

Elle tournoie si lentement

Dans les rues de Blois désertées

Toute de nacre.

18:50 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : Poésie

samedi, 14 avril 2007

Vanitas

    Après avoir corrigé, au stylo bille noir, les 25 copies écrites en bleu, je me mis en quête d’un stylo plume pour les 6 copies qui restaient, elles-mêmes noir sur blanc et exigeant une couleur distinctive.   Le stylo plume à encre rouge était vide, et je n’avais plus de cartouche. Le stylo plume à encre verte n’était pas vide, mais il fonctionne mal. Croyant placer une cartouche verte dans le stylo plume à encre rouge, je fis un essai de « lancement » sur une feuille de brouillon et vis apparaître un jet de bulles noires ; j’écrivis, sous la colonne de cercles jaillis, IT’S BLACK INK FINALLY. Puis je procédai au même essai avec l’autre stylo plume, aux éclaboussures qui, s’avérant vertes, reçurent la légende THIS IS GREEN INK INDEED. Restent les orbes que dessinent ces cinq colonnes de bulles vertes à la plume et cette unique colonne dissimulée de bulles noires, et ce petit texte buvard, minable (à la pointe), dont personne ne saura que faire (pas moi).

12:13 Publié dans ABC*ACB, Diableries manuelles, Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : Ligérienne, écriture

mercredi, 28 mars 2007

DAZAI : Osamu :: Mes : frères

    La pile de livres à lire s'entasse sur ma table de chevet, et, quoi que je fasse pour en varier l'architecture, je crains qu'elle n'atteigne bientôt le plafond. Récemment, rangeant, j'ai aligné les quatre Pléiade les plus récents, surtout parcourus (sauf le tome III de Michaux, exploré jusque dans les abysses), tout en haut, pensant ainsi endiguer la sédimentation. Mais il en est des achats et des emprunts comme de penser chauffer une pièce froide en approchant le mercure du thermomètre de l'ampoule 100 Watt : vanitas vanitatum.
Cette nuit, j'ai peu dormi. Peut-être était-ce le thé vert offert par l'étudiante chinoise et bu à grandes lampées toute l'après-midi. Peut-être était-ce la lecture de trois ouvrages différents avant d'éteindre les bougies. Le dernier que j'aie ouvert, c'est ce petit volume de DAZAI Osamu, Cent vues du mont Fuji, dont j'ai parcouru la préface et lu les deux premières nouvelles. C'est peu dire que j'ai pris la première, intitulée "Mes frères" en pleine gueule. J'avais acheté ce livre - attiré dans la grande et belle librairie par c'était, qui a fini par s'acheter la traduction récemment reparue de Return of the Native - pour une raison qui en vaut d'autres : j'avais rencontré, trois jours auparavant, et dans un tout autre contexte, le traducteur, Didier Chiche.
"Mes frères" est un texte court, à la structure méandreuse, filandreuse. Dazai prend ses frères, non pour modèles, mais en filature. Au début, il donne le sentiment qu'il va parler de la mort de leur père, de la revue qu'ils avaient fondée ensemble, ou, peut-être, des deux visages de son frère aîné, de onze ans plus âgé que lui. Tout cela esquissé, pourtant (mais d'une manière qui grave l'empreinte de ces quelques motifs durablement dans l'esprit du lecteur), le sujet de la nouvelle devient le troisième frère, l'excentrique influencé par la "préciosité" française, sculpteur mais aussi auteur de poèmes dont Dazai condamne ou moque le côté fleur bleue. De ce qui semble, un instant, être un portrait-charge, émerge progressivement le récit de la mort, pathétique et terrible, de ce frère en fait adoré par Dazai (qui écrivait encore sous son vrai nom de Tsushima Shûji). Dans la dernière phrase, on en revient au point de rupture qui donna naissance à l'écriture de cette nouvelle : le traumatisme de l'héritage laissé par un père mort trop tôt. La ruse douloureuse de Dazai ne s'exprime jamais aussi bien que dans cette merveilleuse dernière phrase : "Si riches soient-ils, des  frères trop tôt privés de leur père sont, à mes yeux, bien à plaindre." (rééd. Picquier Poche, p. 39)
Il existe aussi -  dois-je m'en défendre ? - un amour particulier des noms japonais. L'évocation de la "diction du kabuki" (p. 28), de la dédicace de Kawabata Yasunari (p. 33), ou encore l'amour non réciproque du frère Keiji pour "une fille qui travaillait dans un café à Takanadobaba" (p. 36), suffisent à me plonger dans une durable rêverie... dont la rançon pourrait bien être l'insomnie ?

14:14 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : Littérature, Japon

dimanche, 04 mars 2007

Dans la maison…

Cinq heures vingt.

    Dans la maison morte, lourde de vie, de tant de moments vécus, d’instants à vivre, riche de rires lointains, il me faut le silence. Réapprendre à écrire, et pourquoi toujours se réveiller à cinq heures du matin, depuis deux semaines et demie, et peut-être même avant ? Les musiques, les paroles, les éclats qui habillent le silence, je les porte en moi.

Pour faire chauffer le café et le boire sans faire de bruit réveillant le reste de la maisonnée – j’ai le sentiment d’avoir écrit, l’été dernier, semblable phrase en semblable situation – je l’ai fait chauffer en m’éclairant d’une lampe de poche et me le suis servi dans cette timbale de plastique bleu qui sert aussi de couvercle à la bouteille Thermos du voyage.

Il y a, depuis ces dix-huit jours, des rêves si nombreux, si fréquents, que ce sont sans doute eux qui me réveillent. Venez-vous me parler la nuit ? Mon athéisme m’assure que non, depuis ces pleurs près de votre pierre ; des souvenirs de romantiques allemands me soufflent qu’après tout, oui, pourquoi pas…

Hors de question, dans tous les cas, de créer une crypte. Pas de chapitre à part, non plus : la vie reprend son cours dans la discontinuité. Nul dialogue avec les ombres. Sur le tourne-disques, avoir écouté Jeff Beck et Rod Stewart – deux chansons anciennes de Dylan – un disque plaisant de Ferrat – Captain Beefheart. Et à chaque seconde, chaque note, chaque grain dans la voix, vous entendre, vous imaginer.

Il reste qu’il y a des milliers de pages, des centaines de disques de jazz, des bouteilles, tous indécis à dessiner leurs contours, dans les fumées du futur, et dans la maison riche encore d’instants à vivre.

11:45 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Poésie, écriture

mardi, 06 février 2007

N'être océan

   Si seulement désirer n'être océan était une fable,

vertige brûlant,

tuerie par le souffle

aux gouffres rituels,

une                                                                fable :

je m'oindrais

d'eau au moindre caprice du vent

aux moindres frémissements du                      temps.

 


podcast

Another Mr. Lizard. [em] II.

16:10 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : Poésie, Jazz, Littérature

lundi, 01 janvier 2007

Soulville / Only Yesterday

    Faudra-t-il confesser (mais si oui, où ?) que j’écoutais en fait Horace Is Blue en écrivant le texte intitulé Ecaroh I et II. Il pousse le vice, la discrépance jusqu’à la malhonnêteté. Isidore réclame son onzain, puisqu’il a longtemps vécu dans ce petit village du Loiret où se trouve l’une des rares églises construites sur ordre de Charlemagne et dont certaines parties sont en effet mieux que millénaires. Isidore voudrait qu’enfin j’écrive un onzain pour lui, en son honneur, et trouve que je ne pousse pas assez loin cette histoire de discrépance. Par exemple, ai-je jamais, dans la vraie vie, raconté ma première masturbation à une jeune fille prude en jonglant avec des balles de ping-pong tandis que la jeune fille donnait des gifles à un hamster ? Non, je l’avoue. Tout à l’heure, un triporteur expliquait en long, en ligue, et même en procession, pourquoi la prononciation de gageure n’était en rien une exception aux règles de la langue française. Il a raison, mais c’est par trop évident. J’avoue aussi que j’ai quelque difficulté avec ce concept de « vraie vie », et donc j’imagine que le spectre qui me rend visite et se fait passer pour Isidore n’est pas du tout lui, incontestablement, car jamais Isidore ne se serait abaissé à d’aussi plates, aussi banales, aussi insignifiantes (surtout) formules. (Mais les gifles au hamster sont une belle trouvaille.) Faute de lamproies, dînons d’aloses. Une hirondelle traverse le ciel d’Afrique, et les haruspices se déhanchent pour trouver, en observant ses piqués farouches, un nouveau titre pour le texte fauteusement, pampousement, trompivement appelé Ecaroh I et II. Ne vous en faites pas, laissez l’hirondelle aller bon train, car j’ai trouvé un nouveau titre, grâce à la méth od e C+1 : Yvetaj I uy II. Le lettriste, fâché, me traite de faux frère rallié à la cause oulipienne. Je n’en ai cure. Et même en faisant badaboum, je vais présenter à mes lecteurs (c’est vous, peut-être) mes meilleurs vœux pour l’année qui commence. (2007, je pense, même si j’écris ces lignes en écoutant les ultimes rubati d’Only Yesterday, le 30 décembre à cinq heures et demie (du soir).) Wyommyitd baric !

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samedi, 23 décembre 2006

Siège liant

medium_Brehemont_10_decembre_2006_044.jpg

    Aux âmes mortes, l'air frais ne saurait faire du bien. Bah, peu importe... Je sais que, quand l'envie reviendra, ce sera de nouveau la boulimie des ciels céruléens, avec d'autres flèches moins rabougries ou moins farcesques. Bonnes fêtes de fin d'année, dit-on.

(Tout de même, cette quadruple espace & la lettrine en gras, ne serait-ce pas là une version typographique du métronome, ou la politesse du désespoir ? )

Il faudrait du liant.

08:05 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Ligérienne, Littérature

samedi, 09 décembre 2006

Journées parisiennes, 5 : Dépôt d'ordures interdit

1er décembre. 19 h 40. Dans le train.

    Hier soir, j’étais trop fatigué pour écrire dans ces carnets, et même pour lire. Ce matin, j’ai bénéficié d’une connexion sans fil inattendue, dont j’ai profité pour purger ma boîte à lettres électronique de ses 276 spams, et lire les 22 messages sérieux qui s’y étaient accumulés. Ce soir, j’écris enfin ici, mais je suis profondément déprimé. Est-ce le rythme affreux et bruyant des journées à Paris ? Est-ce la vacuité de certains ateliers, qui m’a agacé ? Est-ce l’enthousiasme et l’hyperactivité de certains chercheurs rencontrés, dont la profondeur des recherches me renvoie, admiratif et peiné, à la vacuité des miennes ? medium_Dimanche_3_decembre_2006_115.jpgEst-ce de ne pas être allé faire un tour dans Paris, pourquoi pas au musée du quai Branly, et d’avoir préféré rester boire, jusqu’à la lie, le calice de ces journées fortes et frustrantes ? Est-ce le soir qui tombait sur le Jardin des plantes et surtout sur les sculptures devant la Galerie de paléontologie, qui m’a rappelé mars dernier (pointe de nostalgie) ? Est-ce le passage par l’échangeur arachnéen de Châtelet, qui m’a rappelé mes trois années de commuting entre Beauvais et Nanterre ? Est-ce de ne plus pouvoir traîner cette carcasse inutile ? Il vaut mieux que je cesse de poser ces questions, de crainte d’être tenté d’y répondre. Le train va démarrer, et, si la lumière veut bien revenir parmi nous, je me saisirai de Wizard of the Crow, histoire de noyer dans la beauté narrative ce spleen plus ridicule que malin.

19:40 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Photographie, écriture

jeudi, 07 décembre 2006

Journées parisiennes, 2 : Gabon, présence des esprits

29 novembre. 22 heures.

    La bouilloire va siffler (c’est un air d’Angleterre). J’ai déposé les feuilles de tisane à même la mug (la boule à thé était remplie de vieilles feuilles collées par une moisissure bleu verdâtre). Je crois que je ne vais pas devoir recourir au chauffage électrique de G.I.

Beaucoup marché, comme toujours beaucoup l’on marche à Paris (mais mal, en piéton amateur comme s’en plaindrait Roubaud). La bouilloire siffle. Bientôt. Je vais interrompre ces notes jetées à la va-vite.

Beaucoup marché, exprès, tours & détours, dans l’air frais mais pas hivernal. Le petit restaurant où j’ai dîné (convenablement) était enfumé à un point… j’ai étendu mes vêtements séparément sur plusieurs chaises qu’ils puissent aérer (surtout pantalon, veste et pull). La bouilloire siffle, cette fois.

medium_Paris_012.jpg

Je voulais jeter quelques mots de l’exposition Gabon, présence des esprits, vue tout à l’heure, en nocturne (et donc gratuitement, comme on dirait chez moi) au Musée Dapper. Je ne suis pas allé très souvent au Musée Dapper depuis qu’il a changé de lieu, car le nouveau lieu n’a pas d’âme. C’est une muséographie à la mords-moi-le-nœud, typique parisianisme mollasson de la fin des années 1990. Rien de commun avec le superbe hôtel particulier où le musée vivait auparavant de toute sa vigueur. Le plus triste est que tout le monde trouve ça mieux : neutre, surtout pas connoté grande bourgeoisie comme le précédent lieu. Mais enfin, ce qui est gênant, si on veut, dans ces musées d’art africain, c’est l’idée que toutes ces pièces n’ont pas été collectées ni collectionnées d’une manière très morale. Ensuite, le lieu, puisque l’on veut muséifier, doit être le plus beau possible, et le plus doué d’âme possible, même si cette âme-là est sans rapport avec celle qu’expriment les objets exposés. La discrépance ne me gêne pas, au contraire (Isou est un de mes maîtres, et la rubrique « Unissons » lui doit quelques fières chandelles). La discrépance ne me gêne pas, mais le vasouillardisme approximatif de tous ces nouveaux musées, si, et grandement.

Je n’ai toujours pas traîné mes guêtres, depuis son ouverture, au musée du quai Branly (rien que le nom, mmmm…) ; aussi faut-il dire que je ne suis venu qu’une seule fois à Paris depuis son ouverture, et encore une journée aller-retour, pour les trente ans d’un ami.

(Il faut que j’aille touiller les feuilles, puis les évacuer du liquide, afin de boire ma tisane.)

Bien… que disais-je ? Ah oui, l’exposition Gabon, présence des esprits. Elle est très bien faite, remarquable de sobriété et d’expertise, comme tout ce que fait Christiane Falgayrettes-Levreau. Mais (il faut des mais, aux plus grandes amours même) il faut toujours que la présence de certains des objets paraisse moins pertinente, comme si, les collections du musée n’étant pas assez riches – et elles le sont pourtant diablement – par rapport à la ténuité du thème choisi, il fallait quelque peu tirer sur la corde et refourguer des pièces qui, pour être fort belles, ne sont que très secondairement liées à la question de la présence des esprits… à moins d’arguer, évidemment, que toute forme de sculpture issue d’Afrique noire est spirituelle, ce qui est à peu près vrai.

Ce que je veux dire, c’est que les pièces du rez-de-chaussée sont toutes parfaitement en adéquation avec le sujet : figures de reliquaire, objets-témoins de rites mortuaires, etc. Les grandes cuillers exposées au premier étage, certes extraordinaires, comptent parmi les pièces moins convaincantes, par rapport à la réflexion sur les modalités de la représentation symbolique (et même symbiotique) des ancêtres, ou des défunts.

Toujours aussi impressionné par l’art Fang (et notamment par cette capacité qu’ont les masques Fang, n’en déplaise aux tenants de la différenciation réaliste de cet art, à superposer au masque une surface moindre, découpée, et qui, redessinant un visage, à l’intérieur du masque, met en scène la dualité même du jeu masque-figure. Un masque Fang, arboré par un homme, propose une superposition, non de deux, mais de trois faces : la peau humaine, dissimulée, le masque et la figure sur le masque. Cela n’est pas vrai de tous, mais de beaucoup.), j’ai découvert les kota, et aussi l’art des Tongwo, en particulier la figure de reliquaire qui porte le n° d’inventaire 806, et que je ne pense pas avoir vue lors de précédentes expositions.

Il y a eu, de mon point de vue, un moment assez comique, car je visitais l’exposition en même temps qu’un couple de cinquantenaires très b.c.b.g. (est-ce que cela se dit encore ?) qui s’est longuement arrêté devant les mukuyi des Punu, une remarquable série de quatre masques. Ils s’incitaient l’un l’autre à trouver cela « asiatique » (non mais, tu trouves toi, aussi, hein ? c’est fou, hein, ce n’est pas du tout africain, etc.). La raison en est que les visages sont très stylisés, les yeux fortement bridés et les nez fins (ce dernier point faisant l’objet d’exclamations véhémentes du couple susnommé). L’époux en vint même à se demander pourquoi les cartouches explicatifs ne mentionnaient pas cela, qui leur avait sauté aux yeux, hein, quand même, non, etc. Or, si yeux bridés et nez fins il y avait, il y avait aussi, sur tous ces masques, de très nettes marques de scarification en bouquet (front et tempes), ainsi que d’épaisses chevelures rehaussées et structurées selon un agencement stylisé et tripartite qui peut être signe de beauté, de puissance (par l’analogie avec la forme des cimiers) ou même de vie dans l’au-delà. Bien sûr, je suis loin de blâmer ce couple, qui a très nettement vu quelque chose de très intéressant, et qui représente un trait saillant de ces mukuyi ; mais avoir vu cela les a aveuglés sur tout le reste, ce qui est dommage.

Pis même, on peut imaginer qu’ils contemplent l’art africain et l’art asiatique comme s’ils s’agissaient de deux blocs homogènes, aux caractéristiques spécifiques très précises et incompatibles. Or, l’art africain – qu’on l’affuble de ce singulier ou non – est nettement plus divers et varié qu’il n’y paraît de prime abord. Je me rappelle avoir fortement pris conscience de cela lors de la colossale exposition Africa – The Art of a Continent à Londres, à l’hiver 1996. (Mon Dieu, onze ans déjà, bientôt !) Pour cela, il faut accepter de se dessiller les yeux, et surtout ne pas avoir les yeux rivés aux cartouches explicatifs, justement. Généralement, je regarde la plupart des pièces avant de m’informer des ethnies ou groupes de créateurs, pour ne rien dire des fonctions attribuées par les commissaires de l’exposition.

Je cesse mon bavardage. Le lit m’appelle, et Wizard of the Crow.

 

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Prolongement : Dossier de presse édité par le Musée Dapper.

22:01 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Art, Afrique

mardi, 21 novembre 2006

Christine Angot, dans mes cordes

    Monseigneur Google (je m'imagine assez volontiers le célèbre robot en prélat ventru) a beau me diriger vers les carnets de Zvezdoliki, ou Finis Africae (que je lis irrégulièrement), ou encore vers le blog de Marc Villemain, que je n'avais jamais lu... je ne parviens pas à avoir la confirmation de ce que je pense ête la vérité, à savoir que l'altiste Christine Angot (qui joue notamment dans la version de The Fairy Queen par les Arts Florissants) est l'homonyme de l'écrivain.

Si cette hypothèse se confirmait, cela me permettrait de dire que j'adore Christine Angot, & surtout son jeu. Délicieuse ambiguïté. (On s'amuse comme on peut.)

17:25 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : Littérature, Musique

dimanche, 12 novembre 2006

Hubert : Antoine :: Introduction : à tout autre : chose

    Le poème de Bigongiari qui m'émerveilla jeudi soir s'intitule Con becco di sale ("Avec son bec de sel") et se trouve à la page 38 du choix de poèmes (traduits par Antoine Fongaro) publié dans la collection "Orphée" (Paris : La Différence, 1994). De façon générale, ces poèmes sont très beaux.

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Je n'ai pas pour coutume de parler d'un livre avant de l'avoir terminé, mais, en dix-huit mois, j'ai si souvent remis à la fin de la lecture pour finir par ne rien écrire du tout, que je me dis qu'un tiens vaut mieux que deux oiseaux dans le bosquet. Par ailleurs, dans le cas du livre de Hubert Antoine, il s'agit d'une suite de soixante introductions, et je postulerai donc, avec quelque légitimité, que c'est un ouvrage qui n'a pas de terme. (Pourtant, j'avouerai penaud que mon marque-pages est calé à la page 29.)

Ces remarques ne portent donc, pour être honnête, que sur les neuf premières "introductions". Ces remarques d'ailleurs risquent de faire long feu. Ces remarques ne sont que des marques (de mon désarroi).

Mon désarroi allait grandissant, tandis que je lisais, jeudi soir, les neuf premières "introductions" du livre de Hubert Antoine. Je n'ai pas, depuis, repris l'ouvrage, sauf pour feuilletter les trente premières pages. Mon désarroi est dû, je pense, à la tonalité foncièrement illogique des fragments. On devine des règles de composition, peut-être du même ordre que celles qui président à mes Xénides, ou, qui sait, à mes chers 721. (Que je vienne de regarder les Bleus prendre la pilée face aux Blacks ne doit pas être tenu pour avoir une quelconque influence sur ce billet.)

Mon désarroi ouvre-t-il la voie aux réticences ? J'écrirai pourtant.

J'écrivais donc que les textes brefs d'Introduction à tout autre chose (Verticales, 2006) donnent l'impression d'avoir été écrits soit selon une technique d'écriture proche de l'automatisme surréaliste (et l'épigraphe d'Achille Chavée n'entre pas modérément dans cette hypothèse), soit selon des principes de composition syntaxiques et lexicaux plus retors (c'est-à-dire plus ouvragés). Peut-être, évidemment, y a-t-il une combinaison des deux. Toujours est-il que je me surprends à admirer les ressorts de l'écriture dans ses formes les plus réduites (à l'échelle d'une phrase, voire d'un simple groupe nominal) et à ne rien saisir d'une "introduction" dans son ensemble (à part, tout de même, pour l'"Introduction des Etats-Unis", plutôt transparente dans sa signifiance).

Hubert Antoine sait fort bien écrire. J'en trouverais, à chaque page, dix exemples. Mais à quoi cela mène-t-il, rime-t-il ? Je n'en ai pas la moindre idée. Alors, dois-je m'en tenir à l'admiration muette de certaines phrases par moi isolées, comme

Couve un de ces moments où le cerveau gratte. (p. 21)

 

ou de certains paragraphes savamment construits, et très efficaces, comme

Je sens la nuit comme un coulis pour ceux qui n'ont rien à croquer. J'y crève d'angoisse, ce froid sans degré. j'ai beau essayer de forniquer quelques aveugles séduites par mon désintéressement, d'obscures pensées me font haïr la sauce béchamel. (p. 25)

 

?

(Oui, le signe de la fin est bien ? .)

08:50 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : Littérature

mercredi, 25 octobre 2006

Starps, du sport

    Souhaitant évoquer de nouveau Sprats, le petit texte (entre science-fiction et parabole kafkaïenne) de David Bessis, je dois toutefois ronger mon frein, car j'ai prêté mon exemplaire à un ami très cher, mais pourrais bien signaler que j'ai échangé quelques courriels courtois et instructifs avec l'auteur lui-même, qui ne manquera pas de tomber encore sur cette page-ci, vu qu'il se tient au courant de ce qui se publie sur la Toile par le truchement des alertes de Dame Google. (Il n'a pourtant pas dû lire l'acrostiche que je lui ai dédié, vu que son nom n'y apparaît pas de manière suivie !)

medium_sprats.jpg

Or, je suis tombé, dernièrement, dans le petit livre de R.L. Brett, Fancy and Imagination (Methuen, The Critical Idiom), sur le nom d'un théologien anglais du dix-septième siècle, Thomas Sprat, qui préconisait, dans son History of the Royal Society, un style éloigné des embellissements et des fioritures de l'époque élisabéthaine. Cela est patent dans la citation suivante, qui donne la mesure de ce qu'était, pour lui, la réussite des académiciens de la Société Royale :

They have therefore been most rigorous in putting in execution, the only Remedy, that can be found for this extravagance: and that has been, a constant Resolution, to reject all the amplifications, digressions, and swellings of style: to return back to the primitive purity, and shortness, when men deliver'd so many things, almost in an equal number of words. They have exacted from all their members, a close, naked, natural way of speaking; positive expressions; clear senses; a native easiness: bringing all things as near the Mathematical plainness, as they can: and preferring the language of Artizans, Countrymen, and Merchants, before that, of Wits, or Scholars. (Thomas Sprat. History of the Royal Society. Section XX: "Their manner of Discourse".)

 

Enflures, digressions, amplifications : voici une esthétique résolument tournée contre les poètes précieux et les écrivains baroques. Que sont donc, à cette aune, les tentacules du narrateur de Sprats ? Sprats est-il un livre qui s'interroge sur l'amputation des tentacules, comme Paulhan jadis sur l'arrachage des fleurs de Tarbes ? Que dire de la symétrie entre les onze lettres qui forment le nom de David Bessis (5+6) et les onze qui forment celui de Thomas Sprat (6+5) ? Irai-je un jour manger des toasts aux sprats à Onzain ? Et surtout, par quel miracle ai-je réussi à composer cette note dans le délai imparti (la durée de Paranoid android, par Brad Mehldau) ?

 

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Further reading :

16:24 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Littérature

vendredi, 06 octobre 2006

Morte l'éponge

    Territoire tropiques

foule désabusée qui se cherche un royaume

fantômes du néant que ramène un passé déjà déserté

vide de ses blessures

 

Fêlures de jadis,

le long desquelles s'ébattent les cormorans :

la longue vie comme un ruban

s'effiloche d'être gorgée.

 

La faim nous gagne marécage

où trempent nos idées reçues

Ce rêve n'aura pas de fin

dans le bourbier du fleuve mort De longue  vie

seule une trace 

06:19 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Poésie

jeudi, 28 septembre 2006

Difficile, III

    Vous m'assurez que la difficulté réside dans les sérigraphies et l'insuccès. Je vous certifie que ce qui me fait le plus de peine, c'est que les éditions Harpo& ne parviendront pas à poursuivre la publication de la collection "comme dix raies blanches". Rouge bouge, et la flamme d'une chandelle ne s'éteint jamais.

08:00 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Poésie, Littérature

lundi, 18 septembre 2006

Lu au Parc Zoologique de Beauval

CYCLISTES,

n'oubliez pas d'enlever votre écarte-narines

avant d'entrer dans la cage des rhinocéros !

 

14:31 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (3)

samedi, 02 septembre 2006

Le missel d'Astolphe Sijouvray

[Lire ce qui précède : I, II, III, IV]

   Je reposai le combiné de l'appareil téléphonique (à moins que ce ne fût l'inverse, dans la mesure où plus personne ne sait plus distinguer le combiné de l'appareil, ni le homard de l'écouteur, ni le cochon de son lard) sur son socle (???).

Je venais de m'entretenir pendant vingt minutes avec le commissaire Astolphe Sijouvray, qui, ayant eu vent de mon aventure (peut-être qu'une patrouille avait décelé l'odeur suspecte et caractéristique des munsters dans la rue où je réside et que mes activités de blogueur m'ont déjà fait repérer par les renseignements généraux), m'avait appris que l'hurluberlu à qui j'avais ouvert ma porte et dont j'avais accepté le présent alsacien ne se nommait en aucun cas Astolphe Sijouvray, étant donné que lui, le commissaire, n'avait pas d'homonyme (je veux bien vous croire, Monsieur le commissaire), qu'il s'agissait d'un imposteur (je veux bien vous croire, Monsieur le commissaire) qui sévissait depuis des lustres dans la cité (je veux bien vous croire, Monsieur le commissaire) mais que la police n'avait pu encore arrêter (silence de ma part) car il était "plus évanescent que la brise" (sic). Il m'avait également appris que les munsters n'étaient nullement empoisonnés et que je pouvais "les manger sur mes deux oreilles" (?).

Je repris dare-dare la confection de mes cartons d'invitation, et méditai l'information la plus importante de cette conversation téléphonique à bâtons rompus : la seule trace tangible que la police eût en sa possession était un missel entièrement couvert et rempli de griffonnages divers et indéchiffrables, que les experts les plus pointus dans le domaine des codes et hiéroglyphes n'étaient pas parvenus à traduire. Le commissaire Astolphe Sijouvray, convaincu que l'imposteur ne m'avait pas choisi par hasard, moi, l'auteur d'une thèse hallucinante sur les Maximes de Vauvenargues (écrite sans avoir lu le corpus) et de plusieurs ouvrages sur l'imposture en art, me demandait de prêter main forte aux enquêteurs, et affirmait qu'il en était de mon devoir de citoyen.

Je lui avais promis de passer le lendemain ; il m'avait fixé un rendez-vous à onze heures du matin. Quoique j'eusse insisté à plusieurs reprises pour savoir quel danger représentait l'imposteur qui prenait son nom, le commissaire refusa obstinément (et à la façon des diamantaires) de me répondre, se contentant de me répéter que nous parlerions de cela le lendemain.

Il me restait à imaginer le missel, ce dont, tout en contemplant les faces de plus en plus hâves d'Adolphe et d'Adjani, je fus loin de me priver, comme bien l'on s'en doute, et à faire taire mes doutes, qui ne cessaient de grandir au souvenir des idiosyncrasies de langage de mon interlocuteur.

 

01:50 Publié dans Les Murmures de Morminal | Lien permanent | Commentaires (2)